[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. occasionnerez dans les opérations, clans le placement des tablettes. Voilà donc une procession de l’assemblée, un mouvement perpétuel. Vous chargez d’ailleurs du placement des tablettes les plus jeunes de la compagnie. Or, certes, Messieurs, dans ces matières-là il est nécessaire que vous changiez l’ordre des choses, c’est les plus anciens d’âge qu’il faut en charger. M. Le Chapelier, rapporteur. J’en conviens ; on peut mettre les plus anciens, ceci est-il à votre goût ? M. Gaultter-Biauzat. Fort bien ; mais vous convenez que 3 bons vieillards, même 6, n’auront pas la légèreté nécessaire pour placer dans un instant les tablettes, lorsque l’on mettra les noms sur papier comme à présent. Toutes ces considérations me persuadent que ce projet peut avoir de très grandes longueurs. Avant de mettre en usage le système proposé, je crois donc qu’il serait important d’en faire l’essai et de se bien convaincre de ses avantages, ainsi que des moyens de le faire exécuter en grand. Je conclus donc à l’ajournement pur et simple du projet de décret. (L’ajournement est décrété.) M. Le Chapelier, rapporteur . Cet ajournement indéterminé et sans motif pourrait laisser de l’incertitude sur la volonté de l’Assemblée, relativement au nouveau scrutin. Je demande donc que l’ajournement soit motivé ainsi : jusqu’à ce que l’essai en ait été fait et l’expérience fugée bonne. M. Gaultier-Biauzat. J’adopte. M. Merlin. Je propose que l’Assemblée procède elle-même, pour faire l’essai de ce système, à l’élection prochaine de son nouveau président, si la machine se trouve prête. U n’y aurait même pas d’inconvénient, au cas où la machine serait prête plus tôt, à avancer d’un ou 2 jours cette nomination; cela n’empêcherait pas que M. le Président ne continue ses fonctions jusqu’au jour où il doit effectivement les cesser. (La proposition de M. Merlin est adoptée.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de M. Gérard, député de Saint-Domingue, qui, après avoir exposé la nécessité où il croit avoir été réduit, pour l’intérêt public, de cesser, ainsi qtieses collègues députés descolonies, d’assister pendant quelque temps aux séances de l’Assemblée nationale, demande un congé pour aller prendre les eaux de Forges, nécessaires au rétablissement de sa santé. Plusieurs voix : C’est un honnête homme, il faut accorder le congé. (L’Assemblée accorde le congé.) M. Merlin, au nom du comité féodal. Messieurs, vous avez ajourné samedi dernier notre projet d’instruction sur les dîmes, champarts et autres droits ci-devant seigneuriaux, déclarés rachetables par le décret du 15 mars 1790 (1). Nous avons reçu des renseignements qui nous ont mis à même de la rédiger de la manière que je, crois la meilleure possible. (M. Merlin fait lecture de ce document.) f 15 juin 1191.] M; Lanjuinais. La prestation d’une seule année de rente prétendue ci-devant seigneuriale ne suffit pas dans certains pays pour forcer le détenteur d’un fonds au payement provisoire. Je voudrais donc qu’il fût tenu compte dans l’instruction de ces usages locaux. M. Merlin, rapporteur. J’adopte cette observation et je propose de reconnaître l’exception des coutumes et usages locaux à la règle de la possession annale présumée par un seul payement. M. Lanjuinais. J’observe également que les servitudes personnelles supprimées par les décrets sont définies d’une manière trop stricte, droits que la personne est obligée de payer, par cela seul qu'elle existe , ou qu'elle demeure en un certain lieu. Il y a des servitudes personnelles supprimées, qui n’ont aucun de ces 2 caractères, comme la collecte des rentes ci-devant seigneuriales, etc. M. Merlin, rapporteur. Je donnerai à ma définition une plus grande latitude. Un membre demande qu’au lieu de reconnaissance , porté au singulier dans la sixième ligne de la page 10 du décret, on mette les reconnaissances au pluriel. (Ce changement est décrété.) M. Millon de Montherlan. A quels caractères pourra-t-on distinguer les dîmes et les champarts qui, dans plusieurs pays, sont confondus, étant de la même