[Assemblée nationale.] L’Assemblée renvoie cette adresse aux commissaires nommés pour traiter avec les différentes municipalités du royaume. M. l’abbé Pochèron, député de C haro lies, demande un congé de dix jours* M. Lefort, député de Rouen, sollicite de i’Àssemblée l’autorisation de s’absenter pour quelques jours. Ces deux congés sont accordés. M. le Président fait donner lecture d’une lettre dont il a déjà été fait memion dans une séance précédente. L’Assemblée ordonne que cette lettre sera imprimée et annexée à son procès-verbal. Elle est ainsi conçue : Lettre à un de MM. les Députés à l'Assemblée nationale. Vous désirez, Monsieur, que je fasse connaître le. voeu que j’ai formé pour le soulagement de l’État, vœu dont je voudrais voir l’accomplissement, et dont je donnerais bien volontiers l’exemple, si j’étais un capitaliste, créancier de fortes sommes. Je vais donc exposer mon idée avec cette simplicité qui convient aux choses utiles. L’État a besoin d’un soulagement prompt et effectif, qui ne peut être opéré que par des retranchements sur ses dépenses ; car des augmentations de recette sont jugées impraticables, et un surcroît d’impôts ferait . u h surcroît de gêne et de malheurs. Après tous les retranchements proposés sur la partie de la Guerre, de la Marine, des Affaires Étrangères, de la Maison du Roi et des Princes, des pensions et de toutes les petites parties de dépenses superflues ou non pressées, on ne trouve pas encore de quoi satisfaire à tout ce qui est exigible; opérer une diminution réelle d’impôts, et supprimer aussi ceux qui ont été jugés désastreux ou nuisibles à l’agriculture et au commerce: impôts dont plusieurs se sont supprimés, pour ainsi dire, d’eux-mêmes, et dont le rétablissement ne serait pas praticable sans de grands inconvénients. Gomment donc ajouterencoreaux retranchements des dépenses? Il faut pour cela, Monsieur, faire ce que l’Assemblée nationale ne peutexiger, puisqu’elle a décrété que les intérêts de la dette publique seraient payés en entier et sans aucune retenue , mais ce que les créanciers peuvent offrir d’eux-mêmes à la patrie. Qu’ils fassent le sacrifice d’un dixième sur leurs rentes viagères, et d’un cinquième sur leurs rentes perpétuelles, et les intérêts d’emprunts, loteries, cautionnements, finances d’office; en un mot de tous les capitaux dus par l’Etat à toute sorte de titres. Il y a environ 100 millions de rentes viagères à payer, plus de 50 millions de rentes perpétuelles, et plus de 100 millions d’intérêts de capitaux dus en tout genre. Le dixième des rentes viagères abandonné, et les rentes, perpétuelles avec lés intérêts de toute dette de l’État, mis volontairement à quatre pourcent sans retenue, pendant cinq ans seulement, voilà plus de 40 millions de moins à payer annuellement durant Ces cinq années par la Caisse nationale, et de quoi compléter, je pense, le soulagement de l État Les créanciers régnicoles doivent trouver une sorte de justice dans cet abandon, parce que tous ta propriétaires ne tirent que trois à quatre pour cent par an, de leurs fonds, avec bien du soin | m encore et de l’économie, lorsque le capitaliste en reçoit cinq, sans aucune charge ni embarras. Si les impôts sur les consommations sont diminués ou supprimés, comme on l’annonce, c’est encore une charge qui doit retomber sur les propriétaires, et un grand bénéfice pour les capitalistes. Il n’y a donc pas de parité entre eux* relativement au produit de ieür fortune ; et l’on peut dire qüé les derniers, après le sacrifice proposé» seront ertedre dans une position bien plus avantageuse que les autres. , Les créanciers étrangers doivent faire une réflexion simple et frappante ; c’est que si l’État ne peut trouver sort niveau» ne peut entrevoir sa libération, la confiance se perdra, et la faillite peut avoir lieu. Le risque alors de la perte des capitaux doit bien conseiller le sacrifice proposé, puisqu’il vaut mieux être assuré de 4 0/0 sur les rentes et les intérêts dus» que d’en exiger cinq, et ne pas être certain du paiement, risquer même la diminution ou la perte du capital* Voilà mon idé. Monsieur ; elle n’est pas taeuve ni saillante, mais elle peut échauffer le patriotisme de quelques individus; et léur exemple entraîner les autres. Je n’ai que 4,000 livrés de rente viagère, 4,000 livres de pension, réduite à 2,800 livres,- et l,50u liv. environ de rente perpétuelle : j’offre, et je fais bien volontiers le sacrifice à la Patrie, du dixième du revenu sur le viager, et du cinquième sur le perpétuel. C’est peu, mais c’èst comme le denier de la veuve. J’ai l’honneur, etc. À Paris, le,,.., été. Pour copie dé la lettre, et comme soumission au paiement du doh patriotique. Fait à Paris, le 10 février 1790. Signé : RaymonO-DË-SaINÎ-SauVëUr, maître honoraire des Requêtes. M. de La Rochefoucauld, président du comité de l’imposition , remet sur le bureau, un état des travaux de ce comité. L’Assemblée ordonne que cet état Sera imprimé ét joint à son procès-verbal. 