[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 67 ne pourra résulter que de la représentation d’écrits publics ou privés du père ou de la mère décédé, ou de la suite des soins donnés à leurs entretien et éducation. Art. 9. « Les enfants nés hors le mariage, dont la fi¬ liation sera prouvée de la manière qui vient d’être déterminée, ne pourront prétendre aucun droit de successibilité, relativement aux parents collatéraux de leurs pères ou de leurs mères dé¬ cédés, même depuis le 14 juillet 1789, Art. 10. « A l’égard des enfants nés bors le mariage, dont le père et la mère seront encore existants lors de la promulgation du Code civil, leur état et leurs droits seront en tous points réglés par les dispositions du Code, Art. 11. « Néanmoins, en cas de mort de la mère avant la publication du Code, la reconnaissance du père, faite devant un officier publio, suffira pour constater à son égard l’état de l’enfant né hors le mariage et le rendre habile à lui succéder. Art. 12. « Il en sera de même dans le cas où la mère serait absente et dans l’impossibilité absolue de confirmer par son aveu la reconnaissance du père. Art. 13, « Les enfants et descendants des enfants nés hors le mariage, décédés avant la publication de la présente loi, représenteront leurs père et mère dans l’exercice de leurs droits. Art. 14. « Des arbitres, choisis par les parties ou nom¬ més par le juge de paix du heu de l’ouverture de la succession, termineront toutes les contes¬ tations qui pourront s’élever sur l’exécution de la présente loi, notamment dans le cas où il n’aurait pas été fait inventaire à la mort du père ou de la mère des enfants nés hors le mariage. « En aucun cas, les jugements de ces arbitres ne seront sujets à l’appel. » Nouveau rapport sur les articles d'appendice du titre IV du livre Ier, concernant les enfants nés hors le mariage, présenté au nom du comité de législation, par Cambacérès, député de l'Hérault. [ Imprimé par ordre de la Convention nationale (1).] Citoyens, La République attend avec confiance la loi qui doit régler l’exercice des droits attribués (1) Bibliothèque nationale, 10 pages in-8°, Le38, n° 538. — - Bibliothèque de la Chambre des députés ; Collection Portiez (dè l’Oise), t. 15, n° 9 et 66 n° 34, par la nature aux enfants nés hors le mariage. Avant de prendre une dernière résolution sur cette intéressante matière, vous avez voulu en¬ tendre une seconde fois votre comité de législa¬ tion (I); il vient aujourd’hui vous rendre compte de son opinion, et des motifs qui l’ont déterminée. Plusieurs objections ont été faites contre le projet que nous vous avons soumis; il est dans notre intention de vous les rappeler, comme il est dans notre devoir de vous présenter les con¬ sidérations qui serviront à les résoudre. On vous a dit : « Le droit de succession n’est point un droit naturel; l’ exécution de la loi ne commence que du jour où elle a été publiée. Les droits de successibilité des enfants naturels n’ayant été décrétés que le 4 juin dernier, ils ne doivent prétendre qu’aux successions échues, _ depuis ce jour. S’il en était autrement, la loi rétrograderait; et, aux termes de l’Acte eonsti* tutionnel, cette rétrogradation serait un Grime; elle produirait en outre les plus funestes effets, puisqu’en attaquant les propriétés, elle jetterait le trouble et le désordre dans les familles. Enfin, toutes lois, non abrogées demeurant en vigueur, les droits des enfants naturels ne sauraient re¬ monter au delà du 4 juin dernier, puisque les anciennes lois leur interdisaient la faculté d’hé¬ riter. Ces lois ne furent pas l’ouvrage du despo¬ tisme; elles furent le résultat de la volonté de la nation, réunie en états-généraux. » Quelque spéoieuses que soient ces raisons, la réponse n’en est pas moins facile et victorieuse. Il existe une loi supérieure à toutes les autres; la loi de la nature; c’est elle qui assure aux indi¬ vidus dont nous nous occupons, tous les droits qu’on cherche à leur ravir. Ces droits leur ont été rendus le jour où la nation a déclaré qu’elle