ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 mai 1790.] 456 [Assemblée nationale.] M. Cochelet. Il faut stipuler également que le montant des pots-de-vin sera joint au prix des baux pour procéder avec plus d’équité à l’estimation des biens. L’amendement de M. Guillaume est adopté. On demande à aller aux voix sur l’amendement de M. Cochelet. M. de Delley d’Agier, rapporteur, dit qu’il se trouve implicitement contenu dans celui de M. Guillaume. M. Fréteau. J’appuie l’amendement de M. Martineau qui a pour objet de retrancher la déduction des impositions foncières et j’insiste pour qu’il soit adopté. En effet, ce mode d’évaluer ce qu’on va vendre aux municipalités ferait entrer dans leurs mains tous les biens du clergé à moitié prix de leur valeur. En effet, une ferme dépendante d’une abbaye, est louée par bail 3,000 livres: le fermier, comme il arrive souvent, paye 1,500 livres de taille pour raison de son exploitation. D’un autre côté l’abbaye paie, depuis l’extinction des privilèges, Ô00 livres de taille de propriété et de vingtième. Voilà en impositions foncières 2,100 livres; en réunissant ces 2,100 livres d’impositions foncières et directes aux 2,400 livres que l’abbaye louche net sur le montant de fermage, il vient de produit réel, fourni par les terres composant la ferme, 4,500 livres. C’est sur ce pied qu’il convient de vendre à bon compte, par exemple au denier 16. L’Etat devrait recevoir 72,000 livres d’engagements de la communauté qui souscrira pour acquérir ce bien ; au lieu qu’en payant 52,800 livres pour le capital au denier 22 de la somme de 2,400 livres, qui est le produit net, suivant le bail, déduction faite des impositions directes, l’Etat ne recevra que cinq septièmes de la valeur effective du bien. J’observe, en outre, que les biens des abbayes paient une taxe forte dans la main du fermier, précisément en raison de ce que les fermiers tiennent pour l’ordinaire ces fermes à un loyer moins cher que les biens des particuliers dont les fermiers se dépointent souvent les uns les autres, tandis que ceux des abbayes se perpétuent de père en fils dans leur exploitation. M. le comte Charles de Farneth. Les considérations que vient de présenter l’orateur sont très sérieuses. Je demande le renvoi de l’article au comité, pour être mieux médité. M. le duc de Fa Rochefoucauld. J’observe qu’il ne s’agit pas ici des ventes à faire aux particuliers, mais des ventes à faire aux municipalités, Il n’y a aucun inconvénient à craindre puisque ces dernières devront compte de clerc à maître du prix réel des ventes en détail, sauf la remise du quart du profit de ces ventes. M. Delléy d’Agier, rapporteur. Le comité tenant compte des amendements adoptés et des observations faites pendant la discussion, propose une nouvelle rédaction de l’article 3 qui deviendra l’article 4 du décret. Cet article est mis aux voix et décrété, sauf rédaction, ainsi qu’il suit : Art. 4. « L’estimation du revenu des trois premières classes de biens sera fixée d’après les baux à ferme existants, passés ou reconnus par devant notaires, et soutenus par les déclarations assermentées des fermiers devant les directoires, ou, à défaut de bail de cette nature, d’après un rapport d’experts fait sous l’inspection desdits directoires, déduction faite des impositions réelles dues par le titulaire ou possesseur, à raison de ces biens. « Les municipalités seront obligées d’offrir pour prix capital des biens des trois premières classes, dont elles voudront faire l’acquisition, un certain nombre de fois le revenu net d’après les proportions suivantes : « Pour les biens de la première classe, 22 fois le revenu net; « Deuxième classe, 20 fois; « Troisième classe, 15 fois ; « Le prix des biens de la dernière classe sera fixé d’après une estimation particulière. » M. de Delîey-d’Agier, rapporteur , lit l’article 4 du projet de décret portant : « Au moment de la vente aux municipalités, elles déposeront dan? la caisse de l’extraordinaire, à concurrence des trois quarts du prix capital fixé et convenu, quinze obligations payables d’année en année. « Elles pourront rapprocher le terme desdits payements, mais elles seront tenues d’acquitter une obligation chaque année, et de fournir des sûretés pour le payement des sept premières. « M. Pétion de Villeneuve. Vous ne faites aux municipalités qu’une vente fictive, puisqu’elles sont obligées de compter avec vous de clerc à maître. A quoi donc peut être bon le cautionnement que vous exigez? Les gens à argent, qui cautionneront, exigeront nécessairement un intérêt qui sera en pure perte pour les municipalités : s’ils sont obligés de payer pour elles, celles-ci se verront forcées d’abandonner à vil prix les biens qu’elles auront achetés. Les municipalités ne sont que vos agents intermédiaires ; c'est seulement une commission qu’elles reçoivent de vous. M. Delley d’Agier . Le comité, en insérant dans l’article cette disposition, n’a fait que se conformer aux bases que vous aviez déjà fixées. M. Martineau. Les municipalités seront sans doute composées d’officiers* désintéressés, mais il est possible qu’il s’en trouve quelques-uns qui ne possèdent pas cette vertu : alors les revenus et même les fonds ne pourront-ils pas être dilapidés ? Je demande que l’article soit conservé tel qu’il est. M. Duport. Vous recevrez vous-mêmes les deniers qui proviendront des ventes, ils ne passeront pas par les mains des municipalités ;vous n’avez donc pas besoin de caution. Les fonds ne seront pas tous vendus en même temps ; ils seront eux-mêmes une caution suffisante. S’il arrivait que, par défaut de vente, les biens dont les municipalités se seraient chargées ne fussent pas vendus, croiriez-vous pouvoir rechercher les cautions ? Mais, on ne peut en douter, ils seront tous vendus : alors, croyez-vous nécessaire de faire aux capitalistes de Paris, par exemple, un cadeau de 3 millions, qui, se trouvant en moins dans le produit des ventes, devrait être remplacé par une augmentation de pareille somme sur les impositions? L’Assemblée délibère et retranche la dernière disposition de l’article.