�Assemblée nationale.) ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. 120 janvier 1791.) celle de 4,347,878 l. 3 s. 4 d. ne sont que provisoirement accordées, sans entendre rien préjuger sur la distribution qui en est faite par le département de la marine, et sous l’obligation de rendre compte, mois par mois, et par exercice séparé, de l’emploi desdits fonds, conformément au décret du 1er septembre dernier. » (Ce projet de décret est adopté.) M. le Président, s’étant absenté pour se retirer vers le roi, est remplacé au fauteuil par M. Em-mery, ex-président. L’ordre du jour est un rapport du comité des rapports sur la conduite des régiments qui composent la garnison de Belfort. M. Itluguet-üautliou, rapporteur (1). Messieurs, les désordres commis en la ville de Belfort, le 18 octobre dernier, par des officiers et soldats de Royal-Liégeois et Lauzun, qui y étaient en garnison, donneront lieu au rapport qui vous fut fait, le 30 du même mois, au nom des comités militaire et des rapports réunis. Il vous fut en même temps donné connaissance d’une information sommaire faite par la municipalité ; vous rendîtes un décret dont il est important de vous rappeler les principales dispositions : vous ordonnâtes d’arrêter les personnes dénommées dans l’information, de changer la garnison de Belfort, de placer les régiments qui la composent dans les départements de l’intérieur, d’iuformer devant les juges de district des délits qui vous avaient été dénoncés, pour les accusés et le procès être renvoyés par-devant le tribunal de lèse-nation. Vous vous réservâtes eulin de statuer sur le sort des régiments de Lauzun et de Royal-Liégeois, lorsque vous auriez vu l’information que vous ordonnâtes. Une partie des dispositions de ce décret est exécutée : les sieurs Latour et Gremstein se sont évadés ; le sieur de Ghalons s’est volontairement constitué prisonnier, du moment qu’il a eu connaissance de votre décret, et est même dans les prisons de l’abbaye de Saint-Germain. La garnison a été changée, et les régiments placés dans les départements de l’intérieur : l’information a été terminée par les juges de Belfort : un extrait de cette procédure vous a été adressé. 11 vous reste doue à statuer en ce moment, comme vous vous l’étiez réservé, sur le sort des deux régiments de Lauzun et de Royal-Liégeois; et c’est sur cette dernière disposition de votre décret que le comité m’a chargé de vous présenter son avis. J’aurai l’honneur de vous rappeler d’abord que, vers les premiers jours du mois de novembre, vous avez admis à la barre deux députations des régiments de Lauzun et de Royal-Liégeois ; que les députés de ces deux corps, eu vous exprimant leurs regrets de ce que quelques-uns de leurs camarades avaient pris part aux désordres qui avaient été commis, out désavoué les iutentio.us qu’ils avaient manifestées et déclaré solennèlle-ment que, loin de vouloir attaquer la Constitution, iis étaient prêts, au contraire, à mourir pour la défendre. Eu ordonnant l’impression de ces adresses et leur inscription dans votre procès-verbal, vous avez préjugé, en quelque sorte, la confiatice qu’elles mériteut. L’expression de ces mêmes sentiments a été renouvelée dans des déclarations signées de tous les officiers du régiment (1) Nous empruntons ce document au Journal logo-graphique, t. XX, p. 232. 355 Royal-Liégeois qui vous ont été adressées. Ceux du régiment de Lauzun ont été justifies par des certificats des corps administratifs. Si je porte à présent votre attention sur les seuls points qui peuvent également déterminer votre opinion, je vous dirai que l’information prise devant les juges du district de Belfort, quoi* que très volumineuse, ne renferme que les mêmes faits qui avaient été consignés dans la première information sommaire faite devant la municipalité de cette ville; qu’il y est prouvé qu’il y a eu des particuliers très coupables, mais qu’il n’existe aucune preuve que ces délits aient été partagés par la totalité des corps. On y voit évidemment que les principaux ou, pour mieux dire, les sous-auteurs de ces désordres ont été les sieurs Latour et Gremstein, l’un colonel, et l’autre major du régiment de Royal-Liégeois. Ils ont entraîné par leur exemple plusieurs officiers qui avaient dîné avec eux; et quelques