[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [8 janvier 1791.) que les locaux nécessaires aux juges lui seront cédés à un plus bas prix... Vous savez qu’il y avait autrefois autour du palais et du Ctiàtelet 12 ou 15 avocats qui étaient comme des espèces de limiers, qui chassaieut les plaideurs et s'emparaient de toutes les affaires; il faut détruire cet abus par une sage distribution des tribunaux. Tous les quartiers de Paris ont également droit à la résidence des juges. M. Buzot. Vous avez décrété qu’il y aurait à Paris six arrondissements de tribunaux, vous n’avez fias voulu qu’ils pussent sortir de leur arrondissement; or, en les réunissant dans un même local, il y en aurait cinq qui habiteraient un territoire étranger; jamais vous ne pourriez empêcher le peuple de regarder ces six tribunaux comme un même tribunal divisé en six chambres. Que deviendrait l’illusion de l’appel?... Ajoutez à cela lts dangers des trop fréquentes relations et de la trop grande familiarité des juges et des avoués entre eux, il en résulterait un esprit de corps tel que celui qui existe déjà dans les départements. J’appuie la question préalable. M. Roederer. J’appuie aussi la question préalable sur le projet de décret du comité. Vous avez décrété que tes frais des tribunaux seraient payés par les districts; il s’ensuit par cette seule obier-vation que les tribunaux sont, non seulement sous le rapport de la justice, mais aussi sous le rapport des dépenses, la propriété de chaque district ( Applaudissements ) auquel on a donné le tribunal. Cela posé, chaque district, chaque arrondissement doit profiter des avantages locaux attachés à l’établissement public. Il doit voir refluer vers lui les dépenses qu’il fait pour le tribunal, en ayant autour de ce tribunal tous les avoués qui doivent en faire le service; et, au surplus, il y a une aussi grande disconvenance à placer hors des limites de chaque district le tribunal qui est propre à chacun d’eux, que si l’on faisait transférer le district d’un lieu fort séparé parla nature dans un autre district. (L’ Assemblée, coi sultée, décide qu’il n’ya pas lieu à délibérer sur le projet de décret du comité#) M. de La Rochefoucauld, rapporteur du comité de l imposition. Messieurs, je suis chargé, au nom du comité de l’imposition, ue présenter un projt t de decret relativement à une proclamation du département de la Gironde. Cet objet est très pressé, mais tiendra peu de temps. Je m’explique. Messieurs, vous avez décrété, le 22 septembre dernier, que tous les droits et impositions seraient prorogés jusqu’au moment très prochain d’un nouveau mode de contribution publique. Ce décret est général et n’admet aucune réserve. Le directoire du département de la Gironde ayant mal interirété un de vos décrets, a cru, d’après celui du 19 juillet, que certains droits devaient cesser le 31 décembre, parce que dans l'acte de leur ertationei dans les arrêts d’enregistrement des tribunaux avait été portée la cessation de ces droits, annoncée pour le 31 décembre 1790. Ce directoire, d’après le décret du 19 juillet, dont voici la teneur : « Toutes les contributions continueront d’être perçues de la même manière qu’elles l'ont été précédemment, à motus que leur extinction et suppression n’aient été expressément prononcées », a pensé que l’extinction de ces droits, prononcée par leur édit de création, devait cesser effectivement cejour-Ià. Mais ce directoire ne s’est pas rappelé le décret du 22 septembre, relatif aux droits sur les boissons, uroits réservés et autres, car les droits dont il a déclaré la cessation le 31 décembre sont dans la classe des droits réservés, comme on peut s’en con vaincre à la lecture du décret, où il dit que les droits sur les boissons, vendanges, continueront provisoirement d’être perçus et levés de la même , manière qu’ils l’étaient précédemment. Cependant, partant d’une fausse interprétation de votre décret ou 19 juillet, sans faire attention à celui du 22 septembre, le directoire a fait une pioclamation qui a été affichée à Bordeaux et sur laquelle tl a arrêté, ouï M. le procureur général syndic, que le droit de don gratuit et les sols pour livres en sus de ce droit devaient cesser le 31 décembre, ainsi que les quatre sols pour livre sur les droits d’octroi. Vous ne pouvez pas, Messieurs, laisser subsister une proclamation aussi contradictoire avec votre décret du 22 décembre. Le