[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [21 septembre 1790-1 forcés, et leur division en petites sommes, causeront l’anéantissement de leur commerce et le bouleversement des fortunes. Lettre du colonel du régiment de Saintonge, en garnison à Strasbourg, qui annonce que les officiers, sous-ofFiciers et soldats de ce régiment, supplient l’Assemblée d’accepter pour les veuves et orphelins des malheureuses victimes qui ont péri dans l’affaire de Nancy, en soutenant, les armes à la main, les décrets de l’Assemblée, un jour de paye entière de chaque individu qui compose ce régiment, comme un gage de la fraternité qui les lie envers leurs frères d’armes, et de gratitude envers les représentants de la nation. M. Schwendt fait la motion que l’Assemblée charge son Président d’écrire au régiment de Saintonge pour lui témoigner la satisfaction de l’Assemblée. (Cette motion est mise aux voix et décrétée dans les mêmes termes qu’elle a été rédigée.) Il est lu une lettre du 18 de ce mois des officiers municipaux de la ville de Naiîcy : ils adressent à l’Assemblée six exemplaires du précis des principaux événements arrivés à Nancy depuis le 10 juillet dernier. Ils soumettent à son jugement ce tableau fidèle de leur conduite. Il est encore donné lecture d’une lettre datée d’Hesdin le 15 de ce mois, écrite parles commissaires envoyés dans cette ville, pour prendre connaissance des faits qui ont suivi le décret du 7 août concernant le régiment de royal Champagne. Ils annoncent qu'ils s’occupent de remplir la mission qui leur a été confiée; qu’il ne paraît en ce moment aucun germe d’insurrection, et qu’ils espèrent qu’ils auront la satisfaction d’apprendre à l’Assemblée le rétablissement entier du calme et de l’ordre. (Cette lettre est renvoyée au comité militaire.) On donne enfin lecture d’une adresse de l'Académie royale de peinture et de sculpture , par laquelle elle prie l’Assemblée de s’expliquer sur le point de savoir si, dans les décrets qu’elle a rendus le 20 août dernier en faveur des sociétés savantes, elle a entendu comprendre l’académie de peinture et de sculpture, et si elle est autorisée à présenter un projet de règlement. __ M. Camus observe que cette académie est évidemment comprise dans les décrets rendus par l’Assemblée et que, dès lors, il n’v a pas lieu de rendre un décret spécial. annexé , à la séance de ce jour , le projet de statuts et règlements présenté par cette académie .) M. le Président. L’Assemblée passe à son ordre du jour qui est la suite de la discussion sur le projet de décret présenté par le comité ecclé-siatique sur le traitement des ordres religieux et des chanoinesses séculières. Le titre Ier ayant été décrété dans les précédentes séances, la délibération va s’établir sur le titre II. M. Treilhard, rapporteur. Vous avez à décider aujourd’hui le traitement des religieuses. Les évêques étaient chargés de donner l’état des communautés de filles. Tous ces états ne nous sont pas encore parvenus; ceux que nous avons reçus indiquent un nombre de 29 ou 30,000 individus. Nous pensons que le nombre total peut monter à 60,000. Le comité a vu avec peine 121 que les revenus de ces monastères étaient extrêmement faibles; et c’est à regret qu’il a fixé à 600 livres le traitement de chaque religieuse de chœur, et à 300 livres celui des sœurs données ou converses. Ces traitements doivent être pris sur les revenus existants; mais tandis que des couvents ont des revenus énormes, il en est qui n’ont pas le nécessaire. L’état de ces maisons doit intéresser l’humanité de l’Assemblée.... Le comité m’a chargé de vous présenter le projet de décret suivant : « Art. 1er. Les revenus des maisons religieuses, qui sont inférieurs à la somme de 600 livres à raison de chaque religieuse de chœur, et de 300 livres à raison de chaque sœur converse ou donnée, ou qui n’excèdent pas lesdites sommes, n’éprouveront aucune réduction, et il sera tenu compte auxdites maisons delà totalité des revenus dont elles jouissent actuellement. « Art. 2. Dans les maisons dont les revenus excèdent la somme de 600 livres à raison de chaque religieuse de chœur, et celle de 300 livres à raison de chaque