496 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 î2 frimaire 411 11 (2 décembre 1793 Suivent la lettre et la cantate du citoyen Félix Nogaret (1). « Du berceau de la liberté, ce 25 brumaire l’an II de la République une et indi¬ visible. « Citoyen Président, « Pour donner l’exemple de la destruction de toute espèce d’inégalité, de distinctions par titres, de prétentions même à l’esprit, j’adres¬ sai, il y a quelques jours à la Convention, une boîte de fer-blanc, contenant quelques-uns de ces papiers et parchemins en brevets qui font croire trop souvent beaucoup d’esprit à gens qui n’en ont guère. Je demandais que ces pa¬ piers fussent lacérés, persuadé qu’il en résul¬ terait plus d’un bien, car soyez assurés que la plupart contiennent plus que des qualifications de bel esprit. J’en ai vu qui (s’ils n’étaient pas rapportés) seraient des espèces d 'actes conserva¬ toires de titres nobiliaires ; témoins les académi¬ ciens protecteurs ! Il faut croire que justice s’est faite à huis clos ou que ma lettre a été perdue, car je n’ai entendu parler de rien. Cependant la médaille qui y était jointe est parvenue à sa destination; ainsi je n’aurais qu’une chose à regretter (comme votant l’extinction de toute espèce de titres nobiliaires relatés dans les pa¬ tentes académiques), c’est que le but de mon envoi demeurant inconnu n’a pas pu éveiller l’attention. « Je ne me lasse point pour cela d’essayer de faire le bien. « Aujourd’hui, je me hâte de faire cesser les réflexions dangereuses des malveillants qui vou¬ draient faire croire au peuple que ses représen¬ tants ne veulent plus de religion. « La cantate que je t’envoie n’a été composée ni pour la Vierge, ni pour un saint : je chante l’Etemel... et c’est à toi, c’est à vous tous, hommes dégagés de l’erreur et du mensonge, que j’adresse cet essai de ma verve, où Dieu est loué par ses œuvres. « Taisez-vous, imposteurs ! J’ouvre les Droits de l’homme, et je les vois proclamés en présence de l’Être suprême qui les dicta. « La Convention, qui plane au-dessus de la calomnie, veut avec nous que la reconnaissance des Français éclate, mais sous la voûte du ciel, en présence de ce Dieu qui releva nos fronts de la poussière. Chantons la liberté, mais chantons celui qui nous créa libres, et dont la toute-puis¬ sance frappe aujourd’hui de toutes parts qui¬ conque ose attaquer nos droits imprescriptibles. « L’église ci-devant Notre-Dame est devenue le temple de la Maison. Eh bien ! j’y entre et, subjugué par son empire, je dis au peuple ras¬ semble : Cantate à l' Éternel. (Basse taille .) UN CORYPHÉE Mortels, éeoutez-moi. Que tout ce qui respire Sous la voûte du firmament Approuve et serve mon délire I (I } Archives nationales, carton F*7 1008 A, dos¬ sier 1385. Éternel, c’est pour toi que j'ai monté ma lyre. Sois sensible au sublime chant Que je t’adresse... et que m’inspire L’univers reconnaissant. MÊME CORYPHÉE Le grand livre de la nature Se déroule devant mes yeux. La voûte éclatante des cieux Parle à mon cœur sans imposture... A ce spectacle merveilleux Je reconnais l’Etre suprême, Dieu créateur, seul, sans rival, Qui ne peut être que lui-même, Et devant qui tout est égal. CHŒUR DES PEUPLES Vous qui vous disiez son image, Tombez, colosses de l’orgueil I Rois mortels, périssable ouvrage, Rentrez dans la nuit du cercueil. Sortez vos fronts de la poussière, Insectes ! chef-d’œuvre divin Qu’écrasait leur pied téméraire. Aujourd’hui la nature entière Rend hommage à son souverain. CHŒUR D’ENFANTS Doux zéphyr, exhalez la divine ambroisie Dont vous vous embaumez en caressant les fleurs. Au feu de vos soupirs, que tout se vivifie ! Qu’ils peignent aux humains vos souffles créateurs, Le souffle de Celui qui nous donna la vie I Portez son image en tous lieux. Volez, et l’annoncez sous le riant feuillage, Dans les antres profonds, sur les monts sourcilleux, Où les chantres allés, variant leur ramage, Célèbrent les bienfaits qu’ils ont reçus des cieux. (Terribile) (sic). Et vous, fiers aquilons dont la fougueuse haleine Rappelle les efforts des titans orgueilleux ! Par vos accords impétueux Célébrez l’ Eternel dont la main vous déchaîne Pour effrayer la race humaine Livrée à votre empire affreux. CHŒUR D’ENFANTS ET DE FEMMES Vous, tranquilles ruisseaux, dans votre douce pente, Sur la tige des fleurs murmurez son saint nom. UN CORYPHÉE SEUL Du torrent débordé que la voix menaçante, L’annonce avec fracas au tortueux vallon ! Et du vaste océan que la masse effrayante, En l’attestant, rugisse et sème l’épouvante. (Haute contre) (sic). Tonnerres, éclatez! que vos traits dévorants Glacent d’effroi le cœur du juste et de l’impie ! Qui sommes-nous? Quelle voix ! Quels accents ! L’homme, les animaux, tout tremble et s’humilie. CHŒUR DES PEUPLES Paraissez, pompeux météore. Arc brillant ! portez-vous le Roi du firmament? Non. Son trône est caché, l’astre qui vous colore Est de ce souverain le seul portrait vivant. Il emprunte de lui la vie et la lumière, Qu’il répand, à flots -d’or, sur les mondes épars. 