[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1789.] 25 d’ajouter à la rédaction de l’article que, le cas arrivant pour l’exécution du traité d’Utrecht, il y serait statué par une convention nationale convoquée à cet effet. M. le vicomte de Macaye, député de Labour, considère la question sous les rapports de commerce, et de communication des provinces méridionales, frontières de l’Espagne ; il trouve inutile et dangereux de la traiter dans ce moment où le Roi d’Espagne peut, au premier signal, faire cesser toutes les relations d’intérêts, de spéculation, qui font subsister une partie du royaume; il ajoute que le fameux négociateur anglais qui avait conclu le traité de commerce faisait, dans ce moment des efforts pour engager 1 Espagne à traiter de commerce avec son pays. La discussion se prolonge. Enfin , plusieurs membres prétendent que le décret est rendu, et qu’il n’y a pas lieu à discuter. M. de Dazalès. Je maintiens aussi que, dans la séance d’hier, lorsque l’on alla aux voix, il n’y avait point de doute. Je demande que l’on pose ainsi la question : L’Assemblée veut-elle revenir contre le décret prononcé ? (Le tumulte et la confusion sont extrêmes dans l’Assemblée.) M. le Président parvient enfin à poser la question en ces termes : Acc'epte-t-on la proposition faite la veille par le président? oui, ou non? Il est procédé à un premier appel nominal. Le recensement des suffrages fait, la proposition de M. le président est acceptée à la pluralité des voix. M. le Président, en conséquence de ce résultat, prononce que l’Assemblée nationale accepte la proposition qu’il lui avait faite, et que d’après cette décision, il va être procédé au second appel nominal sur l’admission ou la réjection du projet arrêté par le bureau de Constitution. Il est fait lecture alors dudit projet modifié, et sur-le-champ procédé à l’appel. Le résultat en est que la majorité des suffrages (54 1 voix contre 438) adopte la rédaction proposée. M. le Président prononce alors en ces termes la décision de l’Assemblée : DÉCRET. L’Assemblée nationale a reconnu et déclaré comme points fondamentaux de la monarchie française, que la personne du Roi est inviolable et sacrée; que le Trône est indivisible; que la couronne est héréditaire dans la race régnante, de mâle en mâle, par ordre de primogé-niture, à l’exclusion perpétuelle et absolue des femmes et de leur descendance, sans entendre rien préjuger sur l’effet des renonciations. M. le Président indique pour six heures et demie la réunion du soir et lève la séance. Séance du soir. M. le Président, à l’ouverture de cette séance, annonce à l’Assemblée que le Roi l’a fait avertir aujourd’hui que Sa Majesté donnerait sa réponse demain sur la demande qui lui a été faite de sanctionner les arrêtés du 4 août et jours suivants. M. le Président rappelle que l'ordre du jour est de traiter : 1° la matière des impositions; 2° l’affaire des Juifs d’Alsace; 3° une motion sur la caisse d’escompte. M. Darnaudat, membre du comité des rapports, rend compte à l’Assemblée delà détention de quelques particuliers dans les prisons de Bernay, sur le renvoi fait par le lieutenant général du bailliage d’Orbec. — L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait à ce sujet, décrète que l’affaire sera renvoyée au pouvoir exécutif, et que M. le président sera autorisé à la recommandera M. le garde des sceaux. L’ordre du jour est repris sur les moyens de pourvoir au payement des impositions, et plusieurs membres de l’Assemblée demandent la parole. Avant de les entendre, il est fait lecture du projet de décret proposé par le comité des finances, sur le sujet de la délibération. 