Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 septembre 1791.) 262 trésorerie nationale, une somme de 12,000 livres, par forme d’indemuité. » ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VERNIER. Séance du mercredi 7 septembre 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du lundi 5 septembre au matin , qui est adopté. Un membre observe que dansledécretdu 26 avril dernier d’après lequel la paroisse de Saint-Clair a dû être unie au département de l’Isère, il a été écrit la paroisse de Serres au lieu de celle de Saint-Clair; il demande la rectification de cette erreur et propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale a décrété que l’erreur qui s’est glissée dans le décret du 26 avril, sanctionné le 4 mai dernier, sera réformée; en conséquence, qu’il sera dit que la paroisse de Saint-Clair sera unie au département de l’Isère et non celle de Serres, qui reste au département de la Drôme. >. (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président. Dans plusieurs départements, les électeurs des campagnes refusent de procéder à la nomination des députés à la législature, jusqu’à ce qu’on ait ordonné qu’ils soient payés; ce fait se présente notamment dans le département de Maine-et-Loire dont les électeurs ont envoyé ici un courrier extraordinaire. Je crois qu’il est nécessaire de renvoyer cette question au comité de Constitution qui répondra avec sa sagesse habituelle. M. d’André. Il est très certain que, dans plusieurs départements, les électeurs non seulement demandent un payement mais encore se font payer, et que les directoires de département, qui ont envie d’être élus, n’osant pas contrarier le vœu des électeurs, donne t des mandats sur les caisses des trésoriers, alin de faire payer les électeurs : j’en ai un exemple et j’en suis sûr. Je suis étonné que le comité de Constitution, malgré nos fréquentes réclamations, ne prononce pas sur cet objet-là. Si l’Assemblée pense qu’il faut payer les électeurs , ils seront payés dans tout le royaume d’une manière unilorme et vous fixerez un taux qui ne sera pas onéreux au peuple. Dans certains pays, on les paye 6 livres par jour et 25 sous par lieue pour leur voyage, de manière qu’à 800 électeurs, cela coûte plus de 4,000 livres par jour. A ce compte-là, on fait durer les élections pour avoir ces 6 livres par jour; des paysan* qui sont envoyés des campagnes et qui gagnent 24 sous chez eux, sont très enchantés d’avoir 6 livres par jour. Ainsi je demande que le comité de Constitution fasse son rapport ce malin là-dessus, parce que cela ne peut pas faire une longue question ; et dans le cas où le comité de Constitution n’aurait pas fait ce rapport à l’Assemblée à deux heures, nous discuterons la matière et nous prendrons une décision. (L’Assemblée, consultée, décide que le comité de Constitution fera son rapport à deux heures sur la question de savoir si les électeurs seront payés.) M. le Président fait lecture d’une lettre de M. Doulceron , qui réclame des indemnités à raison de la perte d’une habitation qu’il avait dans les possessions françaises du fort Dauphin, et qui se trouve enclavée dans le territoire espagnol, par les nouvelles limites qui furent établies en 1775 et 1776 entre les deux cours de France et d’Espagne. (Cette réclamation est renvoyée au pouvoir exécutif.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du lundi 5 septembre au soir, qui est adopté. M. Arnoult , au nom du comité de féodalité, fait la relue des articles précédemment décrétés relativement aux domaines congéables. M. Lanjuinais fait lecture d’une lettre de M. Boullé , commissaire de l’Assemblée nationale dans les départements du Mord, par laquelle il instruit l’Assemblée des mesures que prend le général de l’armée du Nord pour le rétablissement de la discipline militaire. Cette lettre est ainsi conçue : Valenciennes, le 3 septembre 1791. « Monsieur le Président, v La loi nouvelle provoquée par l’esprit de révolte qui s’est introduit dans quelques régiments a été adressée de suite au général en chef de l’armée du Nord, qui a aussitôt chargé M. Fléchin, maréchal de camp, de la faire promulguer dans la garnison