308 [Assemblé# nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE SAINT-ÉTIENNE. Séance du mardi 23 mars 1790, au m.atin (1). M. Fréteao, ex-président , ouvre la séance à 9 heures précises du matin. M. Blougins de Roquefort, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Paul Nairac propose d’ajouter au décret qui abroge le droit de marque des cuirs, une disposition par laquelle la mesure serait étendue à ceux qui viennent des colonies, qui, entrant en franchise dans le royaume et ne payant aucun droit de traite aux frontières, sont imposés et marqués dans l’intérieur. M. Gossîn. Je demande que cette motion soit renvoyée au comité des finances, pour y être mûrement examinée. Ce renvoi est prononcé. Le procès-verbal est ensuite adopté. M. Mougins de Roquefort donne lecture d’une adresse des commissaires de l’armée fédérée de Homans, lesquels, réunis aux députés de différentes communautés, se sont assemblés dans cette ville le 14 de ce mois, pour entendre la lecture d’une adresse rédigée au nom des commissaires, et que le commandant de la garde nationale a fait parvenir au roi le 26 février: elle exprime le désir du prompt réiablissement du pouvoir exécutif, et de l’organisation des gardes nationales. Le même secrétaire donne ensuite lecture du document suivant : Adresse de remerciement de la ville d’Avallon , à l Assemblée nationale. Après avoir marqué par son silence la haute admiration dont elle est pénétrée pour l’auguste assemblée des représentants du peuple, la ville d’Avallon, se livrant aux transports de joie et de reconnaissance que son profond respect ne lui a point encore permis de faire éclater hors de ses murs, élève et mêle enfin son cri patriotique aux acclamations de toute la France. Intrépides citoyens qui sauvez l’empire des fureurs de l’aristocratie, sages législateurs de qui les sublimes décrets assurent la félicité publique, recevez nos hommages et notre dévouement : nos cœurs, en se donnant à vous, nous osons le croire, sont dignes de vous-mêmes ; chaque jour vos leçons impriment et fortifient dans nos âmes le sentiment de la liberté. Elevés, par vos soins, à la dignité d’hommes libres, nous jurons de nous y maintenir jusqu’à la mort. Il est peut-être inconcevable qu’une nation se montre digne de briser ses chaînes après les avoir portées si longtemps. Mais le joug du despotisme, pesant sur la tête des Français, a pu les accabler, et non les avilir. Nous donnerons à l’univers étonné l’exemple d’un peuple indigné d’une longue servitude, recouvrant avec majesté ses droits, et dont la régénération sera� d’autant plus glorieuse, qu’elle ne sera due qu’à l’empire de la raison et de la vertu. >1) Cette séance est incomplète au Moniteur . [23 marc 1790.J Puisse un si bel exemple être imité de toute la terre, et la nouvelle constitution que vous formez avec tant de soin servir de modèle à tous les peuples ! Déjà ses fondements, établis sur des vérités éternelles, ont porté la terreur dans l’âme des tyrans: leur sceptre est ébranlé: l’hydre du despotisme expire, et Louis XVI triomphe. Ainsi tous les bons rois vont embrasser avec transport la vérité qui les éclaire. Ces monarques, désormais infaillibles, jouiront enfin de l’heureuse impuissance d’opprimer leurs sujets; honteux d’avoir conduit des esclaves, ils régneront sur des hommes, et la vertu qui les unira tous sera le plus sûr garant de leurs propriétés et de leur puissance. O vous qui devez opérer un tel prodige, organes du législateur suprême, vos oracles ont rempli tous les cœursd’une confiance religieuse! Achevez ce chef-d’œuvre de législation qui fera le bonheur du monde. L’Europe attend avec respect la fin de vos travaux pour en consacrer à jamais l’époque mémorable, et pour élever en votre honneur un monument indestructible. Ah ! s’il ne nous appartient pas de coopérer à ce grand ouvrage, qu’il nous soit permis du moins de vous offrir les palmes civiques. Pères de la patrie, ne rejetez point les [dons de vos enfants : agréez de leurs mainsces rameaux sacrés, baignés des larmes de la reconnaissance, qui, suppleaut à la faiblesse de nos expressions, attestent les vrais sentiments de respect et d’amour dont nous sommes animés, et que nous conserverons jusqu’au dernier soupir. Plusieurs membres demandent à passer à l’ordre du jour. M. Bouche demande et obtient la parole. M. Rouche. 