C [Assemblée aatiouale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 féyriep 1791.J PREMIÈRE ANNEXE. Exposé sommaire des événements arrivés a Nîmes les 2, 3 et 4 mai et jours suivants, 1790. Ou a publié avec tant d’affectation que la cocarde bl inche substituée à la cocarde nationale avait été la cause de l’émeute arrivée à Nîmes les 2 et 3 mai dernier, qu’il est essentiel de commencer par réfuter invinciblement cette fausse allégation. En novembre 1788, la cocarde blanche fut arborée à Nîmes comme le signe du patriotisme et de la liberté. En août 1789, époque de la formaiion de la légion nîmoise, les volontaires prirent la même cocarde, et plusieurs compagnies de la légion ne l’ont jamais quittée depuis ce moment. G’est un fait notoire et positif, consigné dans une délibération du conseil général de la commune, ainsi que dans un procès-verbal, qui sont sous les yeux de l’Assemblée. 2Ü,00U témoins attestaient ce fait s'il était nécessaire; ils ajouteraient qu’il étau assez indifférent, dans Nîmes, de porter une cocarde ou de n’en pas purter, de la porter blanche ou aux couleuia de la nation: on n’y mettait aucune im-por ance, parce que les unes' et les autres étaient également dans Nîmes le signal du patriotisme et de la liberté: ils ajouteraient encore que les membres du conseil permanent (dont plusieurs sont membre-du club dénonciateur, et ont signé l’adresse), ont vu pendant plusieurs mois, lorsqu’on montait la garde en leur présence, plusieurs Cumpagnies de la légion porter lu cocarde blanche sans faire aucune observation. Ce fait est attesté par 60 officiels ou sous-of liciers légionnaires qui aitesteni que jusqu’au 2 ou 3 mai les légionnaires portaie X indistinctement la cocarde blanche et la cocarde aux trois couleurs. Le certificat original avec les 60 signatures est déposé entre les mains du comité. Il est donc bien évident qu’il ne faut pas attribuer aux cocardes blanches l’émeute arrivée à Mimes les 2 et 3 mai, puisqu’on les por.ait depuis longtemps sans aucune contradiction. Quelle a donc été la cause de cette émeute? L’agression de quelques membres du régiment de Guyenne et de quelques légionnaires, qui ont donné des coups de sabre à des citoyens sans armes. Ce fait est prouvé. Qui les a excités? La réponse à cette question se trouve consignée dans les procès-verbaux et dans les déclarations d’environ 100 témoins qui y sont relatés. Mais il ne faut pas anticiper sur les événements, ni sur le rapport du comité des recherches quand toutes les pièces lui seront parvenues. Le mai, planté le 1M mai à la porte du maire par des citoyens et des légionnaires, n’a pas donné lieu à l’insurrection: 1° parce que les légionnaires qui l’ont planté ne portai-nt pas la cocarde blanche; en effet ils savaient que le maire n’en souffrait pas chez lui de cet e sorte, et que, ou moment de son installation, il n’avait cessé de déclarer hautement que le roi et la nation ne faisaient qu’un, et étaient inséparables, et que le roi lui-mème ne por tait que des cocardes aux couleurs de la nation ; 2° parce que le mai était orné de rubaus et de festons aux couleurs de la nation ; 3° parce qu’aucun de ceux qui élevèrent m. le mai ne prit part à l’émeute; 4° parce qu’il n’est pas exact que le maire ait donné un déjeuner ni même de l’argent pour se régaler, aux citoyens qui ont planté le mai. Fidèle à ces principes il leur dit que l’amour et l’attachement ne se payaient dignement que par l’amour; que dans un moment de calamité, il ne fallait ni repas ni réjouissances, et il promit de doter deux filles d’agriculteurs pauvres et vertueuses, choisies à la pluralité des voix, par ceux qui avaient planté le mai; et voilà le prétendu déjeuner annoncé dans l’adresse et répété avec tant de complaisance par tous les journaux. il est encore un autre fait qui manque d’exac-titu te ; il est relatif ;iu congé obtenu par le maire de Nîmes. M. de Marguerittes, dit-on, demanda un congé de six semaines; c’était le 6 mars; il aurait dû être de retour le 18 avril; mais il écrivit à l’Assemblée nationale pour demander une prolongation de trois semaines. Elle ne l’accorda pas; c’était un refus et M. le maire y est encore. Que d’inexactitudes ! Ge n’est que le 13 mars et non le 6 que le congéa été signé ; le maire neput partir que le 14. Il a demandé le 16 avril une prolongation de trois semaines; il a reçu le 1er mai réponse de M. le présid nt; il s’est rendu sur-le-champ à l’hôtel de ville; et il a remis sur le bureau le dire qui a donné lieu à la délibération suivante du conseil général de la commune du 2 mai et s’est retiré. Voici le terme de la délibération : « Du dimanche deuxième mois mil sept cent « quaire-Yingt-dix, heures de 3 après-midi, le « conseil général de la commune, assemblé « dans la salle de l’hôtel de ville, et présidé par « M. Murgeas, premier officier municipal, en « l’absenco de M. le maire. » « Présents et opérants MM ..... « M. Murgeas a dit: « Messieurs, en exécution du renvoi fait par « votre délibération d’hier, vous allez procéder « à la lecture du dire remis sur le bureau par « M. le baron de Marguerittes, maire, et à l’ar-« rêté qui doit en être la suite; ce dire est conçu « en ces termes : « Vous savez, Messieurs, quel triste spectacle « s’est offert à nos regards à l’entrée de notre « carrière municipale. « Des magasins presque dépourvus de grains; « la caisse de la ville entièrement épuisée : la « stagnation des fabriques augmentant chaque * jour la détresse de 10,000 de nos conci-« toyens, l’impossibilité, faute de moyens et de « numéraire, de continuer les ateliers de cha-« rite et de prolonger les secours pécuniaires « accordés chaque jour aux chefs de famille, qui « ne vivent que du produit de leur industrie. .