38 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 octobre 1790. bien précis sur cette affaire, je crois pouvoir assurer qu’après quelques examens l’Assemblée verra qu’elle n’est pas aussi grave qu’on pourrait l’imaginer. Les personnes qui s’intéressent à M . de Bussi sont si convaincues de son innocence qu’elles renoncent, en son nom, au droit qu’a tout citoyen de n’être arrêté que par un décret. (L’Assemblée décide que, demain au soir, le comité des recherches rendra compte de cette affaire.) M. de Delley. Parmi les objets importants qui appellent votre sollicitude, il en est deux relatifs à la vente des domaines nationaux. Il y aurait des obstacles à cette vente : 1° si vous ne vous hâtiez de liquider les offices supprimés. Les propriétaires nous écrivent qu’ils ne peuvent souscrire pour des acquisitions sans savoir quelle sera la somme du remboursement qu’ils recevront. 2° Aucun acheteur ne peut mettre un prix d’une manière assurée à un fonds de terre s’il ne connaît le rapport de la contribution foncière avec les impôts indirects et industriels. Je demande qu’on décide promptement cette proposition, et qu’on prenne un moyen quelconque pour accélérer la liquidation des offices de judicature. M. Dupont. Il n’est pas possible de connaître cette proposition avant d’avoir déterminé quelle sera la somme des contributions indirectes. M. Dauchy. Je ne m’oppose pas à la première proposition de M. deDelley ; mais sur la seconde, je rappelle que vous l’avez ajournée jusqu’après le moment où le comité des finances aura donné l’état des besoins. M. Démeunier. Pour arriver à un résultat, je propose d’écarter les motions incidentes, et de se borner à décider quel sera demain l’ordre du jour. M. de Foucault. Je profite de cette observation pour demander que le comité central fasse son rapport. Je veux finir ma mission le plus tôt possible. M. de Delley. Je réduis ma motion à ce qu’on ajourne à demain la suite de la discussion sur l’impôt. Cette dernière proposition est décrétée. M. le Président. L’Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour nommer trois membres du comité militaire. (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BARNAVE. Séance du mardi 26 octobre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Durand-llaillane , secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier 25 octobre. L’Assemblée en adopte la rédaction. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. fllaurissart, au nom du comité des finances, rend compte de Yincendie de Limoges. La municipalité de Limoges a appelé des ingénieurs qui ont estimé les maisons détruites. 186 maisons ont été brûlées et la ville entière a été sur le point de devenir la proie des flammes. Ces maisons ont été estimées 1 ,722,000 livres. Les dommages causés aux autres ont été évalués à 1,000,000 : la frayeur, le pillage et les autres suites de ce désastre ont causé aux habitants une perte de 1,200,000 livres au moins. Ainsi Je dommage est de 4,000,000 de livres. Huit jours après, il y a eu dans cette ville une banqueroute de 1,200,000 livres, dont les trois quarts ont été supportés par elle. Je ne cite cet événement que pour présenter avec fidélité le tableau de sa position, Le gouvernement venait autrefois au secours des incendiés; votre comité a pensé que l’Assemblée nationale ne se montrerait pas moins sensible; mais, d’un autre côté, considérant l’état de ses finances il a proportionné et divisé les secours dans un décret que nous vous soumettons. Le décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, considérant l’étendue des pertes qu'ont éprouvées les habitants de Limoges, dans l’incendie qui a réduit en cendres une partie considérable de cette ville, et voulant, autant que peut le permettre la situation des finances, donner du secours à ces malheureuses victimes, ouï le rapport détaillé de son comité des finances, décrète ce qui suit : Art. 1er. «Les administrateurs du département de la Haute-Vienne sont autorisés à imposer sur tous les contribuables de leur arrondissement, payant au-dessus de 10 livres d’impositions directes, une somme de 60,000 livres, payahle en cinq années à raison de 12,000 livres chaque année. Ladite somme sera imposée par simple émargement au rôle des impositions directes, au marc la livre des contributions : le montant en sera versé chaque année, par les receveurs du district, dans la caisse de la municipalité de la ville de Limoges. Art. 2. « Le ministre des finances fera également verser dans la caisse de la municipalité de Limogés* la somme de 240,000 livres en cmq années consécutives, à raison de 48,000 livres par année* payables de trois mois en trois mois, jusqu'au final paiement de la susdite première somme. Art. 3. « Les deux susdites sommes étant destinées uniquement au soulagement des malheureuses victimes de l’incendie, les officiers municipaux se conformeront, dans la disposition qu’ils en feront, à l’esprit du décret de l’Assemblée nationale, sous la surveillance immédiate du directoire du département de la Haute-Vienne. » M. deCrilIon l'aîné. Avant l’augmentation de solde que vous avez décrétée pour les troupes, les soldats, à bord des vaisseaux, recevaient une gratification de 18 deniers par jour, à raison de leur service, réputé extraordinaire. Pour détruire des doutes qui se sont élevés depuis l’augmenta- (Assemblée nationale.] ARGHIVESJPARLEMENTAIRES. (26 octobre 1790 ] 39 tion de solde, votre comité militaire m|a chargé de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, décrète que les soldats tenant garnison sur les vaisseaux, recevront, outre la paye fixée par le décret du 24 juin dernier, et la subsistance qui leur est fournie en nature de l’approvisionnement des vaisseaux une gratification de 18 deniers par jour, qui leur sera payée par le département de la