11 est très important que vous connaissiez les lois que vous avez prononcées; vous ne les connaîtrez que par les procès-verbaux de vos séances, et ces procès-verbaux sont imprimés avec lenteur; vous n’en avez point reçu depuis le 8 lévrier. Pour obvier aux inconvénients qui résultent ae ce retard, je propose à l’Assemblée un projet de décret ainsi conçu : « Art. 1er. L’Assemblée nationale décrète qu’il sera fait un registre dans lequel seront insérés tous les décrets, suivant la datedeleurprononcia-tion, de leur acceptation ou de leur sanction, et de leur envoi aux corps administratifs et aux tribunaux judiciaires. « Art. 2. Ce registre sera dans l’un des secrétariats le plus voisin de la salle des séances, et tous les membres de l’Assemblée nationale auront la liberté d’aller le compulser. « Art. 3. Il ne sera déposé, dans les archives, aucun décret sanctionné ou accepté, que le président ne l’ait fait connaître à l’Assemblée nationale, par la lecture de l’envoi que lui aura fait M. le garde des sceaux. « Art. 4. Tous les mois, l’état exact des décrets sanctionnés ou acceptés et envoyés, sera imprimé etdistribuéauxmembresde l’Assemblée nationale. De ce jour à un mois, l’état desdérets sanctionnés, accepiés et envoyés depuis le 16 juin 1789, jusqu’à ce jour, sera pareillement imprimé et distribué. « Art. 5. Tous les procès-verbaux seront désormais imprimés, et distribués aux membres de l’Assemblee nationale, trois jours après Ja lecture qui en aura été faite. « Art. 6. Dans le terme de quinze jours, au plus, tous les procès-verbaux, à compter du 8 février dernier, seront imprimés et distribués. /Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |Î3 mari 1790.] 3(9 * Art. 7. Les extraits du registre des dons patriotiques, à compter du 24 octobre 1789, seront imprimés et distribués dans le même terme ; et, conformément aux décrets sur ce portés, ils le seront toutes les semaines. « Art. 8. L’Assemblée nationale ordonne au sieur Baudouin, son imprimeur, de se conformer au dispositif des articles 4, 5, 6 et 7, et de commencer dans quinze jours, au plus, la distribution de l’édition in-4° des procès-verbaux. * M. Martineau pense que la négligence de MM. les secrétaires de l’Assemblée est pour beaucoup dans le désordre des décrets et des procès-verbaux de l’Assemblée. Un autre membre accuse les commis-secrétaires des procès-verbaux qui n’apportent pas tout le zèle désirable daos leur emploi. M. le comte de Croix répond que tous ceux qui ont été appelés, par le choix de l’Assemblée, au poste honorable de secrétaire, savent combien il faut de peine, de temps et de labeur pour en remplir les fonctions ; il ajoute que leur tâche est rendue fort difficile par les orateurs qui ne leur com muniqueu t leurs motionsque tardivement. Quant aux commis-secrétaires des procès-verbaux, ils sont surchargés de besogne, ils ont une infinité d’extraits à faire et leur travail ne mérite que des éloges. Plusieurs membres demandent la division de la motion. M. le Président prend le vœu de l’Assemblée. Les articles 1, 2, 3 et 4 du projet de décret sont adoptés. Les articles 5, 6, 7 et 8 sont renvoyés aux commissaires-inspecteurs des bureaux et a ceux chargés de surveiller l’expédition et l’envoi des décrets. M. Toidel. Vous avez annoncé pour ce soir une discussion sur une question majeure; accorderez-vous ou n’accorderez-vous pas aux juifs le titre de citoyens actifs ? Je demande que cette question soit traitée dans une séance du matin. M. Fréieau. Vous avez décrété que vos séances du matin seraient consacrées à un travail sur la constitution et les finances. Je demande l’observance fidèle de ce décret, Je pense donc que la question des jujfs ne doit être traitée que dans une séance du soir. Une questioa bien importante sollicite vos moments, je veux dire l’interprétation de vos décrets sur les lois criminelles. Je crois inutile de vous exposer les motifs qui doivent vous déterminer à vous occuper sans délai de cet objet. Je demande qu’il soit lixé à ce soir. M. de Choiseul-Praslin demande l’ajournement de la discussion sur l’état civil des mils en France. L’Assemblée adopte les propositions de M. Fré-teau et de M. de Ghoiseul-Praslin. M. Target propose ensuite, au nom du comité de constitution, un article relatif à l’appel des jugements qui pourraient être rendus par les municipalités, en execution du décret qui leur accojde provisoirement l’exercice de lu police administrative et contentieuse. M. Buzot propose d’écarter cet article par la question préalable. M. Gossin propose de faire porter les appels aux bailliages dans le ressort desquels les municipalités se trouveront. M. Darnaudat fait remarquer qu’il est des provinces où il n’y a pas de bailliages mais des sénéchaussées, et qu’il faut dire, en conséquence, sénéchaussées et bailliages. M. Mougins de Roquefort soutient que l’amendement de M. Gossin n’est pas admissible dans les provinces où les parlements sont en possession de connaître des appels des municipalités ; il propose que l’article ne soit pas applicable à ces provinces. M. de Lachèze appuie l’amendement de M. Gossin, en observant qu’il faut décréter aussi que les jugements qui seront rendus par les municipalités seront exécutés par provision. M. Perdry demande que le projet de décret soit libellé de manière à comprendre le tribunal de Valenciennes qui n’est ni bailliage ni sénéchaussée. M. Gaultier de Biauzat propose d’excepter de l’appel les jugements à rendre par les municipalités des villes où se trouvent les sièges des bailliages et sénéchaussées. Cet amendement est écarté par la question préalable. M. Goupil de Préfeln propose de décider que le nombre des juges réformateurs sera de cinq au moins. M. Perdry pense que le chiffre de trois juges est suffisant. L’article du comité, modifié par plusieurs arnen� déments, est ensuite mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit: « L’appel des jugements de police, rendus par les corps municipaux, aura lieu provisoirement, et jusqu’à l'organisation de l’ordre judiciaire, dans les cas où il est autorisé par les règlements actuels ; et provisoirement aussi, cet appel sera porté ;oar devant les bailliages et sénéchaussées royaux, ou autres sièges qui en tiennent lieu dans quelques provinces, pour être jugé en dernier ressort par trois juges au moins. » M. Rabaud de Saint-Etienne, président, remplace M. Fréteau au fauteuil. M. le Président. M. Anson a la parole pour faire, au nom du comité des finances, un rapport concernant la caisse d'escompte. M. Anson ($). Messieurs, vous vous rappelez qu’a la fin du dernier mémoire qui vous a été adressé par M. Necker, ce ministre vous demanda d’engager la caisse d’escompte à ne pas insister pour comprendre, par formede compensation, dans les 80 millions qu elle est tenue de prêter cette année à l’Etat, une somme d’environ 15 millions, qui se trouve dans sou portefeuille en effets publics, dont les échéances sont en avril, mai et juin. Votre président a été autorisé à [écrire à la caisse d’escompte, conformément à la demande du premier ministre des finances. La caisse d’es-(1) Le Moniteur n'a inséré que le projet de décret qui termine ta rapport de M. Anson.