nature? M. Tronehet. Cette observation n’a pas actuellement d’objet, parce qu’elle a déjà été renvoyée aux comités féodal et ecclésiastique chargés de proposer une loi pour le cas où le champart et la dîme se trouveraient confondus. Cette loi pourra, d’ailleurs, être présentée la semaine prochaine. M. Boussion. Il n’est fait dans le projet d’instruction aucune mention de ce qui s’est passé dans le Quercy, à l’occasion des dîmes et champarts, question dont le comité a dû s’occuper. M. Merlin, rapporteur . Le comité a préparé sur cet objet un travail qui sera présenté incessamment à l’Assemblée. (L’Assemblée, consultée, adopte les diverses modifications proposées par M. Merlin, rapporteur, dans la rédaction de l’Instruction sur les droits de champart et autres). En conséquence, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale approuve l’instruction ci-après, et décrète qu’elle sera incessamment présentée à la sanction du roi, pour être exécutée comme loi du royaume : INSTRUCTION de l’assemblée nationale Sur les droits de champart, terrage, agrier, arrage , tierce , soété , comptant , cens , rentes seigneuriales, lods et ventes, reliefs et autres droits ci-devant seigneuriaux , déclarés rachetables par le décret du 15 mars 1790, sanctionné par le roi le 28 du même mois. (1) Yoy. ci-dessus, séance du 11 juin 1791, p. 140. * L’Assemblée nationale a rempli, par l’abolition du régime féodal, prononcée dans sa séance 239 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juin 1791. J du 4 août 1789, une des plus importantes mis-j sions dont l’avait chargée la volonté souveraine j delà nation française ; mais ni la nation française ni ses représentants n’ont eu la pensée d’enfreindre par là les droits sacrés et inviolables de la propriété. « Aussi, en même temps qu’elle a reconnu, avec le plus grand éclat, qu’un homme n’avait jamais pu devenir propriétaire d’un autre homme, et qu’en conséquence les droits que l’un s’élait arrogés sur la personne de l’autre, n’avaient jamais pu devenir une propriété pour le premier, l’Assemblée nationale a maintenu, de la manière la plus précise, tous les droits et devoirs utiles auxquels des concessions de fonds avaient donné l’être, et elle a seulement permis de les racheter. « Les explications données à cet égard, par le décret du 15 mars 1790, paraissaient devoir rétablir à jamais, dans les campagnes, la tranquillité qu’y avaient troublée de fausses interprétations de celui du 4 août 1789. « Mais ces explications elles-mêmes ont été, en plusieurs cantons du royaume, ou méconnues, ou altérées; et, il faut le dire, deux causes extrêmement affligeantes pour les amis de la Constitution et par conséquent de l’ordre public, ont favorisé et favorisent encore le progrès des erreurs qui se sont répandues sur cet objet important. « La première, c’est la facilité avec laquelle les habitants des campagnes se sont laissés entraîner dans les écarts auxquels les ont excités les ennemis mêmes de la Révolution, bien persuadés qu’il ne peut pas y avoir de liberté là où les luis sont sans force, et qu’ainsi on est toujours sûr de conduire le peuple à l’esclavage, quand on a l’art de l’emporter au delà des bornes établies par les lois. « La seconde, c’est la conduite de certains corps administratifs. Chargés par la Constitution d’assurer le recouvrement des droits de terrage, de champart, de cens ou autres, dus à la nation, plusieurs de ces corps ont apporté dans cette partie de leurs fonctions une insouciance et une faiblesse qui ont amené et multiplié les refus de payement de la part des redevables de l’Etat, et ont, par l’influence d’un aussi funeste exemple, propagé chez les redevables des particuliers l’esprit d’insubordination, de cupidité, d’injustice. « 11 est temps enfin que ces désordres cessent; et si l’on ne veut pas voir périr dans son berceau une Constitution dont ils troublent et arrêtent la marche, il est temps que les citoyens dont l’industrie féconde les champs et nourrit l’Empire, rentrent dans le devoir, et rendent à la propriété l’hommage qu’ils lui doivent. « L’Assemblée nationale aime à croire qu’ils