SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 11 219 Compare l’issue de ses perfides manœuvres avec ses brillantes promesses et juge de ce que peut un esclave contre les resources sans cesse renaissantes d’un peuple libre ! Il entre ensuite dans les détails du siège de Toulon, de l’exemple que cette commune a donné à la République. Il décrit de même le but, les moyens et l’issue de l’affaire navale pour les Anglais, retourne aux Espagnols dont la lâcheté s’est sy bien peinte à la reprises de Collioure, Port-Vendres, etc. et a fait un contraste si frappant avec l’héroïsme des Français, esquisse rapidement les principales affaires de la guerre infernalle de la Vendée, de la révolte de Lion, etc., et met en évidence la perfidie anglaise et celle des autres coalisés qui y prenaient une part si active par leur gens et leur trésors, pour revenir enfin aux victoires plus rapprochés qui forment la plus brillante époque de notre révolution : les Français se portant presque en même tems partout où il y a des esclaves, ceux-ci se précipitant sur leur arrières-gardes et entraînant toutes leurs forces comme pour assiéger leurs propres enceintes, tel est le tableau animé qu’il termine. O mes concitoyens, s’écrie-t-il en finissant. Que nous manque-t-il pour être le premier peuple de l’univers ? Les Romains eux-même, trop célèbres pour le peu d’heureux qu’ils ont fait, combien ils sont éloignés des Français régénérés ! Encore un pas, et notre gloire sera à son comble. Elle sera impérissable comme la République qui en tirera un nouvel éclat. Nous ne pouvons pas tous partager les glorieux périls de nos deffenseurs. Nous ne pouvons pas tous partager leur victoire sur le territoire des esclaves. Mais combien de victoires dans un autre genre peuvent nous illustrer encore ! Que de préjugés arrêtent notre énergie ! Que de passions nous retiennent au-dessous des vrais principes d’un républicain, et, pour ne parler que de l’interrest propres qu’on nomme égoïsme dont la plus part d’entre nous ne sont pas assez guéris, oh combien il contredit l’égalité sainte à laquelle la nature nous a soumis, et la douce fraternité, le premier lien de la société. Levons-nous donc aussy en masse pour combattre chez nous et hors de nous tout ce qui peut nuire à l’interrest national. Faisons-en ici le serment de tout sacrifier à la patrie. Nous ne perdrons rien : une conscience pure, la jouissance du bien public vaut une usurpation criminelle sur le bonheur de nos semblables. Que les réjouissances qui vont nous rassembler soient l’aurore de cette douce union. Commençons-la par le refrain chéry : vive la République ! Un jeune républicain de la compagnie des enfants a succédé à la tribune. Tous les regards se sont fixés sur le jeune orateur dont les premiers mots étoient l’expression du patriotisme et de la reconnoissance. Citoyen président, a-t-il dit, et nous aussy nous voudrions bien pouvoir combattre les ennemis de la République. Tu as déjà formé au maniment des armes plusieurs de nos frères qui sont aux frontières. Notre tour viendra et nous n’avons encore que la bonne volonté. Je require aussy au nom de mes jeunes camarades tes soins et ton zèle, et demande que nous soyons dès ce moment admis avec nos aînés au service de la garde de la commune. Cette pétition, convertie en motion par un membre et applaudie par la société, a été adoptée à l’unanimité. On a chanté ensuite plusieurs hymnes patriotiques et après les cris répétés de : vive la République une et impérissable ! on s’est séparé pour aller terminer la fête de la victoire. Destain ( libre président). 11 La société populaire de Blamont, département du Doubs, envoie à la Convention nationale l’hommage des sermens civiques qu’elle a prononcés le jour de l’anniversaire du 14 juillet. Elle a juré guerre à mort au despotisme, à l’erreur et à tout genre de corruption. Elle lui renouvelle son invitation de rester à son poste et fait passer quelques pièces composées pour son instruction. La Convention nationale décrète la mention honorable, l’insertion au bulletin et le renvoi au comité de salut public (1). [La sté popul. montagnarde et régénérée de Blamont, à la Conv.; Blamont, 1er therm. II) (2) Liberté, égalité, fraternité. Guerre aux tyrans ! Paix aux chaumières ! Ainsi la raison et la