068 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, \ V brumaire an H 1 ■* (7 novembre 1793 laquelle des deux a pu surprendre votre co¬ mité. » Basire s’oppose au décret d’arrestation sur un pareil indice. « Où en serions-nous, s’écrie-t-il, si notre liberté dépendait d’une lettre ano¬ nyme? S’il suffisait d’accuser sans se rendre res¬ ponsable, les plus sincères patriotes seraient-ils à l’abri de l’injustice, ou plutôt la contre-révo¬ lution ne serait-elle pas opérée? Je demande la question préalable sur le projet du comité. » (Adopté à V unanimité.) ANNEXE N° 3 A la séance de la Convention nationale du -t 9 bru¬ maire an IK (1). (Jeudi, 9 novembre 9 993.) DÉPARTEMENT DE PARIS Procès-verbal de la séance du conseil GÉNÉRAL DU DÉPARTEMENT DE PARIS DU 17 BRUMAIRE, L’AN II DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE UNE ET INDIVISIBLE, JOUR DE LA Raison (2). Le conseil général du département de Paris s’est assemblé extraordinairement, vers une heure, conformément à son arrêté en date d’hier. Ont assisté à la séance : les citoyens Momoro, Garnier, Dubois, Pierre Bourgain, Santerre, Concedieu, Gomé, Lemit, Leblanc, Peyrard, Maillard, Cauconnier, Bezot, Reverand, Pel-fresne, Dumoulin, Lemoine Houzeau, Damoye, Margotin, Bruchet, administrateurs ; Lulier, procureur général syndic; Dupin, secré¬ taire. Le citoyen Momoro a présidé l’Assemblée. Une députation du conseil général de la com¬ mune de Paris, composée des citoyens Pache, maire; Chaumette, procureur de la commune; Dorât -Cubières, secrétaire greffier, et de plu¬ sieurs officiers municipaux, s’est rendue à l’ou¬ verture de la séance. Le citoyen Bourdeaux, curé de Vaugirard près Paris, se présente au conseil général; il déclare qu’il ne peut résister davantage à l’im¬ pulsion de sa conscience et de la raison qui se révoltent contre les vils préjugés dont il fut trop longtemps le ministre; qu’il vient solennelle¬ ment abjurer ses erreurs, et renoncer pour ja¬ mais à un métier qui n’a que la fraude et la tromperie pour principe et pour objet ; qu?il va déposer à la Convention nationale ses lettres de Erêtrise, et sacrifier sur l’autel de la patrie ces ochets du fanatisme et de l’imbécillité. Cette déclaration est accueillie par les plus vifs applaudissements. Ils sont interrompus par l’arrivée du citoyen Gobet, évêque métropolitain de Paris. Admis dans le sein de l’assemblée, il déclare que sou¬ mis à la voix de la philosophie, à la volonté du peuple français qui ne permet plus aucune reli¬ gion dominante, il vient abjurer, avec ses vi-(1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 553 : 1° la lettre par laquelle les autorités constituées de Paris sollicitent leur admission à la barre; 2° la note n° 3, p. 554. (2) Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de l'Oise), in-4°, t. 38, n° 14. caires, le caractère de prêtre et déposer ses lettres de prêtrise dans le sanctuaire des lois. Le citoyen Labrosse, vicaire de la paroisse Saint -Paul de Paris, fait la même déclaration. A ce triomphe éclatant de la raison, tous les citoyens présents à la séance témoignent leur joie par les plus vifs transports. La salle retentit de longs applaudissements et des cris de : Vive la République ! Les vicaires métropolitains qui ont partagé avec leur évêque cet acte de vertu, sont les ci¬ toyens Denoux, Voisard, Gênais, Laborey, Dherbès, Priqueler, Lambert, Bouillotte, Des¬ landes, Delacroix, Tournaire et Telmont. Chaumette prend la parole. Il dit que le jour est enfin arrivé où la religion romaine, cette religion d’erreur et d’esclavage, par qui les rois enchaînèrent les peuples, par qui le globe entier fut encroûté de sang humain, va faire place au culte de la nature et de l’éternelle vérité. Il de¬ mande que ce jour heureux, si longtemps désiré, soit consigné dans les registres des administra¬ tions sous le nom de Jour de la Raison. Donnant ensuite un juste tribut d’éloges aux prêtres qui viennent enfin de s’élever à la dignité d’homme, il demande que l’on prenne des me¬ sures pour qu’ils ne soient point punis de cet acte de vertu, et du glorieux