11 est fait une liste en deux colonnes de ceux des membres qui demandent à parler pour et contre le projet, afin de suivre l’alternative. A l’instant où la discussion est sur le point de commencer, l’un des membres fait la motion de renvoyer le projet de décret dans les bureaux, pour y être examiné avant la discussion dans l’Assemblée générale. Cette proposition est combattue, et plusieurs membres observent que le projet ayant déjà été annoncé et distribué depuis quinze jours dans l’Assemblée, il est temps de s’en occuper sérieusement, à raison de l’urgence des circonstances, et ils concluent qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion du renvoi dans les bureaux. Un autre membre insiste sur cette opinion et sur le danger que l’on courrait en retardant la conclusion d’une affaire qui intéresse, sous une infinité de rapports, le salut du royaume et la tranquillité publique. Cet avis trouve des contradicteurs, et on croit pouvoir le combattre avec succès, en cherchant à prouver que le règlement qui interviendra serait d’une si grande importance et d’une application si difficile dans l’administration actuelle de chaque province, qu’il serait impossible de le former dans toutes ses parties, et de le déterminer, avant d’en avoir pesé mûrement, et discuté de nouveau la forme et le fond dans les bureaux particuliers. Il s’élève de nouveaux débats, et des motifs plus pressants pour l’avis contraire sont présentés. M. le Président pose la question préalable sur la motion du renvoi dans les bureaux. Le vœu de l’Assemblée ayant été recueilli de la manière accoutumée, elle décide que l’ordre du jour sera continué, et que le renvoi dans les bureaux n’aura pas lieu. Un membre du comité des finances demande un instant la parole pour annoncer à l’Assemblée que ce comité aura à lui rendre compte incessamment d’un projet des plus importants, et qu’il sollicite à cette occasion une séance extraordinaire. La discussion sur l’ordre du jour étant délibérée, plusieurs membres portent successivement la parole pour combattre ou pour appuyer le projet d’arrêté proposé par le comité des finances. M. Gillet de la Jacqueuiinière, après avoir fait quelques observations sur l’objet soumis à ARCHIVES' PARLEMENTAIRES. [17 septembre, 1789.] 26 [Assemblée nationale.] la discussion, pense que'lë décret doit contenir les dispositions suivantes : 1° Que conformément au-décret du 17 juin dernier, on continuera d’acquitter les impositions courantes en la forme ordinaire; 2° Que les mêmes impositions seront continuées par des rôles semblables* depuis le l*r octobre: prochain jusqu’au lep octobre 1790'; 3° Conformément à l’article IX du décret dm 11 août, et pour en établir dès à présent Inexécution en tant qu’il1 est en elle, l’Assemblée décrète qu’il devra être fait dans chacune des municipalités du royaume un rôle de subside provisoire, au�- quel seront compris et1 imposés, dans la: même forme et dans toute détendue qui a lieu pour les biens des taillables ordi noires, les biens des ci-devant privilégiés, de quelque nature qu’ils soient!; 4° Ce rôle commencera au 1er avril, et s’étendra jusqu’au 1er octebre 17190, ce qui comprend, un intervalle d’une année et demie, à raison de quoi seront taxés lèsdits biens ; 5° Que dans les endroits ou l’imposition tailla— ble se divise en taille réelle et personnelle; lesdits biens seront soumis à ce régime d’imposition* et qu’en dérogeant à la loi qui ordonne que la taille personnelle ne sera imposable qu’au lieu du principal domicile, l’Assemblée décrète que pour les biens ci-devant privilégiés l’assiette de la taille personnelle, dans les provincesoü elle aura lieu, se fera aux rôles des municipalités où les biens sont situés. M. le baron de Monihoissier (1). Messieurs* je commence par déclarer au nom de mes comet-tants et au mien que, lorsque j’ai consenti avec joie et empressement à la suppression des privilèges pécuniaires, c’était dans la vue de soulager une partie des nombreuses calamités qui1 affligent lé peuple, et non dans l’intention de remplir le Trésor royal, patrimoine unique de beaucoup de personnes qui, ne possédant aucune autre propriété dans le royaume, se montrent toujours, dans leurs opinions, parfaitement désintéressées sur le malheur des peuples et la misère des campagnes. Je vous supplie ensuite, Messieurs, de vouloir bien me permettre d’avoir l’honneur de vous soumettre quelques vues sur une addition; qui me paraît nécessaire aux arrêtés relatifs à l’imposition et qui a la plus étroite liaison avec les principes dont l’Assemblée nationale est toujours animée et ne saurait trop prononcer les développements. Cette addition a pour objet le redressement immédiat d’un abus-qui vicie entièrement l’imposition des vingtièmes, dont l’égalité devrait faire la base, et dont le peuple ne gémirait plus, si toutes les classes de citoyens y étaient assujetties dans la juste proportion