< Tel était l’état déplorable où se trouvait la « commune, quand la nouvelle municipalité est « entrée en fonctions. Quel heureux changement « n’avez-vous pas opéré? Quelles ressources n’a-« vez-vous pas trouvées dans l’activité de votre a zèle? 20,000 quintaux de blé achetés par vos « soins ne laissent plus aucune crainte sur les « subsistances d’une population nombreuse, et « sur la certitude de tenir le pain du pauvre au « plus bas prix possible. Une quête faite par « vous a procuré les fonds nécessaires pour con-« tinuer les distributions du comité de bienfai-« sauce jusqu’au 20 mai, temps auquel les bras « ne suffiront pas même aux travaux de la 324 [Assemblée nationale.] « campagne. Malgré la rareté du numéraire, le « payement des ouvriers employés aux ateliers * de charité assuré jusqu’à la même époque, par « des fonds appartenant à la ville, et dont vous « avi z fait rentrer une partie. Tels sont les tra-« vaux utiles et importants qui ont exigé one « vigilance continuelle depuis l’instant où vous « avez pris les rênes de l’administration. « J’ai élé assez heureux pour concourir avec « vous à ces opérations vraiment paternelles ; et « je n’ai pas dû résister aux sollicitations léité-« rées des représentants de la commune, pour « demander aux représentants de la nation une « prolongation de congé de 3 semaines, delai « que vous avF z jugé nécessaire pour achever « plusieurs opeiations déjà commencées, telles « que la coéquation, la faction du compoix ca-« baliste et l’imposition des biens ci-devant pri-« vilégiés. « Je me suis adressé suivant l’usage à M. le « président de l’Assemblée nationale pour ob e-« nir cette prolongation, qui ne m’a élé ni re-« fusée ni accordée ; ce silence m’impose le de-« voir d’aller reprendre, sans delai, le poste « honorable que je n’ai quitté que pour me rendre « à vos devoirs. « Je ne dois pas vous dissimuler, Messieurs, « que ma conduite et mes principes ont été ca-« lomniés d’une manière atroce auprès du Sénat «auguste qui préside au destin de l’empire; « divers avis me l’annoncent : le croiriez-vous? « La prolessiou de foi que j’ai faite publiquement « et dans toutes les occasions, de mon attache-« ment inviolable à la Constitution, mon exaeti-« tude scrupuleuse à la faire observer, la con-« formité constante de ma conduite avec mes « discours, n’ont pu me garantir d’une imputa-« tion qui cesse d’être dangereuse à force d’être « maladroite. Le chef de cette municipalité se » doit à lui comme à vous, de vous dénoncer « cette noirceur qui ne l’intimide ni ne l’étonne, « j’ai maintenu la paix parmi mes concitoyens, « malgré les entreprises les plus répréhensibles; « c’était mon devoir, c’était le vœu le plus cher « de mon cœur, c’était l’unique but de mon « voyage et de mes efforts. « L’honnête homme, le bon citoyen, le sujet « finèie peut être à l’abri de la médisance, et « non de la calomnie. Qui l’a éprouvé plus que « moi dans une carrière uniquement cm, sacrée « à l’utilité et à l’avantage de ceux-là même qui « ont osé m’inculper injustement? « Je ne me permettrai plus aucune réflexion; « je remets mono ire sur le bure au, et je me retire, « pour laisser aux représentants de la commune, « témoins ne ma conduite, le libre exercice du « droit qu’ils ont de la condamner ou de la jus-« titier aux yeux de la France entière. « Sur quoi le conseil, pénétré de douleur du « départ annoncé par M. le mane ; justement in-«■ cligné de la cause qui, malgré le vœu du peu-« pie et le désir ardent de la municipalité, le « nécessite; se repliant sur lui-même, pour dé-« couvrir dans la conduite de l'administration et « du digne chef avec lequel elle est identifiée, « la cause des calomnies qui le portent à se ren-« dre à l'Assemblée nationale ; ne voyant dans « sa propre conduite que des actes de patriotisme « et d’amour de Forme, une soumission entière « aux décrets de l’Assemblée nationale, une sur-« veillauce assidue à ia sûreté et à la tranquil-« lné publique, une sollicitude continuelle à « pourvoir aux besions du peuple, voyant encore « dans M. le baron de Marguerittes, qui dirigeait [19 février 1791.1 « tous ses travaux, le sacrifice généreux du « soin de sa santé, de sa fortune et de son repos, « pour ne s’occuper que de remédier au déla-« brement de la chose publique; les caisses vides « et les besoins accrus par l’inertie du commerce ; « la misère toujours reuai-sante, et 1a généro-« sité déjà épuisée; les subsisiances augmentant « de prix, et la consommation se multipliant par « l’afflaeiic" d-s étrangers, qu’attirait le taux du « pam, soutenu le même uans Nîmes, malgré « l’augmentation sur lej grains; la tranquillité, « la sûreté publique raffermies, malgré l’effer-« vesc nce si souvent excitée par les passions, « transformées en opinions, plus ou moins « dangereuses ; enfin, une police tout à la fois « indulgente et sevère, qui a su prévenir lescri-« mes, au point qu’aucun