*334 [Assemblée nationale.] objet ; mais voici les réflexions qu’il m’a inspirées. L’Assemblée adéclaré, avecautant desagesse que de raison, la personne du roi inviolable et non responsable : mais je crois connaître assez ses principes pour être sûr qu’elle sentira que s’il y avait dans le royaume deux personnes non responsables, dès ce moment il y aurait deux rois. Or, si un régent, si un lieutenant général du royaume est responsable, comme je n’hésite pas à dire que je pense que cela doit être, il me semble que cette place, toute éminente qu’elle serait, devra toujours moins exciter l’ambition que la crainte. On se forme par l’usage, et les libellâtes ont senti l’absurdité de ce premier système ; ils ont essayé, dans un autre, de le faire disparaître à force d’atrocités. Voyons s’ils ont mieux réussi. Ils se sont aperçus que l’impossibilité évidente du roi, de la reine, du Dauphin, de Monsieur, traversant le royaume sans être aperçus, ôtait toute base à la calomnie, alors ils ont accumulé les meurtres, et m’ont frayé la route du trône a travers une foule d’assassinats. Mais comme ils n’ont pas pu y comprendre M. le comte d’Artois, ils n’ont pas hésité à supposer que la France le déclarerait, ainsi que ses enfants, inhabiles à succéder au trône. Ainsi calomniant une seconde fois la nation, ils ont pensé que les Français dépouilleraient de ses droits un prince devenu leur roi légitime, et pourquoi ? Parce que l’erreur, dont quelques courtisans l’ont entouré a duré plus que celle du reste de la France, et ces calomnia* teurs ne s’aperçoivent pas qu’ils me donnent, nécessairement, l’Assemblée nationale pour complice : car assurément on ne niera pas qu’un seul décret émané d’elle n’eût suffi pour anéantir de si criminelles prétentions : l’adnésion de toutes les parties du royaume aux décrets de l’Assem-j blée était déjà suffisamment connue. Et disons plus, cette adhésion méritée et obtenue par la raison et par la justice eût cessé dès le moment même où, par impossible, l’Assemblée eut porté cejugementinjuste. Les Français en changeant leur gouvernement, n’ont changé ni de sentiments, ni de caractère, et j’aime à croire que le prince, dont il est ici question, en fera lui-même l’heureuse épreuve. J’aime à croire que se rapprochant d’un roi qu’il chérit et dont il est si tendrement aimé, se rapprochant d’un peuple à l’affection duquel tant de qualités aimables lui donnent de si justes droits, ce prince reviendra jouir de la partie la plus précieuse de son héritage : l’amour que la nation la plus sensible et la plus aimante a voué aux descendants de Henri IV. Je n’avais pas besoin de ces réflexions pour ne laisser approcher de moi ni l’idée ni le soupçon de ces crimes odieux, mais je les ai employées pour confondre mes calomniateurs. Tandis que, par ces basses manœuvres, on cherchait en France à profiter de mon absence pourme faire perdre l'affection, des bons citoyens, je m’occupais à Londres des moyens de me rendre utile à mon pays, en préparant le succès de la négociation que le roi m’avait fait l'honneur de me confier. Différents événements, et particulièrement ceux qui ont, depuis quelque temps, entièrement changé la face des affaires publiques de l’Europe, ont opposé jusqu’ici des obstacles renouvelés aux efforts de mon zèle. Je saurai „ bientôt, je l’espère, si ces obstacles sont en effet invincibles, et alors je m’empresserai de me réunir à l’auguste Assemblée, dont j’ai l’honneur d’être membre, et de concourir avec elle à l’achève-, oient d’ une Constitution si désirable et si désirée. [7 juillet 1790.] Que si l’on demande encore quel est l’intérêt qui me guide ? je répondrai que ç’en est un le plus cher à mon cœur et dont je ne me départirai jamais : celui de vivre libre et heureux, au milieu de la France heureuse et libre ; enfin celui de voir la nation française jouir du degré de puissance, de gloire et de bonheur, que, depuis si longtemps, la nature lui destinait en vain. P. S. — En consignant dans cet écrit mes actions, mes sentiments et mes pensées, je n’avais d’autre projet que de déposer dans mes archives, pour mes enfants et pour mes amis, un exposé de ma conduite qui n’eût été défiguré ni par l’éloge, ni par la satyre. En lereiisant, j’ai jugé convenable de le rendre public, non pour répondre à de méprisables libelles, mais pour que les amis de la vérité et les bons citoyens n’aient pas à me reprocher d’avoir concouru, par mon silence, à l'erreur dans laquelle on a voulu, évidemment, les entraîner sur mon compte. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. C.-F. DE BONNAY. Séance du mercredi 7 juillet 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Regnaud {de Saint-Jean-d' Angèly), secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin dans lequel il est fait mention de la lettre lue par M. de la Touche au nom de M. Louis-Philippe d’Orléans. Plusieurs membres demandent que cette partie du procès-verbal soit supprimée. D'autres membres en réclament le maintien. M. de Digoine. Lorsque l’Assemblée a passé à l’ordre du jour, son usage constant a été de ne pas faire mention des faits dans son procès-verbal. Je demande qu’il ne soit pas fait d’exception pour M. d’Orléans. M. Chabroud. Il faut distinguer entre les affaires que l’Assemblée interrompt de prime-abord pour passer à l’ordre du jour et celles qu’elle a examinées et discutées avant d’y passer. Pour ces dernières, il doit eu rester trace dans le procès-verbal. M. d’André. J’appuie l’opinion de M. de Di-goine, parce que si l’Assemblée a entendu la lecture de la lettre de M. d’Orléans, elle n’en a pas délibéré et qu’elle s’est bornée à passer à l’ordre du jour. M. Regnaud, rédacteur du procès-verbal. Il s’agit d’une circonstance particulière, d’une circonstance importante dans l’opinion publique et qui peut même être un mouvement précieux à conserver pour l’histoire de notre Révolution. Il y a d’ailleurs un dépôt de pièces sur le bureau : il est impossible de le constater dans le procès-verbal. (I) Cette séance est incomplète au Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1790.] 735 M. Fréteau. Constater ce dépôt, ce serait consigner un faux dans les archives ; insérer au procès-verbal la remise des pièces sur le bureau, ce serait en supposer l’acceptation par l’Assemblée. Un dépôt ne peut s’effectuer que par le concours de la volonté de celui qui dépose et de celui qui reçoit : l’Assemblée, en passant à l’ordre du jour, n’a pas manifesté la volonté de recevoir le dépôt. Je propose d’exprimer ainsi le fait qu’il s’agit de rappeler dans le procès-verbal : « Un membre ayant présenté une demande, au nom d’un député absent, et ayant offert de déposer des pièces sur le bureau, l’Assemblée a décidé de passer à l’ordre du jour. » (Cette rédaction est adoptée par l’Assemblée.) M. l’abbé Dumouchel, recteur de V Université de Paris. L’approche de la fête la plus mémorable qui ait jamais été célébrée, l’ardeur d’une jeunesse qui a déjà manifesté ses sentiments patriotiques, nous ont invités à accélérer la distribution solennelle des prix. Nous avons cru que le jour où. la nation allait sceller le contrat immortel qui lui donne des droits à la reconnaissance de tous les peuples de l’univers, devait être noté dans le cœur de nos jeunes élèves par des circonstances particulières. — Ce serait un spectacle bien intéressant que celui où cette jeunesse pourrait recevoir sous vos yeux les récompenses qui lui sont distribuées à la fin de chaque année ! L’Université de Paris, par la nature de ses établissements, est l’école de la France entière : c’est à ce titre que nous vous supplions de venir couronner de vos mains des enfants de la patrie. Quel enthousiasme votre présence ne fera-t-elle pas naître dans ces jeunes cœurs, destinés à recueillir tous les fruits de vos travaux ! J’ai l’honneur de vous supplier de nommer une députation pour assister à la distribution solennelle des prix qui se fera lundi prochain dans les écoles de la Sorbonne. (L’Assemblée décide qu’une députation de vingt membres assistera à cette cérémonie.) M. le Président fait lecture d’une lettre par laquelle M. Rollin demande s’il peut continuer les poursuites, pour