[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 457 COMPTES RENDUS Par M. le marquis (I I SIOI IUII L Député de la noblesse du Cambrésis (département du Nord) à l’Assemblée nationale A SES COMMETTANTS Jer COMPTE RENDU Le 20 juin 1790. Messieurs, Lorsque vous m’avez confié l’honorable mission de représenter la noblesse du Cambrésis aux Etats généraux, où elle n’avait jamais siégé, le Cambrésis n’étant réuni à la France que depuis 1677, vous ne doutiez pas que la volonté du roi, en convoquant, après 175 ans d’interruption, les Etats généraux de son royaume, ne fût d’établir la plus juste répartition des impôts , en conservant des égards à cette portion de la noblesse qui cultive elle-même ses champs , et qui souvent , après avoir supporté les fatigues de la guerre , après avoir servi le roi dans ses armées , vient encore servir VÉtat, en donnant l’exemple d'une vie simple et laborieuse , et en honorant , par ses occupations, les travaux de l’agriculture (1). Vous saviez que son intention était de conserver les prérogatives seigneuriales et honorifiques qui, distinguant les deux premiers ordres dans leurs propriétés et dans leurs personnes , sont une propriété aussi respectable qu’une autre, d’autant que plusieurs d’entre elles tiennent à l’essence de la monarchie (2). Vous aviez envisagé que le sacrifice de tout intérêt pécuniaire et la soumission à la répartition la plus égale des impositions devaient être la base des instructions que vous me donniez, et vous m’aviez chargé de me borner à demander la conservation et le maintien des constitutions et privilèges de la province stipulés et jurés par nos rois (3). (1) Rapport fait au roi dans son conseil par le ministre de ses finances, le 28 décembre 1788, pag. 22. (2) Rapport fait au roi dans son conseil par le ministre de ses finances, le 27 décembre 1788, pag. 18. (3) Cahier de la noblesse du Cambrésis, art. VII. Jaloux de répondre à votre confiance, et de prouver que j’en étais digne, tant à ceux d’entre vous, Messieurs, qui jusque-là avaient été exclu» sivement appelés à l’administration de la province, qu’à ceux qui, par un ancien usage, confirmé par un règlement fait par le roi en 1786, s’en trouvaient exclus, et qui cependant avaient (sur mes observations) retiré du cahier l’article qu’ils avaient proposé, pour que dorénavant tous les nobles fussent admis à l’assemblée générale des Etats de la province; je n’ai laissé échapper aucune occasion de faire consigner dans l’Assemblée des représentants de la nation les vœux que vous m’aviez chargé d’y transmettre. L’article VI de votre cahier me prescrivant de demander que, dans toutes les délibérations, les voix fussent comptées par ordre et non par tête, j’en ai fait la déclaration le 2 juillet 1789, la noblesse étant réunie, et elle est consignée dans le procès-verbal des séances de la Chambre de la noblesse (1). (1) Procès-verbal des séances de la noblesse, p. 352. La noblesse réunie à l’assemblée du bailliage des Etats généraux de Cambrai et du Cambrésis, en vertu des anciens règlements rendus par les rois d’Espagne, confirmés par la capitulation faite avec le roi Louis XIV, lorsque le Cambrésis s’est soumis à son Empire, que celle non admise aux Etats généraux de ladite province, ayant chargé son député de demander qu’il soit déclaré que les Assemblées nationales seront et demeureront composées des trois ordres distingués entre eux, et que, dans toutes les délibérations, les voix seront comptées par ordre et non par tête. Je déclare que tel est le vœu dont je suis chargé, et remets le présent acte de ma déclaration sur le bureau de l’ordre de la noblesse, et demande qu’il m’en soit donné expédition en forme par les secrétaires dudit ordre. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 458 [Assemblée nationale.] J’ai en même temps supplié le roi de vous faire assembler pour avoir l’émission de votre vœu sur la vérification des pouvoirs. Vous m’avez, par votre déclaration du 14 juillet, autorisé à faire vérifier, aussitôt que faire se pourrait, mes pouvoirs, conformément au vœu national, pour que rien ne retardât les vues salutaires du roi , et à opiner par tète, tant et aussi longtemps que les trois ordres seraient réunis, et que le bien de l’État le demanderait ; vous avez ordonné que la copie de cette délibération fût envoyée aux députés, tant du clergé que du tiers état de la province de Cambrésis. Par une délibération du même jour, après avoir pris en