patriotisme de ce directoire est trop connu pour croire qu’il ait agi autrement que par erreur. Nous vous proposons, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, instruite que le directoire du département ne la Gironde, se méprenant sur le sens des décrets des 19 juillet, 22 septembre et 22 décembre derniers, a fa t cesser la perception du don gratuit et des sols pour livre de ce droit dans différentes municipalités dudit département, et celle des quatre suis pour livre du droit d’octroi, perceptions qui ont été expressément pror» gées par les susdits décrets des 22 septembre et 22 décembre, jusqu’à l’etablissement très prochain du nouveau mode des contributions publiques, déclare la pr. clamation du directoire du département de la Gironde, eu date du 30 décembre dernier, nulle et comme non-avenue ; « Et décrète que le président se retirera dans le jour vers le rui, pour le prier de taire exécuter le décret du 22 décembre dernier, dans le département de la Giroude, et partout où besoin sera. » (Ge projet de décret est adopté). M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité de l'imposition sur le droit de timbre. M. de Folleville. Ce projet nous a été distribué; mats il n’est précédé d’aucun rapport et cependant un rapport est ici très nécessaire, car il faut connaître à combien se montera ce droit de timbre. On l’a porté dans un tableau à 28 millions ; mais on ne vous a pas présenté les bases de cette contribution. Il serait possible, d’un côté, que I on eût mal calculé ; de l’autre, que le rapport fit naître des idées pour la uiscus-sion. Je demande que le rapport soit imprimé et distribué aux membres de l’Assemblée. M. Roederer, rapporteur du comité de l'im* position. Je le tiens à la main et je suis prêt à en donner lecture. M. de Folleville. Mais il faut pouvoir méditer dessus. M. Roederer, rapporteur. Si l’Assemblée, après avoir entendu le rapport, veut, aiusi que 85 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 janvier 1791.) M. de Follevi Ile le désire, le méditer, elle exprimera son sentiment. (On demande la lecture du rapport.) M-Rœderer, rapporteur (1). Messieurs, le comité de l’imposition vous apporte le projet du droit du timbre qui, joint à la partie très réduite des droits d’entrée des villes dont il croit la conservation inévitable, doit complet' r le svs-tème de contribution nécessaire pour l’année où nous entrons. Le droit de timbre a été en quelque sorte demandé par l’opinion publique, nui a toujours peine à se dé larer pour un impôt ; cependant la faveur accordée à celui-ci n’a pas levé les difficultés de sm opération. On s’accorde également à demander un droit de timbre; mais on attache des idées fort différentes à ce droit. Les uns entendent qu’il embrassera telles parties, et d’autres qu’il les laissera à l’écart. Les uns le veulent fixe, les autres le veulent graduel suivant les actes; les uns en espèrent 15 millions, les autres 50, 60, 80 millions. Plusieurs s’attendent au timbre des Anglais, plusieurs aussi au timbre des Hollandais, d’autres au timbre proposé aux notables et accepté par eux en 1787. Il est peut-être aus�i, dans le public, des personnes qui se passionnent nour ce genre d’impôt, sans en avoir aucune idée; uniquement parce qu’il remplacera ce qu’ils connaissent trop bien et dont ils croient que li rigueur ne peut être surpassée par aucune autre, uniquement pour changer d’impôt, comme on peut croire qu’on trouve quelquefois du délassement à changer de travaux. L’accord général en faveur du droit de timbre repose donc sur le mode de sa perception, qui parait généralement susceptible de dooceur et d’écnomie compatible avec les principes de la Constitution. L’opinion publique ne nous a donc donné de sécurité que sur la possibilité de bien faire: elle vous a laissé, Messieurs, le choix des moyens. Pour juger le plan que nous vous présentons, il faut d’abord que vous vouliez bien fixer votre attention sur la nature du droit de timbre, et sur les effets qu’il peut produire. Lfi timbre dans lui-même n’est pas, corn e on le croit assez ordinairement un impôt, particulier; c’est seulement une manière de percevoir plusieurs impôts d’une nature différente; elle produit donc des effets divers, suivant les objets auxquels elle s’applique. Le timbre peut être un impôt direct sur les propriétés foncières, sur les propriétés mobilières, ou sur les salaires