246 ARCHIVES PARLEMENTAIRES CONVENTION NATIONALE sur un projet de décret relatif aux rentes viagères, et la Convention nationale en décrète quelques articles, et ajourne le surplus à demain (1). CAMBON : Citoyens, Je viens soumettre à la discussion la loi sur la liquidation des rentes viagères. Depuis le 2 germinal, époque de la première lecture de ce projet, nous avons recueilli toutes les observations auxquelles il a donné lieu. Personne n’a pu en attaquer les principes ni les conséquences. Notre but a été de réduire le taux usuraire des rentes viagères que le despotisme avait singulièrement accru, en les soumettant à une opération semblable à celle que vous avez décrétée pour les rentes perpétuelles. Nous vous proposons de les réduire à 5 % d’intérêt. Une seule observation majeure a été faite : la répartition du capital sur plusieurs têtes n’a pas paru claire; pour faire concevoir cette opération, nous avons joint au rapport 10 à 12 exemples qui la rendront sensible. Deux seuls amendements ont paru justes; nous les avons mis dans le décret. Plusieurs personnes ont fait entendre des plaintes; on a dit que nous réduisions leurs rentes : il ne nous a pas été difficile de faire voir combien ces clameurs étaient mal fondées. En effet, nous ne retranchons rien de la totalité du revenu de l’homme au-dessus de cinquante ans; sa rente viagère peut être considérée comme le fruit de son travail et de ses économies. Nous retranchons peu à celui qui a atteint l’âge de quarante ans; quant à ceux qui ont placé sur de jeunes têtes, ils n’ont point lieu de se plaindre; ils peuvent opter, ou de souffrir la réduction de leur rente viagère ou de la conserver entière en profitant de la faveur accordée à leur âge (2) . CAMBON annonce une bonification de 245 millions pour le trésor public, de grands avantages pour les rentiers, et une heureuse simplification dans la comptabilité. Le projet porte 2 bases principales : 1°) la conversion des rentes viagères en un capital qui sera inscrit sur le grand livre à 5 % d’intérêt; 2°) la faculté de conserver une certaine quantité de revenu viager conformément aux besoins de l’âge. Pour convertir le viager en capital, le Comité a fait établir des tables d’après un ordre moyen de mortalité, conformément à l’âge que chaque rentier doit vivre, en suivant l’ordre de la nature. Le rapporteur fait d’abord adopter plusieurs modifications au décret du 1er germinal sur le paiement des arrérages. Un article porte que les naturels Suisses produiront des certificats de vie délivrés par les magistrats de leur résidence. H présente ensuite les articles de la liquidation (1) P.V., XXXVII, 147. Décret n° 9113. Mention dans J. Sablier, n° 1313; Débats, n° 599, p. 301; Mess, soir, n° 531; J. Mont., n° 16; J. Matin, n° 690; J. Paris, n° 497; Rép., n° 143; Feuille Rép., n° 313; J. Sans-Culottes, n° 451; C. Eg., n° 632; Audit, nat., n° 596; J. TJniv., n° 1631. Voir ci-après, séance du 23, n° 59; voir Archives pari., T. LXXXVTI, séances : du 1er germ., n° 78; du 2, n° 40; du 6, n° 58; du 9, n° 55; du 13, n° 16; du 16, n° 30; du 21, Annexe II; du 23, nos 24 et 69; du 27, n° 69. (2) Mon., XX, 442-443. des rentes viagères et de leur conversion en un capital; les articles suivants sont décrétés : Art. I. Il sera formé un capital du produit de toutes les rentes viagères de la République d’après les propositions et bases établies aux tables jointes au présent décret. Les tables sont annexées au décret. Art. II. Dans aucun cas le capital ne pourra excéder la somme qui aura été fournie dans l’emprunt. Art. III. Les propriétaires de rentes et intérêts viagers seront crédités sur le grand livre à 5 % d’intérêt, sauf les exceptions ci-après : Art. IV. Les propriétaires des rentes viagères pourront convertir ce capital en une rente viagère qui ne pourra pourtant pas excéder 1 000 livres s’ils sont âgés de 30 ans et au-dessous, 1 500 liv. de 30 à 40 ans, 2 000 liv. de 40 à 50 ans, 3 000 liv. de 50 à 60 ans, 4 000 liv. de 60 à 70 ans, 5 000 liv. de 70 à 80 ans, 7 500 liv. de 80 à 90 ans, 10 000 liv. de 90 ans et au-dessus (1). 