[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. «j 229 [Philippeaux (1)] de renouveler tous les titres de rentes ou pensions qui se trouvent revêtus des emblèmes et des formules de la monarchie, pour lui en être fait un prompt rapport (2). » « Un membre [Philippeaux (3)] exhibe à l’Assemblée un brevet de pension accordé par le ci-devant roi au citoyen André {de Cosne ), le 30 juin 1792 (vieux style), d’après un décret du 7 avril 1792, et observe que le porteur de ce brevet en ayant effacé les emblèmes de la royauté avec la formule monarchique et la signature Louis , il éprouve des difficultés sur le paiement des arrérages de sa pension; et, sur sa motion, la Convention nationale décrète que ce titre a conservé toute sa force et sa valeur, attendu que les signes extérieurs dont il était revêtu ne fai¬ saient que déshonorer un brevet de reconnais¬ sance nationale (4). » Compte rendu du Journal de la Montagne (5). Philippeaux demande qu’un citoyen qui n’a pu être payé de sa pension parce qu’il avait effacé du brevet le nom du roi et les signes de la royauté, n’éprouve aucun retard, et que son titre soit regardé comme légitime, malgré les ratures qu’il y a faites. (Décrété.) La discussion s’ouvre sur l’instruction publi¬ que : Un membre [Fourcroy (6)] fait, au nom du comité d’instruction, un rapport sur le décret supérieur de l’instruction. Un membre [Thibaudeau (7)] demande la priorité pour le plan de Bouquier sur celui du comité (8). (1) D’après la minute qui se trouve aux Archives nationales, carton G 282, dossier 792. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 83. (3) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 282, dossier 792. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 83. (5) Journal de la Montagne [n° 27 du 20e jour du 3e mois de l’an II (mardi 20 décembre 1793), p. 214, col. 1]. D’autre part, le Journal des Débats el des Décrets (frimaire an II, n° 447, p. 264) rend compte de la motion de Philippeaux dans les termes suivants : « Philippeaux dénonce un fait à la Convention. « Un citoyen qui avait obtenu du tyran le brevet d’une pension, ne voulant pas conserver chez lui des traits du despotisme, avait raturé la signature du brevet et tout ce qui pouvait y rappeler l’ancien régime. Il s’est présenté pour recevoir sa pension. On a refusé de la lui payer, sous prétexte que son brevet raturé ne valait rien. Il a envoyé sa récla¬ mation à Philippeaux, pour la transmettre à la Con¬ vention. Philippeaux lui a répondu provisoirement qu’il n’y avait que des aristocrates qui pussent taxer ce brevet de nullité. Je propose de le déclarer valable. « Cette proposition est décrétée. » (6) D’après le document imprimé et les divers journaux de l’époque. (7) D’après le document imprimé et les divers jorunaux de l’époque. (8) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 84. Compte rendu de l'Auditeur national (1). L’ordre du jour était la discussion du projet de révision des décrets rendus sur l’organisation des premières écoles et présenté hier par Romme (2). Dans cette discussion, Fourcroy, Thibaudeau et Petit ont combattu ce plan de Romme. Us l’ont trouvé trop ressemblant aux anciennes corporations, qui avaient en quelque sorte le droit de régie, d’administration et d’intendance de l’éducation publique. Ils ont pensé que ces corporations ne pourraient être que fort dange¬ reuses à la liberté, pa,r la domination qu’elles s’arrogeraient insensiblement sur l’opinion pu¬ blique, par le moyen naturel et difficile à com¬ battre qu’elles auraient à chaque instant dans les mains. Ils ont représenté qu’il fallait avoir plus de confiance dans les lumières d’un peuple qui avait su conquérir et conserver sa liberté pen¬ dant quatre années d’orages révolutionnaires, sans le secours des corporations enseignantes, et qu’il fallait laisser aux citoyens le droit de choisir, pour la première éducation de leurs enfants, l’instituteur qui aurait leur confiance. Us ont demandé surtout que les fonctions de ces instituteurs fussent entourées d’encourage¬ ments et d’honneurs, laissant au génie de la liberté et à la sagesse du peuple le soin de dis¬ tinguer ce qui pourrait être contraire aux senti¬ ments républicains qui doivent être la base de l’éducation des Français libres. Ainsi donc, ne trouvant pas que le plan pré¬ senté par Romme fût assez rapproché