210 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 29 Le représentant du peuple Brival réclame l’attention de la Convention nationale en faveur de la fille du représentant du peuple Beauvais, mort à Toulon [78] par suite des mauvais traitemens qu’il avoit essuyé de la part des Anglois. La Convention nationale, écrit-il a adopté la fille de Le Peletier; la fille du citoyen Beauvais attend la même justice. Il annonce qu’il lui a fait toucher provisoirement la somme de 1200 L, attendu que cette jeune personne est sans fortune et dénuée de tout secours. Renvoyé au comité des Secours (79). 30 L’agent national du district de Mauriac [Cantal] annonce à la Convention nationale que deux domaines d’émigrés, estimés, l’un 62290 L, l’autre 69997 L, ont été vendus, le premier 262 760 L et le second 272 965 L ; des lots estimés 3500 L, ont été vendus 25200 L; d’autres, estimés 1750 L, ont été vendus 20400 L, d’autres enfin, estimés 500 L, ont été vendus 1275 L. Insertion au bulletin et renvoi au comité des Finances, section de l’aliénation (80). 31 L’agent national du district de Tonnerre [Yonne] annonce à la Convention nationale qu’il a été fabriqué, dans ce district, 2067 livres de salpêtre dans une décade. Insertion au bulletin, renvoi à la commission des poudres et salpêtres (81). 32 Les administrateurs du district d’Autun [Saône-et-Loire] annoncent à la Convention nationale que déjà vingt trois adjudications de biens d’émigrés dont les excédens, sur les estimations, sont de 2073267 L, assurent à la République une indemnité qui s’élève à la somme de 3504170 L. Insertion au bulletin, renvoyé au comité des Finances, section de l’aliénation (82). (78) Le représentant du peuple Beauvais est mort à Montpellier. (79) P.-V., XL VIII, 113. (80) P.-V., XL VIII, 114. Bull, 16 brum. (81) P.-V., XLVIII, 114. Bull., 12 brum. (suppl.). (82) P.-V., XLVIII, 114. 33 L’agent national du district de Bourg-de-l’Égalité [ci-devant Bourg-la-Reine, Paris] annonce à la Convention nationale que les biens d’émigrés, vendus jusqu’à ce jour, présentent une division de 335 lots, qui n’ayant été estimés que 1 424 536 L 9 s 7 d, ont été vendus la somme de 2939460 L. Insertion au bulletin, renvoyé au comité des Finances (83). 34 Les citoyens composant la commune de Bordeaux [Bec-d’Ambès] présentent à la Convention une adresse tendante à obtenir le rapport du décret du 6 août. Insertion au bulletin, ainsi que de la réponse du président et renvoi au comité de Législation pour en faire le rapport le 11 brumaire (84). Une députation de la commune de Bordeaux est admise à la barre (85). L’orateur : Citoyens représentants, c’est avec l’assurance naturelle à des hommes auxquels la conscience ne reproche rien, c’est avec la confiance que vous savez si bien inspirer à tous les vrais patriotes, que nous aussi, las d’être les constantes victimes de l’intrigue et de la calomnie, nous venons prouver à la Convention nationale et à la France entière que nous sommes dignes d’être comptés au nombre des enfants de la patrie. Nous venons prouver que, si nous avons été un instant égarés du sentier révolutionnaire, nous n’avons jamais au moins cessé d’être les amis les plus sincères de la liberté et de l’égalité, de l’unité et de l’indivisibilité de la République. Patriotes ardents, nous saisîmes sans méfiance la coupe empoisonnée qui nous fut offerte par des hommes, aussi artificieux que pervers, et qui jusqu’alors avaient usurpé notre confiance. Ils le savaient bien, les scélérats, que pour nous entraîner dans leurs projets liberticides, il fallait nous présenter la liberté menacée, la Convention nationale entourée de poignards, réclamant de toutes parts les secours des vrais amis de la patrie... C’est ainsi qu’ils parvinrent à nous égarer; mais jamais nous ne fûmes criminels. Telle est contre nous la fatalité des circonstances, telle fut la profonde perfidie des (83) P.-V., XLVIII, 114. Bull., 16 brum. (suppl.). (84) P.-V., XLVIII, 114-115. Tallien, rapporteur du décret selon C* II 21, p. 19. (85) Moniteur, XXII, 387-388. Débats, n° 767, 572-573; Bull., 9 brum. ; J. Mont., n° 17 ; Rép., n° 40 ; J. Paris, n° 40 ; Ann. Patr., n° 668; Ann. R. F., n° 39; Mess. Soir, n° 804; J. Perlet, n° 767 ; J. Fr., n° 765 ; C. Eg., n° 803 ; F. de la Républ., n° 40; Gazette Fr., n” 1033; M. U., XLV, 156 et 195-196. SÉANCE DU 9 BRUMAIRE AN III (30 OCTOBRE 1794) - N° 34 211 hommes qui influencèrent notre opinion, que l’erreur même dont nous sollicitons aujourd’hui l’oubli prouve l’ardeur de notre patriotisme. Cependant le décret du 6 août comprime encore nos âmes..., et les calomniateurs en profitent pour cacher à la France nos voeux et nos efforts constamment dirigés vers le triomphe de la liberté. Ils voudraient éterniser la persécution et la destruction de nos concitoyens les plus patriotes ; l’idée du calme et du bonheur leur est insupportable, et ces ennemis irréconciliables des vertus ne peuvent vivre qu’au milieu des dilapidations et des larmes. Sous le règne des tyrans et des triumvirs, les vérités ont trop longtemps été comprimées ; nos sanglots