432 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 octobre 1790.] (L’amendement de M. Pruguon estmis aux voix et adopté.) L’article 1er est ensuite décrété ainsi qu’il suit: ■TITRE III. Des chanoinesses séculières et des chanoinésses régulières qui vivaient séparément. Art. 1er. « Toutes chanoinesses, dont les revenus n’excèdent pas la somme de 700 livres, n’éprouveront aucune réduction-, celles dont les revenus excèdent ladite somme, auront: 1» 700 livres; 2° la moitié du surplus, pourvu que le tout n’excède pas la somme de 1,500 livres. » Les articles 2 à 9 sont ensuite décrétés, après quelques courtes observations, en ces termes : Art. 2. « La masse des revenus sera formée, déduction faite des charges, d’après les principes et de la manière prescrite par les articles 22, 23 et 24 du décret du 14 juillet, sur le traitement du clergé actuel. Art. 3. « Les chanoinesses qui justifieront avoir fait construire à leurs frais leur maison d’habitation, continueront d’en jouir pendant leur vie, sous la charge de toutes les réparations. Art. 4. « L’article 27 du décret du 24 juillet, concernant le traitement du clergé actuel, sera exécuté à l’égard des chanoinesses: en conséquence, dans les chapitres dans lesquels des titres de fondation ou donation, des statuts homologués par arrêt, ou revêtus de lettres patentes dûment enregistrées, ou un usage immémorial, donnaient, soit à l’acquéreur d’une maison canoniale, soit à celles qui en auraient fait bâtir à ses héritiers ou ayants cause, un droit à la totalité ou partie du prix de la revente de cette maison, ces titres et statuts seront exécutés selon leur forme et teneur, et l’usage immémorial sera suivi, comme parle passé, conformément aux conditions et de la manière prescrite par l’article 27 du décret du 24 juillet dernier. Art. 5. « Dans les chapitres où les revenus sont inégalement répartis, de manière que les prébendes augmentent à raison de l’ancienneté, le sort de chaque chanoinesse sera déterminé sur le pied de ce dont elle jouit actuellement; mais en cas de décès d’une ancienne, son traitement passera à la plus ancienne de celles dont le traitement se trouvera inférieur, et ainsi successivement, de sorte que le moindre traitement sera le seul qui cessera. Art. 6. « Les jeunes chanoinesses, appelées communément nièces, agrégées ou sous toute autre dénomination, qui devaient entrer en jouissance, ( après le décès des anciennes, jouiront de leur traitement à l’époque dudit décès. Art. 7. «Les abbesses inamovibles, dont le revenu n’excède paslasomme de 1,000 livres, n’éprouveront aucune réduction; celles dont le revenu excède ladite somme jouiront: Dde la somme de 1,000 livres ; 2e de la moitié du surplus, pourvu que le tout n’excède pasla somme de 2,000 livres. Après le décès des abbesses titulaires, les coadjutrices entreront en jouissance de leur traitement. Art. 8. « Les chanoinesses dont les revenus anciens avaient pu augmenter en conséquence d’unions légitimes et consommées, mais dont l’effet se trouve suspendu en toutou en partie par lajouis-sance réservée aux titulaires des bénéfices supprimés et unis, recevront au décès des titulaires, une augmentation de traitement proportionnée à la dite jouissance, sans que cette augmentation puisse porter les traitements au delà du « maximum » déterminé par le présent décret. Art. 9. « Les abbesses et chanoinesses seront payées de leur traitement, à compter du 1er janvier prochain, par les receveurs des districts dans lesquels elles résideront, ainsi et dans la forme qui a été réglée par les articles 40 et 41 du décret du 11 du mois d’août sur le traitement du clergé. » M. Prieur propose par un article additionnel que les chanoinesses qui se marieront demeurent privées de leurs traitements. (Cette proposition est mise aux voix et décrétée.) M. Prieur propose ensuite de rédiger cet article dans les termes suivants : « Tous les traitements décrétés en faveur de tous ecclésiastiques séculiers et des réguliers de l’un et de l’autre sexe, cesseront par les causes qui auraient fait vaquer les titres et prébendes.» (L’Assemblée ajourne cette rédaction.) M. Treilhard, rapporteur , propose d’ajouter à la fin de l’article premier concernant les religieux, les mots suivants : « pour la présente année ; et le premier quartier de leurs pensionssera payé, ainsi qu’à ceux qui sortiront, dans les premiers jours au mois de janvier 1791. » Le rapporteur propose également de substituer dans l’article second du même titre à ces mots : «avant le 1er octobre, » ceux-ci: « avant le 1er novembre prochain. » De substituer dans l’article4 à ces mots : «dans le courant du mois d’octobre prochain », ceux-ci : « dans la première quinzaine du mois de novembre ; » Et enfin de substituer dans l’article 5 à ces mots : « dans le courant du mois de novembre,» ceux-ci : « dans la seconde quinzaine du mois de novembre. » (Ces additions et changements sont décrétés par l’Assemblée.) M. Chasset, membre du comité ecclésiastique, observe qu’il est intéressant que l’Assemblée s’occupe incessamment de la délibération à prendre [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 octobre 1790.] 