d’Arras, et d’employer tous les moyens qu’elle peut fournir pour rétablir la subordination et le b m ordre da is le 2e bataillon du 68e régiment d’infanterie. Les premières dépêches de cet officier général nous ont déjà annoncé que les soldats de ce bataillon rentraient dans l’obéissance et elles nous font espérer le succès de toutes les opérations ultérieures dont il est chargé. Mais, en attendant qu’il soit eu état d'en rendre compte, je ne puis m’empêcher de témoigner à l’Assemblée nationale que je n’ai pas lu sans peine le précis de la discussion à laquelle a donné lieu, dans son sein, la proposition de la loi. J’y ai remarqué, d’une part, des expressions exagérées, sans doute, puisque les officiers du 2° bataillon du 68° régiment reconnaissent eux-mêmes, dans leur mémoire, qu’il se trouve encore dans ce bataillon des sujets recommandables, des soldats fidèles, de braves et respectables militaires qui connaissent les devoirs de leur état, et qui sont disposés à les remplir. J’y ai vu, de l'autre, qu’on avait omis les principaux faits, ceux qui avaient principalement et immédiatement déterminé la translation de ce bataillon de la ville de Laridrecies dans la citadelle d’Arras : j’avais cependant instruit le comité militaire de tous ces faits; mes lettres et les pièces que j’y avais jointes pouvaient le mettre en état d’en rendre compte. Je regrette qu’il ne l’ait pas fait, parce que la nécessité de la loi n’en eût été que mieux démontrée ; et qu’il ne faut jamais priver (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 septembre 1791.] 263 les lois d’aucune partie de la force morale qui peut fournir la démonstration de leur justice. « Je ne répéterai pas à l’Assemblée ce qui lui a été dit par un de mes collègues, relativement aux rubans que les soldats portaient sur leurs habits, comme si des sociétés particulières pouvaient distribuer et autoriser des décorations de ce genre; contre l’esprit des lois générales qui proscrivent les distinctions entre les citoyens; contre les dispositions formelles des lois militaires, qui prescrivent la plus stricte observation de l’uniforme qu’elles ont déterminé pour chaque troupe. « A l’arrivée du second bataillon du 68e régiment à Landrecies, l'officier commandant dans cette place avait, mais trop vainement, étendu d’une manière explicite à ces rubans l’ordre que le général y avait laissé, pour faire observer exactement à là garnison la tenue militaire. La désobéissance ouverte, formelle et contagieuse qui eut lieu alors, ne devait-elle pas, à la première occasion, entrer pour quelque chose dans nos représentations ? L’Assemblée a su ce qu’elles avaient produit : des soldats dirent, devant nous et le général, qu’ils se feraient mettre en pièces plutôt que de céder sur ce point. Cependant on a dit qu’il n’v avait point eu de révolte; comment donc qualifier cette déclaration, qui fut le lendemain confirmée de fait, et de la manière la plus ostensible, par tout le batai Ion sous les armes ? Certes, les soldats n’auraient pas éié, dans ce moment, admis au sermenti l’on aurait dès lors procédé cqntre eux, si mon avis avait prévalu, parce que mon amour pour l’ordre public, parce que mon respect pour la loi, sont en raison de ma passion pour la liberté. La moindre peine de discipline ne fut pas même infligée, et tout cela paraissait tombé dans l’oubli, quoique les soldats persistassent toujours, depuis même l’amnistie, à se parer des marques de leur désobéissance habituelle, lorsque, peu de jours après que cette amnistie eut été accordée, le rapport d’un officier et un procès-verbal de la municipalité de Landrecies nous apprirent que le repos de cette ville avait été troublé, que ces mêmes soldats, destinés à proléger la tranquillité des citoyens, s’étaient abanoonnés à des mouvements séditieux qui avaient forcé d’avoir recours à des mesures extraordinaires, et d’invoquer contre eux toute l’autorité de la loi; que néanmoins des violences avaient été commises, et que deux sous-officiers avaient été maltraités et traînés en prison par les soldats qui les y avaient retenus toute la nuit. « Fallait-il encore fermer les yeux sur de tels excès ? Ils