420 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {6 juin 1790.] remettre la liste de toutes les familles de sa paroisse qui sont dans le même cas, afin que l’Assemblée y pourvoie. (Cette proposition n’a pas de suite.) Les sieurs Roussel, Prudhomme, Maubach, Par-raux, Allais et Tornèse, inventeurs d’une méthode d’écrire aussi rapidement que l’on parle, sont reçus à la barre, pour y faire hommage à l’Assemblée de leur invention. Ils font lecture d’un rapport fait par M. de Condorcet, de l'Académie des sciences, en faveur de leur méthode, et demandent qu’il leur soit permis d’en faire l’expérience dans le sein de l’Assemblée même. L’Assemblée ordonne que ses commissaires, chargés des dispositions pour le lieu de ses séances, indiqueront une place dans l’une des galeries, où la méthode dont il s'agit puisse être éprouvée. L’honneur d’assister à la séance est accordé aux inventeurs, qui, au surplus, sont renvoyés au comité des rapports. Des députés de la société polymatique se présentent à la barre, pour faire hommage à l’Assemblée de leur établissement, et le mettre sous ses auspices. L’Assemblée les accueille, et leur permet d’assister à sa séance. M. Frlcand, député de Charolles. Messieurs, l’affaire dont je vais vous entretenir offre les plus étonnantes singularités; d’après le récit des faits vous verrez qu’elle tient absolument du délire. Le 6 octobre dernier M. l’abbé Carion, curé d’Issy-Lévêque, sous prétexte d’établir un grenier de subsistance pour les pauvres, a convoqué une assemblée de paroisse. La séance a commencé par la lecture d’un cahier ayant pour titre : Formation du comité et conseil d' administration de la ville et commune d’Issÿ-l’ Evêque. Ce cahier contient des lois sur la police de la ville, la réparation des prisons, l’administration de la justice, le régime des gardes nationales, les amendes et confiscations, lesemprisounements des citoyens sur le simple ordre écrit du comité, les alignements des rues et des places publiques, les corvées, le prix des grains, en un mot tout ce que l’imagination exaltée de ce pasteur a pu réunir pour enfanter une législation. Le curé, le casque en tête et l’épée au côté, allait chez tous les laboureurs s'emparer de leurs grains; eu vertu de son règlement il en fixait le prix. Ce nouveau législateur fl’a point reconnu la séparation des pouvoirs, car il ordonnait, jugeait, exécutait ses propres jugements, souvent même, dit-oD, il gardait l’argent et la marchandise; notaire et tabellion étaient appelés pour dresser procès-verbal de ces extravagances. Un jour M. le curé partit, tambour battant, et arriva dans les grandes Bruyères ; il y rendit et fit exécuter sur le champ ses lois agraires, s’adjugea à lui-même une portion de territoire, sous le prétexte que c’était une ancienne commune. Ses prônes étaient un mélange de faits de guerre, de menaces séditieuse.', d’explications de ses règlements, avec le moyen de les faire exécuter. A l’aide de ses troupes (car il en avait), il a établi et perçu des octrois, fait abattre des murs de clôture, arracher des haies. Ges fa ts sont prouvés par cinquante témoins. Il nous reste à désarmer ce redoutable curé et à nommer une autre municipalité que celle qu’il a organisée. Je demande que toutes les pièces qui attestent les faits que je viens de mettre sous vos yeux soient renvoyées au comité des rapports, qui sera chargé de vous présenter un projet de décret sur cet objet. Le renvoi est décrété. M. Ic baron de Pouilly, par une lettre du 30 mai, adressée à M. le président, prie l’Assemblée d’accepter sa démission de la place qu’il occupe comme député de Verdun etduGlermontois. Madame Mouret, auteur des Annales de l'Education , et directrice du Musée des Dames , présente à l’Assemblée un ouvrage nouveau, intitulé: « le Cathéchisme du citoyen pour la jeunesse française, servant de suite à son plan d'éducation. » L’Assemblée marque sa satisfaction par des applaudissements, et M. le président accorde, de sa part, à Madame Mouret l’honneur d’assister à la