11 est ainsi conçu : Etat actuel des travaux du comité de l'imposition, présenté à l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale ayant décrété que ses comités lui mettraient sous les yeux l’état actuel des travaux dont ils ont été chargés par elle, le comité de l’imposition a l’honneur de lui présenter le compte succinct de ceux auxquels il s’est livré, et de l’ordre dans lequel il compte les suivre. Il n’y avait point en France un système de contributions publiques; toutes devaient leur origine au hasard, aux idées particulières de tel ou tel administrateur, etsurtout aux droits que diverses provinces, villes et classes de citoyens prétendaient avoir de ne pas contribuer, ou de ne contribuer que d’une certaine manière, et à l’espèce d’adresse que le despotisme même était obligé d’employer pour éluder ces prétendus droits et pour tromper le peuple sur la somme exorbitante des impositions, par leur variété et par les noms qu’il leur donnait. Les autres Etats de l’Europe ne sont pas plus ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [!«' avril ÎÏSO.J 512 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er avril 1790.] avancés qu’elle sur cette partie de la législation et de l’administration, si importante au bonheur public. L’Angleterre même, si jalouse de la liberté, est soumise à des impôts dont la perception est souillée par une inquisition révoltante; et l’obscurité réelle qui règne dans ses fiuunoes, malgré les apparences de la publicité, est soigneusement entretenue par l’intérêt des ministres, dont le crédit et la grandeur sont attachés au besoin que la nation croit avoir de leurs lumières, pour débrouiller un chaos dont sa volonté seule la ferait sortir. Le comité a donc pensé que lorsqu’une révolution heureuse donnait à la France une constitution fondée sur la liberté, la justice et légalité, ces mêmes principes doivent dicter toutes les lois, que les contributions publiques doivent être établies d’après un plan simple, régies par des formes appropriées à la Constitution, et que la France devait donner aux autres peuples le salutaire exemple de substituer au régime et à l’esprit lis-cal, un esprit et un régime tels qu’ils peuvent convenir à des hommes devenus libres, parce qu’ils ont eu assez de lumières pour vouloir l’être. Il a cru devoir méditer d’abord sur les principes de V impôt, ou plutôt des contributions publiques, car il pense que le nom d'impôt doit disparaître de noire langue, avec la nomenclature barbare qui en classait les nombreuses et vexa-toires espèces, et que le nom de contribution exprime mieux la part que chaque citoyen doit fournir aux frais nécessaires de la société. Il a cherché quelle est la source des richesses, et quelle est la partie des revenus qui doit la contribution : il a consulté les ouvrages ou ces questions importantes ont été traitées, et s’est aide des lumières de citoyens éclairés qui en ont l'ait une élude approfondie, et qui se sont prêtés avec zèle aux conférences qu’il leur a proposées. Il a dis cuté les moyens de déterminer la quotité des contributions, d’en faire l’a>siette, de régler la forme de leur perception ; il a vu avec douleur que les besoins d’un Etat chargé d’une dette immense, et la nécessité de laisser reprendre aux richesses leur cours naturel que les erreurs, les déprédations et l’avidité de l’ancienne administration oui tant interverti, ne permettraient pas à l’Assemblée nationale d’adopter, dans toute leur étendue, les véritables principes ; mais il croit qu’eu fondant la Constitution, elle doit au moins les déclarer, et que, s’en écartant avec connaissance de cause, le moins possible, mais autant que les circonstances actuelles