[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |19 avril 1791.) °200 M. Gnalbert. Si vous adoptez le projet de votre comité, il en résulterait qu’il serait illusoire, parce que, si vous admettez le concours au grade de lieutenant, il en résulterait que les 5 ou 600 enseignes de vaisseau que votre comité vous propose de créer navigueraient pendant une guerre, et même pendant plus longtemps, sans pouvoir concourir ; et, par conséquent, vous ne pourriez, sans injustice, refuser à un officier qui aurait fait 4 ou 5 ans de guerre, d’être avancé au grade de lieutenant de vaisseau. 11 faut donc que le concours soit fixé au premier grade d’officier de la marine, qui est celui d’enseigne de vaisseau. C’est ce que je demande à l’Assemblée. M. de Sillery. C’est ici le moment de rappeler ce que j’ai développé, les deux fois que j’ai parlé sur cet article-là. Le nombre des officiers de la marine que vous allez établir sera insuffisant en temps de guerre ; par conséquent, vous seriez obligés de prendre un grand nombre d’officiers de la marine commerçante pour venir servir, comme auxiliaires, sur vos vaisseaux. Il en résultera que les capitaines de navire, qui auront pourtant été obligés de passer un grade d’aspirant, se trouveront arriver dans la marine avec un grade absolument illusoire, c’est-à-dire que la ligne de démarcation entre la marine militaire et la marine marchande sera prononcée par ce mode-là. Je persiste à dire que, si vous n’établissez le concours qu’au grade de lieutenant, vous consolidez le corps de marine le mieux instruit. En Angleterre, il n’y a pas d’enseignes, il n’y a que des capitaines et des lieutenants. Etablissez le même mode qu’eux, puisque vous avez les mêmes ennemis à combattre. Vous établissez la ligne de démarcation et je persiste à demander que le concours soit fixé au grade de lieutenant. M. de Chanipagny. La question présentée à l’Assemblée nationale consiste à savoir si le concours doit être placé au grade d’enseigne ou à celui de lieuienant. Si le préopinant juge que le concours est un moyen propre à donner de bons lieutenants, il aurait pu eu conclure qu’il est également propre à donner des enseignes habile?. Et certes, il importe aussi à l’Etat d’avoir'dos enseignes habbes; car les enseigne?, sur les vaisseaux de guerre, comme les lieutenant?, peuvent commander ou conduire des bâtiments ; de leurs fautes, comme de leurs talents, peuvent dépendre quelquefois les succès ou les revers de nos armées navales. Mais j’examine le concours dans sa nature, pour voir à quel grade il s’applique avec plus de justesse et de convenance. Tout le corps militaire, tout le corps des officiers de mer voués au service public, en y comprenant tous les grades, doit être choisi sur la masse des navigâteuis. Donc le dernier de ce grade, celui par lequel on commence, le grade d’enseigne doit être donné au concours auquel seront appelés tous les navigateurs et spécialement les capitaines de commerce. Le concours ne fera jamais connaître que les connaissances théoriques ; il ne fera juger ni les talents ni les services de ceux qui seront soumis à l’examen, et quand il est question d’élever à un grade aussi important que celui de lieutenant, il faut demander à celui qui se présente et des talents et des services, et non pas de simples connaissances théoriques. M. Dillon. Je demande la priorité pour la motion de M. de Champagny. M. Maloueta la parole et parle quelques instants sur la question . M. le Président. Je crois devoir interrompre ici la délibération pour vous donner connaissance d’une lettre que je viens de recevoir; c’est une lettre de M. le garde des sceaux qui m’annonce la venue du roi. La voici : « Monsieur le Président, « J’ai l’honneur de vous adresser une lettre du roi, dont je vous prie de donner lecture à l’Assemblée nationale. « Je suis, etc. i. Signé : DUPORT. » Voici le billet du roi. « Je vous prie, Monsieur le Président, de prévenir l’Assemblée nationale que je vais m’y rendre dans le moment. (Vifs applaudissements.) « Signé : LOUIS. » Un membre : 11 faut nommer une députation pour aller au-devant du roi. M. le Président. On propose de nommer une députation pour aller au-devant du roi: elle sera de 24 membres. Plusieurs membres : Oui ! oui ! (L’Assemblée décrète par acclamation d’envoyer sur-le-champ au-devant du roi une députation de 24 membres.) M. le Président nomme la députation. Plusieurs membres : Le roi vient 1 (La députation sort.) M. Merlin. Monsieur, le Président, allez donc recevoir le roi ! M. Prieur. Non! nonl le Président ne doit pas se déranger. M. le Président. Messieurs, je recommande le plus grand silence; et je crois me conformer aux intentions de l’Assemblée en ajoutant que personne ne doit prendre la parole que le Président. M. Le Chapelier. Continuons la délibération. M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de ce soir et de celle de demain. (L’Assemblée attend eu silence l’arrivée du roi.) Plusieurs membres : Chapeaux bas ! Plusieurs membres : Il n’est pas besoin de le dire. Un huissier : Voici le roi ! Tous les membres de l’Assemblée se lèvent. Le roi entre dans la salle suivi de plusieurs lAssemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 avril 1791.) ministres et accompagné de la députation; il se place debout devant le fauteuil du Président, les ministres à sa gauche en descendant vers le bureau, le Président à sa droite, tous les membres de