séance. M. Boullé, député de Ploërmel, rend compte, au nom du comité des rapports, d’une affaire qui concerne la municipalité de la ville deSaint-Jean-de-Luz. M. Garat (l'aîné) demande l’ajournement de la discussion . L’affaire est ajournée à la séance de mardi soir 8 juin. M. le Président lève la séance à 10 heures et demie, et indique celle de demain pour onze heures du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BRIOIS DE BEAÜMETZ. Séance du dimanche 6 juin 1790(1). M. le président s’étant rendu auprès du roi et n’étant pas de retour au début de la séance, est remplacé par M. l’abbé Qouttes, ex-président. Le procès-verbal de la séance de la veille au soir est lu et adopté. 11 est fait lecture d’une adresse des curés et vicaires composant la congrégation deMorès-en-Montagne, département du Jura, district de Saint-Claude, qui, voulant donner à leurs paroissiens l’exemple d’une parfaite soumission aux décrets de l’Assemblée nationale, déclarent qu’ils y adhèrent, et s’engagent à soutenir de tout leur zèle et de tout leur pouvoir la nouvelle Constitution de l’Etat; D’une adresse de la municipalité de Nîmes, qui annonce que la contribution patriotique de cette ville s’élevait au 28 mai 1790, à la somme de 472,770 liv. 9 s. 8 d., et qui estime que la totalité des déclarations se portera à environ 500,000 liv.; D’une adresse du conseil général de la commune de la ville de Murat, département du Cantal, portant l’expression de sou respect et de sa soumission aux décrets de l’Assemblée nationale, et de son admiration particulière pour ceux qui ordonnent la vente des domaines nationaux ; elle la supplie de recevoir sa soumission pour l’acquisition qu’elle désire en faire jusqu’à concurrence d’une somme de six cent mille livres. M. le vicomte de Woailles. Le rapport du comité militaire, joint au comité de Constitution, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juin 1790.] 121 sur les objets relatifs à la confédération générale proposée hier par la commune de Paris, présente. des difficultés par rapport à l’élection des militaires. Nous demandons que ce rapport soit ajourné à mercredi, au lieu d’être fait demain lundi, ainsi que cela avait été primitivemen �décidé. L’Assemblée adopte ce changement dans l’ordre de son travail. M. l’abbé liongpré, au nom du comité des finances, rappelle la demande de la communauté de Champlitte et présente un projet de décret qui est adopté ainsi qu’il suit: « L’Assemblée nationale, d’après le rapport de son comité des finances, a décrété et décrète : « 1° Que le caissier et administrateur général des domaines et bois de la province de Franche-Comté sera tenu de verser dans la caisse du receveur de Champlitte la somme qu’il tient en dépôt, et provenant de la dernière vente des bois de réserve de ladite ville ; « 2° Que partie de cette somme sera employée à payer les grains que la ville a fournis aux habitants, sauf à en recouvrer le prix sur ceux qui ne seraient pas insolvables; « 3° Que le surplus de cette somme, et les recouvrements des avances faites aux particuliers, seront aussi employés aux réparations prescrites par l’arrêt du conseil, sous la réserve expresse d'en justifier par devant les directoires de district et de département. « L’Assemblée nationale décrète pareillement que l’administration des domaines fera verser dans les caisses des receveurs des districts, sur les demandes qui lui en seront faites par les directoires des départements, les sommes provenues des ventes de bois des communautés qui sont actuellement en sa possession , lesquelles sommes ne seront employées par les municipalités que d’après la destination qui en sera faite par iesdits directoires de département, de l’avis du directoire de district, précédé de la délibération du conseil général des municipalités. » M. le marquis de Rostaing propose, au nom du comité militaire, un projet de décret sur la répartition des 32 deniers accordés aux soldats par le décret du 28 février dernier. Ce décret est adopté ainsi qu'il soit : « L’Assemblée