[Assemblée nationale.] ARCHIYES PARLEMENTAIRES. titulaires aucun intérêt personnel ne m’anime; car je n’ai pas un seul bénéfice. Jë demande donc la priorité pour la motion de M. Thouret, amendée par M. Le Chapelier; les motifs de ma décision sont simples* le comité est en contradiction avec lui-même et avec ses membres; il a particulièrement insisté sur ce que les circonstances ne permettent pas... (On observe que l’opinant rentre dans la discussion.) Mes calculs seront simples; j’observerai d’abord que toutes les fois qu’on a traité de finances, les biens ecclésiastiques ont été présentés comme immenses, et que quand il s’agit de salarier les titulaires (c’est ainsi qu’on s’exprime), ces biens se trouvent peu considérables, et ne suffisent pas aux besoins. Si les calculs du comité ne sont pas exacts, j’adopte l’opinion de M. Thouret; et ses calculs ne sont pas exacts, si je prouve par l’opinion même des membres... (On observe que la discussion est fermée , et l'opinant quitte la tribune.) (On lit l’article du comité et la motion de M. Thouret, amendée par M. Le Chapelier.) M. Delley. On demande que je lise la motion que j’ai proposée. Le maximum des évêques sera borné à 60,000 livres, celui des abbés à 24,000 livres. Au-dessus de 6,000 livres, le traitement des abbés sera réduit à moitié. (11 s’élève quelques discussions sur la manière de poser la question de priorité.) *4 M. Chasset. Il n’est pas question de priorité ; ce que propose M. Thouret n’est qu’une correction à l’article du comité, c’est-à-dire un amendement, et non pas une motion. M. Rœderer demande qu’on aille aux voix sur l’amendement. M. de I�afayette. Je n’avais le projet de porter la parole que pour accélérer la délibération, en demandant qu’on allât aux voix; je ne vois dans tout ceci qu’une véritable difficulté, celle de payer les créanciers; elle m’avait déterminé à demander la priorité pour la motion de M. Thouret. (On demande de plus fort à aller aux voix. — On réclame de nouveau la priorité pour l’avis du comité.) M. Rœderer. M. Chasset vous a dit le mot décisif. La priorité ne peut jamais être présentée que quand il y a concours entre deux projets de décret; et il n’y a concours que quand on présente une série d’articles correspondants : ici, vous n’avez que des amendements. On appelle amendement tout ce qui tend à ajouter ou à retrancher à une disposition particulière. La disposition particulière était de fixer le maximum des évêques : on propose un mode de détermination pour ce maximum, c'est un amendement. Je demande, conformément au règlement, que l’amendement soit mis aux voix avant la motion. M. Robespierre. Vous ne pouvez délibérer autrement qu’en accordant la priorité au comité. La priorité est une faveur; or, c’est au projet de votre comité que cette laveur est due. Pour déterminer à laquelle des deux motions appartient la priorité, examinons les différences qui se trouvent entre elles : celle de M. Thouret favorise une centaine d’individus opulents, l’autre favorise le peuple. Un autre motif d’un grand poids, c’est la comparaison que le comité a faite entre l’état des [23 juin 1790.] finances et lès biens ecclésiastiques; ce h’est qu’en adoptant l’avis du comité que vous pourrez faire face à des engagements immenses. On se dispose à mettre aux voix la priorité. MM. Cazalès et Malouet demandent qu’on délibère d’abord sur la motion de M. Thouret, amendée par M. Le Chapelier, et considérée comme amendement. M. Charles de Lameth. La proposition de M. Thouret n’est ni un amendement ni une motion ; c’est un piège tendu à l’Assemblée. M. le Président. La nouvelle question me paraît être celle-ci. La proposition de M. Thouret est-elle un amendement ou une motion? Je vais accorder la parole sur cette question. Il s’élève de grands murmures. — On demande à aller aux voix sur la priorité. — Après de longues agitations, une partie de l’Assemblée demande que la séance soit levée* puisqu’il est impossible de