(Assemblée natioüale.| 491 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 mars 1791.J M. de Rochebrune. Je demande aux yeux de la justice que les interpellations qui doivent être faites aux personnes présentes à la barre, ou plutôt que les pièces sur lesquelles elles se fondent, leur soient délivrées, afin qu’elles aient à répondre catégoriquement à l’instant dans cette Assemblée ( Murmures ); et j’en fais la motion. Plusieurs membres : Aux voix la motion de M. Barnave. M. Arthur Dillon. J’ai demandé la parole pour m’opposer formellement à la demande de M. Barnave. J’ai été, et je le déclare d’avance, on doit s’en souvenir, j’ai été de l’avis du décret du 12 octobre. Je crois que l’Assemblée l’a rendu dans sa sagesse, qu’il était temps de le rendre ; que c’était peut-être le seul moyen de rétablir la paix dans la colonie de Saint-Domingue. Lorsque, malgré vos décrets, les personnes présentes à la barre se sont qualifiées de représentants de la colonie, j’ai encore été d’avis de ne pas les entendre; mais aujourd’hui qu’ils viennent ici comme citoyens français, comme cotons d’une de vos plus précieuses colonies, qu’ils viennent comme pétitionnaires à la barre, qu’ils ont pris un conseil, que ce conseil vous demande du temps, on élève un ridicule incident, sous prétexte {Murmures.)... Oui, Messieurs, je n’ai pas dit encore quelle sera mon opinion sur la question qui est soumise; mais ce sont des pétitionnaires qui ont pris le caractère qui leur convient, citoyens français de Saint-Domingue; qui ont pris un conseil que vos décrets accordent à tous les accusés même des crimes les plus haineux. Ils viennent, ils demaudentaudience; votre justice la leur accorde. L’Assemblée était disposée à attendre jusqu’à mardi prochain qu’ils exposassent leurs raisons; et alors on vous apporte quoi? Un imprimé. Mais l’Assemblée nationale prend-elle garde à tous les imprimés atroces qui se distribuent presque dans son enceinte? (Murmures.) Pourquoi voulez-vous, Messieurs, que les colons pétitionnaires qui se sont soumis à vos décrets soient plus maltraités que les gens qui habitent Paris, qui impriment les choses les plus atroces tous les jours, et sur lesquels vous n’avez pas voulu, ou peut-être vous n’avez pas jugé prudent de prononcer? Oui, Messieurs, des écrits atroces qui conseillent le meurtre et l’incendie, vous les passez sous silence tous les jours; et vous accueillez la dénonciation d'un imprimé. (Murmures.) Je n’approuve pas cet imprimé, je le réfuterai peut-être; mais je dis qu’il n’est pas de la dignité de l’Assemblée nationale de permettre, en présence de pétitionnaires qui se présentent avec soumission et avec respect, une telle infamie, une telle dénonciation. (Applaudissements.) Je dis que M. Leeouteulx a eu tort; qu’il aurait dû demander la parole quand ces messieurs auraient eu fini, et alors prier l’Assemblée d’ordonner à un de ses comités de lui rendre compte de cet imprimé, mais qu’il ne devait pas en parler. Je demande donc qu’on mette aux voix simplement la motion de renvoyer ces messieurs à mardi. M. Régnault. Je demande qu’on aille aux voix sur la motion de M. Barnave; et voici sur quoi je fonde mon opinion : c’est que si cette adresse est vraie, elle est capable de continuer et d’entretenir les troubles dans cette colonie. Je ne doute pas qu’elle ne soit faus e et que ces messieurs ne la désavouent. Je demande qu’on aille aux voix. M. de Gouy d’Arsy. Lesdéputés de la colonie de Saint-Domingue ne peuvent pas être suspects dans cette circonstance, puisqu’ils sont tous violemment inculpés dans cet écrit; mais je crois que lorsque plusieurs pétitionnaires réunis ont pris un parti ensemble et qu’ils ne peuvent parler individuellement à la barre, il serait injuste, il ne serait pas de votre dignité de les interpeller sans qu’ils aient eu le temps de se voir. Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. I�ecouteulx de Canteleu. Je ne m’oppose point à la motion de M. Barnave, mais je rétablis la mienne, sur laquelle j’insiste et je demande que ces messieurs veuillent bien éclairer l’Assemblée i le jour où vous les rappellerez à ia barre. M. Emmery. Les députés de la ci-devant assemblée de Saint-Domingue sont devant vous comme individus. Au milieu des excuses qu’ils vous présentent, ils vous demandent la liberté de surseoir jusqu’à une séance prochaine. Je crois que cette demande est juste ; je crois que votre justice ne l’éloignera pas non plus. M. Leeouteulx fait sur cette demande une observation que je crois sage, pourvu qu’elle soit modifiée comme il vient de ia résumer; mais on a fait une autre motion qui tend à changer la forme de sa proposition, et qui la rend alors inadoptable par une assemblée sage, juste et digne de donner des lois à un grand peuple. Ce n’est pas au milieu d’excuses présentées par des pétitionnaires, que l’on peut leur faire des interpellations. Quel est le juge, même le plus inique, qui refuserait à un accusé la com-munication d’une pièce qu’on lui oppose à l’instant et la faculté de consulter son conseil (Applaudissements.) sur la réponse qn’il a à faire? Il o’y a pas je crois de mesure plus juste que celle de décréter à la fois la continuation de la pétition à mardi, la communication, dans l’intervalle, de la pièce déposée sur votre bureau, et l’ordre aux pétitionnaires de s’expliquer d’une manière positive, mardi prochain, dans la suite de leur discours, sur l’aveu ou le désaveu de cette pièce. (Applaudissements au centre.) (Cette motion est mise aux voix.) Le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que les citoyens pétitionnaires, actuellement à la barre, seront admis à la séance de mardi soir 5 avril, pour reprendre la continuation de leurplaidoyer, et pour déclarer s’ils avouent ou désavouent'' l’écrit imprimé sous leur nom, et déposé sur le bureau, duquel l’Assemblée les autorise à prendre communication, s’ils le trouvent convenable. » Un membre du comité d' aliénation propose un déeret de vente de biens nationaux à diverses municipalités. Ce décret est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï son comité d’aliénation, déclare vendre aux municipalités ci-après, les biens nationaux évalués ou estimés, compris daus les soumissions desdites municipalités; et ce, aux charges, clauses et con- 492 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {31 mars 1791. J ditions portées par le décret du 14 mai 1790, savoir : Département de Maine-et-Loire. A la municipalité de Pui-set-Doré, pour ........ A celle de Montjean ..... A celle de Lire .......... A celle de Pommeraye. . . A celle de Saint-Martin-de Beau préau ......... A celle de Nantes ........ A celle de Vihiers ....... A celle de Concourson... A celle de Sai . tt-ELlier . . . A celle de Montilliers. . . . A celle de Luigné ....... A celle de Saint-Lambert-du-Lattoy ............. A celle de Baracé ....... A celle de Gouvs ........ A celle de Huillé ........ A celle de Sainte-Melaine. A celle de Meurs ........ A celle de Baigé ......... A celle de Corzé ......... A celle deMortagne ...... 55,754 1. s. d. 50,224 70,219 56,400 89,818 77,789 5 477,889 19 9 135,695 4 6 200,746 3 31,141 1 17,279 60,036 18 20,800 » » 28,545 » » 97,890 -» » 143,112 94,920 473,871 13,674 1 9 40,955 4 Département d'Indre-et-Loire. A la municipalité de Tours pour ......... 