déterminèrent �ur-le-champ l’ordre du départ, et ils auraient été déjà jugés par une cour martiale, si, malgré la loi récente pour les cas de mouvements combinés, le commissaire-auditeur n’avait été arrêté par des difficultés de forme, résultant delà généralité de la dénonciation qui lui avait été faite, difficultés qui, si elles étaient réelles, ne seraient pas levées par cette nouvelle loi. « Je sais que les délits dont je viens de parler, quelques graves qu’ils soient, ont encore trouvé des apologistes ; un mémoire étrange fut même adressé au général, et on lui donna à Arras de la publicité, comme pour prévenir contre les opérations de la cour martiale. J’ai adressé, dans le temps, ce mémoire au comité militaire, avec la copie d’une lettre qu’il m’avait donné lieu d’écrire au directoire du département du Pas-de-Calais. J’avais témoigné à ce directoire le désir que ma letire fût connue : il a redouté les effets de cette mesure. Et voilà comme on néglige d’annoncer au peuple la vérité, comme on le laisse en proie à l’erreur et aux préventions. Je dois le dire ici, puisque l’occasion s’en présente, je suis fondé à croire que les mouvements irréguliers qui ont eu lieu, soit dans les troupes ou ailleurs, ont été en grande partie occasionnés par la faiblesse des chefs. On a l’air de composer avec la loi : on l’atténue par des discours hors de saison, par des ménagements superflus, par de vaines précautions ; on oppose des conditions à l’obéissance ; on paraît proposer une convention, lorsqu’il ne faut que réclamer un devoir. Eh ! laissez à la loi toute sa majesté ; élevez-vous, vous-mêmes, à sa hauteur, lorsque vous avez l’honneur d’être ses organes ! Le soldat français est généreux, il sera flatté de la dignité que vous mettez dans vos fonctions, et vous verrez alors qu’il sera soumis à la loi. « Je prie l’Assemblée de me pardonner, si je rappelle aussi longtemps son attention sur un objet qu’elle paraît avoir terminé ; mais il ne faut pas qu’on puisse lui imputer une rigueur excessive envers les soldats, lorsqu’elle ne s’est occupée que d’honorer leur état et d’améliorer leur sort ; et quant à moi, quMle a environné de sa confiance, je dois être prêt à lui rendre compte, à tous les instants, de ce dépôt honorable ; et je respecte trop l’opinion publique, pour ne pas chercher à l’éclairer sur les opérations auxquelles je puis avoir eu quelque part. On ne dira plus, du moins, qu’il ne s’agissait ici que de quelques fautes de discipline, sans réfléchir que si des fautes de ce genre mènent à un état d’insubordination habituelle, elles peuvent être rapidement suivies de tous les crimes. Pour moi, je ne conçois point de résistance à la loi dont on ne doive être alarmé: ceux-là seraient-ils dignes d’aspirer à la liberté, mériteraient-ils d’en jouir ou de la défendre, qui n’attacheraient que peu d’importance aux moindres infractions de la loi, qui ne sentiraient pas que son nom seul ne doit être prononcé que pour provoquer une sorte de culte religieux? « Je prie l’Assemblée nationale d’agréer l’hommage de mon respectueux dévouement. « Signé : Boullé, « Membre et commissaire de C Assemblée nationale. » MM. Duquesnoy et d’André. Nous demandons l’impression. M. Chabroud. Les observations que le commissaire de l’Assemblée lui fait en nécessite une autre de ma part. Le comité militaire n’a pas fait faire à l’Assemblée un rapport détaillé de ce qui s’était fait à Arras, mais le comité a fait à l’Assemblée un rapport général. Le comité militaire a fait exposer à l’Assemblée qu’il existait une sorte d’état d’insubordination et de révolte dans quelques corps de l’armée; c’est à cela que s’est réduit le comité, parce qu’il n’a pas voulu proposer à l'Assemblée des mesures partielles, mais une mesure générale. Il est peut être utile d’avoir fait cette observation, afin qu’elle calme les inquiétudes que pourrait donner cette lettre dans le public. M. d’André. Nous insistons pour l’impression. (L'Assemblée, consultée, décrète l’impression de la lettre de M. Boullé.) M. Ce Chapelier, au nom du comité de Constitution , fait lecture d’une nouvelle rédaction des articles décrétés dans la séance d’hier concer-