[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juillet 1791. 435 Section lre. Art. 3. « Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës, à moitié frais. » (Adopté.) M. Ileurtault-Lamerville, rapporteur. L’article 1er de la 2e section a également été adopté; voici l’article 2 : Section II. Art. 2. « Dans un bail de 6 années ou au-dessous, fait après la publication du présent décret, quand il n’y aura pas de clause sur le droit du nouvel acquéreur, à titre singulier, de congédier le fermier, la résiliation du bail n’aura lieu que de gré à gré. » (Adopté.) Plusieurs membres demandent qu’il soit décidé que les baux à ferme ou à domaines congéables, quel que soit le temps de leur durée, ne donneront jamais ouverture aux droits ci-devant féodaux, ou, tout au moins, que l’époque en soit plus reculée que par le passé, et réglée d’une manière uniforme dans les coutumes qui contiennent des dispositions relatives à cet objet. Après quelques débats, cette proposition est renvoyée au comité pour y être examinée, et ensuite rapportée. M. Heurtault - Lamerville, rapporteur, donne lecture de l’article 3 de la 2e section, qui est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 3. « Quand il n’y aura pas de clause sur le droit dans les baux 'de plus de 6 années, le nouvel ; cquéreur à titre singulier pourra exiger la résiliation, sous la condition de cultiver lui-même sa propriété, mais en signifiant le congé au moins un an à t’avance, pour sortir à pareils mois et jour que ceux auxquels le bail aurait Uni, et en dédommageant au préalable le fermier, adiré d’experts, desavantages qu’il aurait retirés de son exploitation ou culture, continuée jusqu’à la tin de son bail, d’après le prix delà ferme, et d’après les avances et les améliorations qu’il aurait faites à l’époque de la résiliation. » (Adopté.) Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une lettre de M. Rodier, qui a exercé, pendant 15 ans, la recette générale du tabac à Marseille, et qui envoie un assignat de 300 livres, pour servir aux dépenses des frères d’armes qui se rendent aux frontières pour défendre !a patrie. (L’Assemblée applaudit aux marques de patriotisme de ce généreux citoyen.) (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLEE NATIONALE, PRÉSIDENCE DE M. DEFERMON. Séance du mardi 19 juillet 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. Delavlgnc, secrétaire, fait lecture d’une adresse des administrateurs du département de la Somme, ainsi conçue : « La Constitution était finie, la France était libre à jamais. Vous alliez, sages représentants, jouir, dans la retraite, des fruits de vos sublimes travaux, et recueillir la seule récompense digne de vous ; les bénédictions d’un peuple dont vous assuriez le bonheur en l’établissant sur les bases de la liberté; mais il manquait peut-être encore quelque chose à votre gloire, et il vous était ré-s rvé d epuiser, pour ainsi dire, la reconnaissance d’un peuple juste et sensible. 11 fallait que le Ciel permît les événements les plus extraordinaires pour faire éclater toutes tes ressources de votre prudence et de votre courage, et nous ] découvrir les trésors que votre sagesse a déposés danscelteConstitution, qui embrasse tout, qui prévoit tout, qui répond à tout. « Un prince, qui avait mérité le surnom de restaurateur de la liberté, trompé par les suggestions perfides des ennemis du bien public, cesse de se croire libre à force d’entendre répéterqu’il ne l’est pas. Il cède aux vaines terreurs que sèment autour de lui des écrits incendiaires, enfantés par la haine de la Révolution. Il va se jeter dans les bras d’un monstre, dont il eût été la première victime, et qui vent l’entraîner avec la nation dans un abîme de maux. Ce fut alors que vous fîtes paraître le calme, cette grandeur, cette majesté qui se communiquèrent rapidement à toutes les parties de l’Empire, qui devinrent un spectacle imposant aux yeux de l’Europe : mais ce n’était pas encore assez, les ennemis de la patrie veulent profiter d’une circonstance désastreuse pour renverser cette Constitution