[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 mai 1790.] 477 telles que, pour les remplir, il faut, chaque mois, que l’Assemblée autorise les administrateurs à contracter de nouvelles dettes pour acquitter les dettes échues. Votre comité des finances n’a pu hâter l’exécution des rôles qu’en examinant sans relâche les réclamations élevées, pour appliquer à chacune d’elles le sens précis de vos décrets ; il a Eromis aussi aux communautés qui se croient lessées dans la répartition, qu’immédiatemeut après la formation des assemblées de département, vous ordonnerez qu’il soit nommé, par chaque directoire de district, des commissaires chargés d’examiner les plaintes des municipalités, de vérifier les surtaxes' et de prononcer, avec la plus sévère impartialité, l’indemnité qui sera due à chaque communauté plaignante. Ce moyen proposé à M. le contrôleur général lui a paru conforme à ses vues ; il l’a adopté : persuadé de plus que les rôles de supplément qui ont été ordonnés pour comprendre les privilégiés pendant les six derniers mois 1789, ont singulièrement augmenté les difficultés et le retard, il a pensé devoir ajouter aux mesures que votre comité a prises, des considérations plus appropriées aux empêchements actuels. Il en a composé, de concert avec le comité des finances, les articles d’un décret que j’aurai l’honneur de vous soumettre, après vous avoir donné lecture des motifs qui l’ont déterminé, qui ont été exposés de toute part, et qui doivent aider la détermination de l’Assemblée. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, considérant : 1° que dans la confection des rôles sur les ci-devant privilégiés pour les six derniers mois 1789, quelques cotisations ont pu être portées au delà de la proportion du revenu des biens desdits ci-devant privilégiés, par l’incertitude des assesseurs sur le véritable produit de ces biens; que quelques-uns de ces mêmes biens ont pu être cotisés dans deux communautés différentes, soit que leur situation ne soit pas bien connue, soit parce qu’ils faisaient partie d’un corps de ferme précédemment cotisé en bloc, au lieu du principal manoir; que de ces surcharges ou doubles emplois, il résultera nécessairement, ainsi que de la compensation des quittances de capitation privilégiée ou de décimes, des non-valeurs, décharges ou réductions qui doivent naturellement être imputées sur le produit des rôles des six derniers mois 1789 ; 2° Que par l’effet des exemptions dont jouissaient précédemment les ci-devant privilégiés dans les impositions réelles ou personnelles, les anciens contribuables ayant eu seuls à supporter le fardeau de l’impôt qui pesait ainsi généralement sur tous les anciens contribuables, il ne serait pas juste que l’allégement procuré par les décrets de l’Assemblée nationale, ne profitât qu’aux seules communautés qui, par le hasard de la situation des biens appartenant aux ci-devant privilégiés, peuvent contenir dans l’étendue de leur territoire, une nouvelle matière imposable plus abondante ; 3° Que la confection des rôles d’imposition de 1790 pourra faire naître aussi des demandes en décharges ou modérations sur lesquelles il sera nécessaire de statuer; que l’usage antérieur était ou de faire au département suivant, la réimposition, par forme de rejet, du montant de ces décharges et réductions sur les impositions ordinaires, ou de les ajouter aux charges locales de l’année suivante ; qu’il importe cependant que les non-valeurs sur les impositions de 1790 ne soient point portées en addition aux impositions de 1791, pour ne point compliquer l’exécution du nouveau plan d’imposition qui sera décrété par l’Assemblée nationale, à compter de 1791 ; 4° Que la plus grande partie des commissions, bureaux ou autres représentants ou administrateurs intermédiaires qui ont procédé au réparte-ment des impositions de 1790, entre les différentes communautés, conformément aux décrets de l’Assemblée nationale des 28 novembre et 17 décembre derniers, n’ont pu cependant, faute de matériaux suffisants et par la célérité qu’exigeait cette opération pour l’intérêt de la chose publique, y mettre toute la précision qu’ils auraient désirée pour proportionner exactement la contribution de chaque paroisse à ses biens, exploitations et facultés imposables, et qu’en