620 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen. pour le père le plus tendre et le monarque le plus chéri. Fait et arrêté en l’auditoire du bailliage de Gi-sors, par nous, commissaires susdits et soussi-gués, en présence de M. le bailli et de M. le procureur fiscal, qui n’ont cessé de présider nos sessions depuis le 31 mars jusqu’à aujourd’hui 4 avril 1789. Signé Jeannot ; Vinot ; Lefebvre; Chailly; Pi-naud; Cheron; Rousselin; Legrand; Vinort de Préfontaine ; Fourmont, procureur fiscal. Le présent, contenant seize pages, cotées et paraphées ne varietur au bas de celle-ci, certifié véritable, par nous, bailli de Gisors, et de nous signé ainsi que du procureur fiscal et de notre greffier, à Gisors, ce 4 avril 1789. Signé Vinot de Préfontaine; Fourmont; Pia-neret. CAHIER Des plaintes et doléances du tiers-état de la ville d’Elbeuf (l). Le peuple réduit à la plus extrême misère, les cœurs des Français aigris par l’infortune des temps les plus désastreux, la langueur du commerce, l’inaction de toutes les manufactures, le dépérissement journalier de toutes les fortunes particulières, une anarchie de tous les principes, le silence des lois, tout porte l’empreinte du désordre et de la confusion, tout demande à grands cris une restauration générale. Des ministres, trompés dans leurs spéculations, ont, contre les plus sages réclamations, signé, par le funeste traité avec l’Angleterre, l’arrêt de mort des fabriques de France, et ont ainsi disposé de leur propre mouvement, de la subsistance d’une classe très-nombreuse de citoyens. La mauvaise administration des finances, le trésor public épuisé, la dette énorme de l’Etat, les frais immenses de la perception de l’impôt, cette armée de traitants, de financiers, s’engraissant du pur sang des peuples; ces gênes, ces entraves du commerce ; des barrières jusque dans l’intérieur du royaume; des obstacles sans fin à la circulation de toutes les denrées ; des faillites, des banqueroutes multipliées qui restent impunies, et où tout est perte pour le créancier par le danger d’avoir recours à la justice, qui consume et absorbe tout ; des arrêts de surséance accordés par la faveur à des gens de la plus mauvaise renommée et dont le but est de dépouiller entièrement leurs créanciers ; les représentations des fabriques, des chambres de commerce non écoutées et méprisées; la sorte d'indifférence du gouvernement pour les manufactures qui sont le nerf et la ichesse de l’Etat, et qui donnent l’âme et la vie au commerce et à l’agriculture ; l’instabilité des ministres, leur pouvoir de changer, d’innover, de tout renverser pour mettre en pratique le système qu’ils ont adopté ; ces débats trop fréquents du ministère avec les cours souveraines, d’où s’ensuit ordinairement la suspension de toute justice; cette ambiguïté de notre constitution qui amène une sorte d’anarchie pendant laquelle naissent des désordres irréparables; des impositions sans nombre, des répartitions inégales, contre lesquelles toute réclamation a été vaine jusqu’ici; les frais immenses d’une régie trop compliquée, qui, en prélevant plus d’un tiers sur les imposi-(1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : Le Gouvernement de Normandie, par M. Hippeau. tions, ne laissent parvenir au trésor royal qu’une partie insuffisante pour ses besoins; l’assentiment de la détresse .de l’Etat, d’un déficit effrayant, cette crainte du renversement total de la fortune publique ..... voilà les justes motifs des doléances des peuples; voilà ce qui couvre le plus beau royaume de l’Europe d’un crêpe funèbre et lui imprime le sceau du deuil et de la tristesse. C’est particulièrement sur ces différents objets que l’assemblée donne, par le présent acte, aux personnes qui seront choisies, les pouvoirs généraux pour la représenter aux Etats généraux, y proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité générale du royaume et le bonheur, tant commun que particulier, de tous les citoyens. Art. 1er. Le vœu de l’assemblée est qu’avant tout, il soit statué que les délibérations aux Etats généraux seront prises par les trois ordres réunis, et les voix comptées par tête. Art. 2. Que, préliminairement à toute autre discussion, la constitution française soit