Séance du 1er Fructidor an II (lundi 18 août 1794) Présidence de MERLIN (de Douai) (1) 1 Il est fait lecture de la correspondance et d’un grand nombre d’adresses qui félicitent la Convention nationale sur les mémorables journées du 9 au 10 thermidor (2). a [Les trois sectns réunies de la comm. de Lisieux (3), à la Conv.; Lisieux, 25 therm. m (4) Citoyens représentons, Depuis longtemps la justice et l’humanité élevoient leurs voix plaintives contre la tyranie qui les méprisoit; les tirans et leurs vils sup-posts en étouffoient les accens; ils ont enfin frappé vos oreilles, et celui qui voulut un régulateur, le plus scélérat des traîtres, Robespierre enfin, a satisfait à la vengeance nationale. Grâces immortelles vous soient rendus, dignes et vertueux représentans d’un peuple loyal et brave; votre énergie vous rend dignes de lui et vous le deviendrez davantage en épuisant vos sueurs à affermir les bases de l’égalité sans laquelle il n’est plus de bonheur à espérer pour les Français. Vive la République, vive la Convention nationale ! Navin ( secret . de la sectn de l’Unité ), Douesse {présid. de la sect" de l’Unité), Rey ( sans-culotte présid. de la sectn de l’Egalité), Lamize ( secrét .), Herpin ( vice-présid . de la sectn de la Fraternité), Auvray ( secrét . de la sectn de la Fraternité). Mention honorable, insertion au bulletin (5). (1) D’après Débats, n°697, 1. (2) P.V., XLIV, I. Moniteur (réimpr.), XXI, 537; J. Fr., n°693. D’après le B‘n , 1er fruct., Débats, n° 698, 15, M.U., XLIII, 40, la lecture des adresses fut faite par le repr. Dubarran. (3) Calvados. (4) C 319, pl. 1299, p. 1. Mentionné par Bm, 3 fruct. (suppl1). (5) Mention marginale du 1 er fruct. signée P. Barras. b [Les admin™ composant le directoire du district de Lisieux, à la Conv.; Lisieux, 20 therm. Il] G) Citoyens représentans, C’est un beau spectacle de voir une grande nation lutter pour conquérir la liberté du monde contre les efforts de vingt despotes coalisés. C’en est un plus surprenant sans doute, et qui n’échappera pas aux regards de la postérité, de voir des nations, sourdes à la voix de la nature et de l’honneur qui leur dit qu’elles sont libres, porter les armes contre un peuple généreux qui ne les prend que pour briser leurs fers. Par quelle fatalité les rois, ces génies malfaisants, tiennent-ils encore dans leurs mains les destins de plusieurs millions d’hommes courbés sous leur sceptre de fer ? C’est une leçon bien utile pour les peuples que cette lutte de la vertu contre le crime. Ils en profiteront, on n’en saurait douter, et leur dévouement stupide pour les tigres couronnés cessera; le voile qui couvrait leur entendement est bien tombé. Législateurs français, ce sera vous qui opérerez cette révolution sur le globe. Les conspirateurs ont beau s’agiter en tout sens; l’or des rois a beau soudoyer l’intrigue et le crime, ils se débattront vainement sous le glaive vengeur du peuple; il les poursuivra jusques dans leurs derniers retranchemens, et, sur les restes hideux de l’aristocratie et du royalisme la liberté s’élèvera rayonnante et placera sur les débris des trônes les droits inaliénables de l’homme. Qu’ils étaient pervers, ces hommes criminels qui croyaient anéantir cette divinité bienfaisante ! Qu’ils étaient scélérats, ces exécrables satellites de la tirannie qui opprimaient le peuple et ses représentans et voulaient frayer une nouvelle route à la domination à travers des flots de sang, qui voulaient imiter la vertu et chez lesquels, à travers le voile épais dont ils (1) C 319, pl. 1299, p. 2. Mentionné par B‘n, 3 fruct. (suppl1). 254 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cherchaient à s’envelopper, on appercevait toute l’horreur du crime. Vous les avez terrassés encore une fois et votre énergie nous promet des destinées dignes des beaux jours de Sparte et d’Athènes. Continuez, législateurs, anéantissez les ti-rans, terrassez les factions, et le monde entier qui devra sa liberté au peuple français n’oubliera pas que les représentans de ce peuple en ont été les artisans, et vous vivrez dans la mémoire des hommes comme ces héros de l’antiquité que nous n’avons pu nous empêcher d’admirer sour la verge même du despotisme et l’empire des préjugés (1). Mention honorable, insertion au bulletin (2). c [Les admin du distr. de Neuville ( 1), à la Conv.; Neuville, 18 therm. II] (3) Citoyens représentans, un nouveau Catilina s’étoit élevé parmi vous. Dévoré d’une soif secrète il marchoit au pouvoir suprême par les sentiers détournés d’un patriotisme simulé; une municipalité rebelle sonnoit le tocsin de la