exemple qu’ils ont offert au monde; qu’il soit demandé à la Convention nationale que la République leur assigne des moyens d’existence qu’ils n’ont pu se procurer. Ces ( deux propositions sont arrêtées sur-le-champ. Le conseil charge le président et le procureur général syndic du département, le maire et le procureur de la commune de Paris, de présentèr au comité de Salut public des observations à ce sujet, pour qu’il soit conservé un traitement aux prêtres qui abjureront leur métier, et dépo¬ seront leurs lettres de prêtrise; et pour que, rede¬ venus citoyens, ils recouvrent tous leurs droits politiques. Le conseil général arrête qu’il se transportera sur-le-champ à la Convention nationale, avec la députation de la municipalité, pour lui pré¬ senter le citoyen Gobet et tous les patriotes qui ont suivi son exemple; et il adopte, ainsi qu’il suit, le projet de discours à prononcer par son Président, à la barre de la Convention nationale. « Citoyens législateurs, « L’évêque du département de Paris, et plu¬ sieurs autres prêtres, conduits par la raison, viennent dans votre sein se dépouiller du carac¬ tère que leur avait imprimé la superstition. Ce grand exemple, nous n’en doutons pas, sera imité de leurs collègues. C’est ainsi que les fau¬ teurs de la superstition en deviendront les des¬ tructeurs; c’est ainsi que dans peu la Répu¬ blique française n’aura d’autre culte que celui de la liberté, de l’égahté et de la vérité, culte puisé dans la nature et qui, grâce à vos tra¬ vaux, deviendra bientôt le culte universel. » Chaumette observe que le citoyen Socrate Damours, président du département de la Nièvre, présent à la séance, est digne par son civisme, sa philosophie, et les services qu’il a rendus à la République, d’accompagner la dépu¬ tation à la Convention nationale. Le conseil général arrête cette proposition. Socrate Da¬ mours s’ avance, �exprime au conseil général, au [Convention nationale.] nom du département de la Nièvre, les senti¬ ments de la plus tendre fraternité. Le Président lui donne l’accolade. Le conseil général arrête que le procureur général syndic écrira sur-le-champ au ministre de l’intérieur, pour avoir le décret rendu hier par la Convention nationale, portant que les citoyens ont la faculté d’adopter le culte qui leur convient, et de supprimer les cérémonies religieuses qui . leur déplaisent ; que ce décret sera consigné dans le procès-verbal de cette séance, et envoyé aussitôt à la municipalité de Paris et aux deux districts ruraux, avec invita¬ tion de le faire connaître aux citoyens, le plus promptement possible. Pour célébrer le triomphe que la raison a remporté, dans cette séance, sur les préjugés de dix -huit siècles, le conseil général arrête que les musiciens de l’Opéra sont invités à venir, décadi prochain, exécuter V Offrande à la liberté, devant l’image de cette divinité des Français, dans l’édifice ci-devant dit Yéglise métropoli¬ taine; que l’administration des travaux et éta¬ blissements publics de la municipalité fera toutes les dispositions convenables pour cette fête; qu’elle aura lieu, à dix heures du matin, qu’elle sera annoncée au bruit du tambour et du canon, et que la députation du département de la Nièvre est invitée à y assister. Et sur l’observation faite, que les musiciens de la garde nationale doivent se réunir, décadi prochain, au lycée des Arts, pour y exécuter les plus rares morceaux de musique, le conseil général arrête que ces citoyens seront invités à changer leur destination et à se réunir dans le lieu désigné pour la fête patriotique. Le conseil général nomme les citoyens Pey-rard et Lemit, deux de ses membres, commis¬ saires, pour rédiger un projet de fêtes civiques à célébrer en l’honneur de la liberté, dans le courant de chaque mois. Les artistes sont invi¬ tés à leur communiquer leurs vues sur cet objet. Le conseil général arrête l’impression du pro¬ cès-verbal de cette séance mémorable, l’envoi à la municipalité de Paris, aux districts et à toutes les communes, sections et assemblées populaires du département, et il la lève vers 2 heures et demie pour