sœur converse, il ne sera tenu compte desdits revenus que jusqu’à concurrence desdites sommes. « Art. 3. Demeurent provisoirement exceptées des dispositions de l’article précédent les maisons destinées par leur institut à l’éducation publique et au soulagement des malades, et il leur sera tenu compte de la totalité de leur revenu, jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné. « Art. 4. Dans les maisons dont le revenu est inférieur à 600 livres pour chaque religieuse de chœur, et à 300 livres pour chaque sœur converse, les traitements des religieuses qui décéderont. les premières accroîtront les traitements des suivantes, jusqu’à concurrence desdites sommes. « Art. 5. 11 pourra être accordé, sur l’avis des directoires de département, un secours annuel aux maisons qui, par la destruction de la mendicité ou par ta privation d’autres ressources dont elles avaient joui jusqu’à présent, n’auront plus un revenu suffisant pour leur existence. « Art. 6. Dans le cas où les religieuses des maisons mentionnées en l’article précédent renonceraient au bénéfice de la disposition du décret qui leur permet de rester dans lesdites maisons, les emplacements en seront aliénés et leurs produits pourront être employés à l’augmentation du traitement desdites religieuses. » M. Regnaud, député de Saint-Jean-d’ Angèly. Je ne crois pas avoir besoin de rappeler à l’Assemblée tous les ménagements que l’humanité prescrit envers des êtres faibles qui ont fait de grands sacrifices à la piété et qui, en se soumettant à de longues austérités, ont avancé l’âge des infirmités. L’extrême médiocrité de leurs revenus ne peut motiver la rigueur du comité ecclésiastique à leur égard. Quand vous avez fixé le sort des religieux mendiants, cette considération ne vous a point arrêtés : vous empêcherait-elle d’être justes envers des femmes qui n’ont pas les mêmes ressources, et que presque toujours un zèle plus pur avait conduites dans les cloîtres ? Je demande donc : 1° que le maximum soit porté à 1,000 livres, dans ce sens que rien ne sera ôté aux maisons dont le revenu n’excédait pas cette somme pour chaque religieuse ; 2° qu’en cas de décès les traitements soient réversibles aux survivantes; 3° que les religieuses, soit mendiantes, soit dotées, dont le revenu ne s’élève pas à 400 livres, reçoivent un traitement de cette somme. 12g [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 1790- ] M. l’abbé de Montesquion. Je n’attaquerai pas le plan du comité corn me opération de finances, car on ne peut en présenter une plus habile que celle qui consiste à prendre aux religieuses, qui possèdent quelque chose, pour donner à celles qui ne possèdent rien. Mais si la finance adopte ces principes, la justice distributive les repousse. La nation, en s’emparant des biens ecclésiastiques, a contracté -rengagement de pourvoir à la subsistance de tous les individus engagés dans les ordres religieux; elle doit se conformer à cet engagement : elle y manquerait, si elle ne le remplissait d’une manière suffisante. Quelle espèce de proportion de justice et d’humanité a-t-on suivie en proposant un maximum, de 6l)0 livres pour les religieuses de chœur et de 300 livres pour, chaque sœur converse? Présente-t-on à celle-ci la possibilité de vivre, aux autres le moyen de se soutenir pendant une vieillesse anticipée et malheureuse, et dans des iulirmités contractées dans (h s maisons qui sont de vraies sépulcres vivants? On a dit, quand on a voulu nous dépouiller, que nous devions acquitter les fondations et soulager les pauvres; que nos biens nous avaient été donnés à ces deux conditions et que nous n’avions rempli ni l’une ni l’autre. Ce raisonnement peut-il s’appliquer aux religieuses? Elles vivent encore comme elles ont toujours vécu ; si elles | araissent aujourd’hui devant leurs fondateurs, quels reproches auraient-ils à h ur faire? Exactes à observer les règles auxquelles elles s’étaient soumises, elles se sont encore vouées à des travaux utiles à la société, à l’éducation de la jeunesse. Privées du bonheur d’être mères, elles en remplissaient les devoirs... Je les recommande à votre humanité, à la sensibilité qui est dans vos cœurs. Je ne me permets pas de conclure. M. Briols de Beaumefz. La véritable humanité des législateurs c’est la justice; ainsi je recommande les religieuses à la justice de l’Assemblée nationale. Ce serait une grande erreur que de vouloir juger decequ’tl faut donner à chaque religieuse, par ce qu’il reviendrait à chacune. Si les biens de toutes les communautés étaient partagés entre tous les individus qui les composent, chacune peut-êlre n’aurait pas 120 livres de rente ; elles subsistent cependant. Il faut leur conserver, autant qu’il sera possible, les moyens de subsistance qu’elles avaient su se procurer. La seule question est de savoir si l’on donne ■ assez à celles qui ont quelque chose et à celles qui n’ont rien. La négative me paraît évidente : en augmentant le maximum indiqué, il me paraît juste d’autoriser la réversibilité des pensions. Vous êtes forcés d’être rigoureux aujourd’hui, la clause de réversibililé peut seule compenser la rigueur que les besoins de l'Etat vous prescrivent. Qu’importe à la nation de profiter un peu plus lard des biens des religieuses, pourvu qu’elle soit juste envers elles? Nous n’avez pas voulu faire sur ces biens une opération lucrative, vous n’avez voulu que fermer ces asiles de douleur, ces cloîtres, que le plus zélé, le plus sensible des défenseurs des religieuses n’a pu s’empêcher d’appeler de vrais sépulcres vivants... Je propose de porter à 900 livres le traitement des religieuses de chœur et à 450 livres celui des sœurs converses,. M. de B&nnal, évêque de Clermont , adopte les mêmes conclusions. On ferme la discussion; plusieurs amendements sont proposés, les différents sont mis aux voix et l’Assemblée décrète que le maximum du traitement des religieuses de chœur sera de 700 livres, et celui des sœurs converses de 350 livres. L’article 1er est décrété en ces termes : TITRE II concernant les religieuses. « Art. 1er. Les revenus des maisons des reli-gieusesqui sont inférieurs à la somme de 700 livres à raison de chaque religieuse de chœur, de 350 livres à raison de chaque sœur converse ou donnée, et à la somme qui sera ci-après réglée pour les abbesses perpétuelles et inamovibles, on qui n’excèdent pas lesdites sommes, n’éprouveront aucune réduction, et il sera tenu compte auxdites maisons de la totalité des revenus dont elles jouissent. » (La séance est levée à 10 heures et demie.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 21 SEPTEMBRE 1790. Adresse , projet de statuts et règlements pour /’ Académie centrale de peinture, sculpture , gravure et architecture , présentés à l'Assemblée nationale par la majorité des membres de l'Académie royale de peinture et sculpture (1) Messieurs, J’Académie de peinture, sculpture et gravure est trop convaincue de vos lumières pour chercher à démontrer l’utilité des arts dans un grand empire, et à établir cette vérité incontestable, si bien connue de vous, que les arts, en concourant à la gloire d’un Etat, concourent aussi à sa richesse par leur influence sur l’industrie nationale. Les grands principes qui sont les bases de l’heureuse Constitution qui doit, à l’avenir, consacrer le bonheur et la puissance du peuple français, sont les points fondamentaux sur lesquels l’Académie a appuyé sa nouvelle organisation. Ainsi, l’égalité, l’inviolabilité des droits, la liberté individuelle, l’amovibilité des places, les élections par scrutin, ont fourni la matière des différents articles du plan que l’Académie a l’honneur de vous présenter. L’Académie, convaincue que les intention-s des législateurs sont de former de grands établissements nationaux, a cru entrer dans les vues de l’Assemblée nationale, en proposant, dans le premier titre de ses statuts, la réunion de l’Académie d'architecture avec celle de peinture, sculpture et gravure, sous la dénomination d 'Académie centrale de peinture , sculpture , gravure et architecture. Ces deux Académies, qui ne seraient plus qu’une seule institution, formeraient cependant deux sections qui, à différentes époques, se réuniraient dans des assemblées communes pour le bien général des arts, mais qui auraient (1) Co document n’a pas été inséré au Moniteur.