n’ont besoin, pour cela, que d’être éclairés sur le véritable sens des lois dont ils ont jusqu’à présent abusé; et c’est ce qui la détermine à le leur expliquer par cette instruction. « Il n’y a personne qui n’entende parfaitement l’article premier du titre 3 du décret du 15 mars 1790, par lequel l’Assemblée nationale a déclaré rachetables, et a voulu que l’on continuât jusqu’au rachat effectué, « tous les droits et devoirs « féodaux ou censueis utiles, qui sont le prix et « la condition d’une concession primitive de « fonds. » « xMais ce qui, quoique très clair par soi-même, ne paraît pas l’être également pour tout le monde, c’est la désignation de ces droits, telle qu’elle est faite par l’article suivant du même titre. Cet article est ainsi conçu ; « Et sont présumés tels, sauf la preuve contraire: «1° Toutes les redevances seigneuriales « annuelles, en argent, grains, volailles, cires, « denrées ou fruits de la terre, servis sous la « dénomination de cens, censives, surcens, cap-« casai, rentes féodales, seigneuriales et emphy-« téotiques, champart, tasque, terrage, arrage; « agrier, comptant, soété,ou sous toute auiredéno-« imination quelconque, qui ne se payent et ne « sont dus que par le propriétaire ou possesseur « d’un fonds, tant qu’il est propriétaire ou posses-« seur, et à raison de la durée de la possession. « 2° Tous les droits casuels qui, sous le nom « de quint, treizième, lods et treizains, lods et « ventes, issues, milods, rachats, venterolles, re-« liefs, relevoisons, plaids, ou autres dénomina-« tions quelconques, sont dus, à cause des muta-« tions survenues dans la propriété ou la posses-x siond’un fonds, par le vendeur, l’acheteur, les « donataires, les héritiers, et tous autres ayants « cause du précédent propriétaire ou possesseur. x 3° Les droits d’acapte, arrière-acapte et autres « semblables, dus tant à la mutation des ci-devant <- seigneurs qu’à celle des propriétaires ou pos-a sesseurs. » « On voit que cet article a pour objet trois sortes de droits, savoir: les droits fixes, les droits casuels dus à la mutation des propriétaires, et les droits casuels dus tant à la mutation des propriétaires qu’à celle des seigneurs. <■ On voit encore que ces trois espèces de droits ont cela de commun, qu’ils ne sont jamais dus à raison des personnes, mais uniquement à raison des fonds, et parce qu’on possède les fonds qui en sont grevés. « On voit en tin que cet article soumet ces droits à deux dispositions générales : « La première, que dans la main de celui qui les possédé (et dont la possession est accompagnée de tous les caractères et de toutes les conditions requises en cette matière par les anciennes lois coutumes, statuts ou règles), ils sont présumés être le prix d’une concession primitive de fonds; « La seconde, que cette présomption peut être détruite par l’effet d’une preuve contraire , mais que cette preuve contraire est à la charge du redevable, et que si le redevable ne peut pas y parvenir, la présomption légale reprend toute sa force, et le condamne à continuer le payement. « L’article ne décide pas expressément quel serait l’effet d’une telle preuve contraire , si elle était atteinte par le redevable ; mais la chose s’explique assez d’elle-même, et une distinction très simple éclaircit tout. « En effet, ou par le résultat de cette preuve, le droit se trouverait être le prix d’une somme d’argent fournie à titre de prêt ou de constitution, ou bien on ne lui verrait d’autre origine que l’usurpation et la loi du plus fort. « Dans le premier cas, le droit ne serait pas éteint; mais on pourrait le faire cesser par la seule restitution de la somme anciennement reçue; et si c’était une rente réputée jusque-là seigneuriale ou censuelle, on ne pourrait plus, aux mutations de l’héritage qui en est grevé, en conclure que cet héritage fut soumis, soit aux lods et ventes, soit au relief, soit à tout autre droit casuel. « Dans le second cas, c’est-à-dire lorsque, par le résultat de la preuve entreprise par le redevable d’un des droits énoncés dans f article dont il s’agit, il paraît que ce droit n’est le prix ni d’une