meurtre, aucun incen-« die, aucun vol, aucun desastre public n’ont « souillé l’époque de l’administration et la durée « du séjour de ce chef, qui mérite à si juste ti-« tre l’amour et la confiance que le peuple a « manifestés. « La municipalité considérant néanmoins que, « puisqu’une pareille conduite, constamment « soutenue, n’a pas mis son chef et conséquem-« ment elle-même à l’abri de la calomnie, ce « n’ttait point dans cette conduite irréprochable « qu’il fallait en chercher ia cause première ; et « c’est avec douleur que, saisissant le fil que lui « a donné une foule d’indices frappants, elle a « décou ert que le mécontentement de quelques « individus dont l’ambition avait été déçue, et « l’effervescence de l’oAmou religieuse dans un « petit nombre d’autres, en étaient le foyer uni-« que et le mobile de tous les mouvements; mais « elle a vu eu même temps avec satisfaction que « la masse des citoyens, toujours dirigée par son « devoir, toujours soumise aux lois, toujours « estimable par sa modération, quelle que fût « celte même opinion, n’avait aucune part ni à « leurs erreurs, ni à leurs excès. « Considérant, enfin, qu’il suffira sans doute « aux individus égalés de leur faire connaître *. l’énormité et le danger de leur faute pour leur « en inspirer une juste horreur et pour les ra-« mener à cet esprit de paix et de tolérance au-« quel la municipalité les exhorte; esprit qui, « quelle que soit leur opinion, est si nécessaire « pour élablir solide. uent les bases de la Consti-« lution; qui leur suffira encore, pour éteindre « toute animosité, d’observer que c’est se décla-« ier véritablem nt ennemi de c tte Constitution « que d’abuser, pour introduire l’insubordination « et l’anarchie, des mêmes formes qu’elle a éta-« blies pour conserver à l’homme ses droits, au « peuple sa liberté; que la municipalité est non « seulement composée d’hommes librement choi-« sis par le peu [rie, mais encore qu’elle est re-« vêtue de l’autorité de la loi qu’on doit re-peeter. « Le conseil, se bornant à l’objet immédiat du « dire de M. de Marguerittes, a unanimement « délibéré de manifester ut de consacrer les sen-« tiuients d’estime et de reconnaissance que lui « ont inspirés les vertus et les talents de M. le « maire dont l’absence, néces.-itée par les cir-« constances, lui font encore plus sentir l’étendue « de lui témoigner le regret d’autant plus vif « d’être privé de ses lumières, que les efforts « des méchants pour l’arracher à sa patrie, lui « font pressentir des temps encore plus difficiles « et plus orageux. Mais tandis que ces égards « pour les vertus de son chef obligent le conseil « de retenir les élans du peuple qui ne le voit « partir qu’avec la plus grande peine, il a encore ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 février 1791.] 325 « unanimement délibéré de supplier l’Asspmblée « nationale d’accnrder à M. le maiie un nouveau « congé essentiel [tour achever l’ouvrage de la « conservation de la chose publique et pour « consolider la paix et la tranquillité dans une « ville où sa vigilance infatigable les a mainte-« nues jusqu’à ce jour. « Délibéré, de plus, que la présente délibéra-« tion sera imprimée, si besoin est; qu’un extrait « e i sera adressé à M. le Président de l’Assem-« blée nationale, et qu’un autre extrait en sera « remis à M. le maire. » (Extrait des registres de l'hôtel de ville de Mmes et collationné sur l'original.) Signé : Berdincq, secrétaire-greffier. Au moment où l’on signait cette délibération, prise en l’absence du maire, et sans doute pour que la paix ne fût pas de [dus longue durée, quelques soldats et sous-officiers du régiment de Guyenne, qui avaient été trompés, régalés et provoqués par des liqueurs, insultèrent à la promenade et maltraitèrent des citoyens paisibles, sous prétexte qu’ils portaient des cocardes blanches, que l’on avait toujours portées sans trouble et sans inconvénient, ils fondirent, à coups de sabre, conjointement avec quelques légionnaires des compagnies n08 1 et 17, sur des hommes désarmés, ei non seulement sur ceux qui avaient des cocardes blanches, mais sur ceux qui n’en portaient pas, mais sur ceux-là même qui en portaient aux couleurs de la nation : fait attelé dans un procès-verbal par plusieurs témoins. Ce qui prouve que les cocardes blanches n’ont servi que de prétexte aux malveillants. En un insiant l’alarme devient générale; on annonce qu’il y a une émeute sur le grand cours. A peine le maire en est-il i struit, qu’il se rend à l’hôtel de ville; il y trouve le nommé Roger, le fils, ensanglanté et blessé d’un coup de sabre à la tête, et déclarant à AM. les officiers municipaux « que sur le cours, « une partie du peuple était dans une émotion « extraordinaire contre des soldats de la gar-« nison, l’un desquels lui a asséné le coup dont « il a été frappé. » Sur-le-champ MM. les officiers municipaux requièrent la compagnie de la légion nîmoise, n° 25, qui montait la garde de jour à Dhôtel de ville, de les suivre. MM. Razo: s, Pomier, l’abbé de Bel-mont, de Cabiières et Former restent pour tenir le bureau ; le maire, MM. Murgeas, Du Roure, Gaillard et autres officiers municipaux, et Vidal et Boy r, procureur de la commune et substitut, revêtus' de leurs écharpes, se rendent à pas redoublés sur la promenade; ils trouvent un peuple immense, depuis