38 [Assembjée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Messieurs, Permettez qu’au nom du district de Saint-Ni-colas-du-Chardonnet, nous ayons l’honneur d’ajouter un hommage nouveau à tous ceux qu’on n’a cessé de vous rendre jusqu’à ce jour. Ge n’était pas sans la plus vive douleur que nous avions vu attaquer vos décrets par une foule d’écrits plus criminels les uns que les autres : cependant nous nous étions contentés de les condamner, par notre silence, à rester ensevelis dans les ténèbres d’où ils étaient sortis. Mais tous nos sens se sont révoltés quand nous avons appris qu’on s’était servi de ces écrits pour allumer partout le flambeau de la discorde et pour armer le bras du fanatisme. Alors, dans les transports d’une sainte indignation, nous avons, par un arrêté, exclu de nos assemblées tous ceux qui, ayant signé, ou fait des écrits contraires à vos décrets, ne se rétracteraient pas. Nous nous sommes flattés, Messieurs, en prenant cet arrêté, que bientôt les auteurs de ces écrits et ceux qui en auraient signé quelques-uns, seraient les premiers à les condamner et à gémir des malheurs qu’ils ont causés ; et déjà nous voyons une partie de nos espérances qui commence à se réaliser. Qu’il est doux, Messieurs, qu’il est flatteur pour nous d’offrir à la nation entière, en la personne de ses augustes représentants, la rétractation que l’amour de la paix vient de dicter à M. l’abbé Gros notre pasteur, et l’un des membres de cette honorable Assemblée ! Qu’il est glorieux pour lui d’avoir fait le premier le sacrifice d’une opinion particulière à l’intérêt général 1 Qu’il est grand de sa part, d’avoir vaincu tous ces funestes préjugés, qui seuls, peut-être en ce moment, retiennent encore nombre de personnes prêtes à suivre un aussi bel exemple ! Heureux ceux qui, s’étant par malheur laissé écarter des vrais principes, auront, comme lui, le noble courage d’y revenir! et puissent tous ceux qui se seraient égarés, même les plus coupables, ne pas oublier qu’un seul repentir suffit pour désarmer ce peuple fait pour aimer bien plus que pour haïr ! G’est, Messieurs, pour hâter ce repentir que nous sommes venus vous offrir l’expression de nos sentiments et de ceux de notre généreux pasteur. Souffrez qu’en déposant une aussi précieuse offrande sur l’autel de la patrie, nous renouvelions sur ce même autel le serment que nous avons fait de ne vivre que pour la liberté, et répandre jus ju’à la deruière goutte de notre sang pour maintenir la Constitution française. Puissiez-vous, Messieurs, voir bientôt, avec de semblables serments, se multiplier de semblables offrandes ! M. le Président répond : « Messieurs, l’Assemblée nationale est très satisfaite de l’activité de votre patriotisme. Elle vous félicite du succès de vos démarches, et vous permet d’assister à sa séance. » L’Assemblée ordonne l’impression du discours de M. Lessorre et l'insertion au procès-verbal de la réponse du président. M. Vieillard, député de Coutances, membre du comité des rapports , rend compte d’une affaire relative à là epniDquue de Mirepoi* et d’uu arrêt du [1er juin 1790.] parlement de Toulouse. Il propose un projet de décret qui est adopté en ces termes ; «• L’Assemblée nationale, après avoir ouï son comité des rapports, déclare comme non avenus les arrêts rendus par le parlement de Toulouse les 11 décembre 1789, 12 janvier 1790, et 30 mars suivant, à l’occasion du renouvellement des consuls de la ville de Mirepoix , fait le 22 novembre dernier, ainsique tout ce qui s’est ensuivi, etchar-ge son président de se retirer par devers le roi pour prier Sa Majesté d’expédier tous ordres nécessaires afin qu’il ne soit donné aucune suite aux-dits arrêts. » M. Oupont (de Nemours) fait une motion relative à lapolice intérieure de V Assemblée natioale , Il s’exprime en ces termes: Un des attributs les plus indélébiles de votre dignité, c’est la police de votre Assemblée. J'ai droit de la réclamer. Je réclame votre justice et votre protection contre une imputation que j’apprends qui m’a été faite samedi dernier par un de mes collègues, dans le cours de la délibération. J’exposerai le fait très brièvement; ma justification ne sera pas longue; je me la dois, je vous la dois. Vous vous rappelez, Messieurs, que j’ai soumis à votre considération ce fait remarquable, qu’au