722 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 septembre 1790. avec des assignats qu’ils auront achetés à vil prix. (On demande que la discussion soit fermée. — Après de vives oppositions de la droite, le président parvient à se faire entendre, et met cette demande aux voix. Il prononce que la discussion est fermée. — Les réclamations de la droite nécessitent une seconde épreuve. — D’après l’avis de M. le président et de ses secrétaires, le résultat est le même à un tiers de majorité.) (Les galeries applaudissent.) M. de Montlosier. Je fais la motion que les tribunes aient voix délibérative. (On renouvelle la proposition de l’ajournement de l’article.) M. l’abbé Maury monte à la tribune. (On observe que la discussion est fermée sur l’ajournement comme sur l’article, — La gauche se lève et demande qu’on aille aux voix. — La droite insiste pour que la discussion soit ouverte sur l’ajournement.) M. l’abbé Manry. Ils sont les maîtres de la majorité ; ils nous font la loi : subissons-la ! (L’Assemblée, consultée, reconnaît qu’en fermant la discussion sur l’article, elle l’a également fermée sur l’ajournement.) (M. l’abbé Maury descend de la tribune, s’adresse à la partie droite, lève pour ce côté la séance, et beaucoup de membres sortent.) M. Malouet propose d’ajouter à l’article 4 que les dépôts faits en argent ne pourront être rendus en assignats. Plusieurs membres de la gauche : On ne peut délibérer sur cela ; un dépôt est inaltérable ! M. Malouet. Les gens qui ne sont pas parfaitement instruits des devoirs dépositaires pour� rontse croire autorisés, d’après la parité parfaite que vous avez raisonnablement établie entre les assignats et les espèces, à rendre des assignats, s’ils avaient reçu de l’argent. C’est pour ces gens-là que l’amendement est nécessaire. M. Martineau. Cet amendement est inutile et dangereux : il est impossible d’appliquer aux dépôts un décret relatif à l’acquittement des obligations ou des billets. La remise d’un dépôt n’est pas un payement-Le dépositaire ne devient pas propriétaire comme l’emprunteur; il n’est que le gardien; s’il ouvre le sac, il est dépositaire infidèle. Si vous adoptez une clause inutile, on croira qu’elle a un objet, et qu'elle établit une différence entre les assignats et l’argent: ainsi, par un amendement dangereux, vous auriez nui à votre propre décret. Il faut adopter la question préalable, en la motivant en ces termes : « La restitution du dépôt, sans aucune espèce de changement, soit de forme, soit de nature, étant de droit, l’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement proposé. » L’Assemblée adopte la question préalable, ainsi motivée. — L’article 4 est décrété. Sur quelques observations, l’article 5 ainsi que l’article 6 sont renvoyés au comité des finances. La séance est levée à 3 heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du lundi 13 septembre 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Anthoine, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Il est adopté. M. Perez, député d’Auch. Je ne voulus pas interrompre hier le cours de votre délibération, pour justifier la ville d’Auch d’une inculpation qui lui a été faite par M. le contrôleur général. M. le contrôleur général vous a dénoncé la ville d’Auch comme refusant d’acquitter les impôts. Il •est vrai que cette ville s’est refusée, pendant quelque temps, à payer un droit d’abonnement, parce qu’il avait été considérablement augmenté en vertu de simples arrêts du conseil. Cette forme lui paraissait illégale ; il lui semblait que les impôts ne pouvaient être augmentés que par la même autorité qui les avait créés, c’est-à-dire par des édits enregistrés dans les cours. Cependant la ville d’Auch s’est adressée au comité des finances, elle lui a exposé ses doutes et les motifs de son refus. Le comité des finances a décidé que ses réclamations n’étaient pas fondées. Il n’en a pas fallu davantage : la ville d’Auch s’est respectueusement soumise à cette décision ; elle a délibéré d’acquitter le droit d’abonnement comme par le passé. J’ai encore à répondre à une semblable imputation faite aussi par M. le contrôleur général au pays d’Armagnac, que j’ai l’honneur de représenter. Si mes instructions sont fidèles, comme je ne puis en douter, ce n’est pas aux contribuables, quoique pauvres, quoique dénués de ressources, qu’on doit imputer le retard apporté à la perception des impôts dans ce pays. On s’y plaint, comme partout ailleurs, de la négli-ence funeste et combinée des percepteurs des eniers publics, à presser les recouvrements. Je demande qu’il soit fait mention de cette déclaration dans le procès-verbal. (La proposition est adoptée.) M. Salomon, député d'Orléans, fait lecture d’une lettre du directoire du département du Loiret. — Les administrateurs annoncent qu’il règne une grande fermentation dans les environs d’Orléans ; que les vignerons apportent des obstacles à la libre circulation des grains, et menacent la ville des plus grands malheurs. M. d’André. Ce n’est pas le seul département où l’on apporte des obstacles à la circulation des grains. Une grande partie du département du Yar tire ses blés du Languedoc par le canal. Aujourd’hui, Narbonne intercepte la communication, et la ville de Toulon se trouve ainsi à la veille d'une famine. M. Aoldel. Le comité des recherches a reçu une multitude d’adresses, où l’on se plaint des accaparements; mais aucune ne spécifie de faits particuliers. Ce sont encore là des manœuvres des ennemis du bien public, qui tentent, par ce moyen, d’exciter les campagnes contre les villes, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]13 septembre 1790.) 