de la nature, et y voyant d’ailleurs le défaut d’en¬ traîner de grandes dépenses sans utilité démon¬ trée, ils ont demandé qu’il fût écarté par la ques¬ tion préalable et que la priorité fût donnée à celui de Bouquier (3). Suit le texte des discours de Fourcroy, Thibau¬ deau et Michel-Edme Petit, d'après des docu¬ ments imprimés. Rapport et projet de décret sur l'ensei¬ gnement libre des sciences et des arts, par Fourcroy, député du département de Paris. (Imprimé par ordre de la Convention natio¬ nale) (4). Dans les différents plans d’instruction pu¬ blique qui ont été présentés jusqu’ici à la Convention nationale, il a toujours été parlé de plusieurs degrés supérieurs d’enseignement, et c’est sans doute parce que l’on a craint qu’il ne s’établît ainsi des corporations dont l’in¬ fluence pourrait devenir funeste à la liberté, qu’aucun de ces plans n’a encore été adopté. Supposons en effet plusieurs centaines d’insti¬ tuts, et quelques dizaines de lycées disséminés, (1) Auditeur national, n° 444, du 20 frimaire an II (mardi 10 décembre 1793), p. 2. Voy. d’autre part ci-après, aux annexes de la séance, p. . . ., le compte rendu de la même discussion d’après divers journaux. (2) Voy. ci-dessus, séance du 18 frimaire, p. 132, le projet présenté par Romme. (3) Voy. ci-dessus, séance du 18 frimaire, p. 136, le projet de Bouquier. (4) Bibliothèque nationale : Le38, n° 2281. Biblio¬ thèque de la Chambre des députés : Collection Por¬ tiez (de l'Oise), t. 93, n° 53. 230 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. � 1793 comme on le proposait, sur toute la surface de la République. Introduisons, comme on le vou¬ lait encore, pour l’organisation de ces établisse¬ ments, des relations intimes entre eux, des ras¬ semblements multipliés, et un centre de direc¬ tion, de correspondance et de mouvement; n’est -il pas évident que, dans cette machine ainsi montée, non seulement seront rassemblées les gothiques universités et les aristocratiques académies, mais encore qu’elle en présentera un amas beaucoup plus considérable qu’il n’était lorsqu’on a senti la nécessité de détruire ces institutions royales. Si l’on adoptait les plans d’instituts et de lycées qui ont été tant de fois reproduits sous différentes formes, on aurait toujours à craindre l’élévation d’une espèce de saoerdoce plus redoutable peut-être que celui que la raison du peuple vient de renverser. Quelle influence n’aurait point une corporation de savants et d’artistes qui réunit tant de moyens de captiver l’attention, d’échauffer les âmes et de diriger à son gTé les opinions par son pouvoir sur tous les esprits ! En considérant d’ ailleurs de plus près ce projet si vaste, et d’une conception en appa¬ rence si hardie, où pourrait -on trouver ce nombre presque effrayant d’hommes, assez avan¬ cés dans toutes les branches des connaissances humaines, pour former des milliers de profes¬ seurs? Une objection aussi forte encore, c’est que solder tant de maîtres, créer tant de places inamovibles, c’est reformer des espèces de cano-nicats, c’est donner à des citoyens des brevets d’immortalité; c’est refroidir et peut-être même éteindre le génie; c’est permettre enfin à des professeurs privilégiés, de faire à leur gré des leçons froides que l’émulation ou le besoin de gloire n’inspire plus. Dans les travaux qui ne doivent être confiés qu’au génie, ses efforts, pour être soutenus et couronnés du succès doivent, peut-être, avoir pour stimulus perpétuel, les efforts émules des concurrents. L’art d’instruire les hommes peut-il s’améliorer par les préférences continuées que supposent les places accordées peut-être au mérite, mais qui doivent devenir tôt ou tard pour les titulaires, monotones et fastidieuses, par l’assurance même de ne pas les perdre? Comment se persuader qu’un homme qui l’emporte aujourd’hui sur les autres, par l’étendue de son savoir, et surtout par la manière de communiquer ses connais¬ sances, l’emportera constamment; et pourquoi refuser à ceux qui veulent apprendre, le droit de choisir à leur gré pour maîtres les hommes qui, entrant pour la première fois dans la carrière de l’enseignement, y montrent tout à coup un mérite supérieur à celui des professeurs inamo¬ vibles, dont le talent se ralentit, ou s’éteint, ou reste stationnaire. Ici, comme dans toutes les autres parties des gouvernements républi¬ cains, la liberté est le premier et le plus sûr mobile des grandes choses. Chacun doit avoir le droit de choisir pour professeurs ceux dont les lumières, l’art de démontrer, tout, jusqu’au son de voix, au geste, sont les plus conformes à ses goûts. Laisser faire est ici le grand secret et la seule route des succès les plus certains. Les grands établissements d’instruction des sciences et des arts créés par les rois, renferment - ils partout les sujets les plus éminents, et est-ce en créant de grandes places qu’on crée de grands hommes? Boerhave, Linnéus, Bergmann n’ au¬ raient -ils pas été de grands professeurs, quand les universités de Leyde, d’Upsal et de Stoc¬ kholm n’auraient pas existé? Pour citer des. exemples plus près de nous, n’avons-nous pas sous nos yeux la preuve que les professeurs, placés souvent dans les chaires publiques par l’intrigue et la bassesse, remplissaient si mal les fonctions qui leur étaient confiées, que les écoles royales et gratuites étaient désertes, tan¬ dis que des écoles particulières, et payées plus ou moins chèrement, réunissaient la foule des hommes studieux. Si les établissements d’ins¬ truction publique, salariés par la nation, avaient pu satisfaire tous les besoins des étudiants, comment les professeurs particuliers et ensei¬ gnant chez eux pour une rétribution plus ou moins forte, auraient-ils pu se soutenir et vivre assez honorablement de leur travail, pour assu¬ rer à leur vieillesse une existence aisée? Les rois ont plus cherché leur vaine gloire, en fondant des chaires et des universités, qu’ils n’ont songé à éclairer les hommes : les collèges entretenus à grands frais, les écoles publiques, n’étaient souvent que des monuments de l’orgueil des despotes qui achetaient ainsi à peu de frais les louanges de leurs contemporains; et pour quelques hommes illustres qui occupaient pas¬ sagèrement ces places, elles étaient presque toutes le patrimoine et l’héritage de la médio¬ crité. Je n’ai point épuisé à beaucoup près, les objections qu’on peut faire contre le danger ou les inconvénients des corporations enseignantes pour les degrés supérieurs d’instruction; je pourrais encore faire voir que créer de nombreux établissements en ce genre, comme on l’a pro¬ posé, c’est peupler la République de demi-sa¬ vants, comme on l’avait peuplée autrefois de séminaristes et de moines; c’est faire renaître tout à coup cet esprit de corps que la liberté a dû anéantir sans retour. Je pourrais faire observer qu’en salariant même assez chèrement des professeurs de sciences dans les degrés supé¬ rieurs, c’est ôter aux hommes, qu’un long tra¬ vail et un goût décidé pour l’étude appellent à remplir cette fonction dans la société, l’espé¬ rance d’étendre assez leur gain annuel, pour y trouver les moyens de subsister dans tous les temps et de pourvoir aux dépenses utiles que leur amour pour les sciences les porte à consa¬ crer pour leur perfectionnement. Qu’on ne perde pas de vue que le plus grand nombre des chaires pour les sciences et les arts n’étaient payées qu’à raison de 12 ou 1500 livres par an, et qu’un professeur se trouvait forcé pour vivre, ou d’accaparer les places, ou de se livrer à l’ensei¬ gnement particulier, ou d’embrasser d’autres occupations lucratives, qui ôtaient nécessaire¬ ment à ses leçons publiques, l’intérêt, le charme et jusqu’au temps qui devaient leur appar¬ tenir. Je dois répondre maintenant aux objections et aux difficultés que l’on a faites contre le projet de renoncer à organiser, et surtout à multiplier les établissements d’enseignement des sciences et des arts. Ceux qui croient à la nécessité de ces établissements, voient dans leur prompte création un moyen certain de former des hommes instruits, d’occuper utile¬ ment pour la République ceux qui le sont déjà, et d’engager par l’espérance de places hono¬ rables un plus grand nombre de citoyens à se livrer à l’étude profonde des sciences et des arts. Sans cet appât offert aux talents par la Répu¬ blique, ils craignent que les sciences et les arts ne soient négligés, et ne perdent de l’éclat que les Français leur ont donné depuis une cin- [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j “ 231 quantaine d’années surtout; ils voient dans les instituts et les lycées, des séminaires sans cesse peuplés de citoyens éclairés. C’est sans doute l’intérêt public et le désir