190 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Liberté, Égalité, Fraternité ou la mort Avant le neuf thermidor notre société étoit comprimée par la terreur ; elle comence à reprendre l’energie nécessaire aux vrais républicains : énergie dont plusieurs hommes sanguinaires masqués du nom de patriotes avoient interrompus le cours. Tout ce que vous avez fait depuis cette époque mémorable est bien propre à redonner de l’es-sort à toute faculté. Aussi notre société en particulier et le peuple en général, ne cessent de répetter avec une espèce de délire : vive la République, vive la Convention; unité inséparable à la Convention; qu’elle soit notre boussolle et notre seul point de ralliement ; qu’elle affermisse le gouvernement révolutionnaire mais dégagé des mesures cruelles et iniques avec lesquelles le tigre Robespierre et ses adhérents nous tiran-nisoient; Périssent à jamais les héritiers de leurs crimes dont plusieurs ont osé demander la continuation de leur affreux sisteme de terreur dans diférentes adresses insidieuses que vous avez si justement improuvées ; que le reigne de la justice exerce seul son empire sous la direction de la Convention; que les hommes modestes qui pratiquent sans ostentation les vertus républi-cainnes soient distingués et recherchés ; que ceux pour qui l’agitation est un bien et le désordre un moyen de fortune soient annéantis. Tels sont, Citoyens les sentiments et les principes de notre société qui vous jure un attachement inviolable et vous remercie bien sincèrement des bons effets de vos glorieux travaux. Fait, arreté et signé en séance publique par tous les frères qui savent le faire. Suivent 22 signatures et les noms de 14 personnes qui ont donné leur assentiment et ont déclaré ne pas savoir signer. Voillard, président, Poirricot, secrétaire. 10 La société populaire de Ganges, département de l’Hérault, exprime son indignation contre les prétendus patriotes exclusifs qui crient que le modérantisme et l’aristocratie lèvent la tête et que le patriotisme est opprimé; elle invite la Convention à poursuivre son élan sublime, à maintenir la justice, à raviver le commerce, à faire fleurir l’agriculture et organiser l’instruction publique. Mention honorable, insertion au bulletin (26). [La société populaire de Ganges à la Convention nationale, le 27 vendémiaire an III\ (27) (26) P. V., XLIX, 146. (27) C 326, pl. 1417, p. 14. Représentans. Les maux les plus terribles qu’un peuple ait à craindre, ce sont ceux qui n’aguere nous assailloient : Le gouvernement au lieu d’être basé sur les principes, ne l’étoit que sur les passions : tout étoit perdu. Vous avés vu le péril... La patrie renait consolée. En vain le 10 thermidor, un exécrable hypocrite expia ses forfaits : son ombre impure plane encore sur le sol de la France, c’est elle qui provoque et dirige vers vous ces insidieuses clameurs : « L’aristocratie lève insolemment la tête, le modérantisme triomphe, les patriotes sont opprimés. » Les sacrilèges!... l’homme honnêtte qui adora toujours la patrie mais qu’un instant d’erreur égara, arraché aux cachots et au suplice lève vers le ciel des yeux attendris... et les tygres avides de sang s’écrient « L’aristocratie lève insolemment la tête. » Le sage qui ne sépare point le républicanisme des vertus; le sage cessant dêtre comprimé par un odieux triumvirat ose dire : La justice nationale doit la mort au crime conspirateur : la clémence a l’erreur inactive que ne suivit aucun attentat, la couronne civique à l’innocence opprimée... et les tygres avides de sang s’écrient : « Le modérantisme triomphe. » Vos augustes décrets veulent enfin enchaîner ces êtres dont l’ame fut détrempée dans la fange, et dans le crime : ces êtres qui invocateurs perfides de la liberté qu’ils deshon-norèrent, assassinoient les vertus dont elle se compose; ces êtres qui lançant au gré de leurs caprices la foudre nationale que le tiran plaça dans leurs mains, concentrèrent dans une terreur indéfinie l’art de gouverner les hommes... et les tygres avides de sang s’écrient : « Les patriotes sont oprimés ». Convention nationale ! poursuis ton élan sublime; tu as décrété la justice... le Français libre ne veut qu’elle. Tu as proscrit la terreur... non pas celle que les lois... mais celle que les passions propagent... Convention nationale ! tu as fait une grande chose. Tu as restitué les viles frayeurs au crime et la douce sérénité aux vertus... Dans le cahos politique que l’infame Robespierre avoit organisé, et que vouloient et que veulent encore éterniser ses afreux agens, les scélérats seuls dormoient en paix ; les spectres sinistres ne vol-tigeoient que sur la tête du juste. Convention nationale! la France ne voit et ne veut voir que toi ; quelle corporation oseroit partager avec toi ta mission dont le souverain ta seule investie?.., Le souverain! Que le sophisme séditieux n’intervertisse pas la signification de ce mot imposant. Le souverain, c’est la masse entière du peuple que la séduction ne peut atteindre, et non une fraction du peuple qu’une poignée