délibérer. L’Assemblée, consultée, déclare que la proposition de M. Thouret est une motion. La priorité, mise aux voix, est accordée à l’article du comité. M. le Président observe qu’il doit y avoir une séance ce soir, et propose que la délibération soit remise à demain. L’Assemblée décide qu’elle sera continuée. M. Coys. Je propose de fixer le maximum des évêques à 15,000 livres, et de terminer l’article par ces mots : et de leurs jardins. M. Lucas. Il faut dire : « situés dans la ville et dans les faubourgs». M. Martineau. Je rédigerais ainsi fcet amendement : « Des bâtiments et des jardins à leur usage, situés dans la ville épiscopale. » (Cet amendement est adopté.) M. Salle de Choux. Il me semble convenable d’ajouter à l’article cette disposition : « Et quant au surplus du revenu desdits évêques, il sera verse dans la caisse des départements, pour être appliqué au payement des créanciers desdits évêques* les créances étant justifiées par des titres authentiques, à dater du 2 novembre dernier.» (L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cet amendement. On se prépare à mettre aux voix l’article du comité.) M. de Rousmard réclame la proposition de M. Thouret comme amendement, et les amendements qui ont été faits sur cette motion. Il s’élève de grands murmures. — On observe que l’Assemblée a décidé que cette proposition était une motion, et que la priorité a été accordée à l’article du comité. L’Assemblée décide qu’elle ira aux voix sur l’article du comité. Cet article est décrété avec l'amendement; rédigé par M. Martineau. Le décret est conçu en ces termes ; « Art. 1er. A compter du 1er janvier 1791, le traitement de tous les évêques en fonctions ëst fixé ainsi qu’il suit, savoir : « Ceux dont tous les revenus ecclésiastiques) sans exception, n’excèdent pas 12*000 livres* n’éprouveront aucune fédüction : « Geux dont les revenus excèdent cette somme* [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1790.] AAI auront 12,000 livres, plus la moitié de l’excédent, sans que le tout puisse aller au delà de 30,000 livres; celui de Paris seul aura 75 mille livres. « Ils continueront à jouir des bâtiments et jardins à leur usage, situés dans la ville épiscopale. » M. d’Harambure. Le service de la poste aux lettres est dans un grand désordre, et je demande que l’Assemblée s’occupe incessamment de son organisation. (Voy. annexée à la séance de ce jour l'opinion de M. d'Harambure sur le service de la poste.) Cette motion n’est pas appuyée. M. le Président. La séance extraordinaire qui avait été indiquée pour ce soir ne pourra avpir lieu, à cause de la longueur de la séance du matin. (La séance est levée à cinq heures du soir.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 23 JUIN 1790. Opinion de M. d'Harambure sur le rapport fait au comité des finances, par M. de Biron , sur le service de la poste aux lettres, des messageries et de la poste aux chevaux ; prononcée au comité des finances le 23 juin 1790 (1). Messieurs, d’après le rapport qui vous a été fait sur les différentes propositions concernant les services de la poste aux chevaux, de la poste aux lettres et des messageries, il faut être convaincu, comme je le suis, de la bonté et de l’utilité du service que propose M. Alary, pour oser entreprendre de vous en faire sentir tous les avantages, et détruire les craintes et les difficultés qu’on vous a présentées sur sou exécution et sur la sûreté du service. Je vais en peu de mots, Messieurs, vous développer les avantages que j’ai trouvés dans son plan pour le public, le commerce et le Trésor national, et vous démontrer la possibilité et la sûreté d’un tel service. Le public y trouvera la certitude d’être servi promptement, commodément, et àbeaucoup moins de frais que par le passé, la plus grande liberté sur la manière dont il voudra voyager et faire transporter ses effets. Le commerce : une célérité inappréciable dans le transport de ses marchandises, et un quart de diminution sur les frais; nulle