ô!8 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin 1790.] daient point à la discipline militaire de laquelle ils s’écartaient; il les engagea à rentrer dans l’ordre et leur représenta le tort qu’ils se faisaient en se mutinant. Tant déraison produisit tout autre effet que ceiui qu’il était permis d’en attendre. Un grenadier s’écria: Nous ne voulons plus de l’ordonnance qui condamne à mort le soldat qui porte la main sur un officier. Fût-il jamais de propos plus séditieux ! Sortis de chez M. le maire, ils se rallièrent aux compagnies du quartier Saint-Jacques, forcèrent la musique à les accompagner, et coururent la ville en proférant les injures les plus fortes contre leurs] officiers, et jurant d’avoir les têtes de ceux qui étaient l’objet de leur fureur. Ils montèrent ensuite à la citadelle et emmenèrent les trois compagnies en garnison dans ce fort. Les amis du bien public gémissaient, et quoiqu’il y eût en cette ville dix-sept compagnies de volontaires, on n’a vu que la compagnie de Mailhat , à l’exemple de son capitaine, se rallier aux soldats rebelles, cherchant à exciter et animer les esprits par un étendard porté par un volontaire de la même compagnie, sur lequel on lisait ces mots : Vivent Touraine , Vermandois et les bons patriotes ! Animés par cet étendard, persuadés du succès qu’il paraissait promettre, on se transporta au quartier Saint-Martin pour engager le régiment de Vermandois à partager le scandale qu’ils donnaient à la ville, mais celui-ci, plein de ses obligations, resta inébranlable, et toutes les tentatives que l’on fit sur lui furent vaines, quoique déjà M. Siau aîné, négociant, se fût rendu, de grand matin, au quartier, pour les préparer et leur tendre des pièges. Les dangers que couraient MM. de Montalembert, chevalier de la Peyrouse, et comte d’Urre, nous déterminèrent à leur donner le conseil de se soustraire aux recherches qu’on faisait de leurs personnes jusque dans leurs maisons, et ils partirent pour Mont-Louis. A une heure après-midi, les soldats rentrèrent au quartier, cassèrent l’adjudant Maréchal, et après lui avoir arraché ses épaulettes, ils proclamèrent à sa place le nommé Rochefort, sergent-major, à la louange duquel on doit dire qu’il réclama contre l’illégalité de sa nomination. Le reste du jour se passa à boire, à courir et à effrayer la ville par des cris horribles. Le soir, il se rendirent tous à l’appel, mais quelques compagnies sortirent ensuite pour aller souper dans des cabarets, où elles passèrent le reste de la nuit. Le lendemain, moins de courses, moins de bruit, mais les orgies et les propos les plus séditieux continuèrent. Ils nomnèrent quelques bas-officiers et exigèrent qu’on les reçût; ils furent, ainsi que la veille, exacts à l’appel du soir. Nous pensions enfin voir l’ordre renaître et notre espoir n’aurait pas été vain, si quelques soldats marseillais et nouvellement arrivés n’avaient fait jouer tous les ressorts pour entretenir l’insubordination. Un d’entre eux, surtout, s’est permis de dire hautement: Je ferai bien volontiers le sacrifice de mes jours, si je puis procurer la liberté au régiment de Touraine. Ce propos lui mérita, de la part des rebelles, les plus grands applaudissements, et des larmes de rage furent l’expression de sa reconnaissance. Depuis, au lieu de rentrer dans le devoir et de reconnaître l'erreur qui les avait séduits, au lieu de demander le rappel des trois officiers proscrits, pour avoir eu le courage de résister avec ce zèle et cette fermeté nécessaires dans tous les temps et surtout dans des circonstances aussi orageuses, nous voyons ces mêmes soldats écrire un mémoire pour tâcher de donner des torts à des officiers dont la conduite devrait leur mériter des éloges, et porter même les choses au dernier excès, en forçant les bas-officiers à signer, au péril de leur vie, des plaintes que leur cœur désavoue, et qu’ils n’ont signées que pour éviter une nouvelle insurrection, d’après le consentement de leurs chefs. Signé : le chevalier de la Porte. Perpignan , ce 26 mai 1790. Exposé des faits qui ont précédé le départ de MM. de Montalembert , de la Peyrouse et d’Urre, officiers