l’Assemblée et des galeries debout, les secrétaires debout à leurs places ordinaires; il lit le discours suivant : « Messieurs, « Je viens au milieu de vous avec la confiance que je vous ai toujours témoignée. Vous êtes instruits de la résistance qu’on a apportée hier à mon départ pour Saint-Cloud : je mai pas voulu qu’on la'fît cesser par la force, parce que je crains de provoquer des actes de rigueur contre une multitude trompée, et qui croit aair en faveur des lois, lorsqu’elle les enfreint. Mais il importe à la nation de prouver que je suis libre : rien n’est si essentiel pour l’autorité des sanctions et des acceptations que j’ai données à vos décrets. Je persiste donc, par ce puissant motif, dans mon projet de voyage à Saint-Cloud; et l’Assemblée nationale en sentira la nécessité. « Il semble que, pour soulever un peuple fidèle et dont j’ai mérité l’amour par tout ce que j’ai fait pour lui, on cherche à lui inspirer des doutes sur mes sentiments pour la Constitution. J’ai accepté, et i’ai juré de maintenir cette Constitution, dont la constitution civile du clergé fait partie, et j’en maintiens l’exécution de tout mon pouvoir. Je ne fais que renouveler ici l’expression des sentiments que j’ai souvent manifestés à l’Assemblée nationale. Elle sait que mes intentions et mes vues n'o it d’autre but que le bonheur du peuple, et ce bonheur ne peut lésul-b r que de l’observation des lois et de l’obéissance à toutes les autorités légitimes et constitutionnelles. » M. le Président répond : « Sire, « Si le sentiment profond dont l’Assemblée nationale est pénétrée était compatible avec quelque plus douce impression, elle la recevrait de votre présence. Puisse Votre Majesté trouver elle-même parmi nous, dans ces témoignages d’amour qui l’environnent, quelque dédommagement de ses peines! « Une inquiète agitation est inséparable des progrès de la liberté. Au milieu des soins que prennent les bons citoyens pour calmer le peuple, on se plaît à semer des alarmes ; des circonstances menaçantes se réunissent de toutes parts, et sa défiance renaît. « Sire, vous, le peuple, la liberté, la Constitution, ce n’est qu’un seul intérêt : les lâches ennemis de la Constitution et de la liberté sont aussi les vôtres. « Tous les cœurs sont à vous; comme vous voulez le bonheur du peuple, le peuple demande le bonheur de son roi : empêchons qu’une faction trop connue par ses projets, ses efforts, ses complots, ne se meite entre le trône et la nation ; et tous les vœux seront accomplis. « Quand vous venez, sire, resserrer dans cette enceinte les nœuds qui vous attachent à la Révolution, vous donnez des forces aux amis de la paix et des lois; ils diront au peuple que votre cœur n’est point changé; et toute inquiétude, toute déliant e disparaîtra; nos communs ennemis seront encore une fois confondus, et vous aurez fait remporter à la patrie une nouvelle victoire. » Le roi sort de la salle au milieu de vifs ap-201 plaudissements et des’eris répétés de Vive le roi! partant de tout ie côté gauche et de quelques membres du côté droit. M. de Noailles. Je demande l’impression du discours du roi et de la réponse de M. le Président et leur envoi aux 83 départements. M. Briois - Beaumetz. Je demande qu’il soit envoyé une députation au roi, de la part de l’Assemblée nationale, pour le remercier de la démarche qu’il vient de faire et pour le prier de vouloir bien remettre le discours qu’il a prononcé, afin que, le discours du roi et la réponse de M. le Président étant imprimés de l’autorisation du roi, ils servent de proclamation pour le rétablissement de la paix publique. Plusieurs membres : Bravo ! bravo I (Applaudissements.) M. le Président. Il n’y a pas de contradiction dans les deux propositions. Plusieurs membres : Non! non! M. le Président. Je consulte l’Assemblée. (L’Assemblée décrète les motions de MM. de Noailles et Briois-Beaumetz et rend le décret suivant) : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera fait une députation au roi, pour le remercier de la démarche qu’il a faite auprès de l’Assemblée nationale, et pour le prier de vouloir bien remettre le discours qu’il a prononcé et qu’elle a applaudi, afin que ce discours, imprimé et envoyé aux 83 départements, avec la réponse de M. le Président de l’Assemblée nationale, y serve de proclamation pour le maintien ou le rétablissement de la paix publique. » M. de Blacons. C’est la première fois que je prends la parole, dans cette Assemblée, à cette tribune. J’avoue que je vois avec peine que personne ne m’y a précédé dans cette circonstance. Le roi est venu, par une démarche pleine de confiance, vous annoncer, ce que vous saviez tous, qu’il n’avait pas pu mettre à exécution l’intention qu’il avait d’aller à Saint-Cloud. Il vous a annoncé qu’il était d’une importance majeure, pour la Constitution et pour les lois sanctionnées, qu’il eût l’air d’être libre. (Murmures prolongés à gauche; vifs applaudissements à droite.) Tout le côté gauche : Mettez-le à l’ordre ! Un grand nombre de membres : L’ordre du jour! M. de Cazalès. Je m’oppose à la demande de passer ù l’ordre du jour. M. le Président. Je consulte l’Assemblée. (L’Assemblée décrète l’ordre du jour.) M. de ülontlosier. Monsieur le Président, je réclame ..... Plusieurs membres : La levée de la séance! MM. Barnave et Boutteville-Bumetz . Non! non! Il ne faut pas lever la séance. M. le Président. Voici les noms des dépu'és qui doivent aller chez le roi.