gêne, nul embarras sur les moyens qu’il croira plus utiles à ses intérêts pour la circulation de ses marchandises. Le Trésor national y trouvera la certitude d’un prix de bail de douze cent mille livres pour les messageries ; l’augmentation d’un million sur le produit actuel de la poste aux lettres, une économie de douze cent mille livres sur l’administration de la poste aux chevaux; le transport gratuit de tous les fonds publics au Trésor national, et des paquets concernant ladite caisse. Tous ces avantages présentant une amélioration (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. dans les revenus de l’État de plus de quatre millions. „ , . Il en est un, Messieurs, dont je désiré que �importance ne vous soit jamais connue, c’est celui d’une guerre ; il n’est pas un de nous çjqi ne sache les frais énormes qu’occasionnent les transports des vivres et munitions de guerre pour se mettre en état d’entrer en campagne, et ceux qu’exigent le service de l’armée. Avec le secours d’une compagnie propriétaire de dix-huit à vingt mille chevaux, la nation sera constamment en état de prévenir son ennemi et pourra* avec fie secours, faire avec vingtmille hommes, ce qu’elle ne ferait pas avec trente mille. L’économie qui en résulterait pour les dépenses serait immense. Je crois, Messieurs, que dé tels moyens sont faits pour mériter votre attention, et qu’il est de votre sagesse de ne pas prononcer à cet égard sans le plus grand examen. Je sens comme vous, Messieurs, l’importance de cette entreprise ; plus je l’examine, plus je la trouve digne d’une grande nation qui s’occupe de vivifier toutes les branches de son administration ; et je suis bien éloigné d’y trouver des obstacles qu’on vous a présentés dans son exécution, et encore moins la crainte de l’interruption d’un tel service. Je ne vois dans son exécution d’autre difficulté que celle dû placement des relais de quatre en quatre lieues. Si on était astreint à les mettre tous à cette distahce, jë regarderais la chose comme impraticable dans le moment présent; mais comme il est possible, d’après ce qu’il dit dans ses mémoires, de lui donner une latitude de trois à cinq lieues, cette difficulté me paraît dénu, ée de. fondement ; attendu qu'il n’est pas possible qu’on ne trouve dans cette distance ud local propre à y établir un relai. Le reste tient absolument au moyen des. fonds, et je n’ai aucun doute sur cet objet, lorsque, vous aurez reconnu la bonté et l’utilité de ce plan, et qu’il ne s’agira, pour l’adopter, que. de la, certitude que les fonds nécessaires, pour bien monter cet établissement, existent. Nous devez sentir, Messieurs, combien le moment présent est peu favorable pour que des capitalistes veuillent se montrer dans une affaire qui présente à ceux qui ne la connaissent pas, dans ses détails, des fonds immenses, quand le succès en est plus qu’incertain, d’après l’opinion générale., L’Assemblée a décrété, sur votre rapport, qu’jl serait accordé aux maîtres de poste upe indemnité de dix écus par cheval, pour lqur tenir lieu des privilèges dont ils jouissaient ; elle a rempli àleur égardla condition qui les liait à ce service public : comme ils ont le droit, par, leur brevet, de le quitter en avertissant six mois d’avanqe, ia nation doit avoir celui de les destituer à cette épôque, sans injustice, en exigeant d’eux de le continuer, pendant six mois, sans interruption, et avec la même activité. Get intervalle étant plus que suffisant pour assurer le service d’un passage à l’autre, cette transition me paraît peu susceptible d’inconvénients d’après les avantages qu’il procure aux maîtres de poste qui voudront prendre la direction de leurs relais, et le sort qu’il assure à tous les postillons. Parvenu à ce point, je ne vois que la certitude d’un beau service, et l’impossibilité que la chaîne en soit interrompue, attendu que l’intérêt de la compagnie qu’il entreprendra lui prescrit la néces� sité de le tenir toujours dans la plus grande acti-