au régiment de Touraine. Nous étions sur la place de la Loge, à Perpignan, le 19 mai, lorsque nous vîmes venir, vers les sept heures du soir, une farandole composée de bourgeois de la compagnie dite de Taslu et de grenadiers de Touraine. Ceux-ci avaient troqué de chapeaux avec les compagnies bourgeoises, plusieurs même avaient changé d’habits; ils faisaient un vacarme épouvantable et ne cessaient de crier : vive la nation. Us disaient aussi beaucoup d’autres choses que nous ne pouvions pas entendre. A huit heures et demie du soir, nous nous rendîmes au quartier Saint-Jacques pour faire l’appel de nos compagnies, et nous trouvâmes devant le quartier M. de Pontoux, officier du même régiment, entouré d’une foule de soldats, parmi lesquels les grenadiers de la farandole. Nous étant informés du motif de leur attroupement, M. Maréchal, adjudant, apprit à M. de Montalembert qu’il venait de mettre en prison le nommé La Plume, tambour de la compagnie de Thorenc, pour avoir battu la farandole, malgré la défense expresse de M. d’iversay. Nous lui dîmes qu’il avait bien fait : sur cette réponse, un grenadier, nommé Mathieu (à ce que nous croyons), dit à M. de la Peyrouse, qui lui représentait que ce n’était pas à des soldats à vouloir juger la conduite de leurs supé-sieurs: Eh bien, il n’ira pas enprison. M. de la Peyrouse saisit aussitôt cet homme au collet et lui dit: Vous irez donc vous-même. Le grenadier fit une légère résistance, mais le nommé Pradine, prenant Mathieu par le bras, et l’entraînant vers lui, se mit à crier de toutes ses forces : Il n’ira pas, en conjurant ses camarades de venir même à son secours. Nous entendîmes en effet, de tous côtés, il n’ira pas. M. d’Urre, qui se trouvait à côté de M. de la Peyrouse, prit aussi Mathieu au collet : celui-ci levant alors le bras, et lui adressant un geste menaçant, lui dit : Ne me colletez pas, mon lieutenant .*.... autrement ..... M. d’Urre tira alors son épée pour empêcher le grenadier d’effectuer ses menaces : il n’en fit cependant aucun usage. Plusieurs sergents accoururent au bruit; le Doramé Rochefort, entre autres, voulut mener le nommé Pradine en prison : la colère et la rage égaraient celui-ci ; il refusa constamment d’y aller, et vomit mille injures contre M. de la Peyrouse, en l’accusant d’avoir mis l’épée à la main contre lui (On notera que M. d’Urre, seul, avait tiré son épée). Pendant ce temps-là, on faisait le roulement pour l’appel; les soldats qui nous entouraient se séparèrent d’assez bonne grâce et furent à leurs compagnies respectives, mais nous ne pûmes jamais réussir à faire mettre en prison les deux factieux. M. de Montalembert allait faire l’appel de sa compagnie, il se trouvait à hauteur de celle des grenadiers, lorsqu’il rencontra M. d’iversay à qui il dit : Monsieur les grenadiers se comportent bien mal; il lui fit réponse : c’est bon , c’est bon, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin 1790.] et il s’en alla ; M. de la Peyrouse le rencontra aussi vis-à-vis le corps de garde du quartier, et lui dit avec rémotion qu’il devait naturellement éprouver : Monsieur , les grenadiers se conduisent d'une manière bien indigne , et ..... Il allait continuer, lorsque M. d’Iversay le quitta brusquement et le laissa sans réponse. L’appel se fit assez tranquillement; après lequel, des cris tumultueux et multipliés retentirent dans tout le quartier, ce qui fit dire à M. de Montalembert, en adressant la parole à plusieurs grenadiers, qu’il était surpris de voir que leur compagnie, qui devait donner l’exemple de la subordination, fût la première à donner celui du désordre. Un caporal de cette compagnie, nommé La Forest, releva le propos et le trouva fort mauvais. M. de Montalembert lui répondit qu’il n’avait entendu désigner personne, puisqu’il avait parlé en général, et que sûrement, s’il avait un choix à faire, il trouverait parmi eux nombre de braves gens; que cependant ils avaient toujours le plus grand tort de ne pas empêcher les mauvais sujets de faire des sottises; et après plusieurs remontrances très-vives, il se retira, bien résolu de porter ses plaintes à M. d’Iversay. M. d’Urre fit aussi