524 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 mai 1790.] des ennemis de l’ordre public pour égarer le peuple et le soulever contre les pouvoirs les plus légitimes. « Impatients de vous faire connaître, Messieurs, les sentiments qui nous animent, nous venons vous apporter l’arrêté pris par notre compagnie sur le plus important de tous les procès dont la connaissance nous est spécialement attribuée. » « Arrêté de la compagnie du Châtelet. « La compagnie assemblée : ouï sur ce le procureur du roi ; considérant que le procureur-syndic de lacommune, d’après l’arrêté du comité des recherches de la municipalité de Paris, a dénoncé le 30 novembre dernier, « les forfaits qui ont souillé le château de Versailles, dans la matinée du 6 octobre dernier, ainsi que lesauteurs, fauteurs et complices de ces attentats, et tous ceux qui, par des promesses ou dons d’argent, ou par d’autres manœuvres, les ont excités et provoqués » ; que cette dénonciation a servi de base à la seule et unique plainte rendue par le procureur du roi le premier décembre suivant ; que depuis cette plainte, l’instruction commencée le 11 du même mois, a été suivie sans interruption jusqu’à ce moment; que si l’intérêt public exige la fin d’un procès aussi important, et dont les détails sont attendus avec la plus juste impatience ; que si la gravité du délit exige de sa part toute la sévérité de son ministère, qu’aucune considération ne peut ni ne doit arrêter; il est néanmoins de sou devoir, avant de décréter l’information, de ne négliger aucun des moyens que la loi lui commande, pour compléter une instruction dont le but est de venger tout à la fois l’honneur de la nation, celui des citoyens de la capitale, de la garde nationale, et d’assurer la tranquillité de notre auguste monarque : « A arrêté qu’il sera fait une députation à l’Assemblée nationale, à l’effet de la supplier d’autoriser son comité des recherchesà communiquer au procureur du roi les renseignements qu’il peut avoir relativement à cette affaire ; que Je procureur du roi sera chargé de se pourvoir vis-à-vis du comité des recherches de l’Hôte i-de— Ville de Paris, pour se faire remettre les différents renseignements qu’il peut avoir sur un crime dont, lors de la dénonciation par lui faite, « il a annoncé avoir d« jà recherché les auteurs par tous les moyens qui sont en son pouvoir-, » comme aussi les différentes pièces qu’il résulte de l'instruction commencée, être en ses mains. « Fait au Châtelet de Paris, la compagnie assemblée, le 14 mai 1790. « Signé : Talon et Morel, greffiers. » (Après cet exposé, la députation du Châtelet se retire.) M. de Cazalès. Je ne crois pas qu’il soit de l’honneur de l’Assemblée nationale de discuter une pareille question, et je pense que la proposition doit être acceptée sans aucune délibération. L’Assemblée porte le décret suivant à l’unanimité : « L’Assemblée nationale décrète que son comité des recherches est autorisé à communiquer au procureur du roi du Châtelet les renseignements qu’il peut s’être procurés sur l’affaire de Versailles du 6 octobre dernier, dénoncée à cet officier par le comité des recherches de l’Hôtel-de-Yille de Paris. » M. le Président, après avoir fait rentrer la députation du Châtelet, lui donne connaissance du décret qui vient d’être rendu et autorise ses membres à assister à la séance. M. de Pneh de Montbreton, député de Libourne , demande la permission de s'absenter pendant deux mois pour affaires très importantes. Cette permission lui est accotdée. M. le Président. Je dois donner connaissance à l’Assemblée d’une lettre qui m’a été adressée : Elle est des sieurs Bontems, Mallet et Compagnie, banquiers, qui se plaignent qu’on ait arrêté à à Châtiilon 1010 livres trois quarts de piastres qu’ils adressaient par la diligence à leur maison de Genève. Ils demandent la restitution de ces piastres. ' Après une courte discussion cette affaire est renvoyée au comité des recherches qui en fera le rapport mardi prochain. L’Assemblée passe à la suite de son ordre du jour qui est le plan d'organisation de la municipalité de Paris. M. Démeunier, rapporteur, donne lecture des articles 1 et 2 du titre IV du projet de décret présenté par le comité de Constitution. TITRE IV. Des comités des sections. Art. 1er. « Lorsque la majorité des sections demandera la convocation de la totalité de la commune dans ses diverses sections, le corps municipal sera tenu de la convoquer; mais en ce cas, un membre du corps municipal, ou un des notables, assistera à l’Assemblée de chacune des sections. » Art. 2. « La signature de cent citoyens actifs sera nécessaire pour exprimer le vœu d’une section touchant la convocation dont on vient de parler. » M. Rewbell. Ces deux articles ne peuvent être admis dans le fond ni dans la forme. En effet, Userait possible, d’après le texte du comité que 1,600 citoyens, moins 16, demandassent dans 16 sections la convocation sans l’obtenir; si l’on joignait dans chacune des autres sections, 50, 60, 80 citoyens ayant le même vœu, il arriverait que dans Paris vingt ou vingt-cinq mille citoyens ne pourraient obtenir ce qui est accordé ailleurs à cent cinquante citoyens actifs. M. Camus propose une nouvelle rédaction de l’article 1er en réduisant à douze le nombre des sections. M. Duport présente un amendement pour réduire le chiffre à huit sections. Plusieurs membres demandent la priorité pour la rédaction de M. Camus. La priorité est accordée et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée des quarante-huit sections devra être convoquée par le corps municipal, lorsque le vœu de nuit sections, résultant de la majorité des voix recueillies dans une assemblée de chaque section, composée de cent citoyens actifs, au 525 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mai 1790.] moins, et convoquée par le commissaire de la section, se sera réuni pour la demander. « Le commissaire de la section sera tenu rtecon-voquer l’assemblée lorsque cinquante citoyens actifs se réuniront pour la demander. » (La séance est levée à dix heures du soir.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-THOURET. Séance du dimanche 16 mai 1790 (1). M. le Président ouvre la séance à onze heures du matin. M. de Réveillière de Lépeaux, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. Plusieurs membres demandent que le décret concernant les impositions de 1790 soit renvoyé au comité des finances pour en rectifier la rédaction. Ce renvoi est ordonné et le procès-verbal est adopté. M. Armand, député de Saint-Flour, dit que les écoliers du collège d’Aurillac ont fait, au mois de mars dernier, un don patriotique de 150 livres. Cet acte est d’autant plus digne d’éloges, qu’il est le fruit de privations peu familières à cet âge, et que peu de temps auparavant cette jeunesse généreuse avait distribué une somme plus considérable aux ouvriers indigents de la même ville. L’Assemblée applaudit à l’acte patriotique de cesjeunes citoyens. M. Salle, député de Nancy, rend compte au nom du comité des rapports, d’une affaire concernant la formation des assemblées administratives en Alsace. Messieurs, dit le rapporteur, l’intérêt personnel suscite de nouveaux obstacles à la Constitution ; sa voix, sans cesse étouffée, cherche sans cesse à se faire entendre ; elle rappelle des citoyens à la révolte; elle les excite au nom d’un Dieu de paix, à attenter à la vie des uns des autres. Vous avez méprisé ces clameurs ; cependant le mal augmente, des partis factieux ont trouvé des chefs; les citoyens coupables se réunissent pour répandre les principes de l’insurrection et de la discorde ; de coupables erreurs se propagent. Gomme leurs déclamations fanatiques ne supporteraient pas les regards de la raison, c’est surtout à ceux qui parlent un langage étranger qu’ils les adressent. L'Alsace est le théâtre de ces manœuvres perfides.... L’évêque de Spire a formé opposition à l’établissement des assemblées administratives : cette opposition a été signifiée aux commissaires du roi du département du Bas-Rhin. La notification en a été faite par M. de Diétricht, notable de Strasbourg. Si l’Assemblée nationale ne s’empresse d’y porter remède, la guerre civile va commencer dans (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. ce département, et s’étendra de proche en proche .... (ce sont les propres paroles des commissaires du roi). Des prières sont ordonnées comme dans les calamités publiques; les formules contiennent un anathème contre la Constitution ; des prédicateurs fanatiques souillent les églises par des déclamations incendiaires contre l’Assemblée nationale dont ils appellent les décrets des brigandages. . . . M. Bénard, grand bailli de Bouxwillers en Basse-Alsace, a convoqué, de sa pleine autorité dans sa maison bail liagère, une assemblée des communautés du bailliage, à l’effet de délibérer sur les dangers qui les menacent. Un exemplaire des lettres de convocation adressées au maire de Rhinghendorff est entre nos mains ; l’assemblée a eu lieu le 17 avril ; elle a rédigé une protestation contre la vente des biens ecclésiastiques et particulièrement, disent les commissaires du roi, de ceux du chapitre de Nauvillers, à la tête duquel est M. l’abbé d’Eymard. Une lettre anonyme a été répandue à Bouxwillers ; elle tend à porter les citoyens à la révolte ; elle les engage à abolir la nouvelle municipalité ; elle invite toutes les municipalités à ne pas envoyer aux assemblées de district et de département. Sur cette lettre, la commune s’est assemblée; elle a pris une délibération dont voici la substance : Après avoir mûrement pesé les décrets de l’Assemblée nationale nous les avons reconnus con-trairesaux privilèges delà province; nousavons vu que c’est injustement qu’on nous enlève notre seigneur et que, par l’abolition des droits seigneuriaux, nous sommes privés des bienfaits de notre prince; nous arrêtons de mettre aux pieds de notre auguste seigneur les vœux de ses fidèles sujets pour le prier de nous faire maintenir dans notre Constitution : nous sommes prêts à sacrifier la dernière goutte de notre sang pour défendre les intérêts du landgrave de Hesse d’Armstadt, notre légitime souverain, d’autant plus volontiers que nous sommes certains que la volonté du roi est opposée à la Révolution... M. Dupont (de Nemours). Il faut ajourner cette affaire et la communiquer au ministère des affaires étrangères. M. Salle continue : De neuf officiers municipaux qui composent la municipalité de Bouxwillers, huit ont refusé de signer cette délibération ; ils ont fait la déclaration de leur refus au greffe du maire de Strasbourg. D’autres citoyens ont protesté contre leurs signatures apposées à cet acte en déclarant qu’elles ont été surprises; il nous a été aussi remis un procès-verbal d’une assemblée tenue à Huningue, à laquelle la municipalité avait convoqué 80 municipalités environnantes ; la garnison a été mise sous les armes pour protéger cette assemblée: on y a décidé entre autres objets de s’opposer à l’introduction des assignats en Alsace. . . M. de Diétricht et M. Bénard sont les premiers coupables et vous ne pouvez vous dispenser de sévir contre eux. Le comité vous propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï son comité des rapports, a décrété et décrète que son président se retirera dans le jour par devers le roi, â l’effet de le supplier de faire usage de tous les moyens que la Constitution met en son pouvoir,’ pour hâter les opérations de ses commissaires préposés à la formation des assemblées administratives, et maintenir le respect et l’obéissance dus à la mission dont il les a honorés. »