SÉANCE DU 7 MESSIDOR AN II (25 JUIN 1794) - N° 63 177 sur ce point; de là il suit donc que le département du Pas-de-Calais n’a pas dû déclarer que les veuve et héritiers Lainé continueraient l’exploitation de la ferme de Plonich, ce qui était une disposition qu’il ne pouvait pas faire. A cet égard l’arrêté du département du Pas-de-Calais s’écarte donc des principes; il doit donc être cassé. Quant aux veuve et héritiers Lainé, ils doivent compte de la jouissance entière de la ferme de Plonich, et ce sont là les 2 objets du projet de décret que je suis chargé de vous proposer. [adopté] (1). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [PIETTE, au nom de] son comité d’aliénation et domaines réunis, sur la pétition de la citoyenne Anne-Charlotte Merlin, veuve Lainé, et leurs enfans, tendante à ce que l’arrêté du département du Pas-de-Calais, du 11 frimaire, soit maintenu, et le bail fait à leur profit de la ferme de Plonich et dépendances, par Emmanuel Sergent d’Ascq, le 4 novembre 1785, soit exécuté, quoiqu’il ait été formellement résilié pour les 3 dernières années de jouissance par acte devant notaire, du 1er mars 1792, décrète ce qui suit : «Art. I. L’arrêté du département du Pas-de-Calais, du 11 frimaire, est cassé et annullé en ce qu’il ordonne la continuation de la jouissance de la veuve et héritiers Lainé. « II. Cette veuve et ses enfans rendront compte de clerc-à-maître de cette jouissance de la ferme de Plonich et dépendances depuis l’expiration des 6 premières années du bail du 4 novembre 1785, et ce entre les mains du receveur des droits d’enregistrement de la situation des biens. « III. Le présent décret ne sera pas imprimé; il sera envoyé manuscrit au district de Saint-Omer » (2). 63 JULIEN DUBOIS, au nom de la commission des archives et des 5 comités de salut public, des domaines et d’aliénation, de législation, d’instruction publique et des finances : Citoyens, votre comité des domaines, sans cesse occupé du recouvrement des propriétés nationales, avait reconnu combien il importe de recueillir et de rassembler les titres qui les établissent. En vain vos prédécesseurs avaient-ils appliqué à l’amortissement de la dette publique les fonds possédés auparavant tant par le ci-devant clergé que par une multitude de corporations anéanties; en vain vous-mêmes auriez-vous accru le domaine national de tout ce que vos décrets y ont réuni, si l’on pouvait les éluder par la soustraction des pièces qui constatent la nature et déterminent la consistance de ces divers héritages. Le comité des domaines vous proposa donc de donner aux recherches une nouvelle activité, et il crut qu’au nombre des moyens qu’on em-(1) Mon., XXI, 64. (2) P.V., XL, 158. Minute de la main de Piette. Décret n° 9669 Débats, n° 643. ploierait pour les rendre efficaces, l’un des plus assurés serait de rattacher la collection des titres domaniaux, par des rapports de subordination et de surveillance, à un dépôt central placé sous vos yeux et soumis immédiatement à votre inspection, c’est-à-dire à vos archives. Tel fut l’objet d’un décret qui vous fut proposé, et que vous adoptâtes, le 12 brumaire. Peu de temps après, vous en rendîtes un autre, sur le rapport de votre comité des finances, le 10 frimaire, concernant les domaines aliénés. Celui-ci oblige, par des moyens révolutionnaires, les dépositaires et détenteurs des titres à en faire leur déclaration, et supprime tous les agents employés à la conservation de ces mêmes titres, sans pourtant déroger expressément à ce qu’avait établi votre décret du 12 brumaire. La contrariété de ces dispositions se fit bientôt sentir quand il en fallut venir à l’exécution. Les vues de vos 2 comités étaient également sages, également louables; H leur manquait seulement d’avoir été concertées. Le comité des domaines vous proposa d’établir alors une commission composée de membres dont les uns seraient pris dans son sein, les autres dans les comités des finances, de législation et d’instruction publique, afin d’envisager la question sous tous les rapports qu’elle pouvait avoir