nationale, considérant qu’il est instant que les soldats français jouissent de l’augmentation des 32 deniers qui leur avaient été accordés par son décret du 28 février dernier, et ayant fait la répartition conformément aux principes qui dirigent les représentants de la nation, a décrété et décrète : « Que les 32 deniers seront répartis ainsi qu’il suit : « 1 sol 4 deniers au prêt; « Six deniers dans la poche, dont la distribution sera faite, comme le prêt, tous les cinq jours; « Et 10 deniers aux linge et chaussure. » M. Anson, au nom du comité des finances, propose un projet de décret sur les droits d'entrée perçus tant sur le territoire que renferme la ligne d'enceinte des murs de la ville de Paris que sur celui compris hors de l'enceinte et qui était précédemment soumis à ces droits. M . le Président met ce projet aux voix ; il est décrété ainsi qu’il suit: « L’Assemblée nationale a décrété et décrète qu’à compter du jour de la publication du présent décret, tout le territoire qui renferme la ligne de l’enceinte des murs de Paris sera soumis aux droits d’entrée dans cette ville; et réciproquement le territoire qui était antérieurement sujet à ces droits, et qui se trouve placé hors de l’enceinte, sera soumis au régime des impositions ou perceptions établies dans la banlieue, dont il fera désormais partie. « Décrète, en outre, que la municipalité de Paris veillera à l’exécution des règlements précédemment rendus sur la distance à observer entre les bâtiments et les murs, et sur tous les objets relatifs à la sûreté de la perception. » M. l’abbé Longpré, au nom du comité des finances, demande à faire un rapport sur la répartition de V imposition des tailles des fermiers des propriétaires ci-devant privilègiés, et dit : Il s’élève entre les propriétaires et les fermiers des contestations sur le payement des impositions; plusieurs baux portent pour clause que les fermiers seront assujettis aux impôts prévus et non prévus. Quelques-uns des ci-devant privilégiés prétendent, à l’abri de cette clause, qu’on ne peut point les faire payer, et que leurs fermiers sont chargés des nouvelles impositions. Quoique cette prétention soit évidemihent injuste, et quelle n’eût pas dû s’élever, il est bon, pour arrêter toute contestation et tout procès, de prononcer un décret qui exprime les intentions de l’Assemblée nationale : il me paraîtrait pouvoir être rédigé ainsi : L’Assemblée nationale décrète que les fermiers, métayers et autres, qui sont obligés d’acquitter ces différentes impositions, continueront de les payer, à l’exception des tailles réelles et personnelles qui seront à la charge des propriétaires, ne pouvant être à celle des fermiers, métayers, etc. M. De villas. La perception serait beaucoup plus assurée et sujette à bien moins d’inconvénients, si vous disiez que, pour les six derniers mois de 1789 et pour l’année 1790, vous ne voulez pas que les collecteurs soient obligés d’aller chercher à trente lieues ce qui leur est dû chez un ci-devant privilégié, qui pourrait n’être pas de bonne humeur. On propose le renvoi au comité des finances. Ce renvoi est décrété. M. Briois de Beaumetz, président , étant rentré dans l’Assemblée, reprend le fauteuil et annonce : « Que s’étant, d’après les ordres de l’Assemblée, retiré devers le roi, pour lui rendre compte qu’elle avait par acclamation décrété que Sa Majesté serait suppliée de fixer elle-même �dépense de sa personne et celle de sa maison, Sa Majesté lui avait témoigné sa satisfaction, et répondu qu’elle ferait incessamment donner connaissance à l’Assemblée de ses intentions. » M. le Président annonce qu’aucun des membres portés à la présidence n’a réuni la majorité absolue des suffrages. Le résultat du scrutin pour la nomination des secrétaires a réuni la pluralité des suffrages sur MM. de Pardieu, Dumo ictiel et Gourdan qui remplacent au bureau MM. Ghabroud, Defermon et l’abbé Golaud de Lâ Salcette, secrétaires sortants. M. le baron d’AIlarde, au nom du comité des finances , présente un projet de décret sur les rôles