t’exigeront, elle doit donner ces principes aux législatures pour bases de leurs opérations, et leur recommander de ramener successivement le système des contributions à la simplicité et à la clarté qui doivent caractériser 1’admiuistration d’un peuple libre. Il a pris connaissance de la nature, de l’assiette, de la répartition, des formes de perception et de la somme des revenus publics actuels ; il a appelé plusieurs des personnes qui dirigent, régissent ou exploitent les différentes parties, et il a embrassé avec satisfaction ia certitude consolante que. si l’Etat a besoin encore, pour un temps assez long, d’une masse considérable de contributions, elle sera cependant inférieure à celle qui grève actuellement les contribuaoles, que ce soulagement réel dans la somme versée au Trésor public, sera bien plus sensible encore par la diminution des frais de perception, par l’abolition de ces formes inquisitives et vexatoires qui accroissent la charge, et par un moyen qu’il espère pouvoir présenter, de soulager la génération présente, en prolongeant une partie de cette charge sur les générations futures qui n’en seront point lésées puisqu’elles la verront s’éteindre graduellement, et que les heureux effets qu’elles recueilleront chaque année d’une bonne administration, compenseront avec avantage le secours qu’elles auront prêté à celles de qui elles tiendront le bienfait inestimable de la liberté. Occupé de former ce plan général, qui ne pourra recevoir son exécution que l’année prochaine, le comité de l’imposition a vu avec plaisir le comité des finances proposer, dès cette année, la suppression de la gabelle et de plusieurs autres impôts condamnés depuis longtemps par l’opinion publique, et leur remplacement sous une forme plus simple, et avec le profit pour le peuple, des frais de perception très considérables, de frais de vexations qui ne l’étaient pas moins, et même avec un soulagement effectif sur la somme de l’impôt : il verra de même avec satisfaction tous les moyens que ce comité proposera pour pourvoir aux besoins de l’année courante, sans embarrasser les perceptions de la prochaine. Mais ces heureuses suppressions nécessitant une opération très prompte pour celle des traites iu-térieures, il a cru devoir suspendre la suite de son travail sur les autres parties, pour s’occuper, de concert avec le comité d’agriculture et de commerce, des traites et du tabac, deux branches de revenu si étroitement liées l’une à l’autre, qu’il est impossible de les séparer dans la discussion, et de ne pas proposer à l’Assemblée nationale une décision combinée sur les deux objets. Les deux comités espèrent bientôt être en état de i’en entretenir. Le comité de l’imposition reprendra ensuite l’ordre qu’il s’était prescrit ; et le temps, utilement employé dans l’examen des traites et du tabac, ne sera pas perdu pour le reste, puisqu’il recevra, dans cet intervalle, des mémoires et des renseignements qu’il a demandés tant à Paris que dans les proviuces. L’Assemblée nationale, persuadée de son zèle, a sans doute trouvé bon qu’il mûrit ses opinions dans le silence : il n’attendra cependant pas que son ouvrage soit entièrement achevé, pour lui soumettre les bases sur lesquelles il se propose de l’asseoir, et dont l’adoption ou les moditica-tions devront diriger la suite du travail ; mais ses bases elles-mêmes ont besoin d’être encore discutées, et elles le seront avec l’attention qu’exige leur influence sur le bonheur public. Honoré de la conliance de l’Assemblée nationale, le comité ne négligera rien pour ta justifier : s’il ne parvient pas à remfdir sa tâche aussi complètement qu’il le désire, il ose au moins se flatter que les efforts de son patriotisme ne seront pas entièrement vains; et si le travail auquel il a dû se dévouer, même pour approcher de son but, est pénible, il en sera pleinement récompensé par l’approbation que l’Assemblée nationale daignera peut-être accorder à quelques-uns des résultats qu’il aura l'honneur de lui présenter. Signé : le DUC DE LA ROCHEFOUCAULD, président ; ÜEFERMON, llOEDERER, MûNNERON, Jariiy, Dupont (de Nemours), secrétaire ; l’Evêque d’autun, Duport, le baron d’allarde, la borde de lMf.réville, secrétaire. M. le Président dit que l’ordre du jour ramène la discussion sur la question relative au privilège de la compagnie des; Indes.