le bas du petit cours jusqu’à l’extrémiié du grand, et plusieurs femmes en pleurs, qui criaient que l’on assassinait leurs frères, brnrs maris, leurs enfants. Le premier soin du maire, en entrant dans la foule, fut d’exhorter les citoyens, au nom de la loi et du roi, de se retirer paisiblement, ce que plusieurs exécutèrent. D’auires entouraient MM. les officiers municipaux et demandaient justice. Le maire, devançant ses collègues, parvint le premier à 100 pas de la maison de M. de La Cost’’, négociant; il aperçoit plusieurs citoyens ensanglantés, et le peuple extrêmement irrité contre des sous-officiers ou soldats du régiment de Guyenne et contre quelques volontaires de la légion, compagnies n08 1 et 17. Il aperçoit des soldats poursuivant, le sabre à la main, le peuple qui se défendait à coups de pierre, et dont le nombre, grossissant successivement, les poursui’ vit bientôt à son tour. L’instant était décisif ; le maire s’élance du haut du cours dans la rue Basse; il fend la foule; il se précipite, sans hésiter, au milieu des soldats de Guyenne et des volontaires; il les couvre de son corps; il parvient heureusement, par cet acte courageux, à contenir dans le premier moment la fureur populaire et à suspendre une gtêle de pierres, dont les agresseurs allaient être les victimes. Cependant MM. les officiers municipaux travaillaient à calmer les esprits, et, répandus dans la foule, engageaient, au nom de la loi, les citoyens à se retirer; mais le peuple acharné demandait à grands cris « vengeance des coups de sabre donnés à des citoyens paisibles et désarmés » ; il voulait que ses assassins (telles furent ses expressions) lui fussent livrés. Le maire, fidèle à son poste, étendant les bras, leur faisait un bouclier de son corps et parvint à fai e entrer dans la maison de M. de La Coste, successivement et sains et saufs, tant les soldats que les légionnaires agresseurs; il fit aussitôt fermer la porte et plaça 12 volontaires, avec M. Gaillard-Malarte, capital ne et un officier mu icipal, pour défendre l’entrée de la maison qui n’essuya d’autres dégâts qu’une vingtaine de carreaux de vitre cassés. Il annonça au peuple que cette maison et ceux qu’elle renfermait étaient sous la sauvegarde de la loi. Au même instant, le maire et le substitut du procureur de la commune aperçoivent un volontaire de la compagnie La Coste , n° 17, qu’on traînait par les cheveux dans la boue, et que la multitude voulait assommer parce (qu’il avait donné, disait-on, des coups de sabre à plusieurs citoyens. Le maire et le substitut volent à son secours, parviennent à lui et le sauvent en promettant au peuple que justice lui serai1 rendue, mais en lui observant que la loi défendait de se la faire à soi-même. Le procureur de la commune rendit le même service au nommé Barry, volontaire de la compagnie n° 1, un des premiers agresseurs : il le dépose lui -même. Cependant, MM. les officiers municipaux se dispersent au milieu de cette foule immense et, tandis que les uns se ren lent vers la fontaine, au-devant de quelques compagnies armées (1) pour arrêter leur marche ou la diriger suivant le besoin, les autres dirigent leurs pas vers les casernes pour contenir les soldats et leur annoncer que leurs camarades étaient en lieu de sûreté. Cette précaution était d’autant plus instante, qu’un honorable membre du club excitait les soldats de Guyenne, qui des casernes s’avançaient paisiblement vers le cours, en leur disant que le peuple égorgeait leurs camarades et ajoutant: « Courage, mes amis; allez, frappez fort, nous vous soutiendrons » Ce fait est attesté par plusieurs témoins, notamment par les 20 23, capitaine et officier de la légion, et par le 41, dont la déposition mérite d’être rapportée. « S’est présenté M. de Salignac de Fénelon, « lieutenant de la compagnie de la Garlière du « régiment de la Guyenne, après serment ...... « sur les interpellations ...... « A déclaré que dimanche dernier il était à « la comédie; que, sur le bruit qu’il entendit du « côié du cours à environ six heures du soir, il (1) Il n’est pas inutile de faire observer que les compagnies n°s 1, 5, 10, 17, se trouvaient rassemblées d’avance et prêtes atout événement. 3§g [Assemblée nàticmalè.] * en sortit avec MM. les officiers de Guyenne « gui s’v trouvaient aussi; qu’arrivés à l’êxtré-« mite de la salle de spectacle du ( ôté du nord, « il vit quelques bourgeois qu’il ne connaît pas, ti exciter le nommé Dubois, sergent de la com-« pagnie de Champeron du régiment de Guyenne, « à se porter sur le grand cours, lui disant que •• le peuple égorgeait ses camarades; qu’à l’ins-« tant ledit sergent, mettant le sabre à la main, « s’écria : A moi , Guyenne ! Qu’aussitôt environ s 20 chasseurs du même régiment accoururent « le sabre à la main et se disposèrent à courir « dans l’endroit nue lesdits bourgeois dési-« gnaient; que ledit sieur de Salignac courut « sur ledit Dubois, sergent, et le prenant par le « collet, lui dit : Malheureux! au allez-vous faire ? « Vous devriez contenir les soldats, et vous êtes « le premier à les exciter au carnage? Que ledit « sous-officier mit à l’instant son sabre dans le « fourreau et ai la ledit sieur déclarant à con-« tenir les chasseurs et à leur faire remettre leur « sabre dans le fourreau; que les susdits bour-« geois, au nombre de 5 ou 6, répétèrent