1,823,930 1.10 s. 9 d. « Le tout ainsi qu’il est plus au long détaillé aux décrets annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. » (Ce décret est adopté.) M. de Folleville. L'Assemblée a jugé à propos, ce matin, de décréter que 4 commissaires extraordinaires se transporteraient sur-le-champ aux archives nationales, à l’effet d’y vérifier la remise de toutes les formes, poinçons, matrices et autres ustensiles, ainsi que des papiers qui ont servi à la fabrication des 400 premiers millions d’assignats. Ges commissaires ayant rempli les intentions de l’Assemblée, ont cru que, pour assurer davantage l’exactitude avec laquelle on exécute ses décri ts et pour tranquilliser le publie, il était nécessaire et essentiel d’en faire dresser un procès-verbal dont je vais avoir l’honneur de faire lecture à l’Assemblée. « Le 31 mars 1791, à 11 heures du matin, nous, commissaires soussignés, nous étant transportés aux archives nationales en vertu du décret rendu à l’instant, pour y faire vérification et récolement des faits contenus aux procès-verbaux dressés par MM. les commissaires préposés à la fabrication des assignats, les 16 octobre, 17 et 31 décembre 1790, M. Camus nous a introduits dans les archives, où ayant fait ouverture d’une double armoire de fer, fermant à 4 clefs, il nous a montré : 1° une caisse dont ouverture faite, nous y avons trouvé les 5 formes destinées pour la fabrication du papier des 400 premiers millions d’assignats, déposées le 16 octobre ; 2° les 25 poinçons en acier, et autant de matrices en cuivre ; les 14 poinçons du sieur Lonhior, le tout vérifié et compté un à un ; les 100 planches de cuivre, gravées, dont 2 coupées, étant en 10 paquets de 10 chacun ; le tout mentionné au procès-verbal du 17 décembre 1790; 3° un volume relié, contenant les 6 mains de papier mentionnées au procès-verbal du 30 décembre de la même année, coté et paraphé sur chaque feuille; et après avoir vu et vérifié le tout, nous en avons dressé le présent procès-verbal. « Etant rentrés dans le cabinet des archives, M. Camus nous a représenté un registre couvert de parchemin vert, coté et paraphé à chaque feuillet, étant actuellement au 39° feuillet, verso , et contenant jour par jour les procès-verbaux d’entrée et de sortie, tant du papier venant de la fabrique pour passer à l’imprimerie, que des paquets d’assignats revenant de l’imprimerie pour passer à la caisse de l’extraordinaire", ledit registre tenu en exécution du décret du 4 novembre 1790, dûment signé et paraphé à chaque entrée et remise. « Fait aux archives nationales, les jour et an que dessus. » Signé : A. FOLLEVILLE, MARTINEAU, ESTOUR-mel, Bertereau et Camus. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée qu’elle voit que nous ne nous sommes pas bornés à constater ce qui concernait les quatre cents millions d’assignats; mais même que, cédant aux instances de M. Camus, nous avons regardé le registre qui contient le mouvement journalier de tous les papiers. J’ajouterai qu’en voyant les archives, on est enchanté de l’extrême propreté ( Rires et applaudissements) et de l’ordre qui y régnent, et que le grand coffre qui nous a été ouvert est véritablement un monument précieux de mécanisme qui, quand même il ne contiendrait pas des choses si importantes, serait encore un monument des arts. Je demande, en conséquence de la motion qui a été faite hier, et qui a excité quelque tumulte, que ceci qui en est le résultat, soit inséré au procès-verbal, comme je l’avais demandé hier. M. Fecouteulx de Canteleu. Je demande si le brûlement des assignats, fait en présence des commissaires, a été constaté par un procès-verbal, et si ce procès-verbal a été déposé aux archives. M. de Folleville. Je répondrai à M. Lecou-teulx que ces opérations ont été faites et sont constatées par les procès-verbaux, qui sont les pièces justificatives de la responsabilité de ceux qui en sont chargés. (L’Assemblée ordonne l’impression du procès-verbal présenté par M. de Folleville et en décrète l’insertion dans le procès-verbal de la séance de ce jour.) M. le Président lève la séance à neuf heures et demie.