l’appel de sa compagnie; dès qu’il eut fini, il leur témoigna la satisfaction qu’il ressentait de ce qu’aucun d’eux ne s’était trouvé à la farandole, il les exhorta à se conduire aussi bien que par le passé, et leur recommanda l’exactitude à leurs devoirs et l’obéissance à leurs officiers. Il leur dit qu’il n’ignorait pas qu’on cherchait à les corrompre à force d’argent, mais qu’il savait aussi que plusieurs d’entre eux l’avaient généreusement refusé. Un nommé Ca-pelain lui répondit à cela: Nous serons toujours soumis à nos officiers ! si nous voulions de l’argent nous en aurions à l’instant; on n’attend pas même que nous en demandions, et tous les jours on nous fait des offres. Moi, qui vous parle, j’en ai refusé aujourd’hui, ainsi que plusieurs de mes camarades. Je vous le répète, mon lieutenant, tous les jours on nous offre de l’argent ou on nous presse d’en accepter, mais nous pensons trop bien pour nous conduire ainsi, et nous obéirons toujours à nos officiers ; pourvu (ajouta un autre) qu’ils ne nous commandent rien d’injuste. M. d’Urre en se retirant leur dit que les officiers en étaient incapables. Il trouva devant le quartier MM. de la Peyrouse et de Montalembert ; nous nous retirâmes ensemble et fûmes à notre auberge. Nous racontâmes à nos camarades ce qui venait de nous arriver ; ils en furent aussi indignés que surpris; nous nous donnâmes rendez-vous pour le lendemain, résolus de demander à M. d’Iversay le renvoi des deux grenadiers avec cartouche jaune, persuadés que c’était le seul moyen d’arrêter l’insurrection. Le lendemain, 20 du courant, nous nous rendîmes chez M. de la Porte, un de nos camarades ; il nous avait promis de nous accompagner chez M. d’Iversay; nous allions sortir pour nous y rendre, lorsqu’un bruit que nous entendîmes dans la rue nous fit mettre à la fenêtre; nous vîmes beaucoup de grenadiers de Touraine qui se rendaient en foule chez M. le marquis d’Aguilar, maire de Perpignan. Nous résolûmes, avant d’aller chez M. d’Iversay, d’attendre les suites de l’aventure. M. de la Porte, reconnaissant parmi les délinquants le nommé Gautrau, grenadier, le fit monter et lui demanda ce dont il s’agissait. Mon lieutenant, lui répondit celui-ci, je ne vous cache pas que nous avons été chez M. d’iversay pour demander la cassation de M. d’Urre et la punition de MM. de Montalembert et de la Peyrouse; on ne 519 nous a pas répondu d’une manière satisfaisante, et nous allons chez le maire pour l’obtenir à quelque prix que ce soit. Et s’adressant à M. de Montalembert, il lui dit : Vous avez hier au soir insulté toute la compagnie des grenadiers en leur disant qu’ils étaient les seuls qui se conduisaient mal. La réponse de M. de Montalembert fut qu’il ne se dédirait que lorsqu’ils donneraient un meilleur exemple. Cet homme nous parla longtemps, et après plusieurs discours trop longs à rapporter: Vous êtes bien heureux d’être en vie aujourd’hui, nous dit-il ; si les grenadiers contre lesquels M. d’Urre a tiré l’épée avaient eu leur sabre, c’en était fait de vous. Nous lui répondîmes que nous étions déterminés à tout, et que rien au monde ne nous empêcherait de faire notre devoir. Nous l’engeâmes à rentrer dans l’ordre et à ne pas se mêler d’une affaire qui pouvait avoir des suites très sérieuses; il s’en fut en nous disant que, si cela dépendait de lui, il ramènerait volontiers ses camarades à leurs devoirs, mais qu’il serait infailliblement massacré s’il donnait le moindre signe d’improbation; résolus d’attendre la fin de l’insurrection, nous sortîmes et fûmes au jardin de Mailly ; nous y étions depuis quelques minutes, et nous nous préparions à aller au quartier à onze heures, pour y remplir notre devoir d’officiers de semaine, lorsque nous vîmes venir à nous deux jeunes gens de la ville qui dirent à M. de Montalembert que M. d’iversay le cherchait. Nous sortîmes du jardin pour aller chez lui lui rendre compte de ce que nous avions vu et des raisons qui avaient retardé notre visite. Nous étions sur le batardeau qui communique des Blanqueries à la porte Notre-Dame, lorsque nous entendîmes le bruit d'une nouvelle farandole: nous ne la jugeâmes pas loin de