au dé-« clarant qu’cn égorgeait dés soldats deGuyt n te '• sur le grand cours; que ce dernier, adressant « la parole auxditsi sergent et chasseurs : Voilà * les gueux , en désignant lesdits bourgeois (1), « qu'il faudrait punir parce qu'ils vous trompent « et qu'ils veulent vous faire donner dans le « piège ; qu’ayant vu arriver M. le procn-« reur de la commune, avec un officier muni-« cipal, exhorter le peuple à se retirer, en an-« nonçant que tout était calmé, ledit sieur * déclarant se retira au quartier où l’on battait « la générale; qu’en se retirant un bourgeois, « s'approchant de lui, le prit par le bras et lui « dit : Vous faites bien de faire retirer votre * troupe ; que ce propos ayant été entendu de « 2 autres bourgeois qui marchaient après le « sieur déclarant, l’un d’eux répondit : N'écoutez « pas ce gueux , il est aristocrate , il mérite d’être « pendu : que ledit sieur de Saliguac-Féueion « répliqua, que s’il était aristocrate, il devait < l’être aussi, puisqu’il portait les soldats à la « paix, tandis qu’il les excitait au carnage. « Ajoutant que le régiment de Guyenne n’a « point trempé dans ce complot; qu’au contraire, « il demande connaissance du procès-verbal « tenu par MM. les officiers municipaux pour « punir ceux de leur corps qui se trouveront y « avoir trempé. » Cependant le maire, étant monté sur le parapet du cours, fit signe de la main et parvint a se faire entendre. Il représenta avec force, que sous l’empire de la loi on ne devait obéir qu’à la loi, qu ■ tout acte de violence était défendu et serait sévèrement réprimé; que les coupables se aient connus; que certainement justice serait rendue et qu’il leur en donnait sa parole d’honneur. (Ici des applaudissements.) Mais que la maison de M. de LaCoste, et ceux qui s’y étaient renfeimés, étaient sous la sauvegarde de la loi, et qu’il exhortait les bons citoyens, au nam de la loi et du roi, à se retirer. Alors les cris réitérés : Vive le roi ! vive la nation! vivent les officiers municipaux! se font entendre, et le peuple commence à se calmer et à se diviser. Il était cependant très essentiel d’éloigner la (1) Ils sont nommés par les autres témoins, officiers de la légiou. U9 févrièr 1794. j fouie de la maison de M. de La Coste : le maire et quelques officiers municipaux se rendent vers le milieu �u cours; un grand nombre de citoyens de tout âge, de tout sexe, s’empresse de les suivre; les cris de : Vive le roi! vive la nation! annonçaient a sez que le moment de l’effervescence générale était passé. Peu de temps après, et vers le petit cours, 30 soldats armés se présentent pour venir au secours de leurs camarades; les officiers municipaux vont à eux, les tranquillisent en leur annonçant que leurs camarades sont en sûreté. Quelque temps avanf, le maire avait fait prier, par un officl r-major de la place, M. le lieutenant-colonel du régiment de Guyenne, de faire battre sur-le-champ la générale pour rassembler les soldats sur la place des casernes, et de suite la retraite, pour faire rentrer sans délai les soldats dans leur quartier. Dans moins de 10 minutes presque tout le régiment fut rassemblé, avec une subordination incroyable. Les officiers municipaux, prévoyant què plusieurs soldats pouvaient être trop éloignés des casernes pour entendre la générale, ou pour s’y rendre aussi promptement, crurent devoir leur en fournir les moyens; ils continuèrent à calmer le peuple par leur présence; ils écoutèrent pendant uneheure les plaintes diverses, promirent justice, et invitèrent les Citoyens à se retirer tranquillement. En etfet, sur les 8 heures, la multitude fut entièrement dis ipée ; üne proclamation enjoignit à chacun d’éclairer les feUè-tr< s de sa maison, et les officiers municipaux se rendirent de suite à la maison commune pour rédiger le procès-verbal, ayant laissé M. Gaillard, officier municipal, à la tète du détachement qui gardait h porte de M. de La Goste et ayant chargé spécialement M. Murgeas, autre officier mu nicipal, et M. Vidal, procureur de la commune, de veiller sur la sûreté des soldats et des légionnaires qui s’étaient renfermés dans cette maison. Sur les 9 heures, MM. Murgeas et Vidal se rendirent chez M. de La Goste, trouvèrent le détachement de la légion et le capitaine sur la porte, et dans le vestibule, des sous-officiers et un musicien du régiment de Guyenne; ils prirent ceux-ci sous leur sauvegarde, et les ayant couverts de divers manteaux pour plus grande sûreté, ils les conduisirent aux casernes par le cours (dans toute l’étendue duquel ils n’aperçurent qu’environ 40 personnes très paisibles). Ils remirent les sous-ol'ficiers et le musicien entre les mains du capitaine de police, et se rendirent ensuite, sur les 11 heures, à i’bôtel de ville, pour détailler les faits ci-dessus et les joindre au procès-verbal qui fut clôturé à minuit sonné. Les patrouilles avaient été redoublées ; les compagnies de garde avaient élé renforcées ; le maire, quelques olliciers municipaux et le procureur de la commune ne cessèrent de parcourir les différents quartiers de la ville et des faubourgs, et la nuit fut parfaitement tranquille. Du lundi 3 mai. Plusieurs de MM. les officiers municipaux se rendirent de grand maun à l'hôtel de ville. Bientôt les inquiétudes recommencèrent, p�rce que la pluie retenant les cultivateurs dans la ville, ou craiguit qii’uu reste de res.