$0 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 août 1791.] au tribunal du sixième arrondissement de Paris, y sera continuée et jugée. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Gaultier-Biauzat, au nom du comité des pensions. Messieurs, vous avez chargé votre comité des pensions de vous rendre compte des récompenses à accorder aux personnes qui ont montré du patriotisme, iors des événements auxquels a donné lieu Je débordement de la Loire. Voici les faits : Le 11 novembre 1790, la Loire montée à une hauteur très considérable, avait submergé les maisons des charpentiers de bateaux, établis sur le port de la paroisse de Saint-Rambert. Jean-Baptiste Doplaiti, huissier, demeurant dans la ville de Saint-Rambert, s'est jeté à l’eau, pour aller secourir des malheureux qui étaient montés sur des murs, demandant assis ance : son cheval l’a quitté, il a continué à faire route sur des planches qu’il a saisies, et il est parvenu à secourir 20 ou 22 personnes qu’il a conduites à bord. Il a fait pour cela plusieurs voyages, tantôt sur son cheval, tantôt sur des planches. Voilà le premier fait que je dois vous annoncer, et pour lequel votre comité des pensions a cru pouvoir vous proposer, sans trop de générosité, une récompense de 1,200 livres. Voici un second fait : le même jour, 11 novembre 1790, la Loire causa les plus grands ravages dans le district de Montbrison, département de Rhône-et-Loire. Martin Michel, fermier du bac de Coium, situé sur le bord de la Loire, dans le temps qu’il voyait son mobilier enlevé par les eaux, aperçut plusieurs personnes exposées à mourir dans les flots. Préférant le salut de ses frères à son bien particulier, il n’hésita pas à s’exposer lui-même pour purter secours à ces malheureux, à qui il sauva la vie. Le lendemain 12, les eaux continuant leurs ravages, et Martin voyant les dangers s’accroître, conceria avec Simon Donjon et Grégoire Beau-jeune, journaliers, Baptiste Nicolas, domestique, tous trois du lieu de Cièue, et Abraham André, charpentier, du lieu de Feurs, les moyens d’aller au secours des deux familles Venet et Goyet. Ges deux familles, formant le nombre de 32 personnes, étaient sur le point d’être ensevelies dans les eaux, si elles n’eussent été promptement retirées de dessous les débris de leurs maisons qui s’écroulaient successivement. Martin et ses 4 jeunes camarades parvinrent heureusement à délivrer les 32 personnes auxquelles ils firent ensuite donner des secours par le curé et par le maire. Voilà, Messieurs, dans leur simplicité, les faits véritables et qui sont attestés par la municipalité et par ses actes authentiques. En conséquence, le comité des pensions me charge de vous proposer d’accorder à Martin Michel une somme de 1,200 livrts de récompense, et à chacun des 4 hommes qui l’ont aidé une somme de 600 livres. La distinction des 1,200 aux 600 livres provient de ce que ce fermier a laissé périr ses effets pour secourir ceux qui se noyaient. Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité des pensions, délibérant sur l’exécution de son décret ou 16 janvier dernier, par lequel elle a cfargé son comité de lui faire le rapport des gratifications et récompenses dues aux personnes qui ont montré du courage et du patriotisme dans les malheurs occasionnés par les débordements arrivés, dans le mois de novembre précédent, dans les départements situés le long de la Loire, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Jean-Baptiste Dupluin, huissier à Saint-Rambert, recevra 1,200 livres de gratification , en récompense du courage et du patriotisme qu’il a montrés le 11 novembre 1790, en se jetant à la nage dans un débordement, pour retirer u�s eaux des personnes qui étaient en imminent danger. » Art. 2. « Michel Martin, fermier du bac de Colom, paroisse de Clèpe, recevra 1,200 livres de gratification, en récompense du courage et du patriotisme qu’il a montrés les 11 et 12 novembre 1790, en préférant porter secours aux personnes en danger de périr dans