de leur fortune; Telle était l’intention du législateur, en deman-dant ce tribut; tel était le vœu de la nation, en s’y soumettant, mais chacun sait que les princes ont obtenu des arrêts du Conseil, connus sous le nom d’arrêts d’abonnement et au moyen desquels ils ne payent, dans tout le royaume, pour les deux vingtièmes et les 4 sous pour livre du premier, que la somme dé 143,000 livres. Et certes, Messieurs, je n’ai pas besoin de démontrer que cette somme n’est ni le dixième du revenu de tous les princes, ni peut-être le dixième de ce qu’ils devraient payer. (1) L’opinion de M. de Mbntboissier n’a pas été insérée au Moniteur. i Ce* n’est pas tout encore : beaucoup de particur | lier® usant’, ou plutôt abusant de leur ascendant. | sur les ministres qui se sont renouvelés tant de j fois au département de la finance, ont. également; ■ obtenu des arrêts d’abonnement qui sont tout à i la. fois une grande perte pour le Trésorpublic, un ; grand scandale pour le royaume. I J’ai l’honneur de vous proposer de décréter l’a<~ ; bolition de ces-arrêts coupables, et d’ordonner que tous les biens-fonds indistinctement soient; | frappés de l’impôt des vingtièmes. j Cette bonification ne passera peut-être pas trois | millions la première année ; mais dans un grand j empire, il n’v a point de petites-améliorations, et i ce n’est jamais un faible avantage que celui de j démontrer au peuple votre amour pour ses intérêts, votre impartiale justice, votre scrupuleuse exactitude; et ce sera enfin une sorte de consola-; tion pour la France entière, accablée sous le poids I des calamités fiscales, de voir que dans le nouveau ; régime qu’elle s’est donné, la loi peut enfin atteindre le riche et le puissant, comme elle, a* si ; longtemps écrasé le faible et l’indigent. | Je demande en conséquence que lé décret dë : l’Assemblée nationale ordonne l’assujettissement aux vingtièmes et 4 sous pour livre du premier vingtième de tous les biens-fonds que des* arrêts du Conseil avaient jusqu’à présent abonnés. J’én fais la motion expresse, et j’espère, que tous les vrais amis du peuple et de l’Etat ne dédaigneront pas de l’appuyer., M. Faydtel (L). Messieurs,, le comité des finances vous a proposé un projet d’arrêté, qu’il a jugé capable d’accélérer les recouvrements des impôts; il vous a proposé encore de décréter qu’il fût fait, en exécution de vos arrêtés du4 août dernier;, et des jours-suivants; des rôles dans lesquels on comprendrait, pour une année seulement, à compter du mois de juillet dernier, les biens privilégiés, pour une cote de contribution proportionnelle à celle dés biens taillables; il vous a�proposé, enfin; de verser dans-’ le Trésor public, le produit de cette contribution, pour soulager d’autant les ber soins de l’Etat, Sans doute, Messieurs, qu’il est instant de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour assurer, et même pour accélérer le recouvrement des impôts. C’est dans cet esprit que les membres du comité des finances ont soumis à votre sagesse le résultat de leur travail. Mais je doute que les moyens qu’ils vous ont proposés soient de nature à produire les effets qu’ils en attendent. Vous le savez, Messieurs, le peuple a conçu des espérances fort exagérées des opérations de l’Asr semblée nationale; il doit s’attendre que sa condition étant entre vos mains, elle sera aussi douce que les circonstances le permettront ; mais il est bien éloigné de croire que ces mêmes circonstances vous forceront à lui faire porter encore, pendant plusieurs années, un fardeau presque aussi pesant que celui sous le poids duquel il gémit depuis si longtemps; il se flatte qu’à l’avenir il sera aussi heureux qu’il a été à plaindre par le passé, et certes il aurait bien le droit d’y compter, si son bonheur ne tenait, qu’au zèle de ses représentants. Nous ne pouvons cependant nous dissimuler que cet avenir si consolant n’est pas si près de nous qu’il l’a pensé. Nous n’avons pas encore sondé la profondeur de la plaie de l'Etat; tout (1) L’opinion de M. Faydel n’a pas été insérée au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. nous invite néanmoins à juger qu’elle estextréme: je sais que des ressources nouvelles. vont s’offrir à nos besoins*, mais quelque étendues qu’on les suppose, elles seront insuffisantes,, et