-eutimeni ne les portât à la vengeance. Cependant, malgré uue pluie très abondante, M. le mâife, accompagné ARCHIVES PÀRLEMEWtÀIRES. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 février 1791.] de deux valets de ville, parcourut dans la matinée ' la ville et les faubourgs, en exhortant les habitants à la paix et à la tranquillité. Il dissipa, par sa seule présence, quelques attro ipements, peu nombreux, de gens sans armes. Pendant, cet intervalle, les citoyens auxquels on avait promis justice allèrent en foule à l’hôtel de ville porter plainte des excès commis contre eux. Messieurs les officiers municipaux les calmaient, les écoutaient et les invitaient successivement à ne retirer par petits pelotons. Le maire fut instruit, dans sa tournée, qu’un particulier venait de commander au sieur Pé-ret, ferblantier, 200 cartouches en fer-blanc, au bout desquelles il faisait souder une grosse balle, et qu’il avait exigé qu’elles fussent prêtes pour quatre heures du soir. Un pareil avis n’était pas à négliger. Le maire chargea M. Àigon, officier municipal, de veiller, avec le capitaine de santé et quatre valets de ville, sur la boutique du sieur Péret. A3 heures environ, l’oftïcier municipal vit entrer dans cette boutique le nommé Joseph Larnac, fils aîné; il attend encore quelque temps pour se porter chez le sieur Péret. Il trouva ce dernier fabriquant les cartouches commandées parle sieur Larnac, présent à ladite fabrication. Celui-ci était déjà nanti de trois cartouches. À l’instant M. Aigon fit saisir et arrêter lesdits sieurs Peret et Larnac, et les cartouches que ce dernier avait dans ses mains, et celles qui étaient dans l’atelier, au nombre de 5 avec les balles soudées à run des bouts de chacune desdites cartouches, et auxquelles les balles n’étaient pas encore attachées. Il fit également saisir les balles du même calibre qui étaient sur l’atelier, au nombre de 7. De suite il fit traduire lesdits Larnac et Péret dans l’hôtel de ville. A peine le bruit de cet événement fut-il répandu, que les alarmes recommencèrent. Les citoyens se portèrent en foule vers l’hôtel de ville, en criant qu’il y avait quelque trahison et qu’on voulait sans doute les massacrer. Le maire arrive, leur parle avec bonté et fermeté, leur promet justice et vigilance continuelle, et parvient à les tranquilliser et à les dissiper par la proclamation ci-après : « Il est défendu à toüs les citoyens de s’attrouper « sous quelque prétexte que ce puisse être. Il leur « estenjointdese retirer avantlanuit chacun dans « sa maison, à peine d’être arrêtés comme per-« turbateurs du repos public, si on les trouve « dans les rues, et sans lumière, après la retraite « sonnée. « Il est également défendu à tous citoyens, « volontaires de la légion ou autres, de sortir « armés, avec quelque arme que ce soit, à peine « d’être arrêtés et poursuivis suivant la rigueur « des lois. « Défenses sont faites à tous les capitaines de « la légion de donner des armes à aucun volon-« taire, excepté à ceux qui seront commandés « pour le service, et délaisser ou faire assembler « leur compagnie avec armes ou sans armes, à <« peine de demeurer personnellement responsa-« blés de tous les événements. « 11 est ordonné au fermier des réverbères de « les faire allumer jusqu’à nouvel ordre, et les « citoyens aisés sont invités à éclairer pendant « la nuit une fenêtre de leur maison. « Enfin tous les citoyens sont exhortés à se « regarder comme frères, à contribuer de tous « leurs moyens au maintien de la paix et à at-« tendre de la vigilance des Officiers municipaux, 327 « sûreté, tranquillité et surtout une justice im-« partiale. » Fait à Nîmes, le 3 mai 1700. Signé : Le baron de Marguerittes, maire. Grelleau, Gas, officiers municipaux. Vidal, procureur de la commune. Boyer, substitut. Collationné : Berdincq, secrétaire-greffier. C’est dans cet intervalle et près de l’hôtel de ville que le maire rencontra quelques officiers et dragons de la légion. Ils lui demandèrent de pouvoir se rallier en corps dans les casernes. Le maire leur observa que la prudence ne permettait pas d’accéder à cette demande, dans un moment où le peuple, irrité contre certains soldats et sous-officiers du régiment de Guyenne, pourrait faire mille suppositions et concevoir des inquiétudes, en voyant les dragons se réunir dans les casernes à ceux contre lesquels les citoyens croyaient avoir des griefs fondés. On a envenimé et dénaturé ce refus sage et motivé pour indisposer les soldats du régiment de Guyenne contre les officiers municipaux. Le maire ajouta: « que si Messieurs « les dragons voulaient se rassembler, ils pour-« raient le faire (comme cela s’était pratiqué) dans « la cour de l’évêché, sur la place Saint-Charles « et dans d’autres endroits plus spacieux encore; « que d’ailleurs ils devaient demander la permis-« sion au colonel de la légion, auquel il allait de « ce pas communiquer les motifs de son refus. » Ces motifs furent approuvés par le colonel de la légion et surtout par le chef du régiment de Guyenne. Il était réservé aux seuls membres du club d’en faire un des articles de leur dénonciation. Que l’on se rappelle tous les malheurs arrivés à la compagnie de dragons de Montauban, pour avoir voulu demeurer rassemblés dans un moment d’effervescence