voulait être libre, le jour où ses premiers repré¬ sentants ont rédigé cette charte mémorable, monument éternel des droits des hommes et des citoyens ! Aussi voit-on, à compter de ce jour, les enfants nés hors le mariage réclamer les avantages de l’état civil privé par les mêmes motifs qui assuraient leur état politique. Si l’Assemblée constituante et l’Assemblée légis¬ lative ont gardé le silence sur leur réclamation, peut-on supposer qu’elles aient voulu contester les droits qu’il n’était pas en leur pouvoir de méconnaître? L’égalité civile et politique étant devenue le bien commun de tous iss Français, n’est-il pas plus naturel de penser que les légis¬ lateurs ont cru qu’il était inutile de faire un dé¬ cret particulier, là où il existait un droit primitif consacré par une loi générale? Ce serait donc s’abuser que de vouloir fixer au 4 juin dernier les droits des enfants naturels; ce serait, nous ne craignons pas de le dire, vouloir fixer à cette époque les plus sensibles effets delà Révolution; et si le règlement du 4 juin devenait un obstacle à l’acte de justice que l’on réclame, il ne faudrait pas hésiter à en décréter le rapport pour ne pas affaiblir les avantages que la Déclaration des droits assure aux enfants nés hors le mariage, Eh ! qu’on ne nous dise point que notre projet opère la rétrogradation de la loi; loin de nous (1) Une première discussion, sur les articles d’ap-pendiee du titre IV, avait eu lieu dans la séance du 24 août' 1793, et ces articles avaient été renvoyés à un nouvel examen du comité, (Voy, Archives par-lemenlaires, lre série, t. LXXII, séance du 24 août 1793, p. 734.) 68 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { 9brum£ire ann une telle pensée, dont l’effet pourrait nuire à l’harmonie sociale. Mais, s’il est vrai que la na¬ ture et la raison assurent à tous les enfants le droit de recueillir l’héritage de leur père, com¬ ment peut-on contester que du moment où l’éga¬ lité a été proclamée, toute différence n’ait pas dû cesser entre ceux dont la condition devait être la même? Quant à l’autorité des coutumes que l’on a voulu présenter comme le résultat de la volonté nationale, serait -il nécessaire de dire qu’elles furent l’ouvrage de ceux qu’uneJongue suite d’a¬ bus avait séparés des autres individus, et qu’elles ne servirent qu’à consacrer les invasions féo¬ dales? Après avoir ainsi analysé les difficultés qui se sont élevées contre notre plan de législation, aucune d’elles ne nous a paru propre a nous le faire abandonner; mais, en demeurant constam¬ ment attachés au principe sur lequel il repose, nous avons reconnu qu’il était nécessaire de vous présenter quelques développements qui doivent concilier ce que l’équité exige de vous avec le respect dû aux volontés de l’homme, et aux transactions sociales. Nous persistons en consé¬ quence à vous proposer d’admettre les enfants naturels actuellement existants, à exercer leur droit de successibilité, à compter du 14 juillet 1789. Ici le comité s’est fait deux questions. Assi¬ milera-t-on les enfants adultérins aux enfants nés de personnes qui n’étaient point engagées dans les liens du mariage? Première question. Les moyens employés pour l’exercice des droits de successibilité, seront -ils les mêmes à l’égard des enfants dont les pères et mères sont décédés, qu’à l’égard de ceux dont les pères et mères vivent encore? Seconde question. Si je n’avais à vous présenter que mon opinion personnelle, je vous dirais : tous les enfants in¬ distinctement ont le droit de succéder à ceux qui leur ont donné l’existence; les différences éta¬ blies entre eux sont l’effet de l’orgueil et de la superstition; elles sont ignominieuses et con¬ traires à la justice. Dans un gouvernement basé sur la liberté, des individus ne peuvent pas être les 'victimes des fautes de leur père. L’exhéréda¬ tion est la peine des grands crimes : l’enfant qui naît en a-t-il commis? et si le mariage est une institution précieuse, son empire ne peut s’éten¬ dre jusqu’à la destruction de l’homme et des droits