le peuple' n’y trouvera, pas, au. moins pour le moment pré-- sent, ce soulagement qu’il désire à si juste titre. L’Assemblée nationale se voit donc placée entre le vœu du peuple qu’elle représente, et. Fka possibilité' de le satisfaire sur-le-champ.. Plus, une-semblable position est délicate, Messieurs, plus elle exige de circonspection. Si; vous vous bornez, à rendre un décret qui ordonne aux contribuables. de payer, ce décret, tout juste qu’il, sera,, ne remplira pas vos vues: vous avez prononcé, le 17 juin dernier, que tous lesimpôts alors existants, continueront à être perçus de la même manière , jusqu’à ce que vous en eussiez autrement ordonné ; si cet acte authentique n’a pas eu son exécution, celui que vous porterez sur le même objet, et pour lat même fin, sera-t-il plus respecté? Il faut oser le dire, Messieurs: parmi les différentes causes qui retardent le payement des impôts, il en est une qui n’a pas été prévue, parce qu’elle dérive d’un, projet de bienfaisance, dont l’annonce a été trop précipitée: la voici, Messieurs ; je demande votre attention. A. l’ouverture de ce que nous appelions il y a quatre mois les Etats généraux, le ministre des finances nous dit que depuis plusieurs années les contribuables étaient en arrérages de deux cinquièmes de la taille, vingtièmes et capitation� se portant à 80 millions; il nous dit encore que le Roi serait porté à leur en faire la remise, et que ses vues paternelles et bienfaisantes seraient soumises à votre considération. Qn’est-il arrivé depuis? Le voici, Messieurs, c’est que presque tous ontpensé qnevousaccueil-leriez avec transport les vues paternelles de Sa Majesté, et que depuis cette époque chacun néglige de payer les impôts, afin de se trouver en arrérages, et d?avoir part à cette remise lorsqu’elle sera. définitivement arrêtée. Emportez cette cause, donnez un encouragement à la libération de ces arrérages* et; vous aurez remédié en grande partie aux: maux quii nous menacent. Je ne crains pas de le dire. Messieurs, vous devez arrêter que, vu les besoins de l’Etat, vos. cœurs souffrent de ne pouvoir décréter la remise des 80 millions d’arrérages que le Roi avait projetée, et qu’ainsi vous invitez tous les redèvablês à se libérer d’ici à un temps déterminé, moyennant, par exemple, une remise de 10 0/0 qui sera faite à-, ceux seulement quif payeront leurs arrérages avant lî époque qui sera déterminée. Il est triste, il est affligeant, sans doute, de n’avoir d’autre opinion à proposer ; il est possible même que quelques journalistes, que quelques folliculaires qui, tels que le Courrier français, et; Y Assemblée nationale ; font un trafic honteux de leur plume, en; pactisant sur les idées d’autrui, avec l’intrigue, la flatterie, la fausseté et le mensonge, dénaturent encore mon opinion, et que l’Assemblée, intéressée à faire réprimer une pareille licence, ne puisse s’eri occuper enGore;mais de semblables considérations ne doivent pas m’arrêter. J’ai la liberté, j’ai Je droit de manifester mon opinion; j’ai la force et le courage de la soutenir, lorsque je la crois bonne, comme la résignation de l’abdiquer pour une meilleure, lorsqu’on me la fait connaître. Je dis donc qu’il est instant de décréter qu’aucuns arrérages de taille, vingtièmes et capitations ne pourront être remis, à la* différence près du > [17 septembre 1789.] QJ-dixième, si les redevables payent au terme qui sera arrêté. Quand on a des besoins urgents et surtout des engagements, à remplir, quand on manque de moyens assez prompts pour acquitter cette double obligation, ce serait manquer à la foi publique que d’affecter une générosité qui entraînerait après elle un plus grand embarras dans l’acquit de ses devoirs. Rendez au peuple Ge qui lui est dû : n’exigez de lui que ce qu’il doit; allégez même, sbi est possible, sa condition.