[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] 369 mais cela ne suffit pas pour donner toute l’activité nécessaire au pouvoir exécutif qui se fait simultanément par tous les ministres, par exemple, les proclamations et autres actes qui sont signés par tous les ministres, et délibérés dans le conseil. Vous ne devez point, selon moi, changer cette forme ; mais vous devez donner les moyens de l’exécuter. Pour cela, je propose qu’il soit décrété que les proclamations et autres actes qui étaient signés par les ministres, seront signés encore par tous les ministres ; qui sont autorisés pour cela à se rassembler au conseil dans l’hôtel du sceau de l’Etat. (Cette motion est adoptée.) M. d’André. Voici, Messieurs, la rédaction que je propose pour les différentes motions que vous avez adoptées ce matin, relativement à cet objet : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « 1° Les décrets de l’Assemblée nationale déjà rendus, qui n’auraient été ni sanctionnés, ni acceptés par le roi, ainsi que les décrets àreudre qui ne pourront être ni sanctionnés, ni acceptés à raison de l’abseuce du roi, porteront néanmoins le nom, et auront dans toute l’étendue du royaume, la force de lois, et la formule ordinaire continuera d’y être employée. « 2° Il est enjoint au ministre de la justice d’y apposer le sceau de l’Etat, sans qu’il soit besoin de la sanction ni de l’acceptatiou du roi, et de signer tant les minutes des décrets qui doivent être déposées aux archives nationales et à celles de la chancellerie, que les expéditions des lois qui doivent être envoyées aux tribunaux et aux corps aumioistratifs. « 3° Les ministres sont autorisés à se réunir pour faire et sigoer ensemble les proclamations et autres actes de même nature. » (Cette rédaction est adoptée.) M. de Custine. Je demande à lire la proposition que j’ai faite : nul ordre donné par le pouvoir exécutif ne sera obligatoire, s’il n’est contresigné des ministres et fonctionnaires publics actuellement en place; et ceux qui les exécuteront en seront personnellement responsables. M. Bailly, maire de Paris et M. de I�aFayette, en uniforme, arrivent avec le commissaire envoyé par l’Assemblée à l’Hôtel de Ville; ils prennent place dans la salle parmi les députés. ( Murmures et applaudissements.) M. Duport, un des commissaires. Messieurs, conformément aux ordres que vous nous aviez donnés... M. Camus, se levant avec vivacité. Point d’uniforme ici ; nous ne devons point voir d’uniformes dans l’Assemblée ! Plusieurs députés se lèvent et vont entourer M. de La Fayeite. (Mouvement prolongé.) Un membre : M. de La Fayette ne doit être regardé que comme commandant de la garde nationale, et il D’est ici que pour nous rendre compte de sa conduite. Plusieurs membres : A la barre 1 à la barre 1 Un membre : Voulez-vous que la forme emporte 1- Série. — T. XXVII. le fond dans le moment de crise où nous sommes! MM. Bailly et de La Fayette vont s’asseoir auprès des ministres sur des chaises placées dans l'enceinte de l’Assemblée, le long de la barre. M. le Président. Le mouvement qui vient de s’élever dans cette Assemblée, et qui pouvait amener un malheur, le plus grand de tous, celui de diviser le parti patriote au moment où il doit se coaliser plus que jamais, au moment où ildoit voir, dans un événement funeste, les ennemis de la chose publique plus hardis, plus fiers que jamais, pour porter atteinte à notre Constitution, je dis, Messieurs, que ce mouvement peut s’expliquer d’une manière très simple, parce qu’ef-fectivement il existe deux décrets : l’un qui interdit à tout individu de délibérer et d’entrer même dans l’Assemblée nationale eu uuifurnae; l’autre qui mande M. de LaFayetie comme commandant général à son posie; il est évident, Messieurs, que pour le moment où, comme commandant, il est obligé de se porter pour le salut de la capitale, àlaqui ll� tient bien certainement la tranquillité de tout l'Etat, de tout le royaume, il est dis-je, important de sentir que, s’il fallait, pour obéir à ce second décret, que M. le commandant général parût en uniforme, il perdrait ud temps précieux et indispensablement utile pour la chose publique. (Vifs applaudissements.) Un membre : Je demande, Monsieur le Président, qu’il soit fait mention dans le procès-verbal du mouvement qu’a produit dans l’Assemblée la motion de M. Camus, et de l’explication que vous avez donnée. M. Démeunier. 11 est peut-être important dans ce moment d’éclaircir un fait très simple dans les circonstances où nous nous trouvons, au moyen duquel les décrets seront maintenus avec exactitude. M. le Président a parfaitement rendu l’opinion de l’Assemblée. Je rends une justice complète au patriotisme de celui de nos collègues qui a fait la remarque, mais j’observe à l’Assemblée qu’il n’y a aucun décret qui empêche de délibérer en uniforme. Je vous prie de vous rappeler que lorsque vous avez décrété les principes de la garde nationale sur l'article qui dit qu’on ne paraîtra pas dans les assemblées en armes, au nom du comité de Constitution, j’ai fait déposer dans le procès-verbal de ce jour-là que c’était pour ceux qui ne seraient pas de service, et que tous ceux qui étaient de service auraient le droit de délibérer, et certes, Messieurs, comment douter... (Vifs applaudissements.) Plusieurs membres : Il a raison. M. Duport. Messieurs, conformément aux ordres que vous nous aviez donnés, MM. Ricard de Séalt, de Saint-Fargeau, Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély ), Salle, Dauchy et moi, nous nous sommes rendus à l’Hôtel de Ville. Nous avons trouvé sur la place de Grève une assez grande quantité de peuple rassemblé, mais sans aucun désordre ni tumulte. Nous avons pénétré dans la salle de l’Hôtel de Ville où nous avons trouvé M. le maire et M. le commandant général. Nous avons fait part au conseil général de la commune assemblé de votre décret ordonnant au chef de la municipalité et au chef de la garde nationale U 370 [Assemblée nationale.] de se rendre à l’instant à l’Assemblée. Nous ayons cru qu’il était de notre devoir de leur rendre un compte sommaire des différentes mesures prises Ëar l’Assemblée pour la tranquillité publique. t nous leur avons indiqué en même temps, comme une disposition propre à calmer le peuple, d’afficher à la porte de l’Hôtel de Ville et sur le perron le décret portant qu’ils étaient mandés et d’annoncer également d’une façon sommaire les décrets que vous avez rendus jusqu’à ce moment pour rétablir le calme et prendre les mesures que les circonstances exigeaient. Nous avons remarqué d’une manière frappante, dans le peuple qui nous a accompagné dans notre aller et rhrns le retour; nous y avons remarqué très sensiblement, à travers le chagrin, à travers la douleur profonde qui paraît empreinte sur tous les visages, les dispositions très visibles de paix et d’union et des marques d’une entière et pleine confiance dans l’Assemblée nationale. Nous n’avons vu la tranquillité publique troublée par aucun cri, par aucun mot de division, nous avons recueilli personnellement, sur toute notre route, comme membres de l’Assemblée nationale, des témoignages évidents de respect et de confiance. Nous avons également invité M. de Gouvion, commandant en second de la garde nationale, qui pourra nous donner des détails par lui-même sur ce qui s’est passé depuis quelque temps et surtout sur ce qui s’est passé cette nuit. Nous l’avons invité, hlis-je, à nous accompagner et nous nous sommes rendus ici. Nous ne craignons pas de vous dire, Messieurs, au nom de tous les citoyens qui nous ont accompagné que vous pouvez en toute sûreté prendre toutes les précautions, toutes les mesures que votre prudence, votre patriotisme, votre courage vous suggéreront ; vous pouvez être assurés que tous les citoyens vous seconderont de leur zèle. 11 n’y a point de circonstances peut-être où ils aient marqué une soumission plus entière, un attachement plus complet à l’Assemblée nationale. M. le commandant va vous rendre compte de l’état des choses. M. le Président. M. le commandant général a la parole. M. de La Fayette se lève. Plusieurs membres : A la tribune 1 M. de La Fayette (à la tribune). L’Assemblée nationale a été instruite de l’attentat que les ennemis du bien public, dans la coupable espérance de compromettre la liberté française, ont commis la nuit dernière contre le roi et une partie de sa famille. M. le maire a pensé qu’il convenait que M. de Gouvion, à qui la garde des Tuileries était confiée, vous rendît compte des circonstances qui lui sont connues. Je vous propose de l’entendre; je dirai seulement, si l’Assemblée veut l’admettre à la barre, que je prends sur moi seul toute la responsabilité d’un officier dont le zèle et le patriotisme me sont tout aussi connus que le mien propre. ( Applaudissements .) M. le Président. L’Assemblée veut-elle que M. de Gouvion soit entendu? (Oui! oui!)... Huissiers, faites entrer M. de Gouvion. M. de Lia Fayette. M. Duport a rendu compte [21 juin «91.] à l’Assemblée des dispositions dans lesquelles il a trouvé le peuple de la capitale ; qu’il me soit permis d’ajouter que celles qu’a montrées la garde nationale, dans cette occasion, me sont la plus grande preuve que le peuple français est digne de la liberté et que rien ne pourra l’en priver. (. Applaudissements .) (M. de Gouvion est introduit à la barre.) M. le Président. Monsieur de Gouvion, l’Assemblée vous accorde la parole pour que vous lui donniez communication des détails qui sont à votre connaissance. (Un profond silence règne dans l’Assemblée.) ( M. de Gouvion. Messieurs, je demanderai à l’Assemblée nationale la permission de taire dans ce moment-ci le nom de quelques personnes sur la conduite desquelles je pourrai déposer dans un autre temps ( Mouvement à gauche) ; cependant si l’on croit que la connaissance de ces noms puisse être utile à la tranquillité publique, je suis disposé à les donner, quoique j’aie promis de garder le secret. Samedi, veille de la Pentecôte, un commandant de bataillon de la garde nationale vint me prévenir qu’on lui avait annoncé qu’il y avait dans le château des Tuileries des projets de fuite de la part de la reine qui se proposait d’enlever M. le Dauphin et Mme Royale; ce commandant me donna quelques détails et me dit qu’il tenait ce fait d’une personne sûre. Je lui dis que l’affaire était trop sérieuse pour qu’on pût se fier à la parole d’un tiers ; que je désirais voir la personne qui lui avait donné les renseignements, que cela était absolument indispensable; que du reste la personne pouvait être sûre du secret et que je ne la compromettrais pas. Le lendemain, jour de la Pentecôte, nous fûmes voir cette personne : elle me dit qu’il y avait dans le château un corridor conduisant à l’appartement de M. de Yillequier ; que c’était par là que la reine voulait s’échapper et qu’on avait fait faire des doubles clefs des portes qu’il ferme. Je donnai ensuite rendez-vous au commandant de bataillon chez M. le commandant général ; nous nous y rendîmes ; je l’instruisis des faits qui étaient parvenus à ma connaissance et il me recommanda de redoubler de zèle et de vigilance. Sous différents prétextes, je retins chez moi 20 officiers de la garde nationale qui furent chargés de se promener toute la nuit dans les cours et dans le jardin. Le lundi, le mardi, le mercredi et le jeudi, on m’a confirmé ces premiers renseignements et on est toujours entré dans des détails plus précis. On ne m’a pas parlé du roi dans ces circonstances-là. On ne nra parié que de la reine et de Monsieur le Dauphin. On m’avait indiqué que la porte par où on devait sortir était celle de M. de Villequier, et conséquemment je puis prouver que tous les jours j’ai toujours eu 5 officiers delà garde nationale chargés de veiller cette porte-là particulièrement. Vendredi, le frère de la même personne qui m’avait donné les renseignements est venu chez moi et m’a tout confirmé. Je lui ai dit : « J’ai promis le secret à votre sœur ; priez-la de me délier de mon secret pour que je puisse aller en faire part à M. le maire et qu’il prenne les précautions nécessaires. » Je n’ai pas revu cette personne-là. Samedi soir, un grenadier volontaire de la garde nationale est venu chez moi et m’a dit : ARCHIVES PARLEMENTAIRES.