vous. M. de la Peyrouse dit aux deux autres de se presser d’arriver; aussitôt les deux jeunes gens qui nous avaient trouvés au jardin, et qui avaient pris le devant se retournèrent brusquement vers nous et nous dirent de reculer au plus vite : nous balancions, mais ils nous conjurèrent, les larmes aux yeux, de nous en aller. Us nous dirent que la farandole s’avançait, qu’on nous demandait à grands cris, et que sûrement nous deviendrions les victimes de leurs fureurs. Nous balancions encore, mais leurs instances l'emportèrent et nous enfilâmes à la hâte le chemin couvert qui conduit aux Capucins. A peine avions-nous fait quelques pas que nous entendîmes les huées des prisonniers du Castillet qui nous désignaient à ceux-ci qui étaient sur le pont; à peine ceux-ci nous eurent-ils aperçus, qu’ils poussèrent de grands cris, et nous les vîmes se presser de nous joindre; nous doublâmes le pas et bientôt nous les eûmes perdus de vue ; et pour prévenir les désordres que pouvait occasionner notre rentrée par une autre porte, nous nous décidâmes à prendre le chemin de Mont-Louis, où nous arrivâmes le lendemain. Nous garantissons la vérité des faits ci-dessus. Fait au Mont-Louis, le 24 mai 1790. Signé : le chevalier de Montalembert, le chevalier de La Peyrouse et le comte d’Urre. P.-S. Nous avons appris par des relations dignes de foi que le jour de notre départ, et à la suite de la farandole, les soldats de Touraine coururent toute la ville en criant : Au diable les officiers. Ils engagèrent le lieutenant-colonel et plusieurs de leurs officiers à courir la ville avec eux. Ils firent environ 580 livres de dépense, par compagnie, et obtinrent du lieutenant-colonel de casser le sieur Maréchal, adjudant, d’en nommer 520 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin 1790.] un autre à sa place et de faire une nomination de bas-officiers à leur choix; ils restèrent toute la nuit dehors. Le lendemain, de retour au quartier, MM. d’Iversav et de Chariot, présents un bourgeois entra et dit "au tambour, d’un ton impératif: Rappelez. Il fut ponctuellement obéi; le régiment se rassembla aussitôt et le bourgeois le mena courir la ville et les cabarets. On vit, dit-on, des habitants leur serrer affectueusement la main et les encourager au désordre par des applaudissements réitérés. Copie d'une adresse des bas-officiers du régiment de Touraine à la municipalité de Perpignan , remise le 11 juin 1190. A MM. les officiers municipaux de la ville de Perpignan. (Ce document a déjà été inséré dans la séance du 18 juin.) Copie de la réponse de la municipalité de Perpignan , à l'adresse des bas-officiers au régiment de Touraine. (Ce document a déjà été inséré dans la séance du 18 juin). Copie de la lettre écrite à M. le vicomte de Mirabeau par M . le chevalier d'iversay , lieutenant-colonel du régiment de Touraine. A Perpignan, le 22 mai 1790. Je suis on ne peut plus peiné de vous rendre compte de l’insurrection arrivée à votre régiment jeudi dernier. Mercredi au soir, à l’appel, MM. de Montalembert, de la Peyrouse et d’Urre, ces trois officiers étant au quartier, un tambour devant la porte battait la farandole pour faire danser les grenadiers et les bourgeois : comme cette batterie était défendue, Maréchal condamna ce tambour à quinze jours de prison et le mit à la salle de discipline, malgré que ces bourgeois l’avaient forcé à battre et lui demandaient de le faire sortir : voyant les grenadiers ivres, il n’aurait dû punir ce tambour que le lendemain matin ; mais malheureusement, c’est que cet adjudant était ivre lui-même, ce qui lui arrivait souvent. Ces officiers voulurent faire rentrer les grenadiers, et M. d'Urre leur reprocha de changer de chapeau avec les bourgeois, ce qui déplut aux uns et aux autres, et il mit l’épée à la main, en portant la pointe sur la poitrine d’un grenadier; les autres menacèrent de tirer la leur : ce n'était pas là le moment, étant ivres ; il fallait attendre le Lendemain pour les punir. Heureusement des bas-officiers retirèrent le grenadier et d’autres les officiers. J’arrivai un moment après pour voir faire l’appel; le roulement se faisait, je vis bien des