liberté marchent d’un pas égal. Tandis que les bayonnettes de nos intrépides guerriers portent l’effroi chez tous les despotes et font le désespoir de leur âme de sang, les vrais principes de morale se répandent et font la consolation du sage. Dans peu l’homme et le ciel seront vengés. Oui elles tomberont ces chaînes honteuses dont l’ignorance avoit laissé accabler l’humanité. Elles tomberont aussi ces pompeuses rêveries par lesquelles on avoit défiguré la divinité et avili son culte. Fiers des traits de grandeur que nous a imprimés notre Dieu, orgueilleux de la place distinguée qü’il nous a assignée parmi ses ouvrages, jaloux de ses droits et des nôtres, nous ne souffrirons plus de barrière entre nous et lui; nous ne reconnoîtrons plus d’autre empire que celui de ses loix; nous ne rendrons plus d’autre hommage que celui de nos vertus. On nous avoit dérobé son cœur, nous le retrouvons et nous ne permettrons jamais qu’on nous le ravisse de nouveau. Citoyens représentans, c’est là le serment solemnel que nous avons prêté à la célébration de l’anniversaire du 14 juillet 89. Alors nous avons dit d’une commune voix : point de trêve avec les tyrans ! Point de paix avec le crime ! Guerre à mort et au despotisme et à Terreur et à tout genre de corruption ! Et ce serment qui (1) P.V., XLIII, 270. Mentionné par B‘n, 2 fruct. (suppl1). (2) C 316, pl. 1268, p. 8, 9, 11. 220 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE a été répété dans toute la République et qui sans doute a été entendu des cieux ne sera pas vain. Recevez-en l’hommage, citoyens législateurs. C’est de vous que partent ces rayons de lumière qui nous éclairent, nous échauffent, nous vivifient. Il nous est si doux de les réfléchir et de les faire retourner à leur foyer pour revenir ensuite à nous avec plus de force. Pères du peuple, nous n’avons pas besoin de vous renouveller ici l’invitation que nous vous avons déjà faite plusieurs fois de rester à votre poste. Le délicieux commerce de sentimens qui subsiste entre vous et nous doit vous être un sûr garant de la confiance entière que nous vous avons vouée, comme il en est un bien consolant pour nous de votre zèle à servir la chose publique. Nous sommes avec un amour vraiment filial, citoyens représentans, les dignes imitateurs de vos sentimens et de vos vertus. Les citoyens composant la société populaire séante à Blamont, département du Doubs. G.F. Dieny ( présid .). P.-S. Nous vous envoyons quelques pièces composées pour l’instruction de notre société. Nous les croyons d’après les vrais principes. Eclairez-nous si nous nous trompons et croyez que nos intentions sont pures. L’évangile du républicain puisé dans les principes de l’éternelle vérité et dicté d’après le cœur du sage, adopté par la société populaire de Blamont, rédigée par G.F. Dieny, juge de paix. Doué de raison, l’homme doit mettre sa gloire à cultiver cette précieuse partie de lui-même qui fait son plus bel ornement. L’homme doit aimer la vérité et la chercher, parce que ce n’est que par elle qu’il peut se montrer digne de la place distinguée qu’il occupe parmi les êtres et trouver le bonheur. La vérité est la réunion sublime des principes immuables et universels que nous avons gravés dans le cœur. Un principe est une vérité particulière si palpable que dez qu’on la propose la raison y acquiesce sans peine. Ces principes sont : 1° Le monde dont nous faisons partie existe. 2° Le monde doit son existence à une cause sublime que nous appelions Etre suprême, ce qui veut dire : être qui est au-dessus de tout. 3° C’est (sic) Etre suprême est l’assemblage de toutes les perfections possibles. Par conséquent il doit être sage, juste, puissant et infiniment bon et doué d’une intelligence sans bornes. 4° Cet Etre suprême, cause unique de tout ce qui existe, doit nécessairement veiller sur ses ouvrages. Il y a donc une providence. 5° Adorer cet Etre suprême, mettre notre suprême confiance en sa bonté paternelle et suivre les loix qu’il a lui-même gravées dans nos cœurs sont trois vérités aussi naturelles que celle de son existence. 6° Adorer Dieu c’est se pénétrer de sa grandeur et célébrer ses bontés à notre égard. 