les eaux, dans 'le temps que son mobilier était entraîné par le débordement. »> Art. 3. « Simon Donjon et Grégoire Beaujeune, journaliers; Baptiste Nicolas, domestique, tous du lieu de Clèpe, et Abraham A dré, charpentier, du lieu de Feurs, recevront 600 livres chacun, en récompense du courage et du patriotisme qu’ils ont montrés en s’exposant avec Michel Martin sur un petit bateau, le 12 novembre 1790, pour porter secours à 32 personnes qu’ils tirèrent du danger auquel elles étaient exposées au milieu des eaux. » Art. 4. « Toutes les sommes ci-dessus décrétées seront payées sur les fonds destinés aux gratifications par l’article 14 du titre Ier uu décret du 30 août 1790. ». (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Desèze. Je suis chargé par le commerce de Bordeaux de communiqu r à l’Assemblée une adresse extrêmement importante qui m’a été envoyée par un courrier extraordinaire-, il s’agit de Yéiat des colonies où règne le désordre le plus effrayant. J’avais demandé la parole à M. le Président. M. le Président. Oui, Monsieur; et je vous la refusais parce que je n’ai pas vu la lettre et que souvent on entretient l’Assemblée de pièces qui ne sont pas signées ou qui ne sont pas officielles. (Mouvements divers.) M. Gaultier-Biauzat. L’ordre du jour ! M. de Curt. Messieurs, il est nécessaire que vous entendiez cette lettre ; c’est le commerce de France qui vous écrit. (Murmures.) M. le Président. Je ne puis que consulter l’Assemblée sur la question de savoir si elle veut entendre cette lecture. Plusieurs membres : Non ! non 1 l’ordre du jour 1 M. de Curt. Les colonies sont dans un état affreux... (Murmures.) Il faut que le peuple vous entende... (Murmures.) Est-il juste et séant de passer à l’ordre du jour sur les réc amations d’une cité aussi importante que Bordeaux : les papiers publics vont lui dire que vous n’avez pas même daigné l’entendre. Est-ce là la récompense qui était [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [50 août 1791.] réservée à son patriotisme, aux sacrifices personnels et volontaires de tous ses habitants! M. OauItier-ttiauKat. Nous devons nous occuper demain de celte affaire et il sera assez temps alors de lire la lettre. Nous savons tous ce qu’il faut penser de ces adresses qui émanent le plus souvent de Paris même et qui sont préparées, de longue main, par des personnes qui y ont un intérêt particulier, pour nuire à propos et frapper bien à point les oreilles de l’Assemblée. C’est aiusi qu'on cherche sans cesse à l’environner de terreurs lorsqu’il lui faudrait délibérer avec tout le sang-froid de la raison et surtout de l’intérêt national. (L’Assemblée, après quelques débats tumultueux, renvoie la lecture de la lettre à l’heure de 2'heures de la séance de demain.) Une députation du corps électoral du département du Pas-de-Calais est admise à la barre. V orateur de la députation fait d’abord hommage, en son nom particulier, d’un assignat de 80 livres pour concourir à la solde des gardes nationales envoyées aux frontières et employées à la défense de la patrie. Il donne ensuite lecture d’une pétition du corps électoral du Pas-de-Calais, ainsi conçue : « Messieurs, « A la session du mois de mars dernier, le corps électoral du département du Pas-de-Calais vous adressa une pétition pour réclamer une indemnité. Des occupations plus importantes vous ont sans doute détournés de cet objet. Plusieurs membres de l’assemblée d’alors font encore partie de l’assemblée électorale actuelle ; cependant notre zèle ne s’est pas ralenti dans la présente session. Malgré les travaux multipliés qui attachaient la plupart d’entre nous à la moisson, tous se sont rendus à leur poste ; un seul, messieurs, autrefois marquis, l’a quitté ou, pour mieux dire, en a été exclu, parce qu’il a refusé de prêter le serment que vous avez décrété. (A pplaudissements . ) « Nous ne pouvons toutefois vous dissimuler la détresse dans laquelle un oubli plus long jetterait la plupart de nos familles. » En conséquence, nous