moment ou on soulevait le peuple de Paris contre le Châtelet, on faisait proposer, dans une assemblée con voquée à Brignoles, sur la demande de la ville de Marseille, de détruire le Châtelet, qui ne peut avoir aucun tort vis-à-vis du peuple de Marseille, ni de celui de Brignoles. Quelques journaux disent, et plusieurs de mes collègues confirment que M. Gaultier de Biauzat vous a observé que la question, que je proposai de faire à cet égard aux députés de Marseille, était CAPTIEUSE ET ÉVIDEMMENT MINISTÉRIELLE, et qu’il a même ajouté que j'avais été instruit parM, de Saint Priest. Si le bruit qu’on faisait alors m’eût permis d’entendre M. de Biauzat, vous mê connaissez assez, Messieurs, pour être sûrs que je l’aurais sommé de prouver son accusation, que j’aurais démontré, comme je vais vous démontrer, qu’elle est injuste et mal fondée ; que j’aurais démandé à M. le président et à vous de le rappeler à l’ordre, Je sais, Messieurs, que cette imputation d’être livré au ministère, lorsqu’elle tombe sur un homme de biendontla vie publique et privée est sans reproche, dont la bonne foi, le désintéressement et l’intrépidité sont connus, ne montre que la mauvaise volonté de ceux qui l’attaquent, et ne saurait lui être très nuisible . . , . , Je remercie le petit nombre de méchants de l’un et de l’autre parti de ce qu’ils me font l’honneur de me croire redoutable; je remercie encore plus la Providence de ce que ne pouvant attaquer une seule de mes actions ils sont réduits, pour tâcher de me décrier, à élever contre mol une accusation vague et démentie par le fait, quoique propre, au premier abord, à faire impression sur une Assemblée justement jalouse de la liberté de ses membres. Mais on ne peut décrier et perdre que les gens qui méritent d’être décriés ou perdus, ou les hommes faibles ou sans défense qui se laissent faire. Je ne suis ni dans l’une ni dans l’autre classe; d’ailleurs la nature a voulu que la méchanceté fût presque touj ours aussi maladroite qu’elle est honteuse. Dans la circonstauce actuelle, le f$4 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [i°* jBja 1790.] (et ce que je vais vous dire est su de tous ceux qui vivent un peu dans le monde) que M. de Saint-Priest, dont je ne désavouerais certainement pas la connaissance, si j’avais l 'honneur d’avoir avec lui quelques rapports, est précisément le seul des ministres duroiavec lequel je n’ai aucuneespèce de liaisons. Je ne l’ai vu que deux fois dans ma vie, dont une avant son départ pour Constantinople. Il y a quatre autres ministres avec qui j’ai des travaux à suivre, tant comme inspecteur général du commerce et des manufactures, que comme chargé de la collection et du dépôt des lois commerciales étrangères. Je n’en fais pas mystère, et je le ferais mal à propos car la chose est imprimée en quatre endroits dans l’Almanach royal. Mais ces ministres ne m’ont jamais commandé arbitrairement, jamais ils ne m’ont fait faire que ce que j’ai cru juste et utile. Je suis toujours resté libre et indépendant de toute autre passion, de tout autre intérêt que celui du bien public, au milieq d’eux, Messieurs, comme au milieu de vous, Qna constamment su et dit dans l’administration que je n'étais propre qu'à bien faire , et que l'on ne pouvait obtenir de moi aucun autre service; douce récompense de ma vie, que toutes les fois qu’on a voulu malfaire, on m’a repoussé, renvoyé, disgracié; que toutes les fois queie zèle patriotique ou l’amour de la réputation ont porté le gouvernement à faire du bien, on m’a fait l’honneur de me rechercher, de me rappeler, de m’em-i) loyer. Je reviens à l’imputation particulière que m’a faite M. de Biauzat, Non, Messieurs, je n’ai point été instruit par M. de Saint-Priest, que je ne connais pas, d’un l'ait qui se trouve depuis cinq jours dans toutes les lettres de commerce; j’ai eu la première connaissance de ce fait, à l’occasion du travail dont vous et votre comité des finances m’avez chargé relativement au débit du sel, appartenant à la nation et provenant des salines ae province. Vous n’avez point cru, vous n’avez point dit, comme M. de Biauzat l’a fait imprimer, que ma motion fût évidemment ministérielle, Ues insinuations intéressées, injustes et secrètes de quelques particuliers à leurs voisins, si elles ont eu lieu, ne sont pas des débats