483 sur le projet de décret proposé sur la désignation des biens nationaux à vendre dès à présent, sur leur administration jusqu’à la vente; sur les créanciers particuliers des différentes maisons, et sur l’indemnité de la dîme inféodée. L’Assemblée décrète que, jusqu’à ce qu’elle ait statué sur ce projet de décret, il y aura des séances extraordinaires du soir à commencer d’aujourd’hui. M. Goupilleau, secrétaire, fait lecture d’une lettre de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. — En voici l’extrait : « Vous avez décrété que le rapport de l’affaire des colonies vous serait fait aujourd’hui, et vous avez encore prolongé l’ajournement; ou vous nous regardez comme formant l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, ou vous croyez le contraire. Il est important pour la France, pour la colonie et pour nous, que vous examiniez d’abord nos pouvoirs. Nous assurons que nous sommes véritablement l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, et si cela est, nous avons droit de nous plaindre du décret qui nous mande à votre barre. (Il s'élève des murmures.) Nous gardons le silence sur l’accueil que vous nous avez fait. Les apologistes de nos oppresseurs ont reçu une faveur qui ne nous a point été accordée. Nous sentons toute l’élévation de notre caractère. ( Les murmures recommencent.) Nous prouverons que nos décrets sont justes, d’après vos propres instructions. Nous vous prions de suspendre votre délibération, et de discuter d’abord ces deux questions : Les membres qui se disent l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue Je sont-ils effectivement? Le décret rendu par cette assemblée le 28 doit-il être accepté? Daignez, au nom de votre propre gloire, ne pas nous négliger. » M. Alexandre de Lameth. Je pense que, malgré le manque de convenance qui domine dans toute cette lettre, elle doit être renvoyée au comité colonial ; je pense aussi que nous ne devons pas retarder l’ordre du jour, ainsi que nous le dicte l’assemblée ou la soi-disant assemblée de la partie française de Saint-Domingue. La lettre est renvoyée au comité colonial. La séance est levée à 3 heures. ASSEMBLEE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du lundi 4 octobre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie. M. Vieillard (de Saint-Lô ), secrétaire , donne lecture d’une note de M. le garde des sceaux, qui transmet une réclamation de M. le bailli de Virieu, chargé des affaires de Malte, relative à la conservation des biens de cet ordre en France. Gette affaire est renvoyée au comité chargé de s’occuper des affaires de l’ordre de Malte. M. Karrère de Vieuzac, au nom du comité (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 4ro Série. T. XIX. des finances et des domaines réunis, fait un rapport sur les frais de démolition de la Bastille. Il est ainsi conçu : Messieurs, ce n’était pas assez de s’emparer de la Bastille, il fallait en détruire jusqu’aux fondements. G’est sous vos yeux, c’est sous l’inspiration de la municipalité de Paris, que des mains libres ont démoli cette citadelle dont l’existence était la honte et l’effroi de la France. Des pères de familles nombreuses, des artistes, des ouvriers de tous genres, des bourgeois mêmes, que les suites inévitables de la Révolution ont forcés au travail des mains, ont gagné leur subsistance pendant une année en démolissant la Bastille. La municipalité de Paris en a fait les avances, elle est dans le besoin. La diminution sensible de ses revenus, l’augmentation extraordinaire de ses dépenses, sa garnison et sa police exigent que la municipalité fasse rentrer dans ses mains les frais de ces travaux qui concernent la nation tout entière. Elle vous a envoyé sa pétition à ce sujet, avec l’état général des dépenses et des recettes, concernant la démolition de la Bastille, depuis le mois de juillet 1789, jusqu’au 1er septembre 1790. (Des murmures s’élèvent du côté droit et interrompent le rapporteur.) La dépense de la démolition a étonné d’abord vos comités. Elle se porte à 568,143 livres; mais ils ont remarqué, en môme temps, qu’il avait été vendu des matériaux pour la somme de 41,243 liv. et qu’il y a une somme de 34 mille et quelques cents livres qui est eu recouvrement; ce qui, joint à la somme qui doit provenir des matériaux restant à vendre, se porte à environ 254,997 livres, ce qui réduira un jour les frais des démolitions à 314,000 livres. (Les murmures redoublent.) Dans ces circonstances, vos comités ont pensé que c’était aux dépens des biens nationaux que les frais de cette démolition doivent être payés à la municipalité de Paris. Voici leurs motifs : 1° Vous avez annoncé qu’aucun édifice public ne serait laissé aux municipalités; 2° la Bastille est, je n’ose pas le dire, un bien national , mais le terrain et les matériaux sont une portion du domaine public. Ainsi, sous le rapport de la propriété, c’est au maître à supporter les frais de démolition. Ge maître, c’est la nation; 3° ces travaux ont amélioré le fonds, puisqu’ils l’ont délivré d’une citadelle qui le déshonorait. Vous devez d’ailleurs aliéner les biens nationaux : or, pour aliéner les terrains de la Bastille, il fallait les déblayer de ces odieux décombres de la tyrannie. Nous ne connaissons que des ministres ou des partisans de l’ancien régime qui auraient pu faire des soumissions pour l’achat de la Bastille. Sa démolition était donc nécessaire sous le rapport de l’aliénation des terrains. La destruction a donné en quelque sorte un .prix à ces terrains et la facilité de les vendre; mais les rapports de nécessité évidente vous ont frappé d’avance. Ge n’est pas ici une spéculation ; ce n’est pas un marché qu’on a fait ; ce n’est pas un projet d’économie que l’on a exécuté ; c’est une destruction politique ; c’est un acte vraiment révolutionnaire; c’est un événement national et qui est la suite nécessaire de la sainte insurrection du 14 juillet. Ainsi la démolition de la Bastille tourne au profit de la nation et à l’honneur de la liberté dont elle a marqué les premiers et les plus nobles efforts. (Grands murmures à droite.) Ce n’est pas au Trésor public que nous vous proposons de faire supporter cette dépense de 314,000 livres. Ge n’est pas sur les contributions des peuples que nous percevrons cette somme, 28