122 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tour le sceptre de la tyrannie et à élever la statue de la liberté sur les ruines d’un trône basé sur 14 siècles de corruption et de crimes. Comment donc ne seraient-ils pas amis, comment n’associeraient-ils pas les moyens réciproques de prospérité que leur offre le commerce et la navigation, ces deux peuples qui sont devenus libres l’un par l’autre ? Mais ce n’est point une alliance purement diplomatique; c’est la fraternité la plus douce, la plus franche, qui doit les unir; c’est elle qui les unit en effet et cette union sera à jamais indissoluble, comme elle sera à jamais le fléau des despotes, la sauvegarde de la liberté du monde, la conservation de toutes les vertus sociales et philanthropiques. En nous apportant, citoyen, le gage de cette union si chérie, tu ne pouvais manquer d’être accueilli avec le plus vif intérêt. Il y a 5 ans l’usurpateur de la souveraineté du peuple t’aurait reçu avec la morgue qui ne sied qu’au vice et il aurait cru faire beaucoup en accordant au ministre d’une nation libre quelques signes de son insolente protection. Aujourd’hui, c’est le peuple souverain lui-même, représenté par des mandataires fidèles, qui te reçoit; et tu vois de quel attendrissement et de quelle effusion de cœur est accompagnée cette cérémonie simple et touchante. Qu’il me tarde de la couronner par l’accolade fraternelle que je suis chargé de te donner au nom du peuple français ! Viens la recevoir au nom du peuple américain, et que ce tableau achève de détruire la dernière espérance de la coalition impie des tyrans ! (On applaudit à plusieurs reprises) (1). En témoignage de la fraternité qui unit les deux peuples français et américain, le président donne l’accolade au citoyen Mon-roe (2). Toute l’assemblée se lève par un mouvement spontané; un cri unanime de vive la République ! se fait entendre. Le ministre des Etats-Unis est conduit au président de la Convention, qui lui donne le baiser fraternel au milieu des transports de l’allégresse universelle et de la plus vive sensibilité. Il va se placer ensuite au sein des représentants du peuple qui le reçoivent par leurs acclamations unanimes. Moyse BAYLE : Je demande que la Convention, pour consacrer la fraternité entre les deux plus grandes Républiques des deux mondes, décrète que, dans le lieu de ses séances, un drapeau américain et un drapeau français seront unis en signe d’amitié et d’alliance éternelles. (On applaudit). Cette proposition est décrétée à l’unanimité. On demande que le président mette aux voix la reconnaissance du ministre américain. La Convention décrète unanimement, et le président prononce au milieu des applaudissements que James Monroe est reconnu par les représentants du peuple en qualité de ministre (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 499-500. (2) P.V., XLIII, 242. plénipotentiaire de la République américaine auprès de la République française. La salle retentit des cris de Vive la République française ! Vive la République américaine ! (1). COLLOMBEL propose d’imprimer dans le bulletin de la Convention toutes les pièces lues à la tribune avec la réponse du président. — Adopté. On demande qu’elles soient traduites dans toutes les langues et imprimées en caractère américain dans le bulletin. — Adopté (2). Ensuite, sur la proposition de divers membres, la Convention nationale rend à l’unanimité le décret suivant. La Convention nationale décrète : Article Ier. Lecture et vérification faites des pouvoirs du citoyen James Monroe, il est reconnu et proclamé ministre plénipotentiaire des Etats-Unis d’Amérique près la République française. Art. II. Les lettres de créance du citoyen James Monroe, ministre plénipotentiaire des Etats-Unis d’Amérique; celles qu’il a remises de la part du Congrès américain et de son président, adressées à la Convention nationale et au comité de salut public; le discours du citoyen Monroe, la réponse du président de la Convention nationale, seront imprimés dans les 2 langues française et américaine, et insérés dans le bulletin de correspondance. Art. III. Les drapeaux des Etats-Unis d’Amérique seront joints à ceux de la République française, et déposés dans la salle des séances de la Convention nationale, en signe de l’union et de la fraternité étemelles des deux peuples français et américain (3). La séance est levée (4). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 61 L’Assemblée demande unanimement le rapport sur l’organisation des comités de la (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 500. La demande d’un décret reconnaissant J. Monroe comme ministre plénipotentiaire des Etats-Unis est attribuée au représentant Dubois-Crancé par Audit, nat. (n° 691) et Rép. (n° 239). (2) J. Paris, n° 593. Rapport attribué à Moyse Bayle. Décret n° 10 420. (3) P.V., XLIII, 242-243. Rapporteur: Moyse Bayle. Décrets n° 10 418 et n° 10 419, d’après C* II 20, p. 255. Reproduit dans B™, 28 therm. et 29 therm. M.U., XLII, 462-463; 472-475; XLIII, 15-16; Débats, n° 694-, 491-496; J. Fr., n08 690, 691; J. univ., n° 1727; J. Paris, n08 593, 594; Ann.R.F., n°257; F. de la Républ., n°407; J. Mont., n° 108; J. Perlet, n° 692; J. Sablier, n° 1502; Ann. patr. , n° DXCII; C. Eg. , n° 727; Gazette fr!$e , n° 958; J. S. -Culottes, n° 547. (4) P.V. , XLIII, 243. P.V., signé en exécution du décret du 3 Brumaire an IV. Signé, MOLLEVAUT, DELECLOY, POISSON, DELAUNAY, DERAZEY. Voir Arch. Pari, t. XCIII, fin de la séance du 2 thermidor, p. 372.