qu’ils détestent, ils emploient tous les moyens; ils prennent toutes les formes; les uns, par des protestations précoces, cherchent à jeter de la défaveur sur les oracles que vous allez prononcer; les autres, par des menaces qui seraient effrayantes, si elles n’étaient ridicules, tâchent d'ébranler votre constance et de semer le découragement parmi le peuple; d’autres, enfin, par un raffinement de perfidie, O'ent emprunter le masque du patriotisme, et flattent le citoyen crédule de l’espoir d’une République imaginaire, afin de lui ravir une liberté réelle, espèce de gens amis hier de la Constitution, aujourd’hui de la République et demain du despotisme. Tous jouissent d’avance du barbare plaisir devoir le chef-d’œuvre de la sagesse humaine, anéanti presquAiussitôt qu’achevé. Gomme si la nation pouvait se prêter à toutes les variations, au délire de l’imagination, changer de gouvernement comme de mode, et devenir le jouet du caprice et des passions de quelques hommes! « Et quel temps choisissent ces hommes pour faire circuler partout le poison de leur doctrine anticivique? Le temps, le jour même où toute la nation sous les armes renouvelle, à la face du ciel, le serment de maintenir cette sainte (I) Cette séance est incomplète au Moniteur » 436 [Assemblée nationale.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 119 juiHet 1791.| Constitution, où tous les citoyens jurent de mourir plutôt que de souffrir qu’il y soit porté la moindre atteinte. « Vous l’avez entendu ce cri de nos cœurs, il a pénétre jusqu’à vous au travers du tumulte qui environnait le sanctuaire des lois. Les foudres dudespotisme nevousavaient paseffrayés, lorsque vous jetiez les fondements de ce code de la raison et de l’humanité; les mouvements populaires vous trouvent encore inébranlables, lorsqu’il s’agit de le consacrer par un grand exemple; d’une main sûre vous pesez les destinées d’un grand peuple; vous découvrez cette foule de maux incalculables qu’une rigueur déplacée accumulerait sur nos têtes; guerre étrangère, guerre intestine, anéantissement du crédit, choc de factions qui se disputeraient les dépouilles du peuple, l’anarchie avec toutes les horreurs, et surtout l’édifice de cette Constitution que vous aviez élevée pour l’éternité, arrachée de ses fondements; la certitude de ne pouvoir la remplacer par une autre qui convienne également à la situation, aux rapports, aux mœurs et aux vœux de la nation. Tels sont les malheurs que vous éloignez de nous. Un seul article de vos lois immortelles dissipe tous les orages. L’ennemi voit ses projets déconcertés, l’ambitieux renonce à ses folles espérances, le factieux gémit de l’impuissance de ses manœuvres perfides, le vrai citoyen applaudit, la nation triomphe, la Constitution s’achève et vous avancez d’un pas tranquille et majestueux vers le terme de vos travaux, que tous nos vœux voudraient reculer. L’intérêt de l’Etat, votre unique passion, vous prescrit encore l’exercice de vos pénibles fonctions. Les circonstances exigeront encore longtemps l’expérience, laconlianceet tout le poids de l’Assemblée constituante. « Grâces vous soient rendues pour le nouveau bienfait que nous vous devons. Maintenir la Constitution contre les attaques de tant d’ennemis déchaînés contre elle, c’est nous la donner une seconde fois. « Ah! sans doute, le prince que l’on a si cruellement trompé sur l’opinion nationale, après avoir été témoin de cette uniformité de sentiments qui ne fait de tous les Français qu’un esprit et un cœur, repoussera désormais les conseils perfides et nous fera retrouver le monarque disposé à faire tous les sacrifices nécessaires au bonheur public. Puissent les événements qui viennent de se passer et qui ont constaté d’une manière aussi solennelle la volonté de la nation et son attachement à la Constitution, dessiller les yeux de nos concitoyens, qu’un exil volontaire tient éloignés de leur patrie. Puisse la voix de cette patrie, qui vient de se faire entendre d’une manière aussi imposante, leur faire abandonner de vains projets. Qu’ils viennent jouir avec nous du bonheur