SÉANCE DU 4e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (SAMEDI 20 SEPTEMBRE 1794) - N° 6 299 sa marche révolutionnaire, il a poursuivi depuis cinq ans, il a renversé, il a écrasé les dominateurs de toute espèce. Les trames intérieures, les trahisons, la guerre civile, combinées avec les efforts de l’étranger, n’ont fait qu’accroitre son énergie, multiplier ses forces et préparer ses triomphes; il a vu fuir et tomber sous ses coups les troupeaux innombrables d’esclaves, vomis par les tyrans; de tous côtés leur territoire ensanglanté est devenu le théâtre de nos victoires. C’étoit au milieu de ces succès inouis que des traitres avoient osé tenter dans leur délire inconcevable, de s’en approprier exclusivement le fruit. Le glaive révolutionnaire en a fait justice. Ce grand événement servira d’exemple à leurs imitateurs, à tous ces ambitieux égoïstes qui n’embrassent la cause de la liberté que pour s’acquérir les moyens de dominer, qui n’affectent la popularité que pour tromper le peuple. Mais ce n’est pas la seule espèce d’ennemis intérieurs dont il faut se garder. Les royalistes, les fanatiques, les modérés et tant d’autres sectes de malveillants sont encore là qui cherchent à mettre à profit la haine que le peuple vient de faire éclater contre de vils agresseurs, à exciter sa défiance envers vous, envers les patriotes qui soutenoient sa cause avec un zèle pur et désintéressé. Déjà ils ont osé former des vœux sacrilèges pour l’abolition du gouvernement révolutionnaire, déjà ils ont osé voter pour la convocation des assemblées primaires. Pères de la patrie, redoublez de courage et de vigilance contre les perfides manœuvres. Restez fermes à votre poste. Le peuple français ne doit point espérer de le faire occuper par des hommes plus dignes de le représenter, plus désireux de son bonheur et de sa liberté. Et ce n’est pas au mibeu des intrigues dont il seroit infailliblement assailli qu’il pourroit se flatter de faire un heureux choix. Serrez les rênes du gouvernement révolutionnaire. Centralisez ses forces, imprimez lui le mouvement rapide et sûr qui fait franchir les écueils et renverser les obstacles. Ne laissez pas aux ennemis de la Répubbque le temps de respirer, moins encore le loisir de former de nouvelles trâmes. Pourquoi discuter encore sur les bâses de ce gouvernement : ne sont-elles pas solidement posées? que sert la distinction entre la justice et la terreur? sans doute il n’est pas question de comprimer l’énergie du peuple et de ses fonctionnaires fidèles, mais que les mais intentionnés, que les hommes douteux continuent à trembler; que les coupables soient punis. La justice est pour tous les citoyens, autant elle protège les bons, autant elle est terrible aux méchans. Pour nous qui sentons tout le prix d’un gouvernement qui aura sauvé la République, qui n’en jugeons pas, sur quelques abus inséparables de la corruption des hommes, et que vous achèverez d’extirper; nous jurons de vous seconder de tous nos moyens pour le maintenir, nous jurons de rester toujours ralliés autour de vous. Nous jurons fidélité éternelle à la République une et indivisible. Recevez ces serments des patriotes de Brive. Veuillez aussi accueillir les sacrifices provisoires qu’ils font d’une somme de 5 054 L pour contribuer à l’armement d’un vaisseau et d’une centaine d’arbres (chênes) propres à la construction. Lacoste, président et deux autres signatures. Envoy par la sociétté de Brive, porté dans la séance du 25 fructidor, en un paquet cacheté contenant cinq différents petits paquets assignats y compris 5 L en numéraire. Savoir - un paquet de la somme de 1 225 - un d’it. 1 000 - un d’it. 1 000 - un d’it. 1 000 - un d’it. 829 Total 5 054 Cent pieds d’arbres pour la marine. 6 Le citoyen Luc Barbier, lieutenant au cinquième régiment d’hussards, annonce à la Convention nationale l’arrivée de dif-férens chefs-d’œuvres des arts provenant de la Belgique, qu’il étoit chargé, par le représentant du peuple Richard, d’accompagner jusqu’ici : sa mission étant finie, il demande à retourner combattre les despotes. Mention honorable, insertion au bulletin (13). GUYTON-MORVEAU : J’annonce à la Convention l’arrivée du premier envoi des superbes tableaux recueillis dans la Belgique ; ils ont été accompagnés par un lieutenant de hussards, membre d’une commission formée par les représentants du peuple pour les rassembler et les faire transporter à Paris; car aujourd’hui les armées de la République offrent toutes de braves guerriers, des hommes instruits et distingués par leurs connaissances en tout genre. Je demande que cet officier soit admis à la barre pour faire hommage à la Convention nationale de cette collection (14). Luc BARBIER : Représentans du peuplé, les fruits du génie sont le patrimoine de la liberté, et ce patrimoine sera toujours respecté par des armées de citoyens. Celle du Nord a porté le fer et la flamme au milieu des tyrans et de leurs satellites; mais elle a soigneusement conservé les nombreux chef-d’œuvres des arts que, dans leur fuite rapide, les despotes coalisés nous ont abandonnés. Trop longtemps ces chef-d’œuvres avoient été souillés par l’aspect de la servitude. C’est au sein des peuples libres que doit rester la trace des hommes (13) P-V, XLV, 344. (14) Moniteur, XXII, 26. 