de voir les sciences et les arts fleurir dans la République française qui a fait naître cette opinion. Mais est-elle fondée sur des bases bien solides? Peut -on se dissimuler qu’en créant tout à coup un grand nombre de places de professeurs, on ouvre la porte aux spéculations en ce genre comme elle l’était autrefois aux bénéfices ecclé¬ siastiques? N’est-il pas présumable qu’il se formerait une foule d’hommes médiocres, lors¬ que des jeunes gens n’auraient en vue en se livrant à l’étude des sciences et des arts, que d’obtenir une place qu’ils regarderaient comme le terme de leurs travaux? Est-ce là le noble but qui doit seul engager des hommes à s’occu¬ per exclusivement de l’étude des sciences et des arts? Oublie-t-on que le feu qui dévore les hommes studieux ne s’allie point avec toutes les idées d’intérêt et de fortune, et peut-on croire que la République française manquera de savants et d’artistes, parce qu’elle n’adoptera pas tous les instituts et les lycées dont on a voulu l’inonder? Commande-t-on au génie et aux talents de naître pour les placer à des postes qu’on leur a destinés d’avance? L’adulation a pu seule créer ces idées fantastiques, pour des despotes à qui on ne parlait que de gloire, de protection et de protégés, et qui étaient assez sots et assez vains pour penser que les grands poètes, les grands orateurs, les savants illustres, les artistes célèbres naîtraient à leur voix, en leur distribuant annuellement quelques pièces de monnaie, en leur faisant écrire quelques billets insolents, et en leur préparant des fau¬ teuils académiques. Au lieu de fonder des chaires nouvelles pour les talents, récompensez ceux qui en ont acquis et encouragez ceux qui veulent en acquérir. Les places ne feront jamais les hommes, mais les hommes se feront à eux-mêmes des places. La République française est assez grande, assez riche, assez juste, pour étendre ses bienfaits sur tous ceux qui l’hono-rent et qui la servent par leurs talents. Ne crai¬ gnez pas, législateurs, la barbarie dont on vous menace, quand vous appelez de toutes parts les arts à créer des chefs-d’œuvre, les sciences à servir la patrie; quand surtout vous accueille¬ rez tous les moyens qu’on vous proposera d’aller au-devant du mérite caché, du talent modeste, de récompenser les découvertes utiles qui ont pour but l’avantage commun; quand vous dis¬ tinguerez par de justes indemnités les hommes qui se seront voués sans ambition à l’instruc¬ tion publique. Mais évitez de former des cor¬ porations, de créer des privilèges, de jeter des entraves au génie impatient de toute chaîne, de faire naître un nouveau sacerdoce plus à craindre que l’ancien. Il est d’autres moyens d’appeler les citoyens à l’instruction dans tous les genres, de faire éclore tous les germes de talents utiles à la société, de former des hommes éclairés dans toutes les parties nécessaires à la défense, au soutien de nos droits, et à la prospérité de la République. La nation a besoin d’ingénieurs civils pour la construction de ses routes, des ponts, des canaux; d’ingénieurs militaires pour la défense de ses places; d’artil¬ leurs pour se rendre redoutable à ses ennemis; de marins pour faire fleurir son commerce et faire respecter son pavillon tricolore; d’astro¬ nomes, de mécaniciens et de géomètres pour guider ses marins sur la route des mers, pour augmenter et perfectionner ses manufactures en tout genre, pour tirer un grand parti des phénomènes et des forces mêmes de la nature; d’orateurs pour défendre les droits du peuple; de poètes, d’historiens, de musiciens, de pein¬ tres, de sculpteurs, d’architectes, pour célé¬ brer ses victoires et ses vertus, pour organiser ses fêtes publiques, pour retracer tous ses triom¬ phes, pour consacrer des monuments à l’utilité, et la gloire publique. Il lui faut des médecins et des chirurgiens pour soulager les hommes souf¬ frants et adoucir les maux de la guerre, des épi¬ démies, des localités; des botanistes, des miné¬ ralogistes, des physiciens, des zoologistes, des chimistes, pour connaître les productions natu¬ relles de son sol, de ses colonies et en tirer un plus grand parti. Toutes ces connaissances immédiatement utiles à un grand peuple qui les a déjà portées plus loin que toutes les autres nations de l’Europe, ne doivent point être négligées dans la plus belle des Républiques ; tous ceux qui