[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 0? Jivâsevan « 173 J I 2a décembre 1793 pour la subsistance des troupes éparses dans diverses communes pour y maintenir l’ordre; l’on y voit des municipalités arrêter même les vins, huiles et autres objets recueillis dans leur territoire, et portés par les propriétaires chez leurs voisins du département, sous prétexte qu’au retour l’on ne rapporte pas de grains; l’on y voit résulter, de toutes ces violations à la libre circulation des denrées, des rixes, des insurrections particulières; l’on y voit surtout le peuple et le pauvre vexés par cette gêne con¬ tinuelle du besoin de vendre et d’acheter, éta¬ blie par des suppôts cachés de cette affreuse conspiration ; l’on y voit enfin une commune plus riche, plus étendue, située sur une élévation, entourée de murs et de fortifications, établies par l’art et la nature r Saint-Flour, s’appeler le Fort-Cantal, nom odieux pour l’intérieur d’un territoire libre, qui rappelle le despotisme, la cupidité et la supériorité des riches fainéants sur le pauvre laborieux. On le voit réparer ses murs et ses portes, les fermer et animé de jalousie, d’ambition et de supériorité sur Aurillac, voter sa séparation de cette partie du département du Cantal connue par son patriotisme et son éner¬ gie révolutionnaire et agiter en tous sens dans les départements de la Lozère et de la Haute-Loire, pour les engager à demander leur sépara¬ tion et leur réunion à eux; on voit enfin son administration de district, autoriser dans son territoire toutes ces violations à la loi, et lorsque j’ai pris des mesures, dont j’ai instruit le comité de Salut public, pour arrêter les fils et la suite de tous ces grands complots contre la tranquillité publique, m’envoyer des commis¬ saires pour m’inviter à venir me concerter avec elle sur des propositions qu’ils ont à me faire. « Honoré de votre choix, de la confiance, par conséquent de celle du peuple, peu accou¬ tumé à laisser longtemps la dignité nationale compromise, et, en vertu des pouvoirs que vous m’avez confiés, à ne pas souffrir que le peuple soit davantage la victime de ses endormeurs, j’ai fait mettre la ville en état de guerre (sic) révolutionnaire; j’en ai fait prendre les postes et les portes, les armes et les canons. J’avais d’abord pris des mesures pour l’empêcher de se défendre, si elle en avait envie, et pour épargner le sang du peuple, qui ne peut et ne doit être victime des coupables, je vais continuer toutes les autres mesures, et détruire cette inquiétude sur les subsistances, rétablir leur confiance et la libre circulation, conformément à la loi sur le maximum. J’ai envoyé aussi dans le district de Tanargues, département de l’Ardèche, com¬ mune d’Auvans, oh le peuple est indigné de ce que la municipalité l’empêche de porter son vin où elle est habituée de le vendre; au district d ’Espdlion, département de l’Aveyron, et à Chaudes -Aigues, district de Saint-Flour, où les communes font des arrestations illégales, les murs, les postes, les grands clochers et les foi* tifications de ce nouveau Fort-Cantal vont s’écrouler, et le peuple de cette commune, vrai¬ ment bon et jaloux de sa révolution, en bénira la Convention, qui désormais lui ôtera toute inquiétude et toute jalousie de voisins, et les conspirateurs seront envoyés au tribunal révo¬ lutionnaire. « Je finis par intercéder (sic) la Convention nationale pour la justice qui est due au dépar¬ tement de la Lozère qui, au milieu de la famine, au milieu de tous ces complots, a résisté à l’influence des maehinateurs, les a dénoncés, a renoncé dans toutes ses parties à l’ exercice de tout culte public, et a brûlé toutes les figures et images de l’erreur et de la superstition dont il était partout environné, pour ne s’occuper que du culte de la raison et des lois. Oui, ce département, nourri dans le malheur, victime des scélérats qui l’ont choisi pour le théâtre de leurs complots contre-révolutionnaires, qui, sans ses habitants, eût fait une nouvelle Vendée, est réellement au sommet de la Montagne. Aussi demande-t-il votre décret pour changer de