eussent paru criminels : il fallait nous voir assassiner sans oser nous plaindre; mais aujourd’hui que la justice est triomphante, que les principes suivis par la Convention nationale nous rendent à la liberté, elles doivent paraître au grand jour ; il est temps enfin que vous les connaissiez. Nous avons toujours été patriotes ardents, et l’instant où nous cessions de le paraître était celui où nous pensions le mieux servir la patrie. Notre erreur bientôt dissipée, nous avons gémi sur les suites qu’elle pouvait avoir si elle eût été prolongée, et versé des larmes de repentir. Nous vîmes sans murmurer s’apprêter autour de nous les instruments de la mort, et plusieurs de nos frères, en montant à l’échafaud, n’ont témoigné d’autre regret que d’avoir été égarés et de ne pouvoir offrir une seconde vie à leur patrie. C’est nous, c’est nous-mêmes qui avons découvert, arrêté et livré à la juste sévérité des lois les lâches conspirateurs qui nous avaient entraînés dans l’abîme. Ils ne sont plus. Voilà nos réponses aux calomnies lancées contre nous; voilà nos titres pour réclamer le rapport du décret du 6 août. Nous le réclamons avec instance, et nous l’attendons avec confiance de la justice nationale. Si ce n’était assez pour prouver que nous en sommes dignes, nous dirions à ceux qui en douteraient encore : Soixante mille de nos fils ou de nos frères de ce département combattent glorieusement pour la liberté, soit sur les vaisseaux de la République, soit dans les armées, et ils ont autant de successeurs parmi nous qu’il y a de citoyens en état de porter les armes. Nous leur dirions : Nous avons compté pour rien les millions que nous avons déposés sur l’autel de la patrie; pourrait-elle ne pas nous compter au nombre de ses enfants les plus fidèles? Nous leur dirions enfin : Depuis plus d’un an nous souffrons de la faim, et nous n’avons pas murmuré un instant. Vive la Convention nationale ! vive la République une et indivisible. (. Suivent quatre-vingt-dix-neuf pages de signatures .) LE PRÉSIDENT : Citoyens, il n’est que trop vrai que des ennemis de la liberté, qui avaient conçu le projet de déchirer la patrie pour s’élever sur ses ruines, sont parvenus, par les manoeuvres les plus perfides, à égarer les habitants de la commune de Bordeaux; mais la Convention nationale sait que, si le peuple peut être un instant égaré, il revient bientôt dans le sentier de la liberté, et demande lui-même justice des traîtres qui l’ont égaré. La Convention nationale a mis la justice à l’ordre du jour. Elle sait distinguer l’erreur du crime, et elle saura concilier l’application de ses principes avec les mesures qu’exige le salut de la République. La Convention vous invite aux honneurs de la séance. PAGANEL (86) : Pendant le temps que mon collègue Garrau et moi sommes restés à Bordeaux, nous sûmes distinguer l’erreur du crime; nous nous sommes convaincus que des instigateurs avaient répandu dans cette ville un système destructeur de la liberté; mais les citoyens de Bordeaux et tous ceux du département du Bec-d’Ambès ont toujours été attachés à la révolution. Je convertis en motion la pétition qui vient de vous être faite, et je demande le rapport du décret du 6 août. GARNIER (de Saintes) : J’ai séjourné pendant quarante jours à Bordeaux; j’y ai étudié l’esprit du peuple, et j’ai vu répandre des larmes amères sur l’erreur où il avait été entraîné. La commune de Bordeaux a en sa faveur une excuse de plus que toutes les autres communes où le fédéralisme a fait des progrès : elle ignora pendant plusieurs mois tout ce qui se passait à Paris ; aucun papier, aucun bulletin n’y parvenait. On n’y recevait que des lettres des Girondins, que des courriers partis d’une lieue de Bordeaux prétendaient apporter de Paris, lettres dans lesquelles on ne cessait de dire que Paris présentait l’état le plus désastreux. C’est alors que la commune de Bordeaux se leva pour marcher contre les Parisiens ; mais c’était encore le patriotisme qui inspirait cette démarche, et la meilleure preuve qu’on en puisse donner, c’est qu’elle fut proposée par les patriotes les plus purs, par les hommes les plus ardents. J’ai été témoin que la société populaire était constamment entourée d’un peuple immense qui remplissait ses tribunes et environnait le lieu de ses séances. Le décret du 6 août fut rigoureux, mais il était nécessaire au temps où il fut rendu; aujourd’hui il est inutile ; il attriste les meilleurs citoyens du pays, et je crois que vous devez le rapporter. Vous le devez à leur civisme ; car il est bon de vous dire, citoyens, que le jour où l’on apprit à Bordeaux le zèle qu’avaient montré les citoyens d’une commune voisine pour venger la mort des braves marins qui montaient le Vengeur, il y eut dans la même soirée huit mille souscriptions de citoyens qui s’engageaient à combattre l’Angleterre. (86) Mess. Soir, n° 804 précise : « Paganel, Garnier (de Saintes) et Du Roy et plusieurs autres qui avoient gardé un profond silence sur les événemens qui ont eu lieu à Bordeaux, qui ont été les premiers à provoquer les mesures sévères contre cette cité... »