497 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j IVécïmbn 1793 SOLO Semblable au Créateur, ce foyer qui m'éclaire Me force de baisser mes timides regards. LE MÊME L’éléphant, chaque jour, vers ce flambeau du monde S’avance et le salue, humble et religieux. Il voit avec respect ce globe radieux Qui, repoussant la nuit profonde, Remplit de sa splendeur l’immensité des cieux. Humains, tout vous invite à la reconnaissance. Tout d’un maître absolu, mais juste et bienfaisant Vous manifeste l’existence, Et lui rend à vos yeux un hommage constant. J’ai vu des pins altiers les têtes vacillantes Se courber devant leur auteur, J’ai vu les moissons ondoyantes, Inclinant leurs épis, dire au cultivateur : Rendez grâce à Celui dont les mains bienfaisantes Ont à votre industrie attaché le bonheur. Quel parfum ! L’air flottant s’est chargé d’un nuage, Qui jusqu’aux cieux s’élève et va porter l’encens ! C’est le baume des fruits et de la fleur des champs : L’été les a mûris, et voilà leur hommage. Vous dont l’âme s’exprime et peint les sentiments, Vous, êtres plus heureux, doués de la parole, Mortels, unissez-vous. Que vos rapides chants Ne forment qu’un concert de l’un à l’autre pôle ! J’ai commencé, mon hymne vole, - Et trouve l’ Éternel sensible à mes accents. Félix Nogaret. « Citoyens représentants, c’est à vous qu’il appartient de faire valoir ces preuves non équi¬ voques d’une religion gravée dans tous les cœurs. « Qu’un bon compositeur ajoute par ses accords aux tableaux contrastants de ma can¬ tate ; bientôt Paris, cette commune tant calom¬ niée, Paris qui vient d’abjurer le dieu de ceux qui nous égorgent, unissant sa voix à celle du juif et du protestant dans le temple de la raison, réduira le fanatisme au silence par ses relations avec l’auteur de la nature, être invisible, mais bienfaisant, qui veut le bonheur de tous, puis¬ qu’il nous rend la liberté, et nous conseille la tolérance. s « F. N. « P. 8. Trop heureux de perpétuer, si je le puis de cette manière, les événements célèbres et de prouver à l’Europe entière que les Fran¬ çais reconnaissent l’Etre suprême, je préviens la Convention que je donnerai incessamment le cantique de reconnaissance des captifs de la Vendée. » Les administrateurs du district de Provins écrivent que l’esprit public est à la hauteur de la révolution; que les prêtres abjurent en foule leur perfide métier; que les églises se ferment ou se changent en temples à la nature, à la philosophie. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). /I) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 299. Ir« SÉRIE, T* L XXX. Suit la lettre des administrateurs et procureur syndic du district de Provins (1). Les administrateurs et procureur syndic du dis¬ trict de Provins, au Président de la Conven¬ tion nationale. « Provins, 7 frimaire, 2e année de la Répu¬ blique, une et indivisible. « Le fanatisme et la superstition ont aban¬ donné nos contrées pour faire place à la raison. 74 prêtres de notre district viennent de renonoei au mensonge pour rendre hommage à la vérité. Nos églises sont presque toutes fermées, nous avons rassemblé tous les objets précieux qu’elles renfermaient comme étant une propriété na¬ tionale; les métaux d’or et d’argent vont partir pour la Monnaie, ceux de fer, de cuivre et de plomb seront bientôt convertis en armes et canons propres à terrasser les satellites des des¬ potes coalisés. Ces tyrans ne peuvent résister à notre énergie républicaine. La liberté enfante les vertus et détruit l’égoïsme, aussi 51,000 livres viennent - elles d’être déposées dans la caisse de notre district en échange d’assignats, et l’es¬ prit révolutionnaire qui anime nos concitoyens nous promet encore de nouveaux succès. Les égoïstes, les insouciants, les modérés même ont changé de caractère et ils ne sont plus animés que de l’amour du bien public. « La loi avait à peine parlé, que 230 cloches ont été descendues et attendent la fusion pour être converties en canons; leur destination ne sera pas beaucoup changée, au lieu de célébrer les . morts parmi nous, elles porteront ce fléau dans les rangs ennemis. « Assurez la Convention, citoyen Président, que nos concitoyens sont à la hauteur des cir¬ constances et qu’ils ne négligeront rien pour maintenir les mesures révolutionnaires tendan¬ tes au salut de la République. « Salut et fraternité. » (Suivent 8 signatures.) Le maire de Rilly-Sainte-Syre écrit que cette commune demande à changer son nom en celui de Rilly-la-Raison. H annonce que la châsse de Sainte-Syre, qui, suivant la tradition du pays, conservait en entier le corps de cette sainte avec la plus belle carnation, a été ouverte devant le peuple : on n’y a trouvé que des os vermoulus; le peuple a été complètement détrompé. Mention honorable, insertion au « Bulletin » et renvoi aux comités d’instruction publique et de division (2). (1) Archives nationales, carton C 283, dossier 809. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 300. 32