de votre Assemblée. Fallait-il donc être ministériel pour remarquer dans um temps où le tribunal que vous avez établi, où la municipalité de Paris, que vous avez mise a portée de vérifier les faits, vous ont tous deux avertis, vous ont tous deux affirmé qu’il y aeuides distributions d’argent ;qu’elles continuent; qu’elles paraissent venir d’une côur étrangère; fallait-il donc être ministériel pour remarquer quels peuvent en être les effets? Quoi, Messieurs, vous savez qu’il y a eu et qu’il y a encore des distributions d’argent, et vous avez vu que l’attentat commis sur M, d’Albert de Riom avait été annoncé à Paris avant d’avoir été effectué ; que ia prise des forts de Marseille avait été un bruit public à Paris avant qu’on l’eût tentée; qu’on parlait à Paris de leur démolition lorsqu’à peine on la commençait ; vous avez vu que le même jour de la prise de Marseille, presque tous les autres forts des provinces méridionales ont été pris, ou attaqués ou menacés; vous voyez que; tandis que M-de Balayette et la garde nationale de Paris déployaient toute leur activité et leur courage pour préserver le Châtelet de Pin-surreçtion de quelques brigands étrangers qui cherchaient à égarer, par dé mauvaises perfidies, le très bon peuple de la capitale, la motion de détruire le Ghâtelet se faisait à 200 lieues de Paris, chez des gens à qui le Châtelet ne peut faire ni bien ni mal ; et l’on passera pour ministériel, si l’on fixe, sur cette correspondance de faits si bien liés les uns aux autres, vos regards patriotiques et ceux des citoyens vertueux de Paris ! Messieurs, si une parfaite habileté est une grande maladresse, les puissances étrangères sont mal servies: elles ont des agents également indiscrets dans les choses et dans les paroles. Oui, Messieurs, je suis ministériel eu un sens: lorsque je vous dis ces vérités importantes, je remplis en effet un ministère., un ministère saint et sacré, le ministère pour lequel nous avons été envoyés de toutes les parties du royaume, le ministère auquel nous avons tous fait serment de dévouer notre vie; je remplis le ministère de la vertu et du patriotisme indignés qui se révoltent contre l’accumulation des intrigues par lesquelles on voudrait faire écrouler-eet empire et perdre la Constitution qui vous coûte tant de peines et de travaux. Vous remplirez le vôtre, en la préservant de toute atteinte, en faisant de toutes parts respecter la souveraineté de ia nation, en réprimant tous les désordres, en rendant inutiles tant de coupables efforts. J’ai honte de vous parler encore de la plainte que j’ai mise gous vos yeux, lorsqu’il s’agit d’ob* jets d’une si grande importance. Que suis-je pour vous occuper? Rien. Mais, à côté même de la patrie, l’honnêteté et la vérité qui ia servent avec zèle sont quelque chose à vos yeux. Je puis donc demander, car vous demanderez vous-mêmes que M. Gaultier de Biauzat soit rappelé à l’ordre, et qu’il lui soif enjoint de ne pas inculper ses collègues sans preuves. C’est à quoi je conclus. M. de Folleville. La cause de M. Dupont est celle de tous les honnêtes gens, parce qull a toujours défendu la vertu. Il s’établit une discussion pour savoir si M. de Biauzat sera ou ne sera pas rappelé à l’ordre. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour. M. Dupont (de Nemours ). Je n’ai besoin d’autro récompense de l’Assemblée que de l’assurance de sou estime; je consens que l’on passe à l'ordre du jour, pourvu que je sois assuré que je n’en ai pas perdu la plus faible portion. (Qn passé 4 l’ordre du jour.) M. le Président donne lecture' de lettres patentes données sur les décrets. Expéditions! en . parchemins pour être déposées dans les archives de l’Assemblée nationale: « 1° De lettres patentes sur le décret du 14 dû mois dernier, qui prohibe l’entrée du sel étranger dans le royaume, « De lettres patentes sur le décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux UÙ Cauderot, à imposer sur les habitants de çetfê ville la somme de douze Gent dix livres, « 3° De lettres patentes sur ie décret du I7j portant que toute demande en retrait féodal QU censuel, qui n’a pas été adjugée avant la publication des lettres patentes du 3 novembre dernier, est et doit demeurer sans effet, « ¥ D’une proclamation sur le décret du portant que le çerps administratif du départent!