du citoyen. Mais ce n’est pas de mes pro¬ pres pensées que je dois vous entretenir; c’est le résultat de la discussion du comité, dont il faut vous rendre un compte Adèle. On a pensé presque unanimement que le respect des mœurs, la foi du mariage, les convenances sociales ne permettaient point de comprendre dans la dis¬ position les enfants nés de ceux qui étaient déjà liés par des engagements. Le comité s’est surtout arrêté à cette considération, que la question était préjugée par l’article 9 du titre IV. Sur la seconde question, celle qui a pour ob¬ jet de régler l’exercice des droits attribués aux enfants nés hors le mariage, nous avons reconnu qu’il fallait distinguer les successions ouvertes de celles qui s’ouvriraient à l’avenir. Quant aux premières, le comité estime que l’enfant ne peut être admis à les recueillir qu’en établissant son état. A l’égard des secondes, le comité pense que, lorsque les pères et mères sont existants, les droits et l’état des enfants naturels doivent être en tous points soumis aux dispositions du nou-yeau Code. . r Les deux points que je viens d’énoncer étant arrêtés, il ne restait plus au comité qu’à régler les droits de successibilité des enfants nés hors le mariage : nous aurions été en contradiction avec nous-mêmes, si nous n’avions pas reconnu que ces droits devaient être les mêmes que ceux qui sont attribués aux enfants légitimes; mais, en consacrant un principe incontestable, nous avons estimé qu’il devait souffrir quelques modiAca-tions déterminées par l’état actuel de la société, et par la transition subite d’une législation vi¬ cieuse à une législation meilleure. Ainsi, lorsque le père ou la mère seront décédés sans testament, l’enfant né hors le mariage aura une portion égale à celle des autres enfants co¬ partageants; et lorsque les parents auront disposé, leur volonté sera maintenue, les enfants seront réduits à un simple légitime seulement; dans le cas où la disposition aurait été faite en faveur des collatéraux ou des étrangers, la portion des enfants nés hors le mariage s’élèvera à la moitié des biens : il en sera de même lorsque les héritiers collatéraux auront été saisis par l’effet de la loi. Aûn de rendre, par un exemple notre idée plus sensible, supposons qu’un ci¬ toyen ayant deux enfants naturels laisse à un héritier collatéral ou étranger une fortune de 100,000 livres : alors les deux enfants naturels auront à partager entre eux 50,000 livres. Enûn, après avoir vengé la nature trop long¬ temps outragée, après avoir Axé le sort d’une classe d’infortunés victimes jusqu’à ce jour de l’avarice et du préjugé, l’équité nous a com¬ mandé les précautions suivantes. Nous vous proposons en conséquence de décréter que les enfants nés hors le mariage ne pourront ni dé¬ ranger les partages faits, ni exiger la restitu¬ tion des fruits perçus, ni préjudicier aux droits acquis aux créanciers et aux tiers acquéreurs. Par ce nouveau plan de législation, vous ver¬ rez, citoyens, qu’en cédant à la voix de la phi¬ losophie et de l’humanité, nous avons évité le double inconvénient ou d’aborder de trop près certaines idées d’immoralité, ou d’arrêter des dispositions qui pourraient porter atteinte aux propriétés, et jeter le trouble dans les familles. Ces grandes considérations nous ont guidés dans le cours de notre travail; mais si nous étions tombés dans quelques erreurs, nous serons prêts à en revenir lorsqu’on nous les aura fait con¬ naître. Voici les nouveaux articles que nous vous proposons : T» Appendice du titre IV dm livre Ier (1). « La Convention nationale, ouï son comité de législation, décrète ce qui suit : Art. 1er. 1 « Les enfants naturels actuellement existants, nés de père et mère non engagés dans les liens du mariage, seront admis aux successions de leurs père et mère, ouvertes depuis le 14 juillet 1789. (1) Ce projet reproduit dans ses grandes lignes celui dont le principe seulement avait été décrété à la séance du 4 juin 1793. (Voy. Archives parlemen¬ taires, lre série, t. LXVI, séance du 4 juin 1793, P-34.1