-;, voilà le vrai moyen; de ne pas compromettre la dignité' de cette Assemblée. Si, par votre décret, le peuple se trouve frustré; dans l’attente où il était d’une remise qui n’était que projetée, et que les circonstances rendent impossible, il ne faut pas qu’il soit frustré sur des droits évidents, et sur des droits surtout qui lui ont été annoncés, et dont il-attend la jouissance avec une impatience extrême. Or, ce serait le frustrer dans ses droits que: d’ordonner que le produit de l’impôt,, qui va être: mis sur lès biens privilégiés, sera, versé dans le Trésor public. Le Trésor public sera amplement dédommagé de ce défaut de versement par l’acquit des arrérages de tailles, vingtièmes et capitations, sur lesquels il ne comptait plus. Le peuple pourra s’acquitter de ses arrérages,, lorsque l’impôt à mettre sur les biens privilégiés, viendra en diminution de celui qu’il paye à leur décharge, et par ce moyen, le Trésor public et le peuple trouveront un avantage mutuel à cet arrangement. D’ailleurs, Messieurs, qu’il me soit permis de vous observer que vous ne pourriez détourner de son véritable objet’ l’impôt à mettre sur les biens privilégiés, sans manquer à vos principes, qui sont ceux de la justice et de l’égalité proportionnelle de contribution. En effet, vous n’ignorez pas, Messieurs, que les biens taillables supportent dans ce moment,. et ont toujours supporté la portion de tailles et autres impositions qui auraient dû être à la charge des biens privilégiés; vous m’ignorez pas non plus que les propriétaires des communes possèdent tout à la fois-et des biens-fonds qui sont privilégiés, et d’autres qui ne le sont pas,, de manière qu’en acquittant l’impôt des biens taillables, ils acquittent celui qui aurait dû’ être réparti sur les biens privilégiés. Or, serait-il juste, serait-il dans les-règles d’une-exacte proportion, que les communes contribuassent deux fois à l’acquit de l’impôt qui doit concerner les biens privilégiés? C’est cependant ce qui arriverait si l'impôt à mettre sur les biens privilégiés était versé au. Trésor public, au lieu de venir en diminution de l’impôt actuel des biens taillables. 11 y aurait effectivement un double emploi-qui deviendrait insupportable, puisque les biens privilégiés donneraient au Trésor public un impôt que les biens taillables supportent dans ce moment. Je vais développer mes idées par un exemple: je suppose une paroisse comprise au rôle de la taille et autres-impôts accessoires, pour une somme de 3,000 livres-; je suppose encore que* cette paroisse soit composée d’un tiers de biens privilégiés : il est évident que dans cette hypothèse,, les biens taillables supportent pour les biens privilégiés une somme de 1,000 livres. 3e suppose actuellement que les biens privilégiés soient dans les mains des propriétaires-des 28 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 septembre 1789.] [Assemblée nationale.] communes, et qu’en conformité du projet d’arrêté du comité des finances, l’impôt à mettre sur les biens privilégiés soit versé dans le Trésor public. Il est évident encore que dans cette hypothèse les propriétaires des communes supporteraient 1,500 livres pour la moitié des biens privilégiés, tandis que les propriétaires de l’autre moitié ne supporteraient que 500 livres. Or, je vous demande, Messieurs, est-ce là l’égalité proportionnelle que vous entendez être observée en fait d’impôt et de contribution? Non, sans doute. Ainsi, je propose à l’Assemblée de décréter, par forme d’amendement au projet d’arrêté du comité des finances: 1° que l’impôt à mettre pour une année seulement sur les biens privilégiés, viendra en diminution de celui qui est supporté par les biens taillables, et que, vu les besoins urgents de l’Etat, la remise projetée, au nom du Roi, de 80 millions d’arrérages de tailles, vingtièmes et capitations, ne pourra avoir lieu; 2° que tous les redevables desdits arrérages portant sur les années antérieures à la présente, seront invités à s’en libérer moyennant une remisede 10 0/0, à condition qu’ils les acquitteront d’ici à l’époque qui sera déterminée par l’Assemblée. La suite de la discussion est renvoyée à samedi soir. — On annonce ensuite qu’un chevalier non profès de l’ordre de Malte, qui ne veut pas être nommé, a porté au Trésor national une croix enrichie de diamants. La séance est levée à 10 heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE . Séance du vendredi 18 septembre 1789, au matin (1). M. le Président ouvre la séance par la lecture d’une lettre des sieurs Germain frères, qui lui adressent, pour être remis dans la caisse patriotique, un billet de caisse de la somme de 1,000 livres; d’une lettre des commissionnaires de la halle aux draps de Paris, renfermant, en