les cultivent avec succès doivent être aidés et soutenus par la puissance nationale. L’art de les communiquer, de les transmettre; l’art même de les perfectionner ou d’en fournir les moyens à ceux qu’un goût naturel y porte impérieusement; enfin, l’art d’en donner les portions nécessaires pour l’exercice des diverses professions qui les exigent, doit être protégé et favorisé par le génie républicain, Mais ce ne sera point par rétablissement d’instituts et de lycées nombreux, par la création de beaucoup de places inamovibles, par des associations mo¬ nacales ou académiques, que cette faveur, que cette protection nationale étendront leurs bien¬ faits sur les sciences et les arts. Ne formez point d’institutions privilégiées; rendez au génie toute la latitude de pouvoir et de liberté qu’il réclame; proclamez ses droits imprescriptibles; prodiguez aux interprètes utiles de la nature et de ses lois, partout où ils se trouvent, les hon¬ neurs et les récompenses publiques; ne resser¬ rez pas dans un cercle étroit les lumières qui ne demandent qu’à s’étendre et qui ne s’acquièrent ni ne se répandent par privilège, et vous aurez fait une nouvelle conquête sur le fanatisme et la superstition doctorale. Faites des lois qui portent la consolation et l’espérance dans l’âme des savants et des artistes qui se sont distin¬ gués par des découvertes utiles et éclatantes, par des livres élémentaires généralement adop¬ tés, par des leçons et des cours longtemps sui¬ vis; assurez à tous les citoyens qui ont honoré leur vie par la culture des lettres, des arts et des sciences, une subsistance qui leur épargne la dure anxiété du besoin; récompensez large¬ ment les découvertes avantageuses aux hommes; qu’un bâciment simple et propre au recueille¬ ment devienne votre prytanée, que la vieillesse des hommes qui ont éclairé et servi leurs sem¬ blables par une vie toute laborieuse y soit accueillie, nourrie aux dépens de l’Etat, visitée par la jeunesse, et que ce lieu de retraite soit la plus douce jouissance pour ceux que la patrie y aura appelés après des veilles utiles, et pour ceux que l’espoir d’y arriver un jour anime déjà en les visitant et en venant profiter des der¬ nières pensées de ces sages. Que la plus belle récompense d’un savant, d’un poète, d’un artiste soit d’être nourri dans sa vieillesse, aux frais du peuple français. La République abonde de trésors pour Fins- 232 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I *§ SéSS*r“i793 truction publique, soit dans les productions de la nature, rassemblées de toutes parts dans des jardins ou des cabinets nationaux, soit dans celles des arts, consacrées aux démonstrations de toutes les branches de la physique et des arts et métiers. Séparez plusieurs de ces tré¬ sors, fécondez-les en ordonnant qu’ils seront également partagés dans toute la République; que ces portions soient offertes aux sans-culottes instruits, à qui leur fortune ne per¬ mettrait pas d’établir des cabinets d’histoire naturelle, de physique, des laboratoires de chimie, des ateliers pour y démontrer les arts; que la République leur prête ces moyens qui leur manquent, et qu’elle leur fournisse ainsi les mobiles dont ils ont besoin pour faire connaître et pour communiquer leurs talents; que tous les hommes éclairés, qui se sentent propres à la démonstration, soient appelés dans tous les points de la République, et invités à ouvrir des écoles ; que le nombre des élèves qui leur seront fidèles, après un temps donné, soit la mesure réelle de leur succès et de leur mérite; que les jeunes gens qu’un goût plus ou moins décidé entraîne pour telle ou telle étude, et dont la République doit faire servir quelque jour les talents à sa prospérité, soient libres de choisir le professeur qui leur conviendra; que la Répu¬ blique paie elle-même les frais de leurs cours et de leur entretien, lorsque la fortune de leurs parents ne leur suffira pas pour se livrer à ces études. Alors aucune connaissance ne vous échappera, rien ne sera inutile; il n’y aura ni choses, ni hommes parasites dans la Répu¬ blique; plus de rapprochements, de corpora¬ tions, de privilèges dangereux pour la liberté qui a tant de raison d’être soupçonneuse et timorée; la mesure juste des talents utiles, des connaissances nécessaires aux besoins de la République est trouvée ; il n’y a plus à craindre ni trop, ni