révolte contre la volonté nationale; la liberté étoit menacée, les patriotes étoient opprimés, le peuple français alloit perdre en un jour le fruit de 6 années de sacrifices. Votre perspicacité, à travers du masque de l’imposture, a sçu découvrir l’homme ambitieux, votre courage a fait justice des traîtres, grâces vous en soient rendues. Pour nous, toujours attachés à l’autorité nationale, nous ne connoîtrons jamais les individus; toujours en garde contre toute espèce d’idolâtrie, nous ne serons esclaves que des loix émanées d’elle. Notre devise sera dans tous les tems : Vive la République, vive la Convention nationale ! R. Lannier ( présid .), Guérin (ve présid.), Clot-tereau, La vie, Desnoyer, Druilhes ( agent nat.), Lavinnier-Lanson. Mention honorable, insertion au bulletin (4). d [L’adminn du distr. de Mirande (5) à la Conv.; arrêté en conseil permanent le 18 therm. Il] (6) Citoyens représentants, A la nouvelle de l’affreuse conspiration que vous venés de déjouer, nos cœurs se sont d’abord livrés à l’indignation, mais les sentiments d’admiration et de reconnoissance que (1) La présente certifiée conforme : Foucquez, Débon-neau, secrétaire. (2) Mention marginale du 1er fruct. signée P. Barras. (3) C 319, pl. 1299, p. 3. Mentionné par B‘n, 3 fruct. (suppl1). (4) Mention marginale du 1 er fruct. signée P. Barras. (5) Gers. (6) C 319, pl. 1299, p. 4. Mentionné par B‘n, 3 fruct. (suppl1). nous ont inspiré votre courage et votre énergie ont bientôt succédé à ce premier mouvement. Quels sont donc ces hommes, ou plutôt ces monstres, qui vouloient substituer leur volonté à la volonté nationale, qui regardoient leur patrie comme une proye et la République comme un domaine, qui dévoient leur appartenir ? Quoi, sélérats, vous prétendiés, à l’aide d’une réputation usurpée, donner des chaînes au peuple le plus libre de l’univers ! Pensiés-vous donc que depuis 4 ans il eût versé son sang et bravé tous les fléaux de la guerre pour se donner des maîtres et relever un trône sur le pied destal de la liberté ? Croyés-vous faire courber sous votre joug un peuple fier et courageux qui fait trembler tous les rois de l’Europe ? Les monstres, ils ne voyent dans la révolution qu’une représentation pragmatique dont ils croyoient pouvoir changer la seine (sic) au gré de leur coupable ambition, comme un acteur change les décorations d’un théâtre au gré de ses désirs. Mais la liberté se rit de leurs efforts impuissants. La République sera impérissable comme elle et se lèvera triomphante sur les cadavres des traît[r]es et des oppresseurs. Avec quelle astucieuse perfidie n’avoient-ils pas cependant ourdi leurs complots ! Ils s’étoient couvert des masques les plus séduisants pour mieux tromper le peuple. On les entendoit continuelement parler de vertu et leurs cœurs nourrissoient les plus noirs des crimes; ils invoquoient sans cesse la divinité mais s’étoit pour l’outrager, car il ny a que les hommages de l’homme juste et vertueux qui sont dignes d’elle; ceux de l’homme criminel lui sont des outrages. Ils parloient de modestie et leurs cœurs étoient pétris d’orgueil; ils ne voyoient qu’eux dans la République et vouloient s’attirer des hommages qui n’appartenoient qu’à la liberté. En cela ils n’ont fait que suivre la marche de tous les factieux. C’est ainsi par exemple que Brissot et ses complices assuroient qu’ils vouloient l’indivizibilité de la République lorsqu’ils tâchoient de la fédéraliser; que Du-moulies (sic) profitoit de son attachement au gouvernement républicain tandis qu’il me (sic) visoit le rétablissement de la royauté; c’est ainsi enfin que Chaumette parloit en faveur de la liberté des cultes tandis qu’il cherchoit à établir le dogme intollérant de l’athéisme. Mais vous avés déjoué tous ces complots par votre sagesse et votre énergie; vous venés de sauver encore une fois la liberté en faisant tomber les têtes des monstres qui vouloient attenter à la souveraineté nationale. Et par là vous vous êtes acquis un titre de plus à la reconnoissance du peuple et à l’immortalité. Puisse cette terrible leçon de justice et de sévérité effrayer tous les conspirateurs et déjouer les coupables projets de tous les enemis de la liberté ! Puisse cet acte d’une injuste rigueur être le dernier que vous ayés à exercer contre les membres de la représentation nationale ! Puisse-t-il enfin corriger la nation française de cest angouement dangereux auquel elle se laisse trop facilement entrener à l’égard des hommes qui ont acquis de la célébrité ! Peuple fier et jaloux, apprends à n’estimer jamais que la vertu et à n’idolâtrer que la liberté.