solennellement reconnue et sanctionnée; qu’il soit arrêté qu’à l’avenir il ne pourra être créé d’impôt ni fait d’emprunt sans le consentement de la nation; que les Etats provinciaux soient établis dans toutes les provinces du royaume et le retour des Etats généraux périodiquement fixé de cinq ans en cinq ans. Art. 3. Que toutes les provinces abdiquent leurs privilèges particuliers, afin que l’Etat ne présente qu’une seule et même famille, soumise au môme chef, jouissant des mêmes droits et contribuant aux mêmes charges. Art. 4. Qu’ensuite, et en portant la plus scrupuleuse économie dans toutes les branches de l’administration, les Etats généraux fixent les besoins actuels de l’Etat, en y comprenant les remboursements de toutes les charges de la magistrature, tous autres remboursements qu’ils jugeront utiles, les avances des traitants et les fonds nécessaires pour la retraite des employés qui seront jugés la mériter; que le partage s’en fasse de province en province, relativement à leur richesse territoriale, à leur commerce et à leur population, et qu’on leur laisse la liberté d’imposer leurs contributions ainsi qu’elles aviseront bien ; mais sous la condition très-expresse de ne pouvoir la donner à ferme, afin qu’il n’existe plus de traitants, et que le commerce soit entièrement libre et dégagé de toutes les entraves fiscales sous lesquelles il gémit depuis si longtemps. Art. 5. Que les besoins extraordinaires de l’Etat soient fixés par approximation, ainsi que les circonstances dans lesquelles ils seront réputés avoir lieu et devoir cesser; que la somme qu’ils exigeront soit répartie de province en province, comme en l’article précédent, et perçue sur le contribuable en augmentation des impôts, au moyen desquels se percevra la contribution de chaque province aux besoins ordinaires. Art. 6. Que, pour rendre les impôts uniformes dans tout le royaume, les Etats généraux conviennent de ceux au moyen desquels ils jugeront qu’il est possible à chaque province d’acquitter la contribution, et qu’à ce moyen tous ceux des impôts actuels qui ne seront pas jugés de nature à atteindre ce but soient éteints et supprimés. Art. 7. Qu’il n’en soit établi ni conservé aucun sur les denrées et marchandises qui circulent dans l’intérieur du royaume, mais seulement sur les denrées et marchaudises importées en France; 621 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen.) qu’ainsi les barrières soient reculées et portées aux 1 frontières. Art. 8. Que, pour cette perception-là seulement, si faire se peut, il existe des commis préposés par chaque province et comptables envers elle de leur administration. Art. 9. Que, toutes considérations cessantes, la gabelle, la marque de cuirs et les loteries soient supprimées et la plantation du tabac rendue libre. Art. 10. Qu’il soit établi un impôt territorial également réparti sur tous les fonds du royaume, perçu par un seul et même rôle, dont la collecte serait, dans chaque paroisse, une charge annale et publique. Art. 11. Qu’un autre impôt soit créé sur les hommes célibataires âgés de plus de trente ans, les militaires et les ecclésiastiques exceptés. Art. 12. Que tous les domaines du Roi, rentes et cens domaniaux, soient aliénés à perpétuité, et que le produit des aliénations vertisse à l’acquit des dettes de l’Etat et aille en diminution de la contribution de chaque province, si sa contribution est lixée avant l’aliénation. Art. 13. Que les forêts soient également aliénées et le produit de leur aliénation employé comme en l’article précédent, à la charge par les aliéna-taires de les maintenir en état, à l’effet de quoi ils seraient soumis à l’inspection et à la surveillance des Etats provinciaux ou de leurs commissions intermédiaires. Art. 14. Qu’il soit nommé des commissaires pour l’examen des échanges qui ont eu lieu sous le règne actuel et sous le précédent, ainsi que pour l’examen et réduction des pensions dont l’Etat est grevé. . Art. 15. Que les ministres soient responsables de leur administration, et tenus d’en rendre compte en personne aux Etats généraux. Art. 16. Qu’il soit établi un conseil permanent dans chaque partie de l’administration, afin que l’instabilité des ministres n’apporte désormais aucune altération