guerre, sur les fonds affectés à la masse de boulangerie. « L’Assemblée charge son président de porter immédiatement à la sanction du roi le présent décret. » (Ce projet de décret est adopté.) M. Alexandre de ÏSeauharnais.J’ai fait part, il y a quelque temps, à l’Assemblée nationale, d’un mémoire et d’une lettre des professeurs laïques du collège dePont-Levoy. Depuis, j’ai reçu des reproches du directeur de ce �collège et des officiers municipaux. L’un craint d’être soupçonné d’être de moitié dans les plaintes que j’avais faites, il y a quelque temps, au nom de ces professeurs laïques, réunis sous le titre de Société des amis de la Constitution; les officiers municipaux craignent d’être les objets de ces plaintes. Je leur dois donc la double satisfaction d’annoncer que le directeur n’a aucune part dans le mémoire, et que la municipalité n’a pas été l’objet des plaintes portées par les professeurs laïques. Comme il résulte de ces données qu’il y a de la mésintelligence entre les professeurs laïques et les administrateurs ecclésiastiques, et que cette mésintelligence pourrait être nuisible à une éducation qui a donné à cet établissement une célébrité si méritée, je demande le renvoi de toutes les pièces au comité de Constitution, afin qu’en attendant qu’il nous ait présenté son travail sur l’instruction publique, il puisse, sur cet objet, prendre des mesures provisoires et conciliatrices. (Cette proposition est adoptée.) M. l�e Pelletier, ci devant de Saint-Far geau , remet sur le bureau le congé qu'il a obtenu le 17 de ce mois, et déclare que de retour depuis hier du voyage qu’il a entrepris en vertu de ce congé, il reprend sa place dans l’Assemblée. M. Martineau, qui s”est aussi absenté par congé, fait une déclaration semblable. M. Boëry déclare qu’il partira demain 127, en vertu du congé qu’il a obtenu le 18 de ce mois. M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la contribution personnelle. M. Deferinon, rapporteur du comité d'imposition, présente diverses observations tendant à écarter tout ce qui pourrait décourager l’industrie ou soumettre de nouveau à l’imposition personnelle des valeurs qui auraient déjà été assujetties à l’imposition réelle. Il donne lecture de l’article 6 du projet du comité et d’une disposition additionnelle, avant pour objet d’excepter de la disposition générale de cet article, les boutiques, magasins, chantiers et ateliers études, cabinets et bibliothèques nécessaires à l’industrie et servant uniquement à la profession du contribuable, lesquels ne seraient point compris dans l’évaluation de son loyer d’habitation. Voici les articles lus par le rapporteur qui deviendraient les articles 8, 9 et 10 du décret : « Art. 8. La partie de la contribution qui sera établie sur les revenus d’industrie et de richesses mobilières sera de 12 deniers pour livre de leur montant , présumé d’après les loyers d’habitation. Les boutiques et magasins, les chantiers et ateliers, les cabinets d’étude et bibliothèques servant dans la profession du contribuable ne seront point compris dans l’estimation de l’habitation. « Art. 9. La cote de cette contribution, tant qu’elle sera fixée aux 12 deniers pour livre, sera, pour ceux dont les facultés ne seront en aucune partie le résultat de produits territoriaux, de quinze fois et demie la cote de contribution de loyer. « Art. 10. A l’égard de tous les contribuables qui justifieront être imposés au rôle des contributions foncières, ou avoir supporté sur les recettes à eux dues par acte public les retenues qui ont été décrétées, il leur sera fait, dans le règlement de leur cote, déduction du vingtième de leur revenu foncier et de la retenue qui aura eu lieu sur les rentes. » M. Defermon. Je demande que l’on discute simplement les articles 8 et 10, et que 1 article 9 soit renvoyé à l’instruction qui doit accompagner les décrets sur cette matière. M. Dionis Duséjour. Suivant l’article 8, on imposerait les contribuables au vingtiè ne du revenu que le loyer ferait présumer. On part de cette base ; un homme sage ne met ordinairement à son loyer que le dixième de son revenu. Dans cette hypothèse, celui nui paye 100 pistoles de loyer a probablement 10,000 livres de rente, donc il doit payer 500 livres de contribution personnelle. Un exemple rendra mes raisons plus palpables. M. l’archevêque de Rouen a à Paris un loyer de 13,000 livres; vous conclurez de là qu’il a 130,000 livres de rente, et vous l’imposerez à 10,000 livres. Je demande si M. l’archevêque de Rouen, à qui vous avez ôté quelque chose, pourra payer son imposition ? Vous avez des biens nationaux à vendre. Ceux qui ont mis des enchères n’ont pas calculé combien, par votre impôt, vous alliez diminuer les loyers. Quand une fois vous l’aurez décrété, ils vous diront : Nous sommes vos très humbles serviteurs. Vous voulez atteindre les capitalistes, dites-vous; mais quels sont les capitalistes? Ce sont ceux qui ont leurs biens dans les fonds nationaux; ce sont ceux-là qui ne payent point d’imposition, parce qu’il a plu à M. Galonné qu’il en fût ainsi. Imposez-les et vous ferez bien. Prenez-y garde, les capitalistes sont tins; au lieu de les atteindre, vous pourriez bien surcharger les citoyens en général, et il serait trop tard de leur faire des excuses. Je conclus par demander l’ajournement d’un plan qui me parait infiniment mauvais, infiniment désastreux, surtout pour les grandes villes. M. d’Estourmel appuie l’ajournement. M. Camus. Il faut distinguer trois classes d’individus qui doivent être assujettis à l’impôt : les cultivateurs, les gens industrieux et les capitalistes. Vous avez taxé justement les cultivateurs; vous avez pris une partie de leur revenu réel sur le produit net des terres. 11 vous reste à statuer sur les gens industrieux et sur les capitalistes, c’est-à-dire ceux qui vivent du commerce d’arr