conséquence, il serait juste qu’après la confection des rôles, qui fera connaître la proportion de l’imposition de chaque communauté, les directoires des nouveaux départements fussent autorisés à réduire, par un impôt moins imposé général, les taux qui auront été reconnus après coup excéder le taux commun de l’arrondissement; 5° Considérant enfin que l’Assemblée nationale, par son décret du 26 septembre dernier, a ordonné qne le produit des rôles supplétifs des six derniers mois 1789, serait employé en moins imposé au profit des contribuables dans chaque province, et ne voulant point cependant priver les villes et communautés qui ont abandonné le produit de leurs rôles des six derniers mois 1789 en don patriotique, de la satisfaction de réaliser des offres que l’Assemblée nationale a accueillies comme un hommage de leur patriotisme; L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : Art. l8r. Il sera formé une masse totale du montant des rôles supplétifs des six derniers mois 1789, pour chacune des nouvelles divisions de département, et chacun des directoires déterminera et suivra l’emploi du montant total desdits rôles, ainsi qu’il va être ci-après expliqué. Art. 2. Sur ledit montant total du produit des rôles supplétifs des six derniers mois 1789, seront d’abord imputées en diminution : 1° Les non-valeurs, décharges et autres modérations régulièrement accordées sur lesdits rôles des six derniers mois 1789 ; 2° Le montant des ordonnances de compensation des décimes ou don gratuit et capitation privilégiées qui auront été délivrées aux ci-devant privilégiés sur leur cotisation dans lesdits rôles supplétifs; 3° Les ordonnances de décharges ou réductions qui auront été accordées sur les rôles de 1790 à des contribuables, à raison de surtaxes ou cotisations faites dans deux rôles différents pour les mêmes motifs. Art. 3. Pour subvenir auxdites non-valeurs dont l’objet ne sera définitivement connu qu’à l’époque de la comptabilité, les directoires de département sont autorisés à tenir en réserve sûre la somme provenue desdits rôles supplétifs qu’ils jugeront nécessaire. Art. 4. L’objet desdites réserves étant ainsi évalué et déduit sur la somme totale du montant des rôles, les directoires de département connaîtront celle qui leur restera à distribuer en dimi- 478 [Asiemjblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il niai 1790. nution effective entre les municipalités sur les impositions de 1790. Art. 5. Ils s’occuperont d’abord de constater leg surcharges que quelques communautés auraient pu éprouver dans la répartition des impositions de 1790, pour procurer à ces communautés surchargées un premier allégement, dont l’effet sera d’égaliser leur contribution avec celle des autres communautés dans l’imposition de 1790. Pour vérifier les surtaxes, il sera nommé par chaque directoire de département des commissaires chargés d’examiner les erreurs commises dans la répartition, de constater la somme que chaque communauté aurait dû payer. Art. 6. Cette première distribution étant effectuée en faveur des seules communautés surchargées, le surplus de la somme à employer sur le produit desdits rôles de supplément sera distribué entre toutes les communautés, sans aucune exception, au marc la livre de la fixation de leurs impositions de 1790. Art. 7. Les états de ces deux distributions étant arrêtés, les directoires de département délivreront, pour chaque communauté, une ordonnance qui lui fera connaître que telle somme lui a été accordée sur le produit des rôles supplétifs des six derniers mois 1789 ; et à l’égard des communautés surchargées, il sera fait distinction dans lesdites ordonnances de la somme qui leur est accordée pour indemnité de surcharge, et de celle pour laquelle elles participeront dans l’allégement général. Art. 8. Lesdites ordonnances étant délivrées aux municipalités, chacune d’elles fera passer au directoire du district sa délibération sur l’emploi qu’elle entend faire de l’allégement qui lui a été accordé, en joignant la susdite ordonnance à sa délibération. Art. 9. Lesdites municipalités seront libres de proposer l’emploi qu’elles jugeront devoir leur être le plus utile ; celles qui ont offert en don patriotique leur contingent dans le produit des rôles de supplément, seront à