dans les plans arrêtés pour le bien public. Art. 17. Que les comptes de la recette et les dépenses de l’Etat soient rendus publics d’année en année et vérifiés tous les cinq ans, à chaque tenue des Etats généraux et par eux. Art. 18. Que les poids et mesures soient rendus égaux dans tout le royaume. Art. 19. Que, calcul fait des impositions territoriales que payeront les fonds, calcul également fait de leurs productions, l’exportation des grains soit défendue lorsque leur prix commun excédera tel ou tel. autre taux. Art. 20.' Qu’il soit défendu d’ouvrir les colombiers depuis et compris le mois de juin jusques et compris la mi-novembre. Art. 21. Que les Etats généraux prennent les mesures les plus efficaces pour obvier à la multiplication excessive du gibier, notamment du lapin, espèce qu’il serait très-intéressant de détruire en faisant fureter à des époques déterminées. Art. 22. Que défenses soient faites à tous gardes de porter autres armes qu’une hallebarde, sauf aux propriétaires de fiefs à avoir des gardes tireurs, mais sans qualité pour dresser procès-verbaux de délits de chasse. Art. 23. Que la milice soit supprimée et qu’il soit libre à chaque province de fournir, ainsi qu’elle avisera bien, les hommes dont l’Etat aura besoin, en proportion égale avec les autres provinces du royaume. Art. 24. Que la liberté de la presse soit accordée, à la charge par l’imprimeur d’avouer l’ouvrage, et sauf toutes poursuites contre lui et l’auteur si l’ouvrage blesse les mœurs, l’Etat ou la religion. Art. 25 . Que le logement des gens de guerre soit une charge publique, dont les veuves, filles et receveurs des deniers publics soient seuls exempts. Art. 26. Qu’il soit possible de tirer intérêt d’une somme exigible. Art. 27. Que l’agiotage soit proscrit, sous les peines les plus sévères. Art. 28. Que la liberté individuelle des citoyens, sous la censure de la loi, soit reconnue et sanctionnée, et que tout particulier arrêté par ordre du Roi soit remis, dans les vingt-quatre heures, dans les mains de son juge naturel. Art. 29. Que le tiers-état soit admis aux grades militaires et aux charges de magistrature. Art. 30. Que, dans toutes les villes, il soit établi des juridictions consulaires électives, avec faculté de juger en dernier ressort toutes les affaires de commerce jusqu’à somme déterminée, sauf, pour celles excédant, l’appel en dernier ressort en la juridiction consulaire de la principale ville de la généralité. Art. 31. Que, dans toutes les villes et bourgs, il soit établi des juges de paix électifs pour juger en dernier ressort toutes autres contestations non excédant la somme de 100 livres. Art. 32. Qu’en attendant la réforme du code commercial, les échéances des billets, lettres de change et autres effets commerçables, 'soient dans tout le royaume fixées à des époques uniformes. Art. 33. Que les endroits privilégiés où se retirent les faillis soient supprimés. Art. 34. Que les lettres de surséance, de défense, de répit et tout autre sauf-conduit soient supprimés. Art. 35. Qu’il en soit de même des privilèges exclusifs et des exemptions de trésor, tutelles, curatelles, logements des gens de guerre, etc. Art. 36. Que les seigneurs possédant fiefs soient invités à consentir le rachat des rentes seigneuriales et des corvées à un prix raisonnable, ainsi que l’affranchissement à la comparution aux plaids, en sorte que le vassal ne donne que la foi, l’hommage, le treizième et l’aveu. Art. 37. Que les banalités soient supprimées comme une servitude odieuse, reconnue telle par le Roi dans ses domaines. Art. 38. Que défenses soient faites aux meuniers de recevoir le prix de leur mouture autrement qu’en argent, sur le pied d’une taxe fixe et déterminée, avec défenses de vendre du blé, de la farine et du son, sous peine de punition corporelle. Art. 39. Que, d’après les dispositions de la coutume de Normandie, l’usage des rivières et courants d’eau soit libre ; que les seigneurs féodaux ne puissent y mettre aucune entrave, et que les droits qu’ils se sont arrogés pour en permettre l’usage soient éteints et supprimés. Art. 40. Qu'il soit enjoint à tout propriétaire de faire borner ses terres et d’en faire dresser procès-verbal contradictoirement avec son voisin. Art. 41. Que les committimus et autres privilèges attributifs de juridiction personnelle ou réelle soient abolis, en sorte que nul ne puisse être traduit devant autre juge que son juge naturel. Art. 42. Que le privilège de la conservation de Lyon et de la ville de Paris, quant au droit [États gén. 17$9. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen.] de juridiction, soit particulièrement supprimé. Art. 43. Que la vénalité des charges de magistrature soit abolie; qu’il soit pourvu au remboursement des propriétaires et à leur remplacement par des citoyens inamovibles choisis dans les Etats particuliers de chaque province. Art. 44. Que toutes les hautes justices de nouvelle création soient supprimées, à charge de remboursement sur le pied de la première tinance, meme celles d’ancienne création, si mieux n’aime le seigneur haut justicier se charger de tous cas, préposer, pour l’exercice de sa juridiction, trois juges au moins résidant sur le lieu, non compris les gens du fisc, avoir des prisons sûres et saines et faire tenir ses audiences au moins de huitaine en huitaine. Art. 45. Que1 dans aucun cas, les juges d’un seigneur haut justicier ne puissent connaître des contestations qui l’intéressent, mais qu’elles soient (je plein droit dévolues au juge royal le plus proche .du chef-lieu de la seigneurie. Art. 46. Que la justice soit rapprochée des justiciables. Art. 47. Que défenses soient faites à tous juges de cesser arbitrairement l’exercice de leurs fonctions. Art. 48. Que les lois et la procédure civile, criminelle et commerciale soient réformées, les premières par un comité de magistrats et de jurisconsultes, et les autres par un comité de négociants choisis dans toutes les provinces du royaume. Art. 49. Qu’il soit pris toutes mesures pour que les procès soient définitivement jugés dans l’espace d’un an. Art. 50. Que convention soit faite avec les puissances étrangères pour que les Français prévenus de crimes soient arrêtés partout et remis dans les mains des juges compétents du crime dont ils sont prévenus. Art. 51. Qu’en matière criminelle les peines soient les mêmes dans tout le royaume, sans distinction d’ordres. Art. 52. Que la noblesse ne soit plus acquise à prix d’argent, et qu'elle ne puisse être accordée que par le Roi, de son propre mouvement, ou au mérite personnel, sur la demande des Etats provinciaux. Art. 53. Que les praticiens subalternes, ceux qui sont en trop grand nombre, soient réduits, et ceux inutiles supprimés, sauf le remboursement des uns et des autres. Art. 54. Que le clergé régulier ne puisse, dans chaque maison, être en nombre au-dessous de trente; qu’on leur départisse une pension proportionnée à leurs besoins, et que l’excédant en revenu que présenteront toutes les maisons religieuses serve à l’établissement d’hôpitaux, seul moyen peut-être à la faveur duquel on puisse extirper la mendicité. Art. 55. Que les dîmes ecclésiastiques soient supprimées et remplacées par une somme fixe, la qaême pour tous les curés. Art. 56. Qu’il soit assuré à tous les vicaires et prêtres habitués un sort qui les mette à portée de vivre qyec la décence convenable à leur état. Art. 57. Que les grands vicaires des évêques et archevêques ne soient choisis que parmi les curés avant quinze ans de pastorat. Art. 58. Que les cures ne soient données qu’aux prêtres qui auront vicarié dix ans. Art. 59. Qu’une honnête subsistance soit assurée apx matelots qui quittent la mer ou le serviqe PQiVtr cause de vieillesse ou de blessures. Art. 60. Que les évêques et archevêques soient autorisés à donner toutes dispenses ecclésiastiques, sans qu’il soit besoin de s’adresser en cour de Rome. Art. 61. Que les évêques, archevêques, abbés, maisons conventuelles et autres possesseurs de grands bénéfices, ne puissent en donner le temporel à bail général ; qu’il leur soit défendu de recevoir aucuns pots-de-vin, et que le successeur soit tenu d’entretenir les baux de son devancier jusqu’à leur terme. Art. 62. Qu’il soit permis de faire des baux des biens de campagne jusqu’à vingt années, sans qu’ils donnent ouverture à aucuns droits domaniaux, seigneuriaux ou lignagers. Art. 63. Que les Etats généraux sanctionnent l’édit du mois de novembre 1787, concernant