avec les travaux de ces différents comités, et vous lui donnâtes le nom de commission des archives, parce qu’elle devait préparer la partie de la législation qui s’applique à la recherche et à la conservation des titres. La commission ainsi formée se vit bientôt obligée d’étendre ses vues beaucoup au delà de la conciliation des 2 décrets qui avaient été l’occasion de son institution. Elle porta ses regards sur l’immensité des titres et pièces manuscrites de toute espèce qui existent dans les dépôts publics, et elle crut devoir chercher la théorie du triage qu’il faut en faire, et les moyens d’exécution pour y parvenir. Lorsque les statues des tyrans ont été précipitées, lorsque la lime et le ciseau n’épargnent aucun des emblèmes de la féodalité et de la monarchie, des républicains ne peuvent voir qu’avec indignation dans les collections de manuscrits les traces de tant d’outrages faits à la dignité de l’homme. Le 1er mouvement dont on se sent animé est de livrer tous les titres aux flammes et de faire disparaître jusqu’aux moindres vestiges des monuments d’un régime abhorré. L’intérêt public peut et doit seul mettre des bornes à ce zèle estimable que votre commission partage. Loin de songer à le refroidir, c’est pour mieux proscrire ce qui nous est justement odieux que nous provoquons un examen sévère, et nous ne nous tenons en garde que contre une précipitation inconsidérée, qui pourrait blesser la justice, donner atteinte à la fortune publique et nous exposer à des regrets. Jamais aucun peuple avant nous ne porta si loin que les Romains la haine des rois; et quand la république, déchirée par les factions, affaissée sous le poids de l’univers conquis, et surtout dégradée par la corruption, fit place au pouvoir monarchique, il fallut le déguiser sous le nom de généralat ou d’empire. Cependant ces irréconciliables ennemis de la royauté avaient non-seulement transmis d’âge en âge l’histoire des princes qui les avaient gouvernés d’abord, mais rendu justice aux qualités personnelles de quel-12 SÉANCE DU 7 MESSIDOR AN II (25 JUIN 1794) - N° 63 177 sur ce point; de là il suit donc que le département du Pas-de-Calais n’a pas dû déclarer que les veuve et héritiers Lainé continueraient l’exploitation de la ferme de Plonich, ce qui était une disposition qu’il ne pouvait pas faire. A cet égard l’arrêté du département du Pas-de-Calais s’écarte donc des principes; il doit donc être cassé. Quant aux veuve et héritiers Lainé, ils doivent compte de la jouissance entière de la ferme de Plonich, et ce sont là les 2 objets du projet de décret que je suis chargé de vous proposer. [adopté] (1). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [PIETTE, au nom de] son comité d’aliénation et domaines réunis, sur la pétition de la citoyenne Anne-Charlotte Merlin, veuve Lainé, et leurs enfans, tendante à ce que l’arrêté du département du Pas-de-Calais, du 11 frimaire, soit maintenu, et le bail fait à leur profit de la ferme de Plonich et dépendances, par Emmanuel Sergent d’Ascq, le 4 novembre 1785, soit exécuté, quoiqu’il ait été formellement résilié pour les 3 dernières années de jouissance par acte devant notaire, du 1er mars 1792, décrète ce qui suit : «Art. I. L’arrêté du département du Pas-de-Calais, du 11 frimaire, est cassé et annullé en ce qu’il ordonne la continuation de la jouissance de la veuve et héritiers Lainé. « II. Cette veuve et ses enfans rendront compte de clerc-à-maître de cette jouissance de la ferme de Plonich et dépendances depuis l’expiration des 6 premières années du bail du 4 novembre 1785, et ce entre les mains du receveur des droits d’enregistrement de la situation des biens. « III. Le présent décret ne sera pas imprimé; il sera envoyé manuscrit au district de Saint-Omer » (2). 