soldats, séduits ou égarés, ont partagé les fautes de leurs chefs. Ge qui peut encore excuser ces derniers, c’est que la plupart, ayant été régalés par leurs camarades, étaient présents au dîner des officiers. Ces assertions vous seront démontrées, lorsque vous verrez que le résultat de cette information, qui comprend 136 témoins, a produit seulement 9 décrets, dont 3 contre les officiers de Lauzun, 3 contre un officier et deux soldats de Royal-Liégeois, et 3 enfin contre les individus étraugers à ces deux corps. D’après cela, Messieurs, je crois qu’il serait inutile d’eutrer dans de plus grands détails sur l’information. Votre comité a clone pensé que si, après une information aussi complète, il ne se trouvait que 6 accusés dans les deux corps, la sévérité que vous deviez avoir à l’égard de ces particuliers ne pouvait s’étendre sur des corps qui n’avaient pas partagé leur faute; qu’eu conséquence vous ne deviez pas laisser plus longtemps sous le poids de l’accusation deux régiments auxquels vous devez rendre votre confiance; que vous deviez leur laisser surtout la faculté de pouvoir, comme tous les régiments dé l’armée, être placés partout où l’exigerait Je service du bien public, et votre comité a d’autaut plus volontiers adopté cette opinion qu’il lui était difficile de considérer comme ennemis de la Révolution deux corps, dont l’un, né au sein de la liberté, était créé pour la défendre, et l’autre ne pouvait, sans se déshonorer, abjurer les principes qu’il avait soutenus en montrant de l’énergie au commencement de cette Révolution. Je dois vous rendre compte d’une pétition manifestant les seütimeuls de ces concitoyens, qui naguère faisaient éclater un désir si ardent pour la liberté, et qui, opprimés plutôt que vaincus, s’étaient montrés dignes de la posséder. Avant de Vous lire le projet de décret du comité, je dojs aussi vous rendre compte d’une pétition dont vous lui avez également renvoyé l'examen. Lé sieur de Ghalons, doqt vous aviez ordonné l’arrestation, s’est constitué de lui-même prisonnier, du moment où il a eu connaissance de votre décret, et il demande que, attendu qu’il n’existe pas encore de tribunal formé pour le juger, vous ordonnez son élargissement provisoire, et que vous lui donniez la ville de Belfort pour prison. Votre comité ne s’est pas dissimulé que si quelque chose pouvait faire préjuger l’innocence de cet officier, c’était sa soumission à votre décret; qu’ou devait mettre une grande différence eûtre des accusés qui montrent de la confiance à la loi, et ceux qui, par leur fuite, ont avoué pour ainsi (21 janvier 1791. | (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 3o6 dire leur crime, et qu’on devait ajouter quelque confiance à la promesse de se représenter, faite par un homme qui avait déjà obéi d’une manière si précisé; mais votre comité, eu se rappelant vos refus multipliés d’accéder à de pareilles dispositions, ne s’est pas permis de vous présenter un article favorable à la dema.de de Chalons; il abandonne à votre sagesse les considérations qu’il vous présente, et il se borne à vous représenter que la justice, et la justice la plus sévère, exige que vous donniez promptement un tribunal aux dilférents criminels de lèse-nation qui sont arrêtés dans ce moment, et qu’il est urgent que votre comité de Constitution vous propose une mesure provisoire à cet effet. Voici le projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports; » Considérant que, d’après l’information faite par les juges de Belfort, en suite de son décret du 30 octobre dernier, on ne peut imputer les délits qui ont été commis, le 21 octobre, dans cette ville, qu’à quelques individus, et non aux régiments de Royal-Liégeois et de Lauzun, décrète que les deux régiments, ci-dessus dénommés, pourront, comme tous les autres corps de l’armée, êire placés partout où le service public l'exigera, sans aucune distinction de départements frontières et de ceux de l’intérieur, et que son président se retirera devers le roi, pour lui présenter le présent décret. » M. Prieur. Je crois qu’il est satisfaisant pour l’Assemblée de pouvoir lui attester que le régiment de Lauzun, qui est actuellement en garnison à Vitry-le-François, a mérité par son patriotisme la confiance de tous les bons citoyens. M. BLoys. Le