les non catholiques. Art. 64. Que les recherches des mines de charbon d.e terre en France et leur exploitation, l’amélioration des laines nationales, les manufactures et la pêche maritime soient encouragées par des récompenses. Art. 65. Que les communes en fonds de terre. soient aliénées au profit des communes, et les landes et terres incultes mises en adjudication, au profit de ceux auxquels elles appartiennent, si mieux ils n’aiment les défricher et mettre en valeur sous un bref délai. Art. 66. Que les punitions les plus sévères soient infligées à celui qui se permet l’usure, surtout envers les enfants de famille. Art. 67* Que les Etats généraux, après avoir balancé les avantages et les désavantages du traité de commerce avec l’Angleterre, prennent le parti que leur suggérera l’intérêt du commerce et de la nation, mais qu’en attendant on prenne les mesures nécessaires pour empêcher les commis des douanes de favoriser l’entrée des marchandises anglaises en fraude des droits qu’elles doivent payer. Art. 68. Que tout ce qui aura été arrêté aux Etats généraux soit envoyé dans les tribunaux du royaume, pour être enregistré et exécuté. Art. 69. Que, provisoirement, si les besoins actuels de l’Etat l’exigent, il soit accordé, à l’ouverture des Etats généraux, une subvention quelconque par une levée extraordinaire ou par voie d’emprunt. Art. 70. Que toute audience aux Etats généraux soit déniée au ci-devant contrôleur général Galonné... La nation l’a jugé... Sa présence et ses réclamations ne pourraient qu’affliger l’assemblée, retarder ses délibérations et distraire le ministre vertueux qui tient les rênes de l’Etat, sous la direction du meilleur des rois, dê l’unique objet qui l’occupe... le bien public et la gloire du Roi. Art. 71 et dernier. Au surplus, l’assemblée, pleine de confiance dans la bonté du iponarque, dans la sagesse des ministres, espérant tout du désintéressement de la noblesse et du clergé, connaissant les lumières et le zèle patriotique de ses députés, leur abandonne ses intérêts et les autorise à se prêter à tous les sacrifices possibles, bien assurés que, nés Français, jamais ils ne compromettront les intérêts de la nation, les droits et la liberté du tiers-état. Signé Lingois, notaire; Thomas-François Yedic fils ; Charles Leveneur ; François Lefebvre ; Miège (sans approbation de l’article des gabelles) ; Gherel fils ; L. Patailier ; Michel Fouard ; Dudouit ; Georges Viard; Louis-R*obert Quesné, échevin; Joseph [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen. J 623 Duruflé; P. Lejeune; Rousselin , Routier du Parc; Pierre-Nicolas Rourdon ; Joseph-Gabriel Guenet ; Louis Flavigny ; Mathieu Frontin ; Join Lambert l’aîné; Mathieu Sevaistre ; R. Bourdon ; Gamarre; Pierre-Joseph Duruflé ; Constant Leroy ; Bosquier ; Bernard de La Rue, maire, et Durand, secrétaire-greffier. CAHIER De plaintes, doléances et remontrances , arrêté par les commissaires nommés le 1er de ce mois par le tiers-état du bailliage du Pont-de-V Arche, pour être porté à l'assemblée des trois ordres qui se tiendra à Rouen , le 15 de ce mois (1). Avril 1789. L’assemblée générale du tiers-état du bailliage du Pont-de-l’Arche croit qu’à l’ouverture des Etats généraux le Roi doit être très-humblement remercié des marques de bienveillance et de justice qu’il a données à ses sujets en rétablissant la nation dans ses droits de s’assembler en Etats généraux ; qu’il doit être voué à Sa Majesté la plus inviolable fidélité et l’intérêt le plus grand à la durée et à la splendeur de son règne. CONSTITUTION. Art. 1er. Le vœu de l’assemblée est que les Etats généraux examinent avant tout si on opinera par tête ou par ordre, et si, dans le cas où on opinera par tête (ce qui paraît être le vœu général et le nôtre), il ne conviendrait pas que la discussion des matières particulières à chaque ordre fût préalablement faite dans la chambre de chaque ordre. Art. 2. Que la constitutiou française soit assurée par une charte qui fixera, entre autres choses, le retour périodique des Etats généraux de. trois ans en trois ans, sauf à l’accélérer si les circonstances l’exigent. Art. 3. Que les Etats généraux ne puissent être suppléés par aucun corps, ni par une commission intermédiaire. Art. 