492 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] gneur, quand elle déclarera sa propriété sur les biens du clergé ? « Mais quel fâcheux exemple , et qui sera désormais assuré de sa propriété, si le clergé ne l’est pas de la sienne ? » On suppose ici ce qui est en question, c’est-à-dire que le clergé est propriétaire : il ne l’est pas ; cela est démontré : lorsque la nation reconnaîtra cette vérité, elle ne portera aucune atteinte aux droits des citoyens qui sont véritablement propriétaires. « Mais ce n’est pas à la nation que les biens du clergé furent donnés ; c’est à un bénéfice, à une communauté : comment la nation se trouverait-elle propriétaire de ces biens ? » On l’a déjà dit: un être moral ne peut pas être propriétaire, il n’existe et ne peut exister qu’au-tant et de la manière qu’il plaît à la nation; elle a toujours, qu’il soit permis de le dire, un droit de vie et de mort sur ces corps intellectuels et sur tout ce qui en dépend : ils ne sont créés que sous cette condition, et c’est ce que les donations de biens ecclésiastiques n’ont pas dû ignorer. On ne pourrait donc tirer en faveur du clergé aucune induction de la circonstance, que les donations auraient été faites à un titre particulier de bénéfice. Mais rien ne prouve mieux l’embarras extrême du clergé que sa défense actuelle ; elle est absolument opposée aux principes qu’il a professés dans tous les temps. Empruntons ici le langage des canonistes les plus distingués (1) : « La piété est le principe des fondations; le culte divin en est la fin et le terme , le premier motif du fondateur est toujours de faire un sacrifice à Dieu.... C’est à l’Eglise qu'il adresse l’hommage qu’il veut rendre à la souveraine majesté ; c’est elle qui l’accepte en son nom ..... Cette intention primitive est essentielle aux fondations, elle en est inséparable ; et si les fondateurs spécifient les personnes qu’ils préfèrent pour remplir leurs vues religieuses c’est afin de mieux satisfaire à cet objet principal. » D’après ces maximes le clergé a toujours soutenu que les biens ecclésiastiques avaient été donnés à l’Eglise : à Dieu et à Sainte Eglise , pour employer les expressions d’ordonnances et de chartes anciennes. Ce principe a en effet été consacré par un grand nombre de décisions ; ce n’est donc pas, de l’aveu du clergé lui -même, à un établissement particulier, mais à l’Eglise que les donations ont été faites. Mais gardons-nous de confondre l’Eglise avec le clergé ; le clergé est, sans contredit, une partie, et une partie distinguée de l'Eglise ; mais il n’en est qu’une partie. Personne mignore que l’Eglise eet l’assemblée des fidèles; or, dans un Etat ou la loi n’a jamais reconnu que des fidèles, qu’on nous dise si l’assemblée des fidèles est, et peut être autre chose que la nation ? C’est donc à la nation qu'on été faites, dans les principes du clergé lui-même, les donations de biens ecclésiastiques ; c’est donc la nation qui en est propriétaire. Elle le sera, si l’on veut, sous les charges imposées par les fondateurs ; elle sera tenue de les faire acquitter comme le clergé lui-même, s’il avait une propriété : mais elle est certainement propriétaire, et il n’est plus possible de méconnaître cette précieuse vérité. Faut-il rappeler actuellement que la puissance (1) Mémoire pour le syndic du clergé de Lyon, suivi d’une consultation signée de MM. Mei, Piales, Maultrot et Camus. publique a constamment, et dans tous les temps, exercé ce droit absolu, de disposer des possessions ecclésiastiques ; qu’elle seule a consommé les unions, les transactions, les suppressions de bénéfices ; qu’elle a, dans différentes occasions, forcé des aliénations pour le besoin public, et même pour les besoins des pauvres ; qu’elle a supprimé des ordres entiers ; qu’elle a disposé des immeubles dont ils avaient joui, et qu’enfin, en dernier lieu, elle a éteint la dîme dans les mains des ecclésiastiques ? Qui pourrait donc méconnaître dans la nation un droit de propriété que la saine raison réclame pour elle, et qu’elle a, pour ainsi dire, exercé chaque jour depuis que la monarchie existe ? M. l’abbé Grégoire. Le clergé n’est pas propriétaire, il