SÉANCE DU 1er FRIMAIRE AN III (21 NOVEMBRE 1794) - N° 21 25 rieusement des loix à la République ; par ses correspondances, par ses nombreuses affiliations, elle avoit trouvé le secret de s’emparer de toutes les administrations, de les peupler d’individus entièrement à sa disposition, pour mieux multiplier ses moyens de desordre et d’anarchie, et nous reconduire plus promptement au despotisme ; les dangers de la république croissoient en proportion des pouvoirs de cette secte conspi-rative. Ses chefs étoient autant d’Omar du dernier Mahomet : formés à son école, ils avoient hérité et de ses fureurs et de sa perfidie ; ils vouloient couvrir la France de seïde en fanatisant les cytoyens, ou semant par tout la terreur et la proscription : Citoyens Législateurs, vous avez vu le précipice, votre sage decret du 22 brumaire l’a comblé. D’où sont sortis tous les maux qui depuis plusieurs mois ont désolé la république ? n’est-ce pas de ce foyer de contre-révolution ? D’où sont sortis les grands conspirateurs ? Ces derniers tirans qui ont couvert la france de sang et de deuil ? n’est-ce pas de ce foyer de contre-révolution ? où ont-ils trouvé des deffenseurs et des amis ? n’est-ce pas dans ce foyer de contre-révolution ? Législateurs, le glaive de la loi les a frapés mais la tirannie n’en existoit pas moins après eux. C’étoit l’hydre de l’Erne, n’en abbatre qu’une seule tête, elle renaisoit sur le champ : nouvel hercule, vous les avés tous abbatu du même coup ; c’est la une des victoires les plus signalés, sur les despotes coalisés, vous avez détruit, renversé leur dernier espoir, vous avez rendu en même temps au vrai patriote, son courage et son énergie au peuple sa dignité, aux sociétés populaires tout leur caractère en les purgeant du venin qui les infestoient. Tous les cytoyens renaissent, Législateurs, parmi ceux qui compo-soient ce rassemblement, nous aimons à nous le persuader, il s’y trouvoit beaucoup d’individus séduits égarés, mais le prestige une fois détruit, ils n’en deviendront que plus zélés deffenseurs de cette liberté, qu’auparavant ils outragoient. La section de la Montagne dans sa séance d’hier, une des plus nombreuses qui se soit tenue depuis long-temps a unaniment applaudi à votre energie, elle a arreté de se rendre dans votre sein, pour vous en témoigner sa joie, elle renouvelle le serment de deffendre de tous ses moyens la représentation nationale, de combattre la tirannie, sous quelque masque et dans quelque lieu qu’elle se présente. Vive la République, vive la Convention. LE PRÉSIDENT (70) : La Convention maintiendra les sociétés populaires, qui sont garanties par la constitution, avec le même courage qui a fermé la Société des Jacobins, cette Société qui a rendu jadis à la patrie des services qui lui mériteront des pages honorables dans l’histoire, mais qui, depuis le 9 thermidor, n’était plus que la fosse aux lions. ( Applaudissements redoublés.) La Convention aura les yeux fixés sur le bonheur du peuple ; elle enterrera les animaux féroces dans leur repaire. (Applaudissements.) (70) Moniteur, XXII, 556. Bull., 2 frim.; J. Fr., n° 787; M.U., n° 1349. j [La section de Brutus à la Convention nationale, Paris, le 30 brumaire an III] (71) Représentans du peuple français ! Il appartient à un peuple libre d’emettre son voeu avec franchise et fermeté. C’est surtout dans le sein de sa représentation qu’il doit épancher ses craintes et ses allarmes. Vous voyez devant vous des hommes libres. Ils vous parleront sans crainte le langage de la vérité. Législateurs ! depuis la fondation de la République plusieurs factions se sont elevées pour en renverser l’edifice naissant. Mais la vertu du peuple et le grand caractère déployé par la Convention nationale les ont alternativement abattues. De toutes les factions celle qui menace le plus la liberté publique ; celle dont les suites malheureuses furent incalculables, celle qui porta les coups les plus sensibles au corps social, est sans doute la faction Robespierre. L’ignorance et la corruption tels étaient les uniques idoles. De nombreuses bastilles s’élevaient sur tous les points de la République. La mort moissonnait sur l’échaffaud des milliers de victimes. Le commerce était proscrit ; l’agriculture méprisée, les sciences et les arts gémissaient sous la verge de la tyrannie ; la vertu était un moyen de contre-révolution. Nuit du 9 au 10 thermidor ! nuit à jamais mémorable ! tu vivras dans le Panthéon de l’histoire ! nos derniers neveux célébreront ta mémoire ! si un ambitieux projettait encore l’asservissement de son pays, ils se ressouviendront de toi et le tyran sera abattu. Mais, Représentans du Peuple, nous vous le disons avec franchise ! votre ouvrage est imparfait ! vous avez a la vérité terrassé le tyran, mais ses complices existent encore ! ils ne sont pas tous tombés sous la massue nationale. La faction des hommes de sang n’a pu voir avec indifférence le triomphe des principes et de la vertu. Aussi s’est-elle agitée en tout sens pour faire revivre le terrorisme. Elle s’est coalisée avec tous les crimes pour egarer l’opinion publique, pour la tenir dans une fluctuation perpétuelle ; alimenter l’anarchie et secouer le brandon de la guerre civile. Mais les continuateurs sont connus, l’indignation publique les a signalés, la france entière réclame a grands cris leur juste châtiment, leurs efforts seront vains ! le peuple restera fidèle a la représentation nationale, le peuple n’aime pas plus les crimes des uns que les formes acerbes des autres. Quels sont, Représentans, quels sont les ressorts secrets que les oppresseurs ont fait mouvoir pour opérer la désorganisation du corps social ? (71) C 328, pl. 1453, p. 9 avec les signatures de L. DupÉRON, Ch. F Rambourg, Le Heurteux, rédacteurs, Boisson dit QUERCY, chef de brigade, CHOCQUET commissaire de police et 59 autres signatures. Moniteur, XXII, 597-598; Bull., 1er frim.; Rép., n° 62; Ann. Patr., n° 690; F. de la Républ., n° 62; J. Fr., n° 787; Gazette Fr., n° 1054; M.U., n° 1350; Mess. Soir, n° 826; J. Paris, n° 62; J. Perlet, n° 789.