4. Que les impôts ne puissent être consentis que par les Etats généraux ; qu’ils soient également répartis par un même rôle, sans distinc-tinction d’ordres, et qu’ils ne durent que d’une tenue d’Etats généraux à l’autre. Art. 5. Que les Etats provinciaux soient créés ou rétablis dans toutes les provinces du royaume, sous la même organisation que celle des Etats généraux, si ce n’est qu’ils pourront se faire représenter par des commissions intermédiaires. Art. 6. Que la dette de l’Etat soit vérifiée sur pièces probantes, et qu’elle soit consolidée. Art. 7. Que la dépense de la maison du Roi et des autres départements soit réglée et fixée. Art. 8. Que les ministres soient responsables de leur administration ; qu’ils soient comptables aux Etats généraux et que leurs comptes soient rendus publics. Art. 9. Que pour la dépense annuelle et l’acquit de la dette nationale, les Etats généraux consentent tels impôts qu’ils jugeront nécessaires. Art. 10. Que, dès à présent, les Etats généraux déterminent une augmentation aux impôts ordi-(1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : Le Gouvernement de Normandie, par M. Hippeau. naires, pour avoir lieu en cas de guerre seulement. Art. 11. Que la liberté individuelle soit reconnue et garantie ; qu’en conséquence, tout citoyen arrêté, soit par des lettres de cachet,, ordres de gouverneurs et commandants de provinces, soit par tous autres actes du pouvoir arbitraire, soit remis dans les vingt-quatre heures dans les mains de son juge naturel. Art. 12. Qu’en matière criminelle les peines soient égales et uniformes pour tous les ordres. Art. 13. Que les lois ne puissent avoir d’exécution qu’autant qu’elles auront été consenties par les Etats généraux assemblés. Art. 14. Que le tiers-état soit admis aux grades militaires et aux places de magistrature. Art. 15. Que les lois civiles, criminelles et commerciales , ainsi que les procédures, soient réformées : les lois et la procédure civile et criminel� par un comité de magistrats et de jurisconsultes; les lois et la procédure commerciale par un comité de négociants choisis dans toutes les provinces du royaume. Art. 16. Que les tribunaux soient rapprochés des justiciables. Art. 17. Que tous les tribunaux d’exception qui ne seront pas jugés d’une nécessité indispensable, soient supprimés. Art. 18. Que les hautes justices de nouvelle création soient supprimées, à charge de remboursement. Art. 19. Que les anciennes soient aussi supprimées, si mieux n’aime le seigneur haut justicier préposer pour l’exercice de sa juridiction trois juges au moins résidant dans le lieu, non compris les gens du fisc ; avoir des prisons sûres et saines, et faire tenir ses audiences de huitaine en huitaine. Art. 20. Que dans aucun cas les juges d’un seigneur haut justicier ne puissent connaître des contestations qui intéressent le seigneur haut justicier, et que de plein droit elles soient dévolues au juge royal le plus prochain du chef-lieu de la seigneurie. Art. 21. Que les écoles de droit soient améliorées, surveillées, et qu’en aucun cas il ne soit accordé dispense d’étude. Art. 22. Que nul ne puisse occuper une place de judicature sans justifier avoir exercé pendant dix ans la profession d’avocat. Art. 23. Que les offices de priseurs-vendeurs, de commissaires aux saisies réelles et de procureurs en tous tribunaux soient supprimés. Art. 24. Que tous huissiers et sergents aient le droit d’exploiter par tout le royaume et pour toutes matières ; qu’ils ne puissent résider que dans les bourgs et villes, et qu’ils y soient au nombre de deux au moins. Art. 25. Que dans toutes les villes il y ait deux offices de notaire au moins, et que jamais le même sujet ne puisse réunir sur sa tête les deux offices. Art. 26. Que nul ne puisse être reçu notaire qu’à l’âge de trente ans, après dix ans de cléri-cature, ou dix ans d’exercice dans la profession d’avocat. Art. 27. Qu’il soit donné à tops les tribunaux des arrondissements fixes; qu’une même paroisse ne dépende jamais de deux tribunaux différents, et que les plus longs procès soie.pt terminés .dans l’espace d’un an, à compter de la date de la demande. Art. 28. Que dans tous les tribunaux royaux, comme non royaux, il ne suisse y avoir moins