7° Cette adoration doit être l’action de l’esprit plutôt que du corps. Nous ne pouvons communiquer avec Dieu que par la partie de notre être qui nous rend semblables à lui. 8° Par conséquent notre culte doit être simple et dégagé de toute superstition. Celui qui ne l’adore que par un extérieur presque toujours illusoire le déshonore et s’avilit lui-même. 9° Dieu n’a mis aucune barrière entre lui et l’homme. Celui-ci peut donc, il doit même, lui adresser ses hommages immédiatement. Se servir d’un tiers ce seroit manquer de confiance en la bonté de ce Dieu et ôter au culte qu’on lui rend tout son prix. Quoi de plus grand que de se réunir en masses pour servir l’Etre suprême ? Mais il faut alors que cette réunion ait pour principe l’amour fraternel. Ce seroit donc pour Dieu le plus touchant spectacle et pour notre raison le plus beau triomphe de pouvoir ramener tous les hommes à un seul culte. 11° Mettre sa confiance en Dieu c’est se reposer sur ses soins paternels et réclamer avec le calme d’une conscience pure son secours au besoin. 12° Notre confiance en Dieu ne doit point avoir de bornes et nous pouvons croire hardiment que le doux pressentiment que nous avons de l’immortalité de notre âme ne sera pas un vain songe. 13° C’est outrager Dieu, c’est le défigurer que de le peindre sous les traits odieux d’un tyran. C’est aussi changer en poison l’idée la plus consolante et détruire dans l’homme tout sentiment d’amour pour son Dieu. 14° Le plus beau livre élémentaire de religion est le magnifique spectacle de la nature, et notre cœur. Consulter l’un et l’autre, c’est le moyen de ne faire qu’un avec Dieu et de s’identifier avec lui. 15° Suivre les loix de Dieu c’est faire ce qui nous est avantageux à nous-mêmes et utile à nos semblables. 16° Les loix se lisent dans nos consciences. La main bienfaisante de Dieu les a gravées. C’est un code clair et simple, toujours présent, toujours ouvert devant nous. De sorte que tout homme peut être législateur, précepteur à lui-même. 17° Ce qui nous est avantageux c’est ce qui peut contribuer à entretenir notre corps dans une heureuse situation et procurer à notre âme un vrai et pur contentement. 18° Ce qui est utile à nos semblables c’est ce qui, loin de leur causer le moindre préjudice, sert au contraire à les rendre heureux. 19° La règle de l’homme par rapport à lui-même est donc celle-ci : Travaille, sois sobre et modéré dans tes désirs. Celle par rapport à ses semblables est ce principe sacré : Fais aux autres ce que tu veux qu’on te fasse, c’est à dire : Sois juste et bienfaisant. 20° L’homme n’a de maître au-dessus de lui que Dieu. Par conséquent, mettant à part les loix de ce sage auteur, l’homme est indépendant et libre. 21° Tous les hommes étant libres, ils doivent donc aussi être égaux entr’eux et jouir des même prérogatives. SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 11 221 22° Quiconque veut nous commander ne peut le faire que d’après nous-mêmes et pour notre propre interret. 23° La société est pour l’homme un besoin de première nécessité; il ne saurait se réduire à lui-même sans compromettre sa sûreté. 24° Lorsque les hommes se réunissent en société ce ne peut être que pour leur avantage commun et jamais pour l’interret d’un seul. 25° Quiconque se trouvant réuni en société manque au bien public ou foule aux pieds l’interret des particuliers doit être puni parce qu’il prétend par là se mettre au-dessus de ses semblables. 26° Tout acte d’association doit reposer sur les sages loix de Dieu. En nous en écartant nous faisons violence à la nature. 27° Tous les hommes devraient ne former qu’un seul corps de société parce que toute association partielle nuit nécessairement à la masse du genre humain en mettant chaque peuplade vis-à-vis les unes des autres en état de guerre continuelle. Il n’est pas moins contraire aux vues de la nature de voir les différents peuples de la terre s’isoler et faire chacun cause à part, que si chaque individu vouloit ne travailler que pour soi. 28° Lorsqu’un individu manque à un autre individu ou à plusieurs, la société prononce des peines sévères contre cet audacieux. Il devrait en être de même entre tous les peuples de la terre; c’est à dire que lorsqu’un peuple vient à manquer à un autre peuple ou à plusieurs, tous les autres devroient se lever contre le prévaricateur téméraire des droits des nations, c’est à dire encore que lorsqu’un peuple oprime la liberté des citoyens, tous les autres devroient prendre le parti des oprimés afin de venger la nature outragée. Et pour lors les guerres ne se renouvelleraient pas si souvent et la jouissance des droits de l’homme serait plus assurée. Tels sont les principes qui doivent diriger l’homme. 