publics, ou sur les consommations : il peut être l’un et l’autre, il peut être la réunion de tous. En Angleterre il est la réunion de tous : les Anglais ne connaissent point de droit d’enregistrement pour les conventions; ils lèvent un droit de timbre sur le papier destiné aux actes de cette nature. Il est fixe à un certain taux, et au-dessous il varie, non suivant la nature de l’objet, mais suivant la nature de l’acte. Cette première partie d’impôt frappe sur toute espèce de propriété foncière et mobilière ; la seconde partie du même impôt, en Angleterre, se réduit à un droit de levée sur les patentes expédiées pour certaines occasions par la couronne, et sur certains actes judiciaires. On timbre aussi des permissions nécessaires pour l’exercice de certaines facultés ou professions. On vend ces permissions un prix (1) Nous empruntons ce document au Journal logo-graphique, tome XIX, page 405. déterminé. On paye un droit de timbre pour la permission de chasser, de vendre de-5 liqueurs, du vin, de la bière, et cela indépendamment des droits établis sur la fabrication de ces différentes boissons; car on fabrique jusiu’au vin, et le gouvernement retire de cette fabrication malfaisante environ 3 millions, qu’il trouverait aisément sur l’entrée des vins français, s’il laissait les droits auxquels ils sont soumis. Enfin, en Angleterre on timbre les cartes, les dés, les gants, les chapeaux, les gazettes, les pamphlets. Eu Hollande ce droit n’est pas poussé si Imn, même sur les propriétés : on y perçoit un droit s ir les successions, qui n’a rien de commun avec le timbre, à peu près dans la même forme que le droit sur l<*s succesHons chez les Romains. Il y a un autre dr it sur toutes les ve tes et obligations, semblable à notre droit d’enr gistrement, si ce n’est qo’il ne hausse pas comme le nôtre, à proportion de la valeur de l’objet. Point de droit do timbre sur les actes judiciaires, mais il y en a sur les testaments, qui doivent être écrits sur le papier timbré, dont le prix est proportionné à la valeur de l’objet légué. D’après cet exposé, vous voyez déjà par les dispositions de vos décrets sur les droits d’enregistrement, que vous avez fait beaucoup mieux nue nus voi-ins. En effet, en assujettissant au droit d’enregistrement les actes judiciaires et tous les actes civils passés en forme authentique, vous avez rendu à la fois ce droit et plus ju te pour les redevables, et plus profitable pour lu Trésor public; car nous croyons bien qu’on entendra, par droit de timbre, le droit d’enregistrement que vous avez décrété. Ce droit a cela d’avantageux, que la perception en est économique, sans vexation, le produit assuré et hors de toute atteinte. Il est vrai que, d’un autre côté, il a di s inconvénients, les voici : il attaque les propriétés d’une manière très inégale, puisque la fréquence des mutations est très différente et très accidentelle. De plus, il embarrasse la vente des propriétés, par conséquent la division, qu’il est si important de favoriser. 11 détruit les capitaux, et par là les moyens de reproductions et de richesses nationales. Il est donc essentiel de laisser ce droit au point où l’Assemblée nationale a cru nécessaire de s’arrêter. On nous permettra de redresser un compte. En Angleterre, nous a-t-on dit, le timbre produit 30 à 40 millions, pourquoi borner votre droit à 27? Vous en pouvez retirer 50 ou 60. Les Anglais ont mis sous un même nom deux impô s que nous établissons sous deux dénominations et deux formes différentes. Séparez de leur droit de timbre ce que nous appelons droit d’enregistrement, leur timbre au lieu d’être porté à 30 ou 40 millions, se réduira à 15, et le nôtre sera du double ; ou bien ajoutez 27 ou 30 millions résultant de notre timbre, 20 ou 40 millions résultant du droit d’enregistrement, vous aurez 67 à 70 millions. Notre rapport se borne à ce qui regarde les actes civils authentiques judiciaires, les actes sous seing privé, les effets de commerce. La première question qui s’est présentée à nous est relative au timbre des actes sous seing privé : Les droits seront-ils proportionnés aux sommes, ou seront-ils uniques et uniformes? Le droit progressif pour les ac;es sous seing privé nous a paru une inju-tice, parce qu’en général il n'est pas, comme le droit d’enregistrement, le prix d’un salaire public; et que d’ailleurs le droit du timbre progressif sur les actes privés est déjà