bourgeois, je fis fermer la porte du quartier sans me douter de rien. Je vis M. de la Peyrouse, qui me dit en entrant au corps de garde : les grenadiers se conduisent bien mal, et M. de Montalembert, dans la cour dit : il faut de la fermeté, sans quoi on ne fera rien, tout le monde se trouva à l’appel, je n’y vis point M. d’Urre ; et les deux autres sortirent. Ces messieurs ne m’ont rendu compte de rien ; l’adjudant qui était ivre me dit qu'il avait puni le tambour qui avait battu la farandole; n’ayant point été instruit, je fus fort surpris le lendemain matin, jeudi, de voir entrer chez moi huit grenadiers pour me demander justice de ces trois officiers, dont deux n’avaient tiré leur épée qu’un peu du fourreau, et le troisième (M. d’Urre) l’avait portée sur la poitrine d’un grenadier. Ils me demandèrent la sortie du tambour, que je refusai; ils me dirent que puisque je ne le voulais pas, ils ne me la demanderaient plus, mais qu’ils espéraient justice des officiers; je leur dis que je la leur rendrais, que ne sachant pas l’affaire, j’allais m’en instruire ; et je fus pour ordonner les arrêts à M. d’Urre, que je ne trouvai pas. Ayant pris des informations, j’en fus rendre compte à M. de Chollet, qui me dit de mettre M. d’Urre en prison et les deux autres aux arrêts. Je fus le dire au maire, M. le marquis d’Aguilar, ayant su que des bourgeois et quelques grenadiers lui avaient porté des plaintes. Vers les dix heures, on vint me dire que les bourgeois et quelques grenadiers avaient engagé le sergent de garde, qui était le sieur Favier, d’ouvrir la porte de la salle de discipline, avaient pris le tambour et couraient la ville en battant la farandole; ils furent au quartier, arrachèrent l’épaulette de Maréchal, disant qu’ils ne voulaient plus le reconnaître, en ayant été maltraités ; et sans M. Patel, qui s’est bien conduit, qui se trouve au quartier, ils l’auraient assommé-; ils portèrent son épaulette au sieur Rochefort, sergent-major et bon sujet, le forcèrent de la prendre et le reçurent, assurant qu’il serait reçu dans la journée : excepté quelques caporaux et tous les bas-officiers, généralement toutvotre régiment, Monsieur le vicomte, y était. Ils furent faire sortir aussi tous les soldats de la salle de discipline de la citadelle : le commandant le permit ; ils vinrent tous me chercher chez moi ; ne m’y ayant pas trouvé, ils sont venus à mon auberge, et ne m’ont pas iaissé dîner; j’ai reçu deux députations pour recevoir tout de suite l’adjudant qu’ils ont choisi; je m’en suis débarrassé en leur assurant que j’allais vous le demander, ne pouvant rien faire sans vos ordres : ils sont venus une troisième fois, disant que les adjudants étaient à la nomination du commandant du corps; je voulais du moins écrire à M. le marquis de Ponsals, il me fut impossible de leur faire entendre raison : MM de Chariot, Baudreuille, de Bonne, Gourcy et Pre-chateau, qui se sont donnés beaucoup de peine aussi, n’ont pu y réussir; M. d’Espenan n’y a pas paru à cause de sa lettre des grenadiers, ils m’engagèrent à aller sur la place de la Loge parler au régiment qui y était assemblé : ils m’entourèrent, me serrant de fort près, m’assurant que je ne sortirais point que je n’eusse reçu Rochefort adjudant; je restai près d’une demi-heure à m’en défendre, assurant que je ne le pouvais pas sans un ordre de mes chefs; on parla de M. de Chollet, je leur dis que j’allais lui en rendre compte, espérant gagner du temps et qu’ils’ se disperseraient, mais ils n’ont jamais voulu me quitter; je suis cependant entré seul dans la chambre du général, qui m’a dit d’aller recevoir cet adjudant; j’ai exécuté ses ordres, ce qui a ramené le calme, et les trois officiers ayant appris les menaces de ces gens-là, qui, à ce qu’on dit, ont couru après eux, ils sont partis heureusement je ne sais où ils ont été; les grenadiers, chasseurs et soldats m’avaient promis que ce serait fini à la retraite, mais ils ont recommencé le lendemain vendredi; ayant appris qu’ils voulaient chasser Guyot, sergent de Courcy, je lui ai donné une permission; ils m’ont envoyé demander de remplacer Bertrand, sergent-major, qui est mort chez