63 JULIEN DUBOIS, au nom de la commission des archives et des 5 comités de salut public, des domaines et d’aliénation, de législation, d’instruction publique et des finances : Citoyens, votre comité des domaines, sans cesse occupé du recouvrement des propriétés nationales, avait reconnu combien il importe de recueillir et de rassembler les titres qui les établissent. En vain vos prédécesseurs avaient-ils appliqué à l’amortissement de la dette publique les fonds possédés auparavant tant par le ci-devant clergé que par une multitude de corporations anéanties; en vain vous-mêmes auriez-vous accru le domaine national de tout ce que vos décrets y ont réuni, si l’on pouvait les éluder par la soustraction des pièces qui constatent la nature et déterminent la consistance de ces divers héritages. Le comité des domaines vous proposa donc de donner aux recherches une nouvelle activité, et il crut qu’au nombre des moyens qu’on em-(1) Mon., XXI, 64. (2) P.V., XL, 158. Minute de la main de Piette. Décret n° 9669 Débats, n° 643. ploierait pour les rendre efficaces, l’un des plus assurés serait de rattacher la collection des titres domaniaux, par des rapports de subordination et de surveillance, à un dépôt central placé sous vos yeux et soumis immédiatement à votre inspection, c’est-à-dire à vos archives. Tel fut l’objet d’un décret qui vous fut proposé, et que vous adoptâtes, le 12 brumaire. Peu de temps après, vous en rendîtes un autre, sur le rapport de votre comité des finances, le 10 frimaire, concernant les domaines aliénés. Celui-ci oblige, par des moyens révolutionnaires, les dépositaires et détenteurs des titres à en faire leur déclaration, et supprime tous les agents employés à la conservation de ces mêmes titres, sans pourtant déroger expressément à ce qu’avait établi votre décret du 12 brumaire. La contrariété de ces dispositions se fit bientôt sentir quand il en fallut venir à l’exécution. Les vues de vos 2 comités étaient également sages, également louables; H leur manquait seulement d’avoir été concertées. Le comité des domaines vous proposa d’établir alors une commission composée de membres dont les uns seraient pris dans son sein, les autres dans les comités des finances, de législation et d’instruction publique, afin d’envisager la question sous tous les rapports qu’elle pouvait avoir avec les travaux de ces différents comités, et vous lui donnâtes le nom de commission des archives, parce qu’elle devait préparer la partie de la législation qui s’applique à la recherche et à la conservation des titres. La commission ainsi formée se vit bientôt obligée d’étendre ses vues beaucoup au delà de la conciliation des 2 décrets qui avaient été l’occasion de son institution. Elle porta ses regards sur l’immensité des titres et pièces manuscrites de toute espèce qui existent dans les dépôts publics, et elle crut devoir chercher la théorie du triage qu’il faut en faire, et les moyens d’exécution pour y parvenir. Lorsque les statues des tyrans ont été précipitées, lorsque la lime et le ciseau n’épargnent aucun des emblèmes de la féodalité et de la monarchie, des républicains ne peuvent voir qu’avec indignation dans les collections de manuscrits les traces de tant d’outrages faits à la dignité de l’homme. Le 1er mouvement dont on se sent animé est de livrer tous les titres aux flammes et de faire disparaître jusqu’aux moindres vestiges des monuments d’un régime abhorré. L’intérêt public peut et doit seul mettre des bornes à ce zèle estimable que votre commission partage. Loin de songer à le refroidir, c’est pour mieux proscrire ce qui nous est justement odieux que nous provoquons un examen sévère, et nous ne nous tenons en garde que contre une précipitation inconsidérée, qui pourrait blesser la justice, donner atteinte à la fortune publique et nous exposer à des regrets. Jamais aucun peuple avant nous ne porta si loin que les Romains la haine des rois; et quand la république, déchirée par les factions, affaissée sous le poids de l’univers conquis, et surtout dégradée par la corruption, fit place au pouvoir monarchique, il fallut le déguiser sous le nom de généralat ou d’empire. Cependant ces irréconciliables ennemis de la royauté avaient non-seulement transmis d’âge en âge l’histoire des princes qui les avaient gouvernés d’abord, mais rendu justice aux qualités personnelles de quel-12