considération les articles 18, 19,20, 21, 22 et 23 de la déclaration du roi du 23 juin 1789, concernant la tenue des Etats généraux, par lesquels sa Majesté remet auxdits Etats généraux de lui faire connaître les dispositions de justice et de sagesse qu’il est convenable d’adopter pour établir un ordre fixe dans l'administration des provinces, vous avez arrêté, que le seigneur roi serait très humblement supplié, lorsqu’il serait question de statuer sur le régime et la Constitution des Etats de Cambrai et du Cambrésis, d’assembler la noblesse desdites ville et province, dans la forme qu’elle l’avait été par la lettre du roi du 27 avril 1789, pour la convocation aux Etats généraux du royaume , pour donner à Sa Majesté les mémoires nécessaires à ce sujet; qu'en conséquence je ne pourrais donner aucun vœu, n'ayant ni pouvoir, ni mission à cet égard. Fidèle à transmettre les intentions que vous m’aviez chargé d’exprimer, je n’ai pris part à la séance du mardi 4 août au soir 1789, qu’en annonçant que les trois ordres de la province du Cambrésis, soumis dans tous les temps à une contribution aux impôts entièrement égale entre eux, ne pouvaient qu’acquiescer de nouveau aux vues de justice de l’Assemblée, relativement à cette égale répartition (1), sous la réserve des serments et mandats. Dans la séance du lundi au soir 12 octobre 1789, j’ai dénoncé, de concert avec mes collègues, une lettre supposée, signée de l'abbé Renoux, et datée de Cambrai, contenant une offre de 300,000 livres, provenant de la vente des biens de l’Aumône-Jouart, plus une rente de 20,000 francs ; et j’ai mis sous les yeux de l’Assemblée le désaveu formel de M. Renoux, et celui de M. l’archevêque de Cambrai, consignés dans deux lettres qui m’étaient adressées. L’Assemblée a décrété que les députés du Cambrésis seraient autorisés à retirer la lettre supposée, sans récépissé (2). Dans la séance du samedi 31 octobre 1789, où il était question de délibérer sur la propriété des biens ecclésiastiques, j’ai proposé que la question fût ajournée jusqu’après l’organisation des assemblées provinciales; je croyais et je crois encore qu’il était indispensable d’avoir le vœu des provinces sur une disposition aussi importante, et que l’Assemblée nationale ayant décrété qu’elle ne voulait plus reconnaître d’ordres (3) et que les provinces ne pouvaient plus s’assembler suivant l’ancienne forme (4), il fallait attendre qu’elles pussent être représentées par une assemblée légalement formée, telle que celle des départements, (1) Procès-verbal de la séance du mardi 4 août au soir 1789, page 34 et 40 bis, n° 98. (2) Procès-verbal du 2 octobre 1889, page 9 et 10. (31 Décret du 26 octobre 1790. (4) Décret dudit jour. où les citoyens de toutes les classes concourraient à exprimer un vœu manime (1). Le 2 novembre, lorsqu’il fut proposé de décréter que les biens ecclésiastiques seraient à la disposition de la nation, j’ai demandé qu’il y fût ajouté : sous la surveillance et l’instruction des provinces (2). J’ai proposé, le 9 novembre, un amendement concernant la nomination aux abbayes régulières des provinces belges, dont l’objet était de maintenir une forme très avantageuse au Cambrésis, puisqu’il est démontré que les abbés réguliers consomment dans la province le revenu qu’ils en tirent; cet amendement, qui m’était prescrit par l’article 2 de vos instructions, a été rejeté (3). Dans la séance du jeudi 10 décembre, j’ai réclamé, d’après l’article 7 de votre cahier, une exception à l’abolition des droits de nomination des places de municipalité en faveur de M. l’archevêque de Cambrai, qui est en possession de nommer la moitié des échevinsde Cambrai. L’Assemblée n’a eu aucun égard à cette réclamation (4). J’ai déclaré le 15 janvier 1790, lors de la lecture du décret final sur la formation des départements, que j’étais chargé (5) de demander la conservation de la province; l’Assemblée n’a eu aucun égard à un q pareille réclamation. Pénétré du principe que la capitulation accordée par Louis XIV à Cambrai et au Cambrésis, le 25 avril 1667, était la base de l’article 7 de votre cahier, et ne pouvant obtenir fa confirmation des articles 34, 47 et 48 (6) de ladite capitulation, j’ai cru devoir me conformer à la réclamation qui m’était adressée, et à mes collègues, par les anciens officiers municipaux de Cambrai. J’ai demandé, dans la séance du mardi 19 janvier au soir 1790, que le mode de remboursement des officiers municipaux de Cambrai fût décrété, pour que les officiers qui se trouvaient déchus de leurs fouciions par le décret du 28 décembre 1789, qui constitue les nouvelles municipalités, ne languissent pas après le remboursement de leurs finances. L’ajournement a été proposé et décrété (7). (1) Voyez mon opinion à la séance du 30 octobre 1789. (2) Procès-verbal de la séance du lundi 2 novembre 1789, page 2 et 4, n° 114. (3) Procès-verbal de la séance du lundi 9 novembre 1789, page et n° 120. (4) Séance du jeudi 9 décembre 1789 au matin, page 12, n° 121. (5) Procès-verbal de la séance du vendredi 15 janvier 1790, page 10 n° 17S. (6) Art. 34. Que ne seront établis dans ladite ville, pays et comité, aucuns autres conseils sièges de justice et police, que ceux y étant, ni pour les droits d’entrée et sortie, sur toutes sortes de marchandises. Il en sera comme il s'est pratiqué et se pratique dans les villes de Lille et de Tournay. » Art. 47. Que ceux du magistrat qui se trouvent présentement créés et établis en nombre de quatorze seront continués dans leurs charges de magistrature le temps et le terme ordinaire. Sa Majesté le trouve bon, pourvu qu’ils le méritent par leur bonne conduite. » Art. 48. Que les prévôts, conseillers-pensionnaires, greffiers, receveurs, collecteurs, et autres officiers ayant charge en ladite magistrature et dépendance, seront conservés en leurs états et offices, ainsi qu’il a toujours été fait, avec les mêmes droits, privilèges et émoluments dont ils ont joui et jouissent présentement, et la disposition à qui il appartient. Sa Majesté l'accorde à la condition que dessus. » (7) Procès-verbal de la séance du mardi au soir, 49 janvier 1790, page 16, n° 178. [Assembléo nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 4«0 Dans la séance du 12 février 1790, où il avait été arrêté que l’Assemblée ne se séparerait pas le lendemain sans avoir porté un décret sur la question conçue en ces termes : Les ordres religieux seront-ils abolis? Y aura-t-il des exceptions ? J’ai déclaré que j’étais chargé de demander (1) qu’à la mutation des abbés réguliers de la province dans laquelle la commonde n’a pas lieu, les pensions sur les abbayes fussent appliquées par préférence aux ecclésiastiques du Gambrésis, et que, dans aucun cas, la commende ne put être introduite dans cette province, môme en faveur des cardinaux (2). J’ai demandé, le 10 mars 1790, conformément aux artic'es 30 et 32 de votre cahier, qu’aux articles décrétés déjà en faveur de la liberté du commerce, il en fût ajouté deux: l’un général, pour ordonner que les marchés fussent libres, de manière qu’on pùt, lorsqu’on aurait porté des grains, les remporter s’ils n’étaient pas vendus ; l’autre particulier, pour que les négociants et les bateliers de la province pussent charger toute espèce de marchandises à Coudé et même dans les Pays-Bas, sans être soumis à aucun péage pour la navigation sur les rivières et les canaux de ces provinces (3). Cette réclamation a été renvoyée au comité de commerce. L’Assemblée nationale ayant décrété le 17 mars que les liions domaniaux et ecclésiastiques, dont la vente a été décrétée le 19 décembre jusqu’à la concurrence de 400 millions, lussent incessamment vendus à la municipalité de Paris et aux autres municipalités du royaume auxquelles il pourrait convenir d’en faire l’acquisition ; il a été proposé, par amendement, d’ajouter, après le mot municipalité , ces mots : dûment autorisées par les départements. J’ai demandé qu’il fut ajouté, le tout , sous la surveillance et d’après les instructions des assemblées de département , conformément au décret dis 2 novembre. L’Assemblée s’est refusée à adopter l’un et l’autre (4). Touché de ces difficultés locales que l’application du décret du 28 décembre éprouve dans le Cambrésis, relativement aux clauses voulues par la coutume, j’ai demandé dans la séance du 18 mars, que le comité de Constitution fût chargé de présenter un projet de décret qui levât ces diflicultés ; l’Assemblée l’a ordonné (5). Depuis, je n’en ai pas sollicité la présentation parce que j’ai été instruit que deux des anciens éche-vinsà Cambrai, et dans le Cambrésis les anciens mayeurs et gens de loi, recevaient les oeuvres de loi. J’ai exposé, dans la séance du 9 avril, que plusieurs municipalités s’opposaient à ce que les seigneurs-voyers lissent abattre et enlever les arbres plantés le long des chemins, sur les places publiques, flegards et warechaix ; et comme cet objet était important, surtout dans