concession de fonds, ni d’une somme d’argent anciennement reçue, mais le seul fruit de la 240 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. violence ou de l’usurpation, ou, ce qui revient au même, le rachat d’une ancienne servitude purement personnelle, il n’y a nul doute qu’il ne doive être aboli purement et simplement. « Cette abolition est juste alors; mais, remar-quons-le bien, elle ne l’est que dans ce cas, et il n’y a que l’ignorance ou la mauvaise foi qui ait pu abuser de l’article 2 du titre III, au point d’en conclure que tous les droits dont il fait rénumération devaient être abolis, si le ci-devant seigneur, qui était en possession légale de les percevoir, ne prouvait pas, dans la forme prescrite par l’article 29 du titre II, qu’ils avaient été créés pour cause de concession de fonds, ou, en d’autres termes, s’il ne rapportait pas, à défaut de titre primitif, deux reconnaissances énoncia-tives d’une plus ancienne, et faisant mention expresse de la concession pour laquelle ces droits avaient été stipulés. « Ceux qui ont élevé cette prétention auraient bien dû porter leurs regards sur l’article même qui suit immédiatement dans le titre III, celui de l’examen duquel il s’agit en ce moment; ils y auraient vu que l’Assemblée nationale, loin d’exiger pour les droits présumés venir de concession do fonds, les preuves très difficiles dont il est parlé dans l’article 29 du titre II, a formellement déclaré qu’il ne serait rien changé à la manière d’en vérifier, soit l’existence, soit la quotité, sauf que la règle, nulle terre sans seigneur n’aurait plus effet que dans les coutumes qui l’adoptent en termes exprès. Tel est le sens et l’objet de l’article 3 du titre III. En voici les termes : « Les contestations sur l’existence ou la quotité « des droits énoncés dans l’article précédent, se-« ront décidées d’après les preuves autorisées par « les statuts, coutumes et règles observées jus-« qu’à présent , sans néanmoins que, hors des « coutumes qui en dispos nt autrement, l’en-« clave puisse servir de prétexte pour assujettir « un héritage à des prestations qui ne sont point « énoncées dans les titres directement applica-« blés à cet héritage, quoiqu’elles le soient dans « les titres relatifs aux héritages dont il est en-« vironné et circonscrit. « Il est bien clair que, par la partie de cet article qui se termine aux mots observées jusqu'à présent, l’Assemblée nationale a voulu empêcher que, par une application erronée de l’article 29 du titre II, aux droits énoncés dans l’article 2 du titre III, on n’étendît aux droits féodaux et ceusuels ordinaires , des modes de preuves qui n’avaient été établis que pour des droits extraordinaires, odieux de leur nature, et portant toutes les marques extérieures de l’ancienne servitude personnelle. « Ainsi, lorsqu’un ci-devant seigneur vient demander un droit de champart, de cens, de lods et ventes, ou tout autre de la nature de ceux dont parle l’article 2 du titre III, voici la marche que doit suivre l’homme juste et impartial qui veut s’assurer si sa demande est légitime ou non : <. D’abord, il examinera si le ci-devant seigneur rapporte les preuves requises par les coutumes, statuts et règles observées jusqu'à présent dans les différentes parties du royaume pour établir l’existence de son droit. » Si ces preuves ne sont pas rapportées, la demande du ci-devant seigneur doit être rejetée purement et simplement. « Si elles sont rapportées, la demande du ci-devant seigneur doit lui être adjugée, même lorsqu’elles ne consistent pas dans la représenta juin 1791.] tation d’un titre primitif, ou de deux reconnaissances supplétives, telles qu’elles sont exigées par l’article 29 du litre II ; mais, dans ce dernier cas, la preuve contraire réservée au redevable par l’article 2 du titre III, peut avoir lieu ; et ce n’est même, à proprement parler, que dans ce cas qu’elle est admissible. « Il en serait autrement si les droits demandés par les ci-devant seigneurs étaient du nombre de ceux qui, étant personnels de leur nature, tels que les corvées, les banalités, les droits de feu, de