le payement d’une lettre de change, contre un membre de l'Assemblée nationale. M. Brio!» de Beaumetz. L’Assemblée ne peut pas soustraire à des poursuites légitimes un de ses membres qui a eu l’imprudence de s’y exposer; mais elle ne peut pas non plus permettre qu’il soit détenu en prison sans un jugement préalable. Ce principe tient à l’inviolabilité des membres de l’Assemblée nationale ; ce qui est moins leur privilège que celui delà nation. Je puis citer en exemple ce qui se passe au parlement d’Angleterre. Quelle est sur cela la rigidité de ses maximes? Il permet qu’un de ses membres accusé de félonie ou de haute trahison soit arrêté. Vous avez été plus favorable que lui, puisqu’un député de l’Assemblée nationale ne peut être constitué prisonnier sans un jugement préalable de l’Assemblée. Ne vous laissez pas entraîner par une indignation vertueuse, méfiez-vous de vos propres sentiments, et souvenez-vous que l’inviolabilité est ie privilège du peuple. M. Fréteau. On n’a pas parlé de l’exception de la main-mise et du flagrant délit. Quant au civil, le particulier qui réclame a rempli les formes en consultant l’Assemblée nationale. M. Popnlus, Quoi qu’on puisse dire de l’inviolabilité des membres de l’Assemblée nationale, je vois qu’elle doit être bornée aux opinions qu’ils profèrent dans cette Assemblée. Une fois sortis d’ici, nous rentrons dans la classe ordinaire des citoyens, et nous sommes comme eux soumis à toutes les lois. M. Camus. Si nous prétendons donner aux députés une sauvegarde pour ne pas payer leurs dettes, il faut que 1 Assemblée les paie pour eux. (On demande le renvoi au comité de Constitution.) M. l’abbé Colaud. de la Salcette. Nous n’avons pas besoin de l’avis du comité pour savoir si nous devons payer nos dettes. La discussion est fermée, et l’Assemblée rend le décret suivant: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la lettre que le sieur Rollin a adressée à son président, a décrété et décrète que son président est chargé de répondre au sieur Rollin, qu’elle trouve juste qu’il exerce contre son débiteur tous les droits et toutes les contraintes que lui assure la loi. » — Les anciens officiers municipaux de la ville d’Alençon font un don patriotique de 40 mille livres, provenant du capital de leurs anciens offices, qu’ils remettent à l’Etat. M. Merceret, curé de Fontaine-lès-Dijon. Vous connaissez la protestation d’une des parties de cette Assemblée ; je l’ai signée, et je viens déclarer que je renonce à cet acte de minorité. Si j’y ai accédé d’abord, j’assure avec loyauté que je n’y ai pas été poussé par l’intérêt personnel, je n’ai souffert en aucun cas des sacrifices qu’on a imposés au clergé ; je n’ai eu d’autre motif que de manifester mon vœu pour la religion de nos pères. J’ai cru joindre mon hommage à celui que l’Assemblée lui a rendu dans son décret. Mais puisqu’il existe des malveillants qui s’efforcent d’en tirer des inductions capables de fomenter des troubles désastreux, je dois leur enlever ce coupable prétexte. Je rétracte ma signature, et je supplie l’Assemblée nationale d’agréer cette rétractation d’un député fidèle à sa patrie. Je vois avec allégresse s’approcher le jour où nous n’allons former tous qu’un peuple de frères, et réunir nos forces pour le maintien de la Constitution. Mettons de côté les haines et les intérêts particuliers, pour donner l’exemple d’une vertueuse liberté. Puisse 1e nom français deveniràjamais célèbre partout où il y aura des hommes ! — Je demande que ma rétractation soit insérée dans le procès-verbal. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Régnant! (de Saint-Jean-d' Angêly), secrétaire, donne lecture du procès-verbal delà séance d'hier, mardi au soir. Ce procès-verbal est adopté. M. Dupont (de Nemours ), autre secrétaire , lit une note des différentes lettres patentes et proclamations expédiées sur divers décrets de l’Assemblée nationale. Expéditions en parchemin pour être déposées dans les archives de l'Assemblée nationale. « 1° D’une proclamation sur le décret de l’As-semblée nationale du 1er juin, portant que chaque