générale, malgré l’invitation âmicale et l’ordre positif des officiers municipaux de Montauban de se retirer ; et que l’on apprécie la sage prévoyance du maire de Nîmes. Cep ndant on rédigeait le procès-verbal relatif aux cartouches, en présence des si urs Larnac et Péret. Il résulte de l’aveu du sieur Larnac, qu’il avait commandé 12 cartouches pour son usage, et qu’étant volontaire dans la compagnie n° 10, il était bien aise d’avoir ces cartouches pour les jours de service, et à l’effet de charger et décharger plus facilement son fusil. Il résulte du même procès-verbal que le sieur Larnac avait commandé 200 cartouches pareilles au modèle qu’il présentait, et avait dit, chez le ferblantier : « qu’il attendrait que M. de Margue-« rittes, maire, entretiendrait la paix dans la ville; « qu’autrement les cartouches qu’il commandait u perceraient plus d’un ventre ». Enfin il résulte du même procès-verbalque la mère du sieur Péret s’étant rendre chez ledit Larnac pour lui dire de venir voir si son fils exécutait lesdites cartouches à son gré, ledit Larnac répondit: « qu’il ne pouvait pas quitter dans ce moment-là, attendu qu’il était occupé à fondre des balles. » Cette partie du procès-verbal contient d’autres aveux très importants. (Il est déposé, ainsi que toutes les pièces citées, au comité des recherches). Les cartouches et les halles saisies, reconnues par les sieurs Péret et Larnac pour être les même s fabriquées, ont été en leur présence enveloppées et scellées, puis déposées au greffe de l’hôtel de ville de Nîmes, eu attendant que M. le procureur du roi du présidial fasse entendre les témoins. MM. les officiers municipaux font 328 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |19 février 1791.) sortir, avec précaution, lesdits Larnac et Péret et les renvoient chez eux en chargeant le capitaine de santé de veiller à ce qu’il ne leur arrivât rien. Cependant la nouvelle de cet événement fut promptement répandue. La vue des balles et cartouches échauffa les esprits, et sur les 6 heures du soir il survint une rixe entre quelques personnes vers le cours Balainvi Hiers. Bientôt ce cours, la place des Récollets et les rues cir-convoisines furent couvertes de monde. Le maire s’y rend seul; il parle à la multitude; au nom de la loi et du roi, il promet justice; il recommande la paix et l’union plus que jamais, et parvient à dissiper la multitude qui le comble de bénédictions. Il rentre à l’hôtel de ville et trouve MM. les officiers municipaux occupés à recevoir les plaintes sur les excès commis le dimanche. Ce fut à cette époque que le corps municipal fit afficher une proclamation (délibérée antérieurement et communiquée ensuite au conseil général de la commune, ce qui en avait retardé l’impression) à l'effet de faire cesser les dommages occasionnés dans le taillable de Nîmes par l’indiscréiion d’un grand nombre de chasseurs qui dévastaient la campagne et compromettaient la recette prochaine, unique espoir du cultivateur. Le corps municipal avait cru devoir insérer dans cette proclamation un avis paternel relatif aux écrits incendiaires, aux qualifications contraires et aux distinctions qui pourraient tendre à séparer des citoyens soldats, que tant de puissantes raisons devaient réunir dans les mêmes sentiments. La proclamation commence par annoncer que le corps municipal est également occupé d’assurer les subsistances, de faire respecter les personnes et les propriétés, et de maintenir surtout la paix et l’union entre concitoyens, etc... Cette proclamation est terminée comme il suit : « Et en attendant, que l’Assemblée nationale ait « pesé dans sa sagesse les avantages ou les in-« convénients d’une liberté illimitée de la presse, « le corps. municipal improove hautement tout « ouvrage incendiaire capable de troubler l’ordre « public et de détruire l’harmonie qui doit régner « entre le� membres d’une même famille; défend « toutes les distinctions, et très expressément (1) « les cocardes qui ne sont pas aux couleurs de « la nation, et toutes qualifications contraires « qui tendraient à faire naître des défiances res-« pectives et des intérêts opposés, qui tendraient « encore à différencier les citoyens entre eux, « et principalement cette classe utile et respec-« table qui s’est plus spécialement dévouée « pour le maintien de la Constitution et de la « tranquillité publique. > Sur les sept heures le peuples aperçoit cer-(1) Le corps municipal s’étant aperçu, quelques jours après l'affiche de la proclamation, qu’un grand nombre de volontaires ne portaient aucune cocarde, a commandé 80 douzaines de cocardes aux couleurs de la nation, et les a distribuées aux légionnaires qui n’ont pas cessé de les porter depuis cette époque. Certains légionnaires sortant du club ont depuis imaginé d’arborer un panache blanc: ils ont voulu tenter ce moyen pour occasionner de nouveaux troubles en attaquant et provoquant d’autres légionnaires qui portaient des panaches rouges. Heureusement, des citoyens, accourus en foule, ont intimidé les agresseurs. M. les officiers municipaux ont dressé de suite un procès-verbal qui est joint avec les autres pièces. tains légionnaires de ceux qui, la veille, avaient été du parti de quelque sous-officiers du régiment de Guyenne, lorsqu’ils maltraitaient des citoyens paisibles. L’attroupement recommence vers