les provinces qui manquent de bois, telles que le Cambrésis et la Picardie, j’ai demandé que les comités d’agriculture et de féodalité se concertassent ensemble pour proposer, sous huitaine, 11] Art. 29 du cahier de la noblesse du Cambrésis. (2) Proces-verbal do la séanco du 12 février 1790, n* 200, page 3. (3) Procos-vorbal du 10 mars 1790, ir 223, page 2. (4) Proces-verbal do la séance du mercredi 17 mars 1190, n“ 252, page 6. (5) Procès-verbal ide la séance du 18 mars 1790, H' 233, page H. un décret, ce qui a été ordonné (1). Je n’ai pas insisté depuis pour que le projet de décret fût soumis à l’Assemblée ; j’ai pensé que, pour le moment, la délibération du comité de féodalité du 20 mars 1790 était suffisante pour arrêter les désordres. Dans la séance du 12 avril, d’après l’article 7 de vos instructions, j’ai fait lecture de l’article 1er de la capitulation de Cambrai, par lequel il était demandé que la foi catholique, apostolique et romaine soit regardée, observée et maintenue dans toute l'étendue de la ville, banlieue, pays de Cambrésis, terres y enclavées et lesautres lieux du diocèse, sans y permettre, en aucune manière, la liberté de conscience et prêche, soit secrète ou publique, ni aucune construction de temple; et de la réponse de Louis XIV qui accordait le contenu en cet article, comme il a élé fait à Lille et dans les autres places conquises par Sa Majesté en Flandre. J’ai consigné à la lin de mon opinion que mon vœu, tant en votre nom qu’au mien, était que la religion catholique, apostolique et romaine fût la religion dominante de l’Etat; on m’a refusé d’insérer cette déclaration dans le procès-verbal, et on y a exprimé simplement que des membres avaient demandé la réserve des traités faits dans différentes parties du royaume où il existe des non-caiholiques. Le 14 avril, lorsqu’il fut proposé de décréter que la totalité des biens ecclésiastiques serait mise en vente, j’ai encore renouvelé ma demande de la surveillance et instruction des provinces, en appuyant la proposition faite qu il fut délivré aux assemblées de département 200 millions de biens-fonds au delà des 400 dont l’aliénation avait été décrétée les 19 et 21 décembre 1789. Cette proposition a été rejetée, et le procès-verbal porte simplement que l’Assemblée a décidé qu’il n’y avait lieu à délibérer sur divers amendements (2). Convaincu, d’après les articles 10, 11 et 19 de vos instructions, que votre vœu était que les Etats généraux pourvussent, suivant leur sagesse et leur prudence, aux moyens extraordinaires auxquels les circonstances d’une guerre imprévue forceraient à recourir, j’avais pensé qu'il était de la dignité de la monarchie française >> que le roi eût le droit de faire la guerre et la paix avec le concours de la nation, sans laquelle il ne pouvait continuer la guerre, puisque d’elle ou de ses représentants dépendaient les subsides pour la faire, et que les fonds faits pour l’entretien des troupes de terre et de mer sur le pied de paix étaient constamment insuffisants pour le pieu de guerre; c’est ce qui a déterminé l’opinion que j'ai prononcée dans la séance du 22 mai 1790. Persuadé que la perception de tous les impôts dans la forme sous laquelle ils sont perçus doit subsister jusqu’à l’organisation de ceux qui y seront substitués par un décret de l’Assemblée nationale, j’ai rédigé avec mes collègues une lettre circulaire qui a été envoyée à toutes les municipalités, tant du Cambrésis que des villages qui se trouvent cédés aux districts voisins. Cetle lettre n’ayant pas arrêté les pétitions de quelques citoyens de Cambrai, j’ai adhéré au décret rendu le 21 mai 1790. La proposition faite à la séance du samedi (1) Procès-verbal de la séance du 9 avril 1790, n° 234, pages 8 et 9. (2) Procos-vorbal do la séance du morcredi 14 avril 1790, n° 239, page 4. 