se rendre à �Conven¬ tion nationale. Signé: Momoro, président par intérim; Dupin, secrétaire. ANNEXE N» 4 A la séance de la Convention nationale du 13 bru¬ maire an IK. (Jeudis 3 novembre 1 903). Compte rendu, d’après le «Journal des Débats et des Décrets (1), de l'admis¬ sion à la barre de l’évéque de Paris, Gobet, et de ses vicaires, lesquels vien¬ nent déclarer à la Convention qu’ils re¬ noncent à leurs fonctions ecclésiastiques. Le Président annonce que les membres des autorités constituées du département de la commune de Paris accompagnent à la barre (1) Journal des Débals et des Décrets (brumaire an II, n° 415, p. 239). D’autre part, voy. ci-dessus, même séance, p. 554, le compte rendu de cette admission à la barre, d’après le Moniteur. 17 brumaire an II 569 7 novembre 1793 l’évêque Gobet, ses vicaires et plusieurs curés de Paris, et qu’ils demandent à être entendus. Ils sont introduits sur-le-champ. L’orateur. Le département de Paris, la muni¬ cipalité, des membres du conseil général de la commune, des citoyens des sociétés populaires et quelques administrateurs de la Nièvre qui ont demandé à se réunir à nous, accompagnent dans le sein de la Convention des citoyens qui demandent à se régénérer, à devenir hommes. Vous avez devant vous l’évêque de Paris, ses grands vicaires, le curé de Vaugirard et plu¬ sieurs autres curés dont la liste vous sera re¬ mise. Conduits par la raison, ils viennent se dépouiller du caractère que leur avait donné la superstition. C’est ainsi que dans peu, la Répu¬ blique française n’aura d’autre culte que celui de la liberté, de l’égalité et de l’éternelle vérité, culte puisé dans le sein de la nature et qui sera bientôt le culte universel. (Vifs applaudisse¬ ments.) r Gobet demande à faire sa déclaration. Elle porte sommairement que, né plébéien, il eut de bonne heure pour principes ceux de la liberté et. de l’égahté. Gobet rappelle ce qu’il fit du¬ rant l’Assemblée constituante pour seconder la Révolution française et accélérer sa marche. Appelé au siège de l’évêché de Paris, il vit un moyen plus sûr d’attaquer le fanatisme en se rapprochant de sa source et il accepta la ;place que lui donnait la confiance du peuple. Aujour¬ d’hui, la raison triomphant enfin de tous les préjugés religieux, il vient en proclamer le pre¬ mier la victoire. « Je déclare, dit-il, que je re¬ nonce à l’exercice de mes fonctions de ministre du culte oatholique. Les citoyens mes vicaires se réunissent à moi pour faire la même déclara¬ tion. En conséquence, nous vous remettons nos titres. Puisse cet exemple servir à consolider le règne de la liberté et de l’égalité ! Vive la Répu¬ blique ! » ( L’enthousiasme se manifeste par les plus joyeuses acclamations.) Chaumetts obtient la parole. Le jour où la raison reprend son empire, dit -il, mérite une place dans les brillantes époques de la Révolu¬ tion française. J’adresse en ce moment la péti¬ tion à la Convention de charger son comité d’instruction publique de donner dans le nou¬ veau calendrier une place au jour de la raison. (Applaudi.) Le curé de Vaugirard en déposant ses lettres de prêtrise se félicite de pouvoir enfin fouler aux pieds le privilège d’épouvanter les sots et de se faire respecter par les imbéciles. Le Président répond à tous ces discours avec beaucoup de présence d’esprit. Sa réponse prouve que la raison avait devancé en lui la destruction de tous les préjugés. Nous regret¬ tons de n’avoir pu la recueillir assez exactement pour la transmettre à nos lecteurs. Les citoyens qui sont à la barre reçoivent les honneurs de la séance. Les représentants du peuple quittent leurs places pour venir au de¬ vant d’eux. Ils les accueillent avec transports. Cette scène se prolonge au milieu des applaudis¬ sements du peuple. Chacun s’empresse de ser¬ rer dans ses bras des hommes qui, lassés de se partager entre une religion et la patrie, se dé¬ vouent entièrement à la République. De toutes parts on demande l’accolade fraternelle pour Gobet. Le Président la lui donne et les applau¬ dissements redoublent. 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