n’est que dispensateur: s’il prend pour lui plus que le nécessaire, c’est selon les canons un véritable sacrilège. Mais la nation n’est pas propriétaire de tous les biens. Il en est qui ne lui ont pas été donnés, et dont elle ne pourrait pas disposer. Les uns appartiennent aux familles, ils doivent y revenir dans le cas où les fondations ne seraient pas exécutées; ils y reviennent encore quand les héritiers sont dans la détresse, puis-qu’alors ces héritiers sont les premiers pauvres du bénéfice. D’autres appartiennent aux paroisses ; d’autres encore aux provinces, et si, après que la vente en aurait été faite, par quelque événement extraordinaire, une province venait à cesser d’être française, où retrouverait-elle ses biens ? Cependant, malgré ces observations, le principe est toujours que la nation peut ramener les biens à leur véritable destination, et changer le mode de leur administration. Il faudrait seulement verser les revenus dans les caisses des provinces, qui payeraient les dettes locales du clergé et aviseraient aux moyens de fournir leur quote-part pour le service divin. M. de Béthigy, évêque d’Uzès (1). Messieurs, la voix puissante du devoir me ramène sur la grande question des propriétés ecclésiastiques. J’ose encore m’offrir à toutes les inductions qu’on voudra tirer de ma persévérance. Je n’ai qu’un mot à y répondre, je n’ai presque pas de biens-fonds ; et quand j’en aurais , Messieurs , j’aurais encore le courage de les défendre , parce que ie crois fermement que c’est ma dette envers la justice et la vérité. Au reste, Messieurs, mon seul but aujourd’hui est de jeter un coup d’œil rapide sur quelques-unes des objections faites contre la propriété du clergé. Et d’abord, permettez-moi une observation générale. Vous avez remarqué, sans doute, que chacun des honorables membres qui a voulu attaquer le droit de propriété des biens ecclésiastiques a commencé par donner une définition, non de la propriété en général, mais de la sorte de propriété qu’il espérait prouver que nous n’avions pas ; et cependant, il en tirait la conséquence générale que nous n’étions pas propriétaires. Tel, Messieurs, vous avez entendu l’un des opinants dire que la propriété est le pouvoir d’user et d’abuser de sa chose. Certes, c’est bien abuser du talent de la parole, que d’oser donner cette phrase pour une définition et la soutenir. Le droit d’abuser est une des qualités de la (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse d»-discours do M. de Béthisy. 493 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] propriété, peut-être; tuais elle ne lui est point essentielle, mais elle ne la constitue pas absolument, et elle ne peut donc la définir ; car la définition doit exprimer la nature entière de l’objet défini. Une seule preuve suffit, Messieurs, pour f appuyer cette vérité ; c’est qu’il existe de réelles propriétés sans le droit d’abuser : telles sont celles grevées de substitutions, et beaucoup d’autres. Je suis pressé, Messieurs, par le désir d’être le plus court possible, et, comme tout le raisonnement de l’opinant était fondé sur sa défi-. nition, en la prouvant mauvaise, je crois avoir détruit tout son raisonnement : je ne lui ferai pas v l’injure de répondre à un jeu de mots échappé à la chaleur de son discours ; je lui observerai seulement, qu’en effet, les fondations ne sont pas des dons faits au clergé ; mais qu’ils ne sont pas faits non plus à l’Eglise, mais à telle ou telle église particulière. Qu’il daigne se rappeler son raisonnement, et il sentira lui-même que la ' généralité dont il croyait avoir besoin, prou-vait plus qu’il ne voulait; car il fallait abso-T lument en conclure que nos biens appartenaient, non à l’Eglise de France, mais à l’Eglise générale. Passons à une autre définition. Selon l’honorable membre qui nous l’a présentée, la propriété est le droit de jouir pour soi, de pouvoir vendre, l aliéner et disposer; celui qui ne jouit qu’à charge de donner, n’est, selon lui, qu’administrateur. ► Cette définition, Messieurs, a deux parties distinctes, l’une positive, l’autre négative. La première est juste, quand elle prononce que la propriété est le