723 et les pauvres contre les gens aisés. Le comité vous fera incessamment un rapport à ce sujet. (L’Assemblée décrète que son président se retirera par devers le roi, pour le supplier de faire exécuter dans la ville d’Orléans les décrets sur la libre circulation des grains.) M. Lambert, banquier, adresse un plan de liquidation de la dette publique. M. Tousard envoie des exemplaires imprimés d’un mémoire et projet de décret sur le remboursement de la dette exigible. {Voy. ce document annexé à la séance.) (Ces plans sont renvoyés au comité des finances pour eu rendre compte.) M. Vernier, rapporteur du comité des finances , propose un décret qui est ainsi conçu : « Sur le rapport fait à l’Assemblée nationale, par son comité des finances, de la délibération prise le 24 mai 1790, par la communauté et paroissiens de Vanoze, district du Coiron, département de l’Ardèche, à l’effet de reconstruire le presbytère de ladite paroisse; du renvoi fait de cette demande par le comité des linances à l’avis du département; de l’avis du district et de celui du département, des 10 et 17 août, sur l’urgente et absolue nécessité de cette reconstruction; l’Assemblée nationale autorise les habitants et paroissiens de Vanoze à reconstruire leur maison presbytérale, conformément au plan et devis approuvés par le directoire de district et de département, après affiches, enchères et adjudications en la forme ordinaire; les autorise également à imposer le montant du prix de l’adjudication sur tous les contribuables de la paroisse, et au marc la livre de leurs impositions principales, sans distinction ni privilège, en se réglant sur les termes du payement qui seront pris dans l’adjudication, de telle sorte néanmoins qu’il reste toujours en arrière un tiers du prix jusqu’à l’entière perfection des ouvrages. •> M. de France annonce qu’il y a des difficultés locales pour la répartition de l’imposition et qu’il convient d’ajourner le décret. (L’ajournement est prononcé.) M. Pétion présente une adresse du département d’Eure-et-Loir relative à l’exclusion prononcée contre les membres des directoires de département et de district pour les places de magistrature. (Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.) M. ürossln, rapporteur du comité de Constitution, propose le décret suivant qui est adopté sans discussion : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète : « 1° Que les élections des maire, officiers municipaux, procureur de la commune et notables, faites par les habitants de la Toillette, Rouilly et Chaudières, réunis, ensemble par ceux de Son-greux, dépendants de la paroisse de Rocroy, sont nul les ; « 2° Qu’il sera procédé, en la forme prescrite par la loi, à la formation d’une nouvelle municipalité dans la ville de Rocroy ; à l’effet de quoi tous les citoyens actifs, tant de cette ville que de la Toillette, Rouilly, Chaudières, Songreux et lieux dépendants de cette ville, seront tenus de se réunir en assemblée de paroisse à Rocroy dans le lieu où se tiennent les assemblées générales de la commune, et au jour qui leur sera indiqué. » M. Brassart, député du département du Pas-de-Calais, demande à s’absenter pour affaires, pendant quinze jours. M. de Bonneville, député du département de l’Eure, fait une réclamation semblable pour huit jours. Ces congés sont accordés. M. de Bostaing. Le comité militaire, pour répondre au vœu pressant exprimé par M. Fré-teau et par un grand nombre de membres, est prêt à commencer demain et à continuer les jours suivants, ses rapporis sur les bases de l’avancement et sur la discipline dans l’armée. (L’Assemblée décide que les projets qui doivent être la suite de ces rapports seront avant tout imprimés.) M. d’André. Je fais remarquer à l'Assemblée que les ci-devant parlements vont cesser leurs fonctions et qu’il est urgent de prendre un parti sur le mode des accusations publiques et sur les mesures à prendre pour le renvoi, dans les tribunaux qui vont être organisés, des procès qui existent dans les divers sièges du royaume. (L’Assemblée décide que le comité de Constitution rendra compte incessamment de son travail sur cet objet.) M. Se Président. L’ordre du Jour est un rap port du comité des domaines et du comité de féodalité réunis , sur les chasses du roi (1). M. Barrère, ci-devant de Vieuzac, rapporteur. Messieurs, parmi les objets que renferme le mémoire des ministres du roi et la lettre de Sa Majesté, sur les domaines nationaux à réserver pour son usage, il en est un qui a attiré d’abord les regards de vos comités de féodalité et des domaines. Il intéresse si essentiellement l’agriculture; il frappe si fortement le premier des droits de l’homme en société, que vos comités ont pensé qu’il devait être la matière d’un premier rapport distinct et séparé de ce qui concerne la valeur, le revenu et l’administration des domaines à réserver. Cet objet est d’ailleurs d’autant plus instant, que le 2 et le 5 de ce mois, il s’est manifesté un grand abus de la chasse dans les parcs du roi; abus qui n’a pu être réprimé qu’en déployant la force publique. Déjà aussi, le 21 août dernier, l’Assemblée nationale avait reçu la dénonciation faite par le directoire du département de Seine-et-Oise, des excès nombreux commis par les gardes-chasses sur les laboureurs et autres habitants du grand parc de Versailles. Enfin, vous avez décrété qu’il serait pourvu à cet objet, par une loi particulière, avant le 15 septembre. Voici, en conséquence, l’aperçu du travail de vos deux comités. Vos fameux décrets du 4 août 1789 ont affranchi les terres d’une servitude aussi absurde qu’onéreuse, des capitaineries et de la chasse. L’Europe n’avait eu jusqu’à présent, sur la chasse, que des lois sauvages ou militaires, féo-(1) Nous donnons ce rapport d’après les impressions de l’Assemblée nationale. Cette version diffère légèrement de celle du Moniteur.