billets de caisse, une somme de 1,200 livres pour la même destination ; d’une lettre de madame Le Roy, auteur d’un projet de souscription patriotique, par laquelle elle offre à l’Assemblée deux billets de caisse de 300 livres chaque, et auxquels est jointe une somme de 48 livres, que présentent à la caisse patriotique Charles Potras et la demoiselle Gos, domestiques de madame Le Roy. L’Assemblée reçoit avec sensibilité et applaudissement ces nouveaux sacrifices, et en ordonne le dépôt et l’inscription sur le registre à ce destiné. M. le Président annonce que, suivant les ordres qu'il avait reçus de Sa Majesté, il s’est rendu ce matin auprès d’Elle, et en a obtenu la réponse dont sur-le-champ il donne lecture à l’Assemblée, ainsi qu’il suit : A Versailles, le 18 septembre 1789. Vous m’avez demandé, Messieurs, de revêtir de ma sanction les articles arrêtés par votre Assem * blée le 4 du mois dernier, et qui ont été rédigés dans les séances suivantes. Plusieurs de ces articles ne sont que le texte des lois dont l’Assemblée nationale a dessein de s’occuper; et la convenance ou la perfection de ces dernières dépendra nécessairement de la manière dont les dispositions subséquentes, que vous annoncez, pourront être remplies. Ainsi, en approuvant l’esprit général de vos déterminations, il est cependant un petit nombre d’articles auxquels je ne pourrai donner, en ce moment, qu’une adhésion conditionnelle ; mais, comme je désire de répondre, autant qu’il est possible, à la demande de l’Assemblée nationale, et que je veux mettre la plus grande franchise dans mes relations avec elle, je vais lui faire connaître le résultat de mes premières réflexions et de celles de mon conseil : je modifierai mes opinions, j’y renoncerai même sans peine, si les observations de l’Assemblée nationale m’y engagent, puisque je ne m’éloignerai jamais qu’à regret de sa manière de voir et de penser. Sur l'article premier , relatif AUX DROITS FÉODAUX. J’ai donné le premier exemple des principes généraux adoptés par l’Assemblée nationale, lorsqu’en 1779 j’ai détruit, sans exiger aucune compensation, les droits de main-morte dans l’étendue de mes domaines ; je crois donc que la suppression de tous les assujettissements qui dégradent la dignité de l’homme, peuvent être abolis sans indemnité : les lumières du siècle présent et les mœurs de la nation française, doivent absoudre de l’illégalité qu’on pourrait apercevoir encore dans cette disposition. Mais il est des redevances personnelles qui, sans participer à ce caractère, sans porter aucun sceau d'humiliation, sont d’une utilité importante pour tous les propriétaires de terres : ne serait-ce pas aller bien loin que de les abolir aussi sans aucune indemnité ? et vous opposeriez-vous à placer le dédommagement qui serait jugé légitime au rang des charges de l’Etat? Un affranchissement, qui deviendrait l’effet d’un sacrifice national, ajouterait au mérite de la délibération de l’Assemblée. Enfin, il est des devoirs personnels qui ont été convertis dès longtemps, et souvent depuis des siècles, en une redevance pécuniaire. Il me semble qu’on peut encore moins, avec justice, abolir sans indemnité de pareilles redevances ; elles sont fixées par des contrats ou d’anciens usages; elles forment depuis longtemps des propriétés transmissibles, vendues et achetées de bonne foi ; et comme la première origine de ces redevances se trouve souvent confondue avec d’autres titres de possession, on introduirait une inquisition embarrassante si on voulait les distinguer des autres rentes seigneuriales. Il serait donc juste et raisonnable de ranger ces sortes de redevances dans le nombre de celles que l’Assemblée a déclarées rachetables au gré de ceux qui y sont assujetlis. J’offre ces premières réflexions à la considération de l’Assemblée nationale; ce qui m’importe, ce qui m’intéresse, c’est de concilier autant qu’il est possible le soulagement de la partie la moins fortunée de mes sujets avec les régies de la justice. Je ne dois pas négliger de faire observer à l’Assemblée nationale que l’ensemble des dispositions applicables à la question présente est d’autant plus digne de réflexions, que dans le nombre de droits seigneuriaux dont l’Assemblée (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.