les arènes. Le maire en est instruit, il prie deux de messieurs les officiers municipaux de s’y rendre, avec, les valets de ville, le peuple se calme en les voyant, mais il témoigne quelques inquiétudes sur des troupes étrangères qui devaient, dit-il, arriver pendant la nuit. Messieurs les officiers municipaux s’efforçaient à dissiper ces fausses alarmes, et parvenaient à faire retirer le peuple, lorsque deux coups de pistolet, tirés orès du groupe où ils étaient, mettent le peuple en fureur. Il est sourd à la voix des officiers municipaux; on le fait retirer par une rue, il rentre par une autre; il veut avoir vengeance de l’attentat qui vient d’être commis; menaces, prières, rien ne peut le contenir, cette nouvelle à peine répandue, les attroupements, les coups de pierre, les coups de sabre, recommencent en divers endroits. Messieurs les officiers municipaux reviennent à la maison commune. D’après leur rapport, il fut résolu de publier aussitôt la loi martiale, malgré les puissantes considérations qui pouvaient en empêcher. Déjà des ordres étaient donnés pour rassembler des compagnies de la légion ; déjà l’on rédigeait la proclamation de la loi martiale, lorsque les valets de ville viennent annoncer M. de Bonnes-Lesdignières, lieutenant-colonel du régiment de Guyenne, et de La Millanchère, officier. On a osé imprimer, annoncer à l’Assemblée nationale, et faire publier dans tous les journaux, que ce n’était qu’après trois jours, et grâce à la vigueur et à la sollicitation insistante du chef du régiment de Guyenne, « qui ne pou-» vait plus contenir l’indignation de ses soldats « que la loi martiale avait été enfin publiée. » Et d’après cette fausse allégation, on s’est permis d’aemser les officiers municipaux d’inaction, même d’une indifférence coupable. Pour toute réponse, on copie la déclaration de M. de Bonnes et autres officiers du régiment ; « Nous soussignés, lieutenant-colonel et nous « lieutenant en premier au régiment de Guyenne, « certifions, par amour pour la vérité, que étant « rendus le lundi 3 mai, sur les sept heures, à « l’hôtel de ville, nous fîmes part à MM. les offi-« ciers municipaux de l’accident arrivé à un t grenadier du régiment de Guyenne, qui ve-« nait d’être blessé dangereusement d’un coup « de fusil au bras, par un quidam qu’il n’a pu re-« connaître; nous ajoutâmes que d’autres soldats « avaient reçu des blessures moins considér able� ; « que, dans ces circonstances et pour éviter de « plus grands malheurs, il paraissait, convenable « de prendre les précautions nécessaires pour « calmer les esprits, et empêcher que les attrou-« pements ne vinssent à recommencer, que M. le « maire nous répondit, que MM. les officiers « municipaux, après avoir fait tout ce qui était « en leur pouvoir pour faire cesser ces rixes par-« ticulières, sans être assez heureux pour y « parvenir, étaient occupés à rédiger une pro-« clamation de la loi martiale, pour la faire pu-< blier sans délai, quoique les circonstances leur « parussent critiques et dangereuses, vu que les « membres de la légion et les soldats du ré-« giment de Guyenne, qui devaient faire exécu-« ter la loi martiale, étaient ceux contre les-« quels il fallait la proclamer; que cette même « considération Les avaient arrêtés la veille, « mais qu’il était impossible de renvoyer à un [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 février 1791.] 329 •< plus long terme. Sur quoi, nous officiers, crû-« rues devoir faire observer à MM. les officiers « municipaux que les soldats étaient rentrés « clans leurs quartiers, et que vu les circons-« tances et l’approche de la nuit, on pouvait at-« tendre jusqu’au lendemain ; que d’ailleurs « nous ne venions pas réclamer la proclamation « de la loi martiale, mais seulement nous con-« certer sur les moyens les plus propres à calmer « l’efferve'Cenee générale, et nous étions les pre-« miers à demander que si certains de nos sol— « dats ou sous-officiers avaient été la cause de « l’émeute de dimanche, ils fussent punis : après « quoi, nous nous retirâmes; et étant au bas de « l’escalier de l’hôtel de ville, M. de La Mil lan-« chère remonta pour réitérer de nouveau à « MM. les officiers municipaux, que loin de « réclamer la proclamation de la loi martiale, « nous les prions d’attendre les événements du « lendemain ; à quoi MM. les officiers muni-« cipaux consentirent, sur la promesse respec-« tive, que de grand matin tous les officiers du « régiment de Guyenne se rendraient aux ca-« sentes et que MM. les officiers municipaux « redoubleraient pendant la nuit les patrouilles, « dont l’ordre fut donné devant nous à deux « compagnies de la légion, par M. le maire. « A Nîmes, le 6 mai 1790. Le chevalier de Bonnes-Lesdignières, chevalier de La Millanchère. « Pour rendre hommage à la vérité, les offi-« ciers du régiment de Guyenne certifient que « M. le maire et MM. les officiers municipaux < se sont portés, avec zèle et la plus grande ac-« tivité, partout où leur présence était néces-« saire, pour mettre le bon ordre, le calme et la « paix, n’ayant pas craint de s’exposer au « danger qui paraissait imminent pour eux. Ont signé : Duperron, Guérouth, Janet, de Car-voisin, Thierriat de Millerelle, Goyer de Villers, chevalier de Fontenay, Salignac-Fé-nelon, Deplas, baron de Savigna, de Costa, le chevalier de L’Enferna, