[Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 septembre 1789.] 609 Il est donné lecture du procès-verbal du 10 septembre au matin, des délibérations et adresses d’adhésion de la ville de Gholet en Anjou; du corps des officiers du régiment Dauphin, infanterie, en garnison à Givet, et des officiers du régiment de Champagne, infanterie, en garnison à Bordeaux ; de tous les ordres de la ville et commune de Chalon-sur-Saône; des écoliers et pensionnaires du collège de Gusset en Auvergne; de la ville de Haute-Rive au diocèse de Toulouse; de la ville de Vézelay, généralité de Paris; de la ville de Vence en Provence; des officiers du présidial de Condom; de la ville de Blesle, diocèse de Saint-Flour en Auvergne, et des paroisses voisines; des officiers municipaux du bailliage de Kandel en Haute-Alsace; du comité national de la ville de Coutances; des officiers du bailliage de Bourbon-Lancy; de la paroisse de Gentier, dans la province de la Marche, des habitants de Ville-Dieu en Normandie; de la municipalité de Beaumont-sur-Oise; de l’arrêté du district des Blancs-Manteaux de la ville de Paris, et du procès-verbal de la prestation de serment du régiment de Poitou, en garnison à Saint-Brieuc. Un de MM. les secrétaires présente un livre intitulé : « Pensées sur la Philosophie de la loi, » dont M. l’abbé Lamourette prie l’Assemblée nationale d’agréer l’hommage. M. le comte Cévis de Mirepoix lit une lettre écrite au nom du régiment du maréchal de Turenne, qui offre à la patrie, et à l’Assemblée nationale, un don de mille écus, à retenir sur la subsistance du mois courant. On décrète qu’il sera écrit à ce régiment, par M. le président, une lettre d’acceptation et de remerciement. M. Martineau fait la motion d’ouvrir un registre pour y insérer les noms de ceux qui offriraient ainsi des sacrifices à la patrie. M. Regnaud appuie cette motion, et demande qu’il soit établi une caisse, et qu’il soit nommé trois membres pour y veiller et tenir les registres. M. Fréteau propose d’insérer dans les registres les noms même de ceux dont on aurait refusé les sacrifices, comme le régiment de Turenne. M. le Président .annonce une lettre qu’il vient de recevoir de M. le premier ministre des finances par laquelle il envoie un rapport qu’il a fait au conseil du Roi, sur la sanction royale et demande que son rapport soit lu à l'Assemblée. La lettre est ainsi conçue : « M. le président, les ministres du Roi ont cru devoir entretenir Sa Majesté de ce qui fait actuellement l'objet de vos délibérations. « Le Roi, après avoir pris connaissance de la question, m’a autorisé à soumettre à l’Assemblée ce mémoire. En vous le présentant, je tiens le langage que je tenais dans mon dernier rapport, etc. « Je suis avec respect, etc. » Signé : Necker. L’un de MM. les secrétaires allait donner lecture du mémoire présenté par le ministre au nom du Roi, lorsque la motion suivante est faite, lw SÉRIE, T. VIII. M. le comte Briois de Beaumetz. Personne n’est plus pénétré que moi de respect pour Je monarque que la nation s’est donné elle-même. Ses vertus doivent nous le rendre cher; mais son nom ne doit jamais être prononcé dans la Constitution, et c’est pour cela même qu’il ne convient pas que l’on fasse connaîire ici, dans une Constitution, les projets du conseil; sans cela, ce serait accorder au Roi bien plus que l’initiative. Cette motion est appuyée avec beaucoup d’empressement. Un membre la combat : Le Roi, dit-il, a le droit de se présenter dans cette Assemblée, de s’y faire entendre, et l’on ne peut se refuser à la lecture du mémoire. M. Target réfute cette allégation. M. Grégoire la réfute aussi en disant ; Cette lecture influera sur l’opinion de l’Assemblée, et alors elle est dangereuse; ou elle n’y influera pas, et alors elle est inutile. M. le comte de Mirabeau. Dire que le Roi ne peut donner son avis sur la question qui nous occupe, ce serait dire qu’il ne serait pas individuellement le maître de rejeter ou d’accepter la Constitution pour ce qui le regarde, et cette assertion serait fausse. Le Roi a certainement le droit, pour son compte individuel, d’agréer ou de ne pas agréer la Constitution. Mais il n’y a aucune nécessité d’entendre la lecture du rapport fait au conseil, puisque, supposez que, dans ce rapport, le Roi refusât le veto, on n’en devrait pas moins attacher cette prérogative à la puissance royale, si l’Assemblée estime que le droit de suspendre les actes du Corps législatif est utile à la liberté de la nation. Que nous importe d’ailleurs l’initiative du Roi, arrivée quand vous avez interdit la discussion à tous vos membres? On a fermé la discussion, on ne peut plus introduire les réflexions des ministres, à moins qu’on ne déclare la discussion rouverte pour tous les membres de cette Assemblée : sans cette condition, la proposition de la lecture du rapport ministériel est une inconséquence, qu’il n’est ni de votre dignité ni de votre sagesse d’admettre. M. Pison du Galand. Le Roi est dépositaire d’un pouvoir. Pouvez-vous faire la distribution des pouvoirs sans entendre la principale partie de l’Etat? La discussion peut être rouverte par le même droit que vous l’avez fermée. M. le comte de Mirabeau. Je rejette l’avis du préopinant; la nation est le tout, et tout; je n’ai pas demandé que Ton rouvrît la discussion ; je n’ai pas le droit de faire cette proposition quand l’Assemblée a décidé le contraire; j’ai dit que si Ton se permettait de rouvrir la discussion en faveur du Roi, il faudrait la rouvrir pour tout le monde. M. Camus observe qu’en posant la question comme elle Ta été, on n’a jamais pensé que la sanction pût s’étendre à la Constitution. M. Ic comte de Mirabeau. Demander y aura-t-il une sanction ? c’est demander si la loi sera promulguée ou exécutée. Le Roi pourra-t-il refuser ou non la promulgation? telle est la seule question digne de vous occuper. 39