nom, et prendre celui de Hautes-Cévennes. « J’attends l’arrivée de Boisset pour retourner à Commune-Affranchie ou à l’armée des Alpes, en vertu du décret de la Convention nationale. Mais ma santé étant totalement épuisée et ne pouvant se remettre dans des climats aussi durs, en remplissant mes devoirs de représentant du peuple, ceux de travailler jour et nuit, je vous supplie de vouloir bien permettre que je me rende dans votre sein sitôt que les mesures prises pour ces départements, dans cette cir¬ constance, seront assurées. « Chateauneuf-Randon. » III. Lettre du représentant Garnier (de Saintes), chargé de la levée en masse dans la Manche et l’Orne, a la Conven¬ tion . nationale (1). Compte rendu du Bulletin de la Convention (2). Lettre chu, citoyen Garnier, représentant du Peuple, datée d’Alençon, le 29 frimaire. « Le succès de la journée du Mans est tel, citoyens collègues, qu’avec les 10,000 hommes qui nous arrivent aujourd’hui du Nord, nous avons tout lieu d’espérer que dans quinze jours nous serons entièrement débarrassés de cette horde exécrable de brigands. « Notre victoire leur coûte au moins 10, 000 hom¬ mes; car, dans 14 lieues de chemin, il ne se trouve pas une toise où il n’y ait un cadavre étendu. On nous amène ici les prisonniers par trentaines; dans trois heures on les juge, la qua¬ trième on les fusille, dans la crainte que ces pestiférés, trop accumulés dans cette ville, n’y laissent le germe de leur maladie épidémique. « J’ai chargé mon collègue Bissy, qui m’a rendu d’importants services, d’établir à Laval une Commission révolutionnaire provisoire, où tous les brigands pris dans le département de la Mayenne seraient jugés. (1) La lettre de Garnier (de Saintes) n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 2 nivôse an II; mais elle est insérée en entier dans le Bulletin de cette séance et dans les comptes rendus de la même séance publiés par les divers journaux de l’époque. (2) Bulletin de la Convention du 2e jour de la lre décade du 4e mois de l’an II (dimanche 22 dé¬ cembre 1793). Moniteur universel [n° 93 du 3 nivôse an II (lundi 23 décembre 1793), p. 375, col. 3]. Aulard ; Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salul public, t. 9, p. 529. Journal des Débats el des Décrets (nivôse an II, n“ 460, p. 21]. Archives du ministère de la guerre : armée des côtes de Brest, carton 5/14. 174 [Convention nationale.] « J’ai pris un arrêté (1) pour faire lever toutes les campagnes dans lesquelles tous ces coquins se disséminent et commettent toutes sortes de brigandages; je l’ai envoyé par courriers extraor¬ dinaires, il produit un excellent effet. On les chasse comme des bêtes fauves, et le nombre de ceux qu’on tue équivaut à ceux que l’on fait prisonniers. « Dans le second avantage que nous avons eu vers Craon, nous leur avons pris le reste de leurs canons; et si nous avons une fois écharpé leur cavalerie, ce qui ne tardera pas, le reste tombera bientôt sous les coups de la vengeance nationale. « Bourbotte m’a fait demander 2,000 paires de souliers, j’ai fait mettre sur-le-champ en réquisition tous ceux delà ville, et j’espère les lui fournir aujourd’hui. Je vais en faire autant dans les autres dis¬ tricts; car je présume que nos braves volon¬ taires du Nord auront les mêmes besoins. « Salut et fraternité, « Signé : Garnier (de Saintes ). » IV. Adresse par laquelle la Société populaire RÉGÉNÉRÉE ET JACOBITE D’EMBRUN REND COMPTE DES MESURES QU’ELLE A PRISES POUR COMBATTRE LE FANATISME ET LES DES¬ POTES COALISÉS (2). Suit le texte de cette adresse, d’après un docu¬ ment des Archives nationales (3). La Société populaire régénérée et jacobite d’Embrun, à la Convention nationale. « Dignes représentants d’un peuple libre, « Ce n’est pas assez pour les Jacobins sans-culottes d’Embrun d’avoir loué les mémorables journées des 31 mai et jours suivants, de vous avoir invités à rester à un poste où votre pré¬ sence est absolument nécessaire pour le salut de la République; ils ont dû encore, à l’exemple de tous les républicains de la France, seconder vos immortels travaux par tout ce qui était en leur pouvoir. « Nous vous dirons donc, législateurs, que notre terre n’est plus souillée par aucun ci-de¬ vant privilégié, et que l’ex-noble des départe¬ ments voisins qui a voulu se réfugier parmi nous a été expulsé aussitôt que reconnu. Les prêtres et leurs costumes ont disparu, et nous rendons à son premier maître l’or, l’argent, le cuivre et les ornements de nos ci-devant églises. (1) Nous n’avons pu retrouver cet arrêté. Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 529. (2) L’adresse de la Société populaire régénérée et jacobite d’Embrun n’est pas mentionnée au pro¬ cès-verbal de la séance du 2 nivôse an II; mais en marge de l’original qui existe aux Archives, on lit : « Insertion au Bulletin, le 2 nivôse an II (dimanche 22 décembre 1793, Bourdon (de l’Oise), secré¬ taire. » On trouve d’ailleurs un extrait de cette adresse dans le 2e Supplément du Bulletin de la séance du 3 nivôse (lundi 23 décembre 1793). (3) Archives nationales, carton G 287, . dossier 864. 2 nivôse an 11 22 décembre 1793 « La Société populaire de la commune d’Em¬ brun, qui compte à peine 3,000 âmes dans son enceinte, a monté, armé et équipé un jeune Cava¬ lier jacobin, pour aller combattre les despotes coalisés, ayant de reste à la disposition de la nation 410 livres que sa sœur, la Société popu¬ laire de Mont-Lyon, lui avait envoyées pour l’aider dans cette dépense. « Le Montagnard Beauchamp, représentant du peuple, que nous nous félicitons de possé¬ der dans le département, vous fera parvenir des bijoux en or et en argent, une somme de 649 livres en numéraire et de plus 3,030 livres en assignats que la Société d’Embrun a formée pour servir aux frais d’une descente en Angle¬ terre. Tous les jours un registre se remplit des noms de ceux qui viennent apporter des che¬ mises, des bas et des souliers pour nos braves défenseurs. Et des fonds considérables sont faits, au moyen desquels on a secouru et on sécourra provisoirement les orphelins, les veuves, les mères et les femmes qui pourraient souffrir pour avoir leurs parents aux frontières; et la Société envoie, toutes les décades, des apôtres de la liberté instruire les campagnes du vrai culte de la raison, lequel s’élèvera bientôt dans toute la République sur les débris du fanatisme. « Soyez sûrs, représentants, que les âpres frimas qui nous entourent ne peuvent nous empêcher de marcher aussi bien l’hiver que l’été au pas de charge dans le droit sentier de la Révolution, et que nous soutiendrons toujours ce pas afin de nous rendre dignes d’arriver bien¬ tôt à la cime de cette vénérable Montagne d’où est partie la foudre qui a écrasé les cou¬ pables et les révoltés. « Embrun, décadi 20 frimaire an II de la République française, une et indivisible et le 1er de la mort du tyran. « Fantin, président; Chevalier-Reinoard; Savine. » Discours prononcé par le président de la Société populaire d’Embrun, sur la place de la Liberté et à la tribune des Jacobins, le jour de la fête nationale du décadi 20 frimaire, Van II de la République française, une et indivisible. Frères et amis, La philosophie cherchait depuis longtemps à soulever l’épais rideau qui cachait le bonheur des peuples; la Convention nationale l’a déchiré d’une main hardie, et, foulant sous ses pas de géant les antiques préjugés qu’une longue suite d’erreurs avait entassés sur nos têtes', elle nous a conduits aux grandes destinées que nous pré¬ para la nature. La superstition et le fanatisme, écrasés sous leAdébris sanglants d’un trône impie, ont fait places à la saine raison; le Français libre a reconnu que ces fêtes religieuses ridiculeuse-mentSamoncelées dans ses vieilles légendes, ne furent imaginées que pour assurer l’esclavage de ses pères, en entravant l’agriculture, le commerce et les arts. Cette longue litanie a disparu du nouveau calendrier, tous nos jours appartiennent à la patrie, et si l’almanach des sans-culottes présente encore quelques jours de repos, ils sont marqués par des fêtes nationales destinées à alimenter et perpétuer les progrès de notre régénération civique. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.