d’intrigans astucieux et deshon-tés peuvent égarer. Convention nationale ! reste à ton poste ; consolide les destinnées de la république, continue à tenir d’une main vigoureuse le gouver- SÉANCE DU 24 BRUMAIRE AN III (14 NOVEMBRE 1794) - N08 11-12 191 nail du vaisseau de l’état, tous les flots des factions viendront se briser à tes pieds : maintiens dans sa pureté primitive le gouvernement révolutionnaire : flétris le lâche égoisme : surveille le malveuillant hypocrite : frape à mort l’aristocrate conspirateur, pardonne au patriote qui ferme sur les principes a pû se laisser momentanément égarer sur des faits, poursuis le brigandage, punis l’immoralité, tous les genres de coquinismes, sous quelques masques qu’ils se couvrent, encourage le talent modeste et vertueux : ravive le commerce, fais fleurir l’agriculture, organise par de bonnes loix que la France attend encore, l’instruction publique, la puissance d’une grande nation dont tu disposes et qui ne voit que toi... Voilà tes moyens. Le sourire aprobateur de la patrie sauvée... Voila ta récompense. Salut et fraternité. Dupuy, président, Mouliérac, Mattiè, secrétaires et 36 autres signatures. 11 Le conseil général de la commune de Cusset, département de l’Ailier, applaudit à l’Adresse aux Français, demande la prompte organisation de l’instruction publique, le rétablissement de la mémoire des innocentes victimes qui ont péri sous le poignard des assassins, et que les fonctionnaires publics rendent compte de leur fortune avant et depuis la révolution. Mention honorable, insertion au bulletin (28). [Le conseil général de la commune de Cusset à la Convention nationale, le 5 brumaire an 11I\ (29) Nous l’avons lue cette adresse aux français ! Les sentimens sublimes que vous y avez développés, ont pénétré nos âmes de la plus vive reconnoissance pour nos représentans. Nous nous sommes enorgueillis de nos choix. Qu’ils restent donc à leur poste, nous sommes nous écriés d’une voix unanime, ces équitables législateurs ? qu’ils apprennent à nos ennemis qu’un gouvernement fondé sur la justice et l’humanité, est inébranlable ? qu’ils nous donnent promptement ce plan d’éducation qui doit former des républicains dignes d’eux? qu’ils continuent à frapper ces vautours qui cher-choient à établir le trône sur des monceaux de cadavres ? qu’ils prennent les moyens pour rétablir la mémoire des innocentes victimes qui ont péri sous le couteau des assassins? pour connoitre les hommes vraiment probes, qu’ils fassent rendre compte aux fonctionnaires publics de leur fortune avant la révo-(28) P.-V., XLIX, 146. Bull., 25 brum. (29) C 324, pl. 1397, p. 11. lution et depuis la révolution ? nos coeurs, nos bras seront toujours prêts à les soutenir dans leurs glorieux travaux. Fait en la maison commune de Cusset, en assemblée générale du conseil, le cinquième jour de brumaire l’an troisième de la République française, une et indivisible. Boudas, maire, Destré, trésorier, Auquier, officier municipal, Durand, secrétaire-adjoint, Lebeuf, secrétaire général et 21 autres signatures. 12 Les citoyens composant la société populaire de la commune de Donzy, [district de Cosne], département de la Nièvre, prémunissent la Convention contre ces cris que l’aristocratie lève la tête ; ils assurent que c’est une manoeuvre des intrigans aux abois, qui ne savent plus comment attaquer la Convention au milieu d’un peuple éclairé, par les maux qu’il a soufferts sous leur règne et celui de leur chef. Mention honorable, insertion au bulletin (30). [La société populaire de Donzy à la Convention nationale, le 5 brumaire an III] (31) Liberté, Égalité, haine éternelle aux tyrans ! Réprésentants L’épreuve d’où nous sortons est un nouveau passage de la servitude à la liberté. La nation est encore une fois régénérée. Votre adresse rappelle à la vie tous les citoyens autres que ceux qui y sont désignés. Oui, sans doute, quand les agitateurs seront déconcertés dans chaque commune, c’est alors que l’on verra touts les partis tomber et s’éteindre d’eux-mêmes ; mais il était tems, à l’exemple des soldats de la République, de marcher au pas de charge et la bayonnette en avant, contre tous les factieux et les intrigants répandus dans l’intérieur, pour les comprimer à leur tour et les réduire à l’impuissance de nuire davantage. Vous avez séché les larmes de plusieurs milliers d’infortunés que ne se souviennent plus de ce qu’ils ont souffert dès que les maux de la patrie se guérissent, vous avez assuré un asile à la vertu, et l’immoralité est rentrée dans son cloaque. Tout semble renaître aux noms sacrés de justice et d’humanité. Les citoyens ont recouvré l’usage des sens et de la parole, ils osent enfin se régarder et déjà le sourire de la confiance brille sur leurs figures. Les épanchements de l’amitié et de la fraternité succéderont bientôt au silence sombre et farouche de la terreur, ce qui prouve clairement que le système inquisitorial est mortel à la liberté et favorable à ses ennemis. (30) P.-V., XLIX, 146-147. Bull., 24 brum. (31) C 326, pl. 1417, p. 15. Bull., 24 brum.