trop peu d’institutions, plus d’admi¬ nistration qui entrave et qui ralentit, plus de surveillance ni de directoire, plus de minis¬ tère des études, plus de sacerdoce et de doctorat à redouter. Tout est organisé sans frotte¬ ment, sans concours, sans élection, sans intrigue, sans cabale, sans préférence, sans protection ni influences ministérielles. Les sciences et les arts deviennent tout à coup libres et débarras¬ sés des excroissances doctorale, académique, pédantesque. La République française n’a plus à craindre qu’il se forme dans son sein, contre son unité, une République des lettres, une Répu¬ blique des sciences, une République des arts, etc.; l’égalité reprend ses droits. On ne distingue plus les professeurs par les places qu’ils occupent, mais par les élèves qui les suivent. Le vrai talent est récompensé, l’intrigue n’a plus de nominations à faire ni à espérer : les intrigants et les accapareurs de places sont repoussés; la médiocrité reste à sa place, le vrai mérite reprend son rang; chaque homme, que sa conscience appelle à remplir le poste honorable d’enseigner aux autres, puise dans ses travaux la gloire et l’indemnité réunies. La République trouve dans les élèves libres comme leurs maîtres tout ce qui lui convient d’hommes instruits, pour remplir toutes les places militaires et civiles nécessaires à sa sûreté, à son administration, à ses manufactures, à son commerce. Elle pourvoit même à ses besoins dans ce genre, en faisant choisir par les insti¬ tuteurs des écoles primaires et les corps admi¬ nistratifs un nombre fixe de jeunes gens que leurs talents naissants, attestés par leurs pre¬ miers succès, font bientôt reconnaître comme propres à acquérir des connaissances néces¬ saires pour former des géomètres, des ingénieurs, des marins, des poètes, des musiciens, des ora¬ teurs, des médecins, et en les envoyant, aux frais du trésor public, auprès des professeurs que leur goût et leur choix leur indiquent. Ajoutez à ces avantages le bienfait des livres élémentaires, non par un concours qui exige un temps trop long et qui multiplie les difficul¬ tés, mais par un choix fait parmi ceux qui existent déjà et que la rédaction de ceux qui manquent soit confiée à des patriotes éclairés, par votre comité d’instruction publique. Qu’en même temps que cette organisation simple de l’instruction des sciences et des arts aura heu, les bibliothèques, les cabinets d’his¬ toire naturelle, les collections de tableaux, d’antiques, les jardins de botanique et tous les trésors nationaux des monuments de la nature et des arts, également distribués dans les dépar¬ tements, et confiés à la garde de républicains instruits, soient exposés, tous les jours, à la curiosité et à l’étude; que les productions du génie national frappent partout les regards; et rien ne manquera pour l’instruction libre et indépendante, comme elle doit être. Avant que ce projet simple soit entièrement exécuté par le talent et le zèle patriotique aux¬ quels il sera confié, conservez provisoirement les écoles anciennes de géométrie, de physique, de chimie, de génie, de marine, d’artillerie, de médecine, de chirurgie, d’histoire naturelle, d’éloquence, de poésie, des arts d’imitation, qui, si elles étaient tout à coup détruites sans rem¬ placement, produiraient un vide dangereux, une secousse redoutable. Entretenez -les encore jusqu’à ce que le nombre des professeurs libres soit suffisant aux besoins de la République. Attendez le succès de l’amour de la patrie et du génie des Français, et soyez sûrs que vous aurez bientôt atteint le but que vous vous pro¬ posez pour seconder les efforts de tous les hommes éclairés que la France possède dans son sein, et pour répandre toutes les connais¬ sances qui doivent élever la nation à la splen¬ deur et à la prospérité que promettent la beauté et la richesse de son sol, et l’heureuse facilité de ses habitants. Projet de décret. Art. 1er. « Les citoyens éclairés dans les lettres, les sciences et les arts, sont invités à se livrer à l’enseignement, dans toute l’étendue de la République française. Art. 2. « Ceux qui choisiront cette profession, se feront inscrire dans les municipalités des com¬ munes où ils désireront s’y livrer. Art. 3. « Ils ne pourront le faire qu’après avoir prouvé qu’ils sont citoyens français, et après avoir obtenu un certificat de civisme et d’une