droit de jouir pour soi ; quand elle ajoute que c’est celui de vendre, aliéner et disposer, elle ne l’est plus, puisqu’elle sort de sa généralité, et qu’elle donne, comme essentielles à la nature de la propriété, des qualités particulières de ce droit, sans lesquelles il peut exister * et existe réellement dans les mains des usufruitiers de tout genre. J’imagine qu’on ne dira plus que la propriété usufruitière n’est pas une vraie propriété, c’est elle, qu’avec justice, vous avez déclarée inviolable dans les mains des créanciers viagers de l’Etal; c’est par elle que la nation se trouve obérée et forcée de recourir à des ressources extrêmes ; c’est à elle, enfin, qu’on vous propose d’immoler la propriété du clergé. La seconde partie de la définition que j’examine refuse les , droits et le titre de propriétaire à celui qui ne jouit qu’à charge de donner, et le réduit au titre d’administrateur. Si je ne craignais d’abuser de vos moments, Messieurs, j’anéantirais cette opinion, sous tous les rapports qu’elle peut avoir avec les biens ecclésiastiques ; je ferais lire à l’honorable membre les actes des fondations et ’ donations, et il y verrait que la plupart sont absolues, et ne contiennent pas même, textuelle-N ment, cette intention pieuse et humaine de donner aux pauvres, qu’elles croyaient remplir suffisamment, en donnant aux consolateurs naturels de l’humanité souffrante ; je lui ferais voir d’ailleurs toutes les donations civiles grevées de charges, et qui ne transmettent pas moins le droit en-. tier de la propriété. Une condition imposée à ce droit ne peut le détruire ; son seul effet est de restrein-� dre son étendue, et de circonscrire sa jouissance. Mais, Messieurs, quels sont les caractères de ce titre qu’on veut nous donner, de ce titre d’administrateur? En reconnaît-on un seul dans notre manière de posséder? Un honoraire déterminé nous est-il fixé sur Je bénéfice qu’on suppose que nous ne devons qu’administrer? devons-nous des comptes à d’autres qu’à Dieu et à nos consciences? Non, sans doute, et nous ne pouvons donc être confondus avec de simples administrateurs. Nos propriétés sont grevées de charges, comme tant d’autres; elles sont plus obligatoires et plus respectables, il est vrai ; mais en les remplissant, nous sommes quittes, et nous possédons de plein droit. On ne peut donc conclure, de ce que des obligations sont imposées à nos propriétés, qu’elles cessent d’être de vraies propriétés, et que nous n’ayons sur elles qu’une obligation d’administrer, et non un droit de posséder. Une autre attaque, Messieurs, bien imposante, bien essentielle à repousser, est celle qui développe* des opinions nouvelles sur les droits de propriété de tous les corps. Elle se présente avec des principes d’autant plus séduisants qu’ils sont généraux, et elle marche sous l’égide d'une logique inattaquable. Ce n’est donc que dans les principes eux-mêmes qu’on peut attaquer son opinion ; et j’oserais l’entreprendre s’ils n’avaient été déjà victorieusement repoussés. Je me permettrai seulement de lui faire remarquer une grande inattention ; il assimile, ce me semble, deux lois bien disparates. Il dit que la même autorité qui a pu, par la surveillance seule d’administration, arrêter les acquisitions d’un corps, peut aussi lui refuser le droit de posséder, et reculer l’effet de cet anathème politique jusqu’au droit reconnu et confirmé par la nation elle-même depuis l’origine de la monarchie. Messieurs, vous l’avez remarqué sans doute, l’honorable membre a avancé cette doctrine, et lui-même n’a pu en donner une seule preuve. En effet, quel rapport peut-il y avoir entre une simple loi d’administration qui défend à un corps d’étendre ses propriétés, et un acte de la souveraineté la plus absolue qui étendrait le despotisme, destructeur sur des siècles de propriété ? Nul rapport donc entre la loi de 1749 et celle qui frapperait d’une mort politique tous les corps que l'Etat renferme dans son sein. Vous avez encore entendu dire, Messieurs, par un autre opinant, que la nation ayant déclaré qu’elle ne voulait plus, et que, par conséquent, ce corps ne pouvait plus posséder aucuns fonds. Mais, Messieurs, cette