562 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE sans s’aperçurent bientôt qu’il était plus facile de favoriser les progrès de l’esprit humain que d’en restreindre la direction; leur suppression fut plus d’une fois arrêtée dans les conciliabules de Versailles. D’Espremenil dénonça plus d’une fois au parlement le Lycée où La Harpe, en analysant Monstesquieu, osait combattre ses erreurs sur la monarchie, et où Garat, en traçant l’histoire des républiques anciennes, façonnait déjà nos âmes à l’énergie républicaine. Séguier prépara des réquisitoires, et Breteuil des lettres de cachet; mais l’opinion publique défendit le Lycée. On sentit dès lors la nécessité de le respecter, et l’on n’osa frapper un établissement auquel le public se portait en foule. Les fondateurs du Lycée l’avaient enrichi d’une bibliothèque composée des meilleurs livres, d’un superbe cabinet de physique et de tous les ustensiles nécessaires à l’enseignement de la chimie et le produit des souscriptions payées par ceux qui vouloient suivre les cours suffisait à ses dépenses ; il s’est entretenu ainsi, sans autre secours que lui-même, jusqu’au commencement de cette année, et il a eu les précieux avantages de traverser tous les orages révolutionnaires en conservant au milieu de nous le flambeau d’un enseignement d’autant plus précieux qu’il était presque unique. Mais le nombre des souscripteurs ayant essuyé une diminution progressive, l’administration qui n’a d’autre intérêt que l’amour des lettres, et dont tous les soins sont gratuits, est dans l’impossibilité de continuer à subvenir à des dépenses dont la source est excessivement diminuée; elle s’est adressée à la commission d’instruction publique et celle-ci n’a pas balancé d’exposer à votre comité la détresse où le Lycée se trouve, et de lui demander un secours pour lui. Votre comité a considéré qu’il ne s’agissait point ici de créer un établissement nouveau, mais d’empêcher l’un de ceux qui subsistent encore d’être irrévocablement anéanti, mais d’utiliser des sacrifices déjà faits pour le progrès des sciences et des lettres, mais de conserver pendant quelques instants encore, et pendant l’interrègne de l’enseignement, un asile où les beaux arts puissent rallumer le flambeau qui doit éclairer le reste du monde. Votre comité a donc cru que la munificence nationale devait soutenir le Lycée pendant cette année, puisque cette année ne ressemble à aucune de celles qui lui succéderont. Il s’est fait rendre compte de l’état de situation où cet établissement se trouve, et il en résulte que les dépenses s’élevaient annuellement à 39755 L, tandis que la recette n’est que de 17750 L; il existe donc un déficit d’environ 20 000 L que votre comité vous propose de combler, afin que la nécessité de satisfaire à ses engagements ne force pas l’administration de le dissoudre et d’employer à sa liquidation les valeurs qu’elle possède tant en livres qu’en machine de physique. Ainsi, par une somme de 20000 L, vous laisserez à la République la jouissance de cabinets infiniment précieux, lesquels, sans être sa propriété, n’en sont pas moins consacrés à son utilité journalière. Votre comité ne vous proposera pas même de donner cette somme d’une manière purement gratuite; il sent que vos bienfaits cesseraient d’être une justice si vous ne les appliquiez de la manière la plus utile au peuple que vous représentez; il vous proposera de recevoir en échange un certain nombre de souscriptions qui seront distribuées aux citoyens peu aisés, et qui contribueront par là à étendre l’instruction sur la classe qui peut se la procurer avec le moins de facilité. Voici le projet de décret : La Convention nationale décrète : Article premier. - Il est accordé aux administrateurs du Lycée républicain une somme de 20000 L à titre d’encouragement, et pour subvenir aux frais de cet établissement. La commission nationale de l’Instruction publique est autorisée à faire payer cette somme aux administrateurs. Art. IL - Il sera remis à la disposition de la commission d’instruction publique quatre-vingt-seize billets d’admission aux cours qui doivent être faits par les différents professeurs du Lycée. Art. III. - La commission d’instruction publique prendra les mesures les plus convenables pour en faire une distribution égale dans les quarante-huit sections de Paris, aux jeunes gens qui, par leurs talents, leurs dispositions et leur civisme, se seront rendus dignes de cet encouragement. Art. IV. - Le présent décret ne sera point imprimé. 45 [Les administrateurs du district de Dourdan, Seine-et-Oise, à la Convention nationale, le 3 brumaire an IIT\ (134) Liberté, Egalité. Citoyens Représentans, Votre adresse au peuple français a fixé le but du gouvernement révolutionnaire dont des tigres altérés de sang et des insensés furieux dirigeoient l’action de manière à étouffer au milieu de nous tous les sentimens de la nature, à jetter un voile funèbre sur la patrie, et elle est une nouvelle garantie de votre dévoûment à la cause sacrée de la Révolution, si souvent trahie par les délires féroces de l’aristocratie et de la soif du pouvoir. Anathème aux tyrans et aux aristocrates de toute espece, la Liberté, l’Egalité, la Justice sont dans la nature : quiconque viole ces principes, attaque le principe des choses, est un monstre. (134) C 324, pl. 1394, p. 15. La mention honorable et l’insertion au bulletin sont indiquées en marge. SÉANCE DU 18 BRUMAIRE AN III (8 NOVEMBRE 1794) - N° 45 563 Que veulent ceux qui cherchent à raviver les fureurs des factions. Les factions sont une réunion d’efforts criminels contre la volonté du peuple; les factions sont les instrumens de la tyrannie ; tous les oppresseurs fondent leur domination sur les intérêts d’une minorité factieuse opposée à l’intérêt des nations : telle est l’histoire de l’homme jusqu’à nos jours. Que veulent ceux pour qui l’agitation est un besoin? qu’ils reportent leurs regards sur les maux qu’a soufferts la Patrie et qu’ils frémissent d’horreur; et ceux qui cherchent à saper obliquement les bases de la République une et indivisible, de la liberté et de l’égalité, qu’ils sachent que cette résistance à la souveraineté et au bonheur du peuple sera broyée et anéantie par l’action et la force de la justice dirigée contre tous les crimes attentatoires aux droits de l’homme ; qu’ils sachent que cette résistance a provoqué les secousses terribles de la Révolution et que le sang innocent qui a coulé, retombera sur eux et sur leurs pareils. C’est ainsi que le terme de la Révolution sera atteint, c’est dans le calme des passions et dans le dévoûment des amis de la patrie que vous puiserez les moyens d’élever l’edifice de la félicité publique au dessus de toutes les passions, car vous avez juré de rester à votre poste jusqu’à ce que ce grand oeuvre soit consolidé. Vive la République ! vive la Convention nationale, amitié et fraternité impérissables aux sans-culotes à tous les vrais amis de la Liberté et de l’Egalité. Salut et fraternité. Suivent 9 signatures dont celle de l’agent national Binoir.