29° Il lui est aussi impossible d’être heureux en s’en écartant qu’il lui serait impossible de jouir de la lumière du soleil s’il mettoit un épais bandeau sur ses yeux. 30° Comme les organes sont au corps pour pouvoir communiquer avec les objets qui nous environnent, de même ces principes sont à l’âme pour pouvoir distinguer ce qui lui convient. 31° L’harmonie de l’univers repose sur les loix que l’auteur de la nature a imprimées sur toutes les parties qui le composent. De même la félicité de l’homme découle de l’aplication des principes que ce même auteur lui a imprimés en nous formant. 32° Celui-là donc qui s’annonce pour l’oracle de la sagesse suprême et qui prêche contre ces principes outrage tout à la fois Dieu et l’homme parce que, tout en faisant mentir Dieu à lui-même, il défigure son plus bel ouvrage. 33° Ce qui a toujours fait le malheur de l’homme c’est qu’il se regarde bien plus comme un être purement physique ou animal que comme un être moral ou raisonnable. 34° L’homme se fatigue assez pour ce qui regarde les travaux grossiers de la vie; son corps est toujours en activité; mais pour ce qui concerne son existence morale il est on ne peut plus lâche et aime toujours s’en rapporter à la foi d’autrui pour se dispenser de la peine de réfléchir et de faire un sérieux retour sur lui-même. 35° En rappellant à l’homme la dignité de son être et en le rendant orgueilleux de penser et d’agir d’après lui-même, d’après la voix secrète que fait entendre son Dieu au-dedans de lui, c’est lui faire faire un grand pas vers le bonheur. 36° Celui qui veut faire de l’homme un être différent de ce que Dieu l’a fait lui-même ne travaille que pour son propre interret. Pourquoi est-on si dupe de le croire ? 37° O homme, n’écoute donc point aveuglément tout ce qu’on te dit. Pense, c’est là le véritable et l’infaillible oracle de Dieu qui veille sur toi. Extrait des registres de la société populaire régénérée de Blamont, au département du Doubs - Séance extraordinaire du 26 e messidor 2e année de la République une, indivisible et démocratique. La société, toujours fidèle au but qu’elle s’est proposé en se formant, but qui tend particulièrement à répandre parmi ses concitoyens les lumières et à propager les grands principes de notre sublime constitution, s’est empressée de célébrer d’une manière solemnelle l’anniversaire du 14 juillet 1789 (vieux stile). Réunie à la municipalité de Blamont, dans la salle ordinaire de ses séances, elle a fait inviter la garnison du fort, les jeunes filles, la garde nationale et tous les bons patriotes dudit Blamont de vouloir bien concourir avec elle à la solemnité de cette mémorable époque. A 10 heures, le cortège formé comme lors de la fête du 20 prairial dernier, s’est rendu hors de la commune auprès de la montagne érigée à la patrie en chantant l’air patriotique : Veillons au salut de l’empire ! Veillons au maintien de nos droits ! etc. malgré une pluie assez forte survenue dans le trajet. Arrivés à la montagne, on a commencé par chanter l’hymne qui se commence : Quels accens ! Quels transports ! etc. Ensuite les taVnbours ayant battu aux champs, l’agent national de la commune a dit : Citoyens, c’est le 14 juillet 1789 que le vaisseau de la République a été mis sur le chantier et c’est le 21 septembre 1792 qu’il a été lancé. C’est donc l’aurore de notre liberté que nous devons fêter aujourd’hui. Mais pour célébrer dignement cette heureuse époque nous ne pouvons mieux faire que de commencer par consacrer d’une manière solemnelle les principes républicains que nous adoptons conformément aux hautes destinées auxquelles l’Etre suprême nous appelle par un effet de sa bonté. En conséquence, le citoyen N... va vous en faire la lecture. Proclamation desdits principes sous le titre d’Evangile du peuple français puisés dans les principes de l’Etemelle vérité et dictés d’après le cœur du sage. Le maire de la commune a aussi dit : Frères et amis ! La France veut être libre, elle le veut afin de mettre un terme à ses maux