fausse conséquence ne vient que d’une confusion de mots. De ce que le clergé ne serait plus un ordre dans l’Etat, s’ensuivrait-il qu’il ne soit plus un corps? Est-ce comme ordre qu’il possédait ses biens ? Peut-on ainsi confondre et les droits politiques et les droits civils? Je crois, Messieurs, ne devoir pas étendre mes réponses sur cette objection : elle me paraît se répondre à elle-même. Quant aux calculs de l’honorable membre, j’en appelle aux preuves. Quant à l’assertion, que le régime d’administration du clergé entassait dettes sur dettes, et que bientôt elles auraient égalé les propriétés ecclésiastiques, je réponds que tous les remboursements des dettes du clergé ont des époques fixes, et tous devaient être effectués au commencement du siècle prochain. Je n’ose m’étendre, Messieurs, et vous voyez, sans doute, que j’indique seulement les réponses. Je ne puis cependant me dispenser de répondre encore à un honorable membre qui a dit que la propriété des biens ecclésiastiques appartient à la nation : que cette opinion a paru être le fruit de la philosophie moderne; puis, il ajoute qu’elle est aussi ancienne que nos lois, et il s’engage à le prouver par les faits. Enfin, Messieurs, le premier qu’il cite est la nécessité de l’autorité souveraine pour l’aliénation de nos biens, et ce 494 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1789.] fait est moderne; et ce fait prouve notre propriété, puisque le propriétaire seul peut aliéner* quelles que soient les formes auxquelles l’astreignent des règlements de simple administration. Si j’avais le temps, Messieurs, d’attaquer les autres faits, je les détruirais tous : je me bornerai à vous faire remarquer que tous énoncent des envahissements de cette autorité arbitraire, dont les actes ne devraient pas être cités dans cette Assemblée comme des titres contre l’imprescriptible propriété. Et quand il serait vrai, Messieurs, que dans quelques époques éparses dans les siècles précédents* elle reçut quelque atteinte dans les mains du clergé, oserait-on en conclure qu’il peut arriver un moment où l’injastice entière pourrait le consommer? non, sans doute : et bien moins encore pourrait-on placer ce moment à l’époque où tous les droits sont reconnus, où tous reçoivent une nouvelle force, et où la justice, la raison et la vérité montent sur le trône de la nation. Enfin, Messieurs, ce même opinant veut aussi que les fondations aient été données à la nation. Ce sont des faits, encore par où il prétend le prouver. Il dit que les titres de fondations ne donnent pas au clergé, ni à tel ou tel individu du clergé : non, sans doute, mais ils donnent â telle ou telle église, il énonce de soi-disant formules générales de fondations ; j’y répondrais par des actes positifs contraires. liait que la nation est toujours intervenue dans les fondations : sans doute, pour y mettre la garantie et le sceau de la loi, comme dans tous les actes civils. Il conclut enfin que les fondations n’ayant été faites ni pour les corps, ni pour les individus du clergé, elles ne leur appartiennent pas : non, sans doute, mais elles appartiennent aux églises. 11 conclut encore que, puisque les fondations imposent un service public et utile à la nation* elle en est propriétaire : je nie la conséquence. Tout son droit est renfermé dans celui de veiller à l’exécution des conditions imposées. Enfin, Messieurs, me voici parvenu à ce motif si puissant sur tous les bons citoyens. La patrie est en danger; de grands maux l’accablent; de grandes ressources peuvent seules la sauver. Les biens ecclésiastiques le pourraient : la justice réfléchie en prononce la propriété; mais l’opinion ne voit que des possesseurs passagers. Les yeux de la patrie se tournent vers cette ressource, destinée, par sa nature, à être toujours celle de l’infortune et du besoin. Messieurs, si ce sont des sacrifices que nous demande la patrie, ah! sans doute, j’ose en répondre, elle ne nous trouvera pas sourds à sa voix. Nous donnerons de grands exemples. Que ses vrais besoins soient connus et vérifiés; qu’on nous mette à portée de calculer nos moyens, de mesurer nos efforts, et, je n'en doute