vous prions, avec la plus grande insistance, de prendre en considération le plus tôt possible l’indemnité à accorder à tous les électeurs qui ont assisté tant aux assemblées de cette session qu’aux sessions précédentes. « Nous sommes, etc... » M. Gaultier-Biaii*at. Je demande le renvoi au comité de Constitution. A droite : Au comité de mendicité! (L’Assemblée, consultée, ordonne le renvoi de la pétition du corps électoral du département du Pas-de-Calais au comité de Constitution et accorde aux membres de la députation les honneurs de la séance.) Une députation de citoyens de la ville de Perpignan est introduite à la barre. M. l’abbé Chambon, curé de Perpignan, orateur de la députation , s’exprime ainsi : « Messieurs, « Les citoyens de Perpignan nous députent lre Série. T. XXX. vers vous pour vous instruire que les peuples de notre contrée voient avec quelque inquiétude l’approche des troupes espagnoles et pour vous demander une amnistie générale en faveur de ceux contre lesquels on instruit des procédures criminelles relativement aux mouvements populaires qui ont eu lieu dans notre pays depuis la Révolution. « Les prêtres séditieux qui ont prêché une croisade sous les ordres de l’ancien évêque ont été réprimés. Nous venons aujourd’hui solliciter la clémence des représentants de la nation en faveur de ceux des habitants qui s’étaient laissé tromper par les suggestions des réfractaires. Nous osons vous promettre les plus grands succès du zèle des prêtres constitutionnels qui, soutenus par le peuple, feront succéder les missions de la saine morale aux prédications du fanatisme. « Quoique les préparatifs de l’Espagne ne doivent pas nous alarmer et que nous soyons très disposés à nous défendre avec courage si elle osait nous attaquer, les places de nos frontières doivent présenter à nos ennemis un aspect imposant et offrir au peuple des moyens de défendre la patrie. Si ce principe est incontestable, que dira le ministre de la guerre pour mettre à couvert sa responsabilité, lorsqu’on lui objectera que la citadelle de Perpignau n’est armée que de 21 canons? « Ordonnez donc, Messieurs, qu’un des plus beaux pays de l’Empire soit mis au plus tôt en état de défense et décrétez la grâce solennelle de ces citoyens plus malheureux que coupables, qui gémissent dans les fers ou qui n’ont échappé à la peine qu’en fuyant dans des séjours étrangers et comptez sur notre courage pour repousser les ennemis de la patrie. » M. le Président. L’Assemblée nationale craint aussi peu ses ennemis qu’elle protège avec (murage ses amis ; elle prendra votre demande en considération, et vous iuvite à assister à sa séance. (L’Assemblée, consultée, ordonne le renvoi de la première pétition des citoyens de Perpignan au comité des rapports et de la seconde au comité militaire.) M. Millet de Mur eau, au nom du comité des monnaies, fait un rapport sur les articles additionnels aux décrets des 19 et 21 mai sur l'organisation des monnaies : il s’exprime ainsi : Messieurs, la suppression des cours des monnaies a exigé, dans cette partie, une organisation générale à laquelle vous avez pourvu par vos décrets des 19 et 21 mai. Les détails immenses dans lesquels il a fallu entrer, tant pour la sûreté nationale que pour soutenir la confiance publique, ont nécessairement laissé échapper des objets qui sont le sujet des articles additionnels que j’ai l’honneur de vous présenter. Rien n’est indifférent dans une matière aussi importante : les monnaies d’un empire sont les chaînons nécessaires qui lient nos rapports commerciaux avec toutes les autres puissances d’Europe; et, si les objets d'échange en tiennent souvent lieu, en dernière analyse, la différence dans la balance du commerce ne peut se racheter que par du numéraire. Il importe donc infiniment que ce numéraire jouisse au dehors de la même confiance qu’au dedans ; et nous devons, sous les rapports d’intérêt national, de sûreté pour l’Etat, de confiance générale, apporter les plus grands soins et la 6