portée de réaliser leurs offres, et les autres d’en demander l’application en moins imposé effectif, et alors à la première ordonnance qui leur aura été délivrée, il en sera substitué une autre, soit de délivrance de deniers par le receveur général ou trésorier de la province, soit de moins imposé. Art. 10. Dans les communautés surchargées qui auront délibéré l’application, en moins imposé de la somme totale a eux accordée, celle motivée pour indemnité de surcharge sera répartie sur tous les contribuables, sans aucune distinction ; celle pour leur quote-part dans l’allégement général, ne sera qu’au profit des contribuables ordinaires. Art. 11. Au moyen des susdites dispositions, l’Assemblée nationale décrète que les municipalités qui n’ont pas encore procédé à la confection de leurs rôles des impositions ordinaires de 1790, soient tenues de les terminer dans le délai de 8 jours, à compter de la publication du présent décret, faute de quoi lesdits officiers municipaux demeureront garants et responsables de la rentrée des impositions de toute la communauté. (La discussion sur ce projet de décret est ajournée à la séance de vendredi matin.) L’Assemblée reprend la suite de la délibération sur le projet de déçret çoncernant l’aliénation des Hens domaniaux. M. de Delley d’Agïer, rapporteur , donne lecture de l’article 6 du projet qui deviendrait le 7e dp décret. « Art. 6. Les biens vendus seront francs de « toutes rentes, redevances ou prestations fon-« cières, comme aussi de tops droits de muta-« tion, tels que quint et requint, lois et ventes, « reliefs, et généralement de tous les droits sei-« gneuriaux ou fonciers, soit fixes, soit casuels, « qui ont été déclarés rachetables par les décrets « du 4 août 1789 et 15 mars 1790, la nation de-« meurant chargée du rachat desdits droits, sui-« vant les règles prescrites et dans les cas déter-« minés par le décret du 3 de ce mois. » M. Garat, l’aîné. Je propose de supprimer de cet article les rentes , redevances ou prestations foncières , car sans cela vous imposeriez à la nation une charge trop lourde en l’obligeant à racheter tant d mbjets. J’ajoute que les acquéreurs, instruits des objets dont pourrait être grevée leur acquisition, élèveront le prix de leur gestion au taux qu’ils jugeront convenable ; en scrutant profondément la nature des biens à acquérir et calculant les appâts qu’on va offrir aux acquéreurs, il est facile de se convaincre que ces acquéreurs trouveront assez considérable, celui d’une possession libérée de tous droits casuels et éventuels, sans qu’on ait besoin de la décharger de toutes rentes ou prestations foncières. M. Cochelet. Il semblerait même que le comité attache quelque prédilection aux objets grevés de droits de cette espèce. M. Régnant! (de Saint-Jean-d’ Angely). Je propose d’ajouter à l’article un paragraphe portant que les premiers deniers provenant des ventes serviront au rachat des droits dont la nation se rend responsable , M. Delley d’Agler, rapporteur. Tout ce que viennent de vous dire les préopinants se rapproche des vues sages du comité et s’accorde avec les motifs qui l’ont déterminé à proposer l’article en discussion; en effet, le cœur de l’homme est la balance que le comité a prise pour peser les inconvénients comme les avantages de l’article. Or, quelle est la chose qui nous flatte le plus ? C’est une propriété libre et que l’on peut dire entièrement à soi, quand on a payé une fois le prix convenu, On achète une terre dont on ignore ou on n’ignore pas les charges; si on les ignore, comment déterminer le prix de l’acquisition ? Si, après de longues recherches, on est enfin parvenu à les découvrir, comment se persuader qu’on les a découvertes toutes ? Comment compter sur une jouissance qu’un nouveau titre, ou un nouveau procès va peut-être troubler ? Non 1 la nation ne gagnerait pas quand tant de particuliers souffriraient et elle doit éloigner, par un sacrifice quelconque, des nouveaux acquéreurs, jusqu’à l’ombre même d’ua trouble dans leur nouvelle possession. (L’amendement de M. Carat est rejeté.) (L’amendement de M. Regnaud est adopté.) M. le Président met aux voix l’article 6 du projet primitif avec la modification qu’il vient d’éprouver. Cet article, qui devient |e 7® du décret, est Stdoptfâ aidsi giVli suit :