49 PREMIER RAPPORT FAIT AU NOM DU COMITÉ DE SALUT PUBLIC Sur le moyen d’extirper la mendicité dans les campagnes, et sur les secours que doit accorder la République aux citoyens indigens BARERE : Citoyens, Je viens exciter de nouveau votre patriotisme et vous rappeler le plus saint de vos devoirs. Je dois vous parler des indigens dont le spectacle afflige encore la République. Il y a peu de jours vous applaudissiez à ces paroles : « Les malheureux sont les puissances de la terre; ils ont le droit de parler en maîtres aux gouvememens qui les négligent. Ces principes sont éversifs des gouvememens corrompus; ils détruiroient le votre, si vous le laissiez corrompre ». Les Comités de salut public et de sûreté générale qui ont publié cet axiome terrible devant les représentans du peuple, ne doivent pas attendre que le peuple leur en reproche la stérile publication, ou l’inexécution des devoirs qu’il leur impose. Aussi le Comité vient vous parler aujourd’hui des indigens : à ce nom sacré, mais qui sera bientôt inconnu à la République, il compte sur vos efforts à le faire oublier. Tandis que le canon gronde sur toutes nos frontières, un fléau redoutable, la lèpre des monarchies, la mendicité, fait des progrès effrayans dans l’intérieur de la République. La propagation de cette maladie politique et morale n’a pas de principe plus actif que la guerre, d’agens plus dangereux que les factions, de moyens plus puis-sans que le désordre des affaires publiques, et de perpétuité plus assurée que l’indifférence du législateur. Eh bien ! ce sera une belle époque pour la Convention d’avoir aboli la mendicité au milieu des fureurs de la guerre. La mendicité est une dénonciation vivante con-(1) Ann. R.F., n° 163; J. Fr., n° 595. 246 ARCHIVES PARLEMENTAIRES CONVENTION NATIONALE sur un projet de décret relatif aux rentes viagères, et la Convention nationale en décrète quelques articles, et ajourne le surplus à demain (1). CAMBON : Citoyens, Je viens soumettre à la discussion la loi sur la liquidation des rentes viagères. Depuis le 2 germinal, époque de la première lecture de ce projet, nous avons recueilli toutes les observations auxquelles il a donné lieu. Personne n’a pu en attaquer les principes ni les conséquences. Notre but a été de réduire le taux usuraire des rentes viagères que le despotisme avait singulièrement accru, en les soumettant à une opération semblable à celle que vous avez décrétée pour les rentes perpétuelles. Nous vous proposons de les réduire à 5 % d’intérêt. Une seule observation majeure a été faite : la répartition du capital sur plusieurs têtes n’a pas paru claire; pour faire concevoir cette opération, nous avons joint au rapport 10 à 12 exemples qui la rendront sensible. Deux seuls amendements ont paru justes; nous les avons mis dans le décret. Plusieurs personnes ont fait entendre des plaintes; on a dit que nous réduisions leurs rentes : il ne nous a pas été difficile de faire voir combien ces clameurs étaient mal fondées. En effet, nous ne retranchons rien de la totalité du revenu de l’homme au-dessus de cinquante ans; sa rente viagère peut être considérée comme le fruit de son travail et de ses économies. Nous retranchons peu à celui qui a atteint l’âge de quarante ans; quant à ceux qui ont placé sur de jeunes têtes, ils n’ont point lieu de se plaindre; ils peuvent opter, ou de souffrir la réduction de leur rente viagère ou de la conserver entière en profitant de la faveur accordée à leur âge (2) . CAMBON annonce une bonification de 245 millions pour le trésor public, de grands avantages pour les rentiers, et une heureuse simplification dans la comptabilité. Le projet porte 2 bases principales : 1°) la