300 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE célèbres ; les pleurs de l’esclave sont indignes de leur gloire, et les honneurs des rois troublent la paix de leur tombeau. Les ouvrages immortels que nous ont laissés les pinceaux de Rubens, de Van-Dyck, et des autres fondateurs de l’école flamande, ne sont plus dans une terre étrangère. Réunis avec soin par les ordres des représentans du peuple, ils sont aujourd’hui déposés dans la patrie des arts et du génie, dans la patrie de la liberté et de l’égalité sainte, dans la République française ; c’est là, c’est au Muséum National que désormais l’étranger viendra s’instruire ; l’homme sensible y viendra verser des larmes devant les productions des siècles passés, et l’artiste dévoré du feu du génie y viendra chercher des modèles que son mâle pinceau, libre des chaînes du despotisme, pourra peut-être surpasser. C’est pour faire connoître à la République quels sont l’ordre et la discipline de ses armées; c’est pour faire connoître à tous les peuples de quelles dépouilles la France s’est enrichie; c’est enfin pour faire connoître à la Convention nationale quel est le respect que l’armée du Nord a gardé pour les productions des arts, que le représentant du peuple Richard m’a chargé de venir vous annoncer l’arrivée de ces nouvelles richesses. J’ai recueilli et accompagné jusqu’ici les tableaux les plus précieux ; d’autres arriveront successivement. Je vous demande, citoyens représentans, d’ordonner que les mesures nécessaires seront prises pour les placer à fur et mesure de leur arrivée, dans les dépôts qui leur seront destinés afin que, libre de ma mission, je puisse de nouveau retourner combattre les despotes. Vive la République! Le citoyen Luc Barbier a été admis aux honneurs de la séance au milieu des plus vifs applaudissemens (15). 7 Les citoyens Audinot et Mussot-Ar-nould, directeurs et entrepreneurs associés du théâtre de l’Ambigû-comique, déposent 518 L 2 s., montant du produit d’une représentation qu’ils ont donnée en faveur des familles des infortunés péris par l’explosion de Grenelle. Mention honorable, insertion au bulletin (16). (15) Bull., 4e jour s.-c. ; Moniteur, XXII, 26-27 ; Débats, n° 730, 570 ; Gazette Fr., n° 994 ; J. Mont., n° 144 ; Mess. Soir, n° 763 ; Ann. Patr., n° 628 ; C. Eg., n° 763 ; F. de la Républ., n° 441 ; J. Fr., n° 726 ; M.U., XLIII, 559 ; Rép., n° 725 ; J. Perlet, n° 728 ; J. Univ., n° 1761 et n° 1763 ; J. Paris, n° 629. (16) P.-V., XLV, 344. C 318, pl. 1297, p. 13. J. Fr., n° 726. 8 Les entrepreneurs du théâtre de Metz [département de la Moselle] déposent, par les mains du citoyen Belleval, une somme de 1 510 L 10 s., résultat d’une représentation, sans frais prélevés, donnée au bénéfice des malheureuses victimes de l’explosion de Grenelle. Mention honorable, insertion au bulletin (17). [Belleval, artiste dramatique, un des entrepreneurs du théâtre de Metz, à la Convention nationale s.d.] (18) Législateurs, Je suis chargé par mes collègues, les entrepreneurs du théâtre de Metz, de déposer sur l’autel de la patrie une somme de quinze cent dix livres dix sols, résultat d’une représentation, sans frais prélevés, donnée au bénéfice des malheureuses victimes de l’explosion de Grenelle. Belleval, artiste dramatique, un des administrateurs du théâtre de Metz. 9 La société populaire de Commune-Affranchie [ci-devant Lyon, département du Rhône] offre à la Convention nationale cent cavaliers jacobins et un vaisseau de guerre; elle demande que la Convention nationale s’occupe des moyens de relever le commerce de cette commune. La Convention nationale décrète la mention honorable, et l’insertion au bulletin de l’adresse des députés de la société populaire de Commune-Affranchie, la renvoie aux comités des Finances, de Commerce et d’Agriculture, et renvoie à ses comités de Salut public et de Sûreté générale la motion qui a été faite par un membre, de rapporter le décret qui déclare Commune-Affranchie en rébellion et en état de siège, pour qu’il lui soit fait, sur cette motion, un rapport dans trois jours (19). Une députation de la société populaire [régénérée] (20) de Commune-Affranchie à la barre. L’orateur : Citoyens représentans, vous voyez devant vous les députés de la société populaire de Commune-Affranchie. Ils viennent vous offrir non des hommages stériles, mais (17) P.-V., XLV, 345. (18) C 318, pl. 1297, p. 14. (19) P.-V., XLV, 345. C 318, pl. 1288, p. 1. Décret n° 10 963. Minute de la main de Pressavin, rapporteur. Bull., 4e jour s.-c. (20) Moniteur, XXII, 15.