d’un gouvernement libre, ils y trouveront la sûreté, le respect des propriétés et toutes les douceurs que promet le règne des lois. Nous n’avons jamais cessé d’être leurs frères ; sans doute, ils vont devenir les nôtres. » (L’Assemblée applaudit la lecture de cette adresse et en ordonne l’impression.) M. Delavigne, secrétaire , fait lecture d’une adresse de la ville de Riom , qui dénonce M. Du fraisse-Duchey, membre de l’Assemblée nationale, pour y avoir fait parvenir une protestation de 290 membres de l’Assemblée contre lesquels les amis de la Constitution de ladite ville réclament. Suit la teneur de cette adresse : « Notre municipalité a reçu, sous le contreseing de l'Assemblée nationale, un exemplaire de la protestation de 290 membres de l’Assemblée, sur les décrets relatifs à la personne du roi : malgré l’anonvme qu’on a voulu garder, nous n’avons pu méconnaître la main qui nous l’a adressée. Le cachet de M. Dufraisse, son écriture très connue de beaucoup d’entre nous, tout nous persuade que nous devons à ce député l’envoi de cet écrit méprisable. « Qu’il s’est étrangement mépris sur la nature de nos sentiments, qu’une pareille séduction est loin de nous atteindre ; souvent nos adresses ont exprimé à l’Assemblée nationale notre soumission et notre confiance entière en ses travaux. Nous venons tous de jurer de nouveau de verser notre sang pour maintenir la liberté nationale. Ces serments, nous osons l’assurer, ne seront jamais violés. Mais ne violent-ils pas le leur, ces députés infractaires qui opposent leurs vœux corrompus et désordonnés au bien public et à l’opinion générale? ( Applaudissements ). Où les emporte une rage si aveugle et si impuissante? Peuvent-ils ignorer que tout ordre social n’est établi que sur la volonté du plus grand nombre; que leur liberté, cette liberté même, dont ils abusent si indignement, a pour base uniquement le vœu national qu’ils outragent par leurs protestations, quand les lois les plus sages viennent consoler la nation des égarements d’un roi, trop disposé à compter pour rien ses serments, le sang des Français et leur amour; quand tout commandait d’arrêter un pouvoir qui se montrait trop funeste à la patrie, comment a-t-il pu se montrer une volonté contraire aces mesures d’une haute prudence? Comment ces esprits iriquLds ne voyent-ils que des crimes, que le renversement des lois, dans les précautions qui nous ont sauvé des plus grands désordres? « La royauté est détruite, disent-ils, et nous avons jure de la maintenir; la personne du roi devait être inviolable, et on porte atteinte à sa liberté, on l’environne d’une garde qu’il ne commande pas. Discours artificieux, mais dont le motif est trop connu pour eu imposer. Ifs n’invoquent aujourd’hui la Constitution que pour la déchirer et la détruire. (Applaudissements .) La nation l’a déclaré solennellement, tous les pouvoirs émanent d’elle et pour elle. Lorsqu’elle a adopté d’abord le gouvernement monarchique, quand elle a consacré sur le trône les membres de la famille de Bourbon, elle a usé de son droit, elle a manifesté sa volonté souveraine; les choix qu’elle a faits, elle les a crus convenables, elle a droit de les changer s’ils deviennent funestes et dangereux, le roi, par sa fuite, nous a menacés des plus horribles malheurs, il a appelé sur nos têtes les plus grands fléaux. La source du mal était i’abus de l’autorité. Il a donc fallu ressaisir cette autorité qui devenait notre ennemi le plus redoutable. Voilà ce que vous avez fait, augustes représentants, et vous avez dû le faire. La France attendait de vous de grands bienfaits dans ces moment critiques, et vous avez rempli notre espérance. « Nous avons consenti que la personne du roi fût sacrée, mais ses serments ne le seront-ils jamais? Ne connaîtra-t-il envers nous aucun devoir? Serions-nous comme de vils troupeaux dont lui et ses courtisans pourront disposer à leur volonté? Eh! par bonheur, ils sont loin de nous ces jours de maximes barbares et tyranniques. Ce voile qui couvrait le contrat social a été arraché par des mains bienfaisantes. Tous les