272 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791, J Je demande donc que, pour éviter tous les dangers qui en résulteraient pour la Constitution qui vous a tant coûté et pour la liberté que vous avez établie, vous ne décidiez pas légèrement et sur des clameurs non réfléchies à rejeter un projet conçu par quelqu’un chez lequel l’amour de la liberté ne peut pas être douteux. Je demande que vous renvoyiez à vos comités pour examiner ce plan. Plusieurs membres : La question préalable 1 M. de Cazalès. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée que plus cette question est importante, plus il est impossible d’y mettre la question préalable et que, s’il y a des inconvénients... (La question 'préalable !) (L’Assemblée ferme la discussion et décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le renvoi aux comités de révision et de Constitution du projet de M. Buzot.) La discussion est ouverte sur ce sujet. M. de Virieu. C’est à moi à parler le premier. J’ai demandé la parole sur le fond avant qu’il fût question du renvoi. M. le Président. La parole est à M. Pétion. M. Pétion de "Villeneuve. Il n’était pas possible de s’attendre à discuter d’une manière inopinée une question d’une aussi haute importance. Messieurs, cette question a longtemps occupé, dans les Etats-Unis d’Amérique , les meilleurs esprits. D’abord le congrès avait commencé sa carrière comme vous avez commencé la vôtre; une unité absolue était également nécessaire pour faire la Constitution. Cette Constitution faite, il n’y a eu qu’un seul des Etats-Unis qui ait voulu conserver l’unité de la Chambre. Le congrès s’est partagé depuis en deux sections et je prie de ne jamais confondre ces deux sections séparées avec deux Chambres; car remarquez, Messieurs, qu’il n’y a pas d’analogie entre une Chambre qui se réunit pour commencer l’objet de la délibération, qui se sépare ensuite en deux sections pour la discussion, et qui se réunit enfin pour arrêter sa délibération, et deux Chambres distinctes, séparées d’abord dans leurs éléments, composées de membres qui ne sont pas égaux en droits, comme en Angleterre, par exemple, où il y a une Chambre de privilégiés et une Chambre des Communes. Qu’on ne se serve pas de l’exemple de l’Assemblée actuelle pour en induire que deux sections sont inutiles dans une Assemblée. Quand vous avez eu à créer, il fallait une force indivisible; mais quand vous n’avez plus qu'à conserver, il faudra du silence , du calme et du sang-froid. Je conçois, Messieurs, que les réflexions qui vous ont été faites par le rapporteur ont dû naturellement séduire une Assemblée qui a toujours délibéré et discuté, étant réunie; on craint, avec quelque fondement apparent, d’y voir un germe de deux Chambres, germe qui pourrait se développer par la suite ; mais ceux qui ont été à portée d’examiner cette question saveot qu’on vous amènerait plus sûrement à la nécessité d’avoir deux Chambres par la proposition contraire. On me dira peut-être qu’à Versailles, lorsqu’on agita la question de la formation de l’Assemblée nationale, j’ai été un des premiers à m’opposer au système de deux Chambres. Oui, parce que je prévoyais les événements et, certes, l’opinion de tout homme capable de réfléchir, de prévoir, devait être pour l’unité ; mais, je me rappelle parfaitement avoir parlé alors de la Constitution américaine et j’ai même imprimé que, pour apporter à la délibération toute la maturité dont elle a besoin, il était nécessaire de diviser le Corps législatif en deux sections : telle est encore mon opinion. Vous savez, Messieurs, que quand, dans une Assemblée, la majorité est déterminée à aller aux voix, il n’y a pas de moyen possible à la minorité d’empêcher la délibération de passer; et cependant la majorité peut avoir tort. Or, la majorité, à l’avenir, ne sera pas ce qu’elle est aujourd’hui ; le parti de l’opposition sera alors le parti de tous les bons patriotes, de tous les bons citoyens,. . . (A droite : Gomme aujourd’hui!) et le parti de la majorité sera le parti ministériel. Je conclus, Messieurs ; comme j’ignorais que cette discussion devait être mise à l’ordre du jour, je n’ai pas rassemblé toutes mes idées et je n’ai pas pris un parti; j’incline toutefois pour les principes exposés par M. Buzot. Je demande donc l’impression du nouveau plan qu’il a proposé et l’ajournement à samedi de la discussion. (Non ! non ! — A lundi !) (L’Assemblée, consultée, décrète l’impression du projet de M. Buzot et l’ajournement de la discussion à lundi.) L’ordre du jour est un rapport du comité des finances sur les mesures provisoires proposées à l'Assemblée pour obvier a la disette du numéraire (\). M. de Cernon, au nom du comité des finances. Messieurs, les commissaires du comité des finances se sont réunis avec ceux des assignats ; ils ont aussi appelé différents fabri-cateurs afin de prendre d’eux les renseignements nécessaires sur les termes les plus prochains de fabrication. Ces commissaires ont examiné successivement les divers projets proposés; et le résultat de notre opinion est de vous demander de presser, de toute votre activité, l’exécution de votre décret, qui ordonne l’émission simultanée d’une nouvelle monnaie de papier et de cuivre. Mais, jusqu’à cette exécution complète, nous croyons que l’émission d’une quantité quelconque d’assignats aurait le plus grand danger dans la circulation. Nous avons donc pensé qu’une mesure qui ne donnerait pas en même temps, et de la monnaie de cuivre, et des assignats, serait contradictoire à votre décret. En conséquence, nous avons renoncé aux deux projets proposés, et le comité me charge de vous proposer le décret suivant : « Art. lor. Le roi sera prié de nommer deux commissaires pour surveiller la fabrication des formes du papier des assignats de 5 livres, décrétés le 6 mai. « Art. 2. L’Assemblée nationale nommera incessamment dans son sein six nouveaux commissaires, qui seront adjoints aux anciens pour s’occuper de la même surveillance, conjointement avec les commissaires du roi. « Art. 3. Les commissaires seront tenus de (1) Voy. ci-dessus, séance du vendredi 20 mai 1791, page 254.