conversion des rentes viagères en un capital qui sera inscrit sur le grand livre à 5 % d’intérêt; 2°) la faculté de conserver une certaine quantité de revenu viager conformément aux besoins de l’âge. Pour convertir le viager en capital, le Comité a fait établir des tables d’après un ordre moyen de mortalité, conformément à l’âge que chaque rentier doit vivre, en suivant l’ordre de la nature. Le rapporteur fait d’abord adopter plusieurs modifications au décret du 1er germinal sur le paiement des arrérages. Un article porte que les naturels Suisses produiront des certificats de vie délivrés par les magistrats de leur résidence. H présente ensuite les articles de la liquidation (1) P.V., XXXVII, 147. Décret n° 9113. Mention dans J. Sablier, n° 1313; Débats, n° 599, p. 301; Mess, soir, n° 531; J. Mont., n° 16; J. Matin, n° 690; J. Paris, n° 497; Rép., n° 143; Feuille Rép., n° 313; J. Sans-Culottes, n° 451; C. Eg., n° 632; Audit, nat., n° 596; J. TJniv., n° 1631. Voir ci-après, séance du 23, n° 59; voir Archives pari., T. LXXXVTI, séances : du 1er germ., n° 78; du 2, n° 40; du 6, n° 58; du 9, n° 55; du 13, n° 16; du 16, n° 30; du 21, Annexe II; du 23, nos 24 et 69; du 27, n° 69. (2) Mon., XX, 442-443. des rentes viagères et de leur conversion en un capital; les articles suivants sont décrétés : Art. I. Il sera formé un capital du produit de toutes les rentes viagères de la République d’après les propositions et bases établies aux tables jointes au présent décret. Les tables sont annexées au décret. Art. II. Dans aucun cas le capital ne pourra excéder la somme qui aura été fournie dans l’emprunt. Art. III. Les propriétaires de rentes et intérêts viagers seront crédités sur le grand livre à 5 % d’intérêt, sauf les exceptions ci-après : Art. IV. Les propriétaires des rentes viagères pourront convertir ce capital en une rente viagère qui ne pourra pourtant pas excéder 1 000 livres s’ils sont âgés de 30 ans et au-dessous, 1 500 liv. de 30 à 40 ans, 2 000 liv. de 40 à 50 ans, 3 000 liv. de 50 à 60 ans, 4 000 liv. de 60 à 70 ans, 5 000 liv. de 70 à 80 ans, 7 500 liv. de 80 à 90 ans, 10 000 liv. de 90 ans et au-dessus (1). 49 PREMIER RAPPORT FAIT AU NOM DU COMITÉ DE SALUT PUBLIC Sur le moyen d’extirper la mendicité dans les campagnes, et sur les secours que doit accorder la République aux citoyens indigens BARERE : Citoyens, Je viens exciter de nouveau votre patriotisme et vous rappeler le plus saint de vos devoirs. Je dois vous parler des indigens dont le spectacle afflige encore la République. Il y a peu de jours vous applaudissiez à ces paroles : « Les malheureux sont les puissances de la terre; ils ont le droit de parler en maîtres aux gouvememens qui les négligent. Ces principes sont éversifs des gouvememens corrompus; ils détruiroient le votre, si vous le laissiez corrompre ». Les Comités de salut public et de sûreté générale qui ont publié cet axiome terrible devant les représentans du peuple, ne doivent pas attendre que le peuple leur en reproche la stérile publication, ou l’inexécution des devoirs qu’il leur impose. Aussi le Comité vient vous parler aujourd’hui des indigens : à ce nom sacré, mais qui sera bientôt inconnu à la République, il compte sur vos efforts à le faire oublier. Tandis que le canon gronde sur toutes nos frontières, un fléau redoutable, la lèpre des monarchies, la mendicité, fait des progrès effrayans dans l’intérieur de la République. La propagation de cette maladie politique et morale n’a pas de principe plus actif que la guerre, d’agens plus dangereux que les factions, de moyens plus puis-sans que le désordre des affaires publiques, et de perpétuité plus assurée que l’indifférence du législateur. Eh bien ! ce sera une belle époque pour la Convention d’avoir aboli la mendicité au milieu des fureurs de la guerre. La mendicité est une dénonciation vivante con-(1) Ann. R.F., n° 163; J. Fr., n° 595.