refus que l’Assemblée a fait dans plusieurs occasions d accueillir les demandes en élargissement provisoire a été déterminé par des circonstances particulières qui ne se montrent pas dans cette affaire. M. de Chalons a en sa faveur d’abord de s’être mis lui-même en prison, ce qui me semble un acte de loyauté et de franchise qui, si j’étais juré, me donnerait une conviction morale en sa faveur. La procédure ne présentant point de charges, le comité ne disant rien contre M. de Chalons, je demande qu’il obtienne la ville de Belfort pour prison. M-Prieur. Je suis bien obligé de chercher à atténuer L s présomptions qui résultent en faveur de l’innocence de M. de Chalons, de ce qu’il s’est rendu de lui-même en prison. Si les choses étaient encore dans le même état, c’est-à-dire s’il n’y avait pas eu depuis une information et une instruction criminelle, l’Assemblée, qui avait cru, d’après les premiers renseignements, pouvoir ordonner son arrestation, pourrait aujourd’hui lui accorder la liberté provisoire; mais prenez bien garde que les choses ne sont plus dans le même état : l’iuformatiun a été faite devant les tribunaux, et le résultat de cette information juridique est un décret de prise de corps. Or, je pense que, dans aucun cas, l'Assemblée ne peut prononcer de jugement : ils sont du ressort du pouvoir judiciaire. Un article de la Constitution lut interdit cette faculté. Il y aune chose juste que nous devons faire en faveur de M. de Chalons, c’est de le mettre le plus tôt possible à même de purger son décretde prise de corps, de subir interrogatoire, et de présenter ensuite sa requête au tribunal pour avoir son élargissement. Ve pourriez-vous pas, sans blesser les règles de la justice, déléguer au tribunal de Belfort, par suite de la première délégation, la faculté de recevoir l’interrogaioire de M. de Chalons, et de statuer sur son élargissement, s’il y a lieu? (L’amemiement, mis aux voix, est rejeté.) (Le projet de décret du comité est adopté.) M. le Président lève la séance à neuf heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GRÉGOIRE. Séance du vendredi 21 janvier 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des deux séances de la veille. M. d’André. L’observation que j’ai à faire sur le procès-verbal vient d’une conversation d’une minute que j’eus hier avec M. Rabaud de Saint-Etienne. Vuus avez rendu un décret relativement à l’affaire d Belfort; vous u’avez point ordunné l’élargissement provisuire de M. de Chalons, par la raison que M. de Chalons étant sous un décret de prise de corps, vous avez pensé jus ernent que l’Assemblée ne pouvait pas cas.-er uq tel décret. Mais vous devez à la justice et à l’humanité de fournir aux gens qui sont décret s de prise de corps un moyen de se faire juger. Cela est incontestable. Une autre observation importante est celle de la sûreté national»- : la sûreté nationale ne sera sûrement établie que lorsqu’il y aura un tribunal pour juger les crimes de lèse-nation. Nous demandons l’établissement de ce tribunal depuis un temps infini; on nous a répondu qu’il fallait l’etablissement des jurés et ensuite l’établissement d’un code pénal, qu’il fallait définir le crime de lèse-nation. Tout cela est fort bon; mais les gens qui sont en piisou depuis longtemps ne trouvent pas cela très bon. D’un autre côté, la nation a droit de ne pas le trouver bon : car tant que l’on saura qu’il n’y a pas un tribunal pour réprimer, pour punir, pour poursuivre des gens qui conspuent contre la sûreté nationale, c’est-à-dire contre la Constitution, vous verrez sans cesse se renouveler des projets de complots réels on supposés: il est donc de votre justice, de votre humanité, de votre intérêt, d’établir bientôt un tribunal de lèse-nation. Si l’établissement des jurés, qui est retardé, qui peut encore vous mener loin par sa discussion et qui, lorsqu’il sera décidé, exigera encore du temps par les élections qu’il faudra faire, si, dis-je, rétablissement des jurés et d’uns haute cour nationale peut essuyer de très loûgs reiarus, if ne faut pas moins prendre des précautions à t�et égard. Il me semble qu’il y aurait des moyens très simples de se lirer d affaire la-üessus et dVtab ir un tribunal provisoire pour juger ces (1) Cette séance est incomplète au Moniteur .