460 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 19 juin au soir, de décréter que la noblesse n’était plus héréditaire, m’a paru l’infraction la plus forte à la propriété et à l’article 19 de la capitulation de Cambrai (1). J’ai en conséquence remis au président une déclaration signée de moi, contenant que la noblesse du Cambrésis, sacrifiant tout intérêt pécuniaire, et se soumettant volontiers à la répartition la plus égale des impositions, se bornait à demander la conservation et le maintien des constitutions et privilèges de la province, stipulés et jurés par nos rois. J’avais demandé la parole pour établir qu’en Cambrésis les titres assis sur des terres sont ou des titres de coutume, ou des titres d’érection accordés par les rois d’Espagne ; qu’il y a aussi des titres personnels accordés aux familles sans être assis sur la glèbe, transmissibles des pères aux enfants par des diplômes émanés des souverains, registrés ou vérifiés dans les tribunaux ; je n’ai pu obtenir d’être écouté, on a refusé d’insérer ma réclamation dans le procès-verbal. Dans cette circonstance, je me suis dit que, s’il n'est pas toujours possible de faire tout le bien qu’on veut, il est au moins du devoir d’une âme honnête d’empêcher le mal de se propager; en conséquence, intimement convaincu qu’il n’est pas au pouvoir de l’Assemblée nationale d’annihiler la noblesse , dont les sentiments pour la monarchie sont encore plus indélébiles que ses titres; la noblesse, dont la plus ancienne comme la plus belle prérogative est de verser son sang pour la défense du roi et de la patrie ; la noblesse , qui de toutes les propriétés est l’héritage le plus précieux et le dépôt le plus sacré qu’on ait pu recevoir de ses aïeux, à la charge honorable de le transmettre immuablement à ses descendants ; la noblesse , que je regarde comme une avance faite par la patrie sur la parole des ancêtres, jusqu’à ce qu’on soit en état de faire honneur à ses garants, j’en dépose entre vos mains ma déclaration, et c’est sous votre sauvegarde et sous celle de la loyauté française que je déclare n’avoir pu prendre et n’avoir pas pris part au décret concernant l’abolition et la suppression de noblesse. Telle a été, Messieurs, ma conduite jusqu’à ce jour; fidèle à mon mandat, qui est pour moi l’unique loi, je ne me suis pas permis de l’interpréter, parce qu’il n’entrera jamais dans mes principes de penser que des mandataires puissent outrepasser la volonté de leurs commettants. Un gentilhomme ne connaît que l’honneur et son serment. J’ai écouté la voix de l’un, j’ai rempli autant qu’il était en moi ce que me prescrivait l’autre ; je continuerai à suivre la même conduite, et je vous renouvelle ici, Messieurs, l’assurance quejenebalancerai en aucune occasion à faire connaître votre vœu et à me conformer à vos instructions. Signé : Marquis d’Estourmel. IIe COMPTE RENDU Le 12 juillet 1791. Je n’ai pas perdu de vue, Messieurs, l’engagement que j’ai renouvelé, dans le premier compte que je vous ai rendu le 20 juin 1790, d’exposer dans toutes les occasions le vœu dont vous m’avez rendu le dépositaire. L’Assemblée ayant renvoyé au comité des finances une délibération des officiers municipaux de Cambrai, du 22 mai 1790, tendant à faire autoriser ladite ville à un emprunt de 200,000 livres, tant pour rembourser les anciens officiers municipaux et les achats de blé faits en 1789 sous l’autorisation du gouvernement, que pour être employé à procurer des ateliers de charité, J’ai exposé au comité qu’en 1783 (époque où j’étais dépulé des Etats du Cambrésis à la cour) le roi avait accordé la remise de l’aide extraor-(1) Article 19 de la capitulation de Cambrai. « Qu’aux ecclésiastiques, nobles, gentilshommes et bourgeois, seront gardés tous tels droits et privilèges dont ils ont joui, tant dans ladite ville que plat pays, et que possédant fiefs, ne seront charges de ban et arrière-ban, ne l’ayant été du passé. » II en sera usé de la même manière qu’il s’est pratiqué du temps de la domination du roi catholique. dinaire pour 16 ans, à dater de ladite année, pour la confection des canaux de navigation de la province, et la jonction de l’Escaut à la Somme (1). Le comité a proposé, et l’Assemblée a décrété, le 3 juillet 1790, que le montant de l’aide extraordinaire pour 1790 serait employé jusqu’à la concurrence de 68,900 livres à l’ouverture du canal le long de l’Escaut, entre Cambrai et Manières. L’Assemblée a décrété, le 28 octobre 1790, que le roi serait prié de faire négocier avec les princes d’Allemagne, possesseurs de biens dans les départements du Haut-et du Bas-Rhin, une détermination amiable des indemnités qui leur seront accordées pour raison des droits féodaux et seigneuriaux abolis par lesdits décrets : j’ai demandé le renvoi aux comités féodal et diplomatique des réclamations que pourraient former M. l’archevêque de Cambrai et les autres propriétaires de terres seigneuriales du Cambrésis, en vertu des capitulations et traités de paix. (1) Ce canal établit la communication directe d’Amsterdam avec Paris; il parcourt 7,020 toises sous terre entre Cambrai et Saint-Quentin.