bourgeoisie, d’habitation, etc., sont abolis par des dispositions générales, que modifient quelques exceptions pour la preuve desquelles l’article 29 du titre II a prescrit des conditions particulières. Alors, en effet, il suffirait que le ci-devant seigneur ne produisît pas, ou un titre primitif, ou deux reconnaissances énonciatives d’une plus ancienne et faisant mention de la concession du fonds, pour que sa demande dût être rejetée, même au possessoire. En deux mois, il faut bien distinguer si les droits réclamés par un ci-devant seigneur à l’appui d’une possession et de preuves qui auraient été jugées suffisantes avant 1789, se trouvent compris dans le titre II, ou s’ils appartiennent à la classe de ceux qu’embrasse le titre III du décret du 15 mars 1790. Au premier cas, la preuve de la concession primitive de fonds est à la charge du ci-devant seigneur, et il ne peut la faire que dans la forme tracée par l’article 29 du titre II ; au second cas, la co mession primitive de fonds est présumée de droit, et c’est sur le redevable qui la dénie, que retombe tout le poids de la preuve de sa dénégaûon. Il était naturel, il ôtait juste que l’Assemblée nationale différenciât ainsi, relativement au mode de preuves, 1 s droits de la première espèce d’avec ceux de la seconde; et c’est ce qu’a parfaitement développé la proclamation du îoi du 11 juillet 1790, portant cassation de plusieurs délibérations des municipalités de Mar-sangy, Termancy, Angely et Buisson ; proclamation qu’a faite, presqu’à la veille de se lier à la Constitution par le serment le plus solennel et le plus imposant, ce monarque qui ne veut plus et ne peut plus régner que par les lois, et dont le bonheur dépend de leur exacte observation. Français! contemplez cet accord entre vos représentants, qui expriment votre volonté générale, et votre roi qui en presse l’exécution ponctuelle; et jugez après cela de quel œil vous devez regarder ces hommes pervers, qui, par des discours ou des écrits coupables, vous prêchent la désobéissance aux lois, ou qui cherchent, par des menaces et des voies de fait, à vous empêcher d’y obéir. Ces hommes, n’eu doutez pas, sont vos enoemis les plus dangereux ; et il est du devoir non seulementde tout bon citoyen, mais de tout individu qui pense sérieusement à sa propre conservation de les dénoncer aux tribunaux, de les livrer à toute la rigueur de la justice. « Que chacun se pénètre donc bien de; véritables dispositions du titre III du décret du 15 mars 1790 ; qu’on renonce de bonne foi à cet esprit de cavil-lation qui les a défigurées dans l’esprit du peuple ; que les corps administratifs donnent l’exemple, en les faisant exécuter par tous les moyens qui sont en leur pouvoir, à l’égard des redevables de droits nationaux ; et alors, l’Assemblée nationale a droit de s’y attendre, alors tout rentrera dans l’ordre. S’il reste des difiicultés sur l’existence ou sur la quotité de quelques droits, les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juin 1791.] 241 juges les décideront; l’article 3 du titre dont on vient de parler leur en fournit les moyens; et l’article 3 du décret du 18 juin suivant les avertit que, conformément au respect éternel dû à la possession, ils doivent, nonobstant le litige, ordonner le payement provisoire des droits qui, quoique contestés, sont accoutumés d'être payés , sauf aux redevables à faire juger le péîi-toire, et à se faire restituer, s’ils triomphent en définitive, ce qu’ils seront jugés avoir payé indûment. « Mais dans quel cas des droits aujourd’hui contestés doivent-ils être regardés comme accoutumés d'être payés ? La maxime générale qu’a établie, depuis des siècles, une jurisprudence fondée sur la raison la plus pure, c’est qu’en fait 4e droits fonciers, comme en fait d’immeubles corporels, la possession de l’année précédente doit, sauf toutes les règles locales qui pourraient y être contraires, déterminer provisoirement celle de l’année actuelle. Mais, comme cette maxime n’a lieu que lorsque la possession de recevoir ou de ne pas payer n'est pas l’effet de la violence, et que, très malheureusement, la violence employée