pas, nous surpasserons ses espérances, et nous nous ferons gloire de devancer tous nos concitoyens. Mais, Messieurs, on nous parle de dépouillement; on nous parle d’anéantir dans nos mains ce dépôt que nous avons reçu de nos prédécesseurs et que nous devons transmettre à ceux qui nous succéderont; on voudrait nous enlever jusqu’à la satisfaction du sacrifice; et l’on s’étonne même de notre résistance! elle nous est commandée par le devoir; elle sera ferme et modérée, constante et paisible; et nous attendrons votre jugement avec confiance et résignation. M. de Cnstfne (1). Messieurs, nombre d’opi-(1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. de Custine. nants ont employé, dans cette Assemblée, tout ce que peut mettre en usage la profondeur de l’instruction, là force du raisonnement, peut-être même la subtilité, pour démontrer que des corps et le clergé en particulier ne pouvaient être les véritables propriétaires des biens qui servaient à leur entretien; mais aucun de ces opinants n’a pu prouver qui en était le véritable propriétaire ; ils ont seulement conclu que, puisque le clergé et les corps n’avaient pas de propriétés réelles, leurs biens ne pouvaient appartenir qu’à la nation. Ne pourrait-on pas se servir des mêmes raisonnements pour prouver qu’une nation ne peut pas plus posséder que des corps? Quand ils seraient parvenus à démontrer qu’effectivement le clergé n’a pas la propriété réelle de ses biens; quand ils auraient démontré de même qu’il n’en est que l’usufruitier, je dis avec assurance que la nation n’en serait pas le véritable propriétaire. A qui serait donc cette propriété ? Aux pauvres et à l’indigent, pour le soulagement duquel ils ont été été destinés. Oui, le superflu du bien du clergé, nécessaire à l’entretien des ministres des autels, à celui du culte, des églises, de l’instruction, qui fournit au renouvellement des ministres des autels, à l’entretien des hôpitaux, parce qu’en effet ces derniers établissements sont plus utiles au soulagement de la misère du pauvre auquel il appartient (au moins à mes yeux cette vérité est-elle incontestable); oui, ce qui reste de ce bien, les dépenses que je viens de retracer prélevées, lui appartient. Or, le pauvre n’est pas la nation. Déclarer que les biens du clergé appartiennent à la nation serait donc en dépouiller celui qui a des droits réels, pour en investir un propriétaire supposé. Si ce propriétaire faisait de cette propriété supposée l’usage auquel on la destine, il en résulterait que le riche emploierait à augmenter son opulence, la propriété du pauvre; puisqu’il n’est personne qui ne doive convenir qu’en acquittant la créance publique, on allège nécessairement l’Etat du payement de ses arrérages, que par conséquent l’on domine la masse des impôts. Or, je le demande, qui paye les impôts, si ce n’est le propriétaire? qui recueillerait donc le fruit de cette opération ? l’homme qui possède. Aux dépens de qui augmenterait-il son aisance ? aux dépens de celui qui, courbé sous le poids de la misère, pourrait ne pas voir tranquillement évanouir la propriété destinée à l’alléger. Dira-t-on, pour répondre à une vérité aussi incontestable, que des impôts seront destinés au soulagement de l’indigent? Par quel moyen fera-t-on payer les impôts aux capitalistes, qui seuls auraient retiré le fruit d’une opération semblable à celle que vous a proposée dans sa motion l’auteur de celle relative aux biens du clergé? Croyez-vous que ce propriétaire que vous surgrèveriez d’une manière inégale verrait avec applaudissement que cette surcharge lui arriverait par une opération résultante d’un décret qu’il pourrait bien trouver peu juste? Pourriez-vous dire, pour le colorer, qu’il sera aussi difficile de faire supporter une portion de la charge publique aux capitalistes, pour les impositions nécessaires à l’acquittement de la créance publique, que pour celles que l’on imposerait à l’effet d’abolir la mendicité ? Je ne pense pas que Je spécieux de ce raisonnement, qui n’est qu’apparent, pût le satisfaire, s’il réfléchissait un instant à la facilité que vous donnerait une caisse vraiment nationale, pour faire supporter aux capita-