de fait, ou annoncée par des menaces, a seule, depuis deux ans, exempté un grand nombre de personnes du payement des droits de champart, de terrage et autres ci-devant seigneuriaux ou simplement fonciers, l’Assemblée nationale manquerait aux premiers devoirs de la justice si elle ne déclarait pas, comme elle le fait ici, qu’on doit considérer comme accoutumés d'étre payés , dans le sens et pour l’objet du décret du 18 juin 1790, tous les droits qui ont dté acquittés et servis, ou dans l’année d’embla-vure qui a précédé 1789, ou en 1789 même, ou en 1790. Eu conséquence, tout redevable qui, étant poursuivi en payement de droits échus en 1791, sera prouvé les avoir payés à l’une des trois époques qu’on vient de rappeler, devra, par cela seul, être condamné et contraint de les payer provisoirement cette année et les suivantes, sous la réserve de tous ses moyens au pétitoire. « C’est ainsi que si un particulier possesseur paisible d’une maison depuis un an, en était dépossédé par violence ou voie de fait, le juge devrait, sur sa réclamation, commencer par le rétablir dans sa possession avant d’entendre et d’apprécier les raisons que son adversaire aurait à. lui opposer. « Il est cependant deux cas où pourrait cesser cette règle générale sur l’effet de la possession de percevoir des droits ci-devant seigneuriaux ou fonciers. « Le premier, c’est lorsque cette possession n’a été acquise que pendant le litige , c’est-à-dire lorsque les redevables n’ont payé que depuis qu’ils sont en instance, et d’après une sentence de provision. « Le deuxième, c’est lorsque le ci-devant seigneur est en retard d’exécuter un jugement qui ordonne, soit une communication de titres, soit toute autre instruction nécessaire pour l’éclaircissement de son droit. « Dans ces deux cas, les tribunaux peuvent, si les circonstances le commandent à leur équité, dispenser, pour un temps limité ou indéfiniment ; de la prestation provisoire ; mais il est évident que, dans l’un comme dans l’autre, cette prestation provisoire ne peut cesser qu’en vertu d’un jugement. Tout refus de la continuer, qui ne serait pas autorisé par une décision expresse du juge, serait une voie de fait aussi illégale, aussi injuste que pourrait l’être celle qui serait em-1” Série. T. XXVII. ployée contre un citoyen quelconque pour le chasser d’une maison dans la possession de laquelle il aurait été mis précédemment par la justice. « Quant au pétitoire, il ne dépend pas, comme l’on sait, de la possession des dernières années, mais de la légitimité du droit, et c’est précisément pour établir, ou que le droit est légitime, ou qu’il est illégitime,- que l’article 3 du titre III du décret du 15 mars 1790 renvoie au tl règles observées jusqu’à présent en matière de preuves sur l’existence ou la quotité des droits seigneuriaux ordinaires. « Il serait aussi long qu’inutile de retracer ici toutes ces règles, qui, d’ailleurs, ne sont pas les mêmes dans les diverses parties de l’Empire. Ici, la seule possession de 20, 30 ou 40 ans forme un titre pour le ci-devant seigneur ; là, il faut que cette possession soit fortifiée par une ou plusieurs reconnaissances des ci-devant vassaux. Ailleurs, il faut encore que ces reconnaissances soient accompagnées de certaines conditions plus ou moins difficiles à remplir et de certaines formalités plus ou moins simples. Ce n’est pas ici le lieu d’énumérer toutes ces variations qui dépendent uniquement des localités ; mais l’Assemblée nationale se croit obligée de lever les doutes qu’une foule de vassaux ou censitaires lui ont manifestés, sur la manière dont ils peuvent parvenir à la preuve contraire , qui leur est réservée par l’article 2 du titre IIl du décret du 15 mars 1790. « Comment est-il possible, disent-ils tous, que nous atteignions cette preuve? La réponse est qu’ils peuvent y arriver par différentes voies, mais surtout par la communication des titres des ci-devant seigneurs; communication qui n’a jamais pu légitimement être refusée, par la raison que tous les titres relatifs à une mouvance ou à une directe, étaient, même sous l’ancien régime, réputés communs entre le seigneur et le vassal, tenancier ou censitaire. On doit seulement observer à cet égard : « l°Que jamais les vassaux, tenanciers et censitaires n’ont prétendu ni pu prétendre qu’on dût leur remettre en mains propres, et confier à leur bonne foi des titres qu’ils auraient le plus grand intérêt de supprimer; « 2° Qu’ainsi, tout ce qui peut être demandé à cet égard, c’est que le ci-devant seigneur qui a des titres relatifs à ses cens, rentes et droits de lods, les communique, sans déplacer, dans son char-trier,ou qu’il les dépose pendant un certain temps, soit dans le greffe d’un tribunal, soit dans l’étude d’un notaire, soit dans tout autre lieu convenu de gré à gré, pour en être pris communication par les ci-devant vassaux, tenanciers ou censitaires et leur en être délivré, à leurs frais, telles expéditions ou copies collationnées qu’ils voudront exiger; le tout conformément aux règles précédemment observées. « Au surplus, cette communication doit être accompagnée du serment purgatoire, s’il est requis, et embrasser tous les titres généralement quelconques, soit constitutifs.1, soit interprétatifs, soit déclaratifs, soit récognitifs, soit p-' .ses-soires, que le ci-devant seigneur peut avoir à sa disposition, relativement aux droits dont il réclame le payement ou la prestation : il ne peut pas même en excepter les simples baux, encore moins les registres connus sous le nom de papiers cueilloirs, cueillerets, chassereaux ou fiè-ves ; car ce n’est que par rapport à ceux de ces registres qui se feront à l’avenir, que le décret 16 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [lo juin 1791. ] 242 du 12 janvier 1791 leur a ôté toute espèce de foi ; et il est certain que ceux qui ont été faits précé-dement conservent, même pour les contestations non encore jugées ou à, naître, le degré d’autorité plus ou moins grande que les coutumes, les statuts et les i ègles observées dans chaque lieu leur avaient ci-devant accordée. « Avant de terminer cette instruction, il est du devoir de l’Assemblée nationale d’éclairer encore les citoyens des campagnes sur une prétention élevée par plusieurs d’entre eux relativement au champart ou terrage. A les entendre, ils ne sont plus tenus d’avertir les préposés à la perception des droits de champart ou terrage, pour calculer et arrêter la quantité de la récolte de chacun des héritages qui en sont chargés ; et dans les lieux où ce droit est portable, ils ne sont plus obligés de voiturer, dans les granges ou dans les pressoirs du propriétaire du champart, la portion des fruits qui lui appartient. « L’Assemblée nationale le déclare hautement, cette prétention est aussi mal fondée que le pré= texte qui y a donné lieu. « Ce prétexte est que les servitudes personnelles ont été abolies par l’Assemblée nationale. « Sans doute, elles ont été et elles sont abolies : mais ce n’est pas une servitude personnelle que ia charge dont il s’agit. On entend par servitude personnelle une sujétion qui a été imposée à la personne, qui ne pèse que sur la personne et que la personne est obligée de subir, par cela seul qu’elle existe, qu’elle habite un certain lieu, etc. Or, aucun de ces caractères ne convient à l’assujettissement contre lequel s’élèvent les injustes j réclamations dont ii vient d’être parlé. Ce n’est pas à la personne que cet assujettissement a été imposé, c’est au fonds ; ce n’est pas la personne qui en est grevée, c’est le fonds; et cela est si vrai, qu’on cesse d’y être soumis du moment qu’on cesse de posséder le fonds sujet au champart. « Cet assujettissement est donc, non pas une servitude personnelle, mais une charge réelle ; et par une conséquence nécessaire, il n’a ni cessé ni du cesser par l’effet de l’abolition des servitudes personnelles. j « Ces développements suffiront, sans doute, pour faire cesser toute espèce de difficulté sur le ens et l’objet des lois par lesquelles l’Assemblée nationale a déclaré rachetables et conservé, jusqu’au rachat effectué, les droits qui, par leur nature, sont présumés venir de la concession des fonds. Ainsi, plus de prétexte aux injustes refus de payement; et il faut que celui qui fera un semblable refus s’attende à passer, dans tous les esprits, pour rebelle à la loi, pour usurpateur de la propriété d’autrui, pour mauvais citoyen, pour l’ennemi de tous; il faut, par conséquent, qu’il s’attende à voir se réunir contre lui toutes les classes de propriétaires, justement fondées à craindre que le contre-coup de l’atteinte portée à la propriété des domaines incorporels, ne vienne, un jour ou l’autre, frapper celle des domaines fonciers. Et si, par le plus invraisemblable des effets de sa coupable audace, il parvenait à mettre dans son parti des gens assez téméraires pour troubler par des voies de fait, par des menaces ou autrement, la perception des droits non supprimés ; dans ce cas, les corps chargés des pouvoirs de la nation n’oublieront pas les devoirs qui leur sont imposés par les décrets des 18 juin et 13 juillet 1790. Les municipalités se rappelleront qu'en cas d’attroupement pour empêcher ladite perception, l’article 3 du premier de ces deux derniers décrets leur ordonne de | mettre à exécution les articles 3, 4 et 5 du décret du 23 février, concernant la sûreté des personnes, celle des propriétés , et la perception des impôts, sous les peines y portées. Elles raDDelle-ront encore, et les tribunaux se souviendront aussi, que, par le second décret, il a été ordonné aux juges ordinaires d’informer, non seulement « contre les infracteurs du décret du 13 juin. « concernant le payement des champarts et au-« très droits fonciers ci-devant seigneuriaux, mais <: même contre les officiers municipaux qui au-« raient négligé, à cet égard, les fonctions qui « leur sont confiées, sauf à statuer à l’égard des-« dits officiers ce qu’il appartiendra. » Enfin, les diretoires de département et de district n’oublieront pas que c’est sur leurs réquisitions, aussi bien que sur celles des municipalités, qu’il est enjoint par le même décret, aux commandants des troupes réglées de seconder les gardes nationales pour le rétablissement de V ordre clans les lieux où il aurait été troublé. « Sans doute, ces mesures seront rarement nécessaires, et l’Assemblée nationale a droit d’espérer que les citoyens des campagnes, sachant apprécier ce qu’elle a fait pour leur bonheur, s’empresseront partout d’acquitter des droits dontiln’a pas été en son pouvoir de les affranchir. Ils n’oublieront pas que c’est pour la prospérité de l’agriculture qu’ont été abolies la dîme, les corvées, les banalités, la gabelle, et cette foule incalculable d’autres droits aussi avilissants par leur origine que pénibles par leur poids journalier. Ils ne feront pas repentir l’Assemblée nationale de bienfaits aussi signalés, en violant des uroits que la justice la plus impérieuse l’a forcée de maintenir jusqu’au rachat; et ils sentiront tous que, puisqu’ils sont devenus égaux en droit à leurs ci-devant seigneurs, ceux-ci doivent, par cela seul, jouir paisiblement, comme chacun d’eux, de leurs propriétés. » L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de Code pénal . M. Sje Pelletier-Salnt-F'argeaii, rapporteur. Messieurs, vous avez renvoyé à vos comités diverses observations de M. Malouet relatives aux crimes contre la sûreté extérieure de l’État (1). Voici les dispositions que nous vous présentons, telles que nous les avons arrêtées avec M. Malouet; elles formeraient les articles 6 et 7 de ia lre section du titre Ier de la deuxième partie du projet : Art. 6. « Tout fonctionnaire public chargé du secret d’une négociation, d’une expédition ou d’une opération militaire, qui sera convaincu de l’avoir livrée méchamment et traîtreusement aux agents d’une puissance étrangère, ou, en cas de guerre, à l’ennemi, sera puni de mort. Art. 7. « Tout fonctionnaire public chargé, à raison des fonctions qui lui sont confiées, du dépôt des plans, soit de fortifications ou d’arsenaux, soit de ports ou de rades, qui sera convaincu d’avoir méchamment et traîtreusement livré lesdits plans aux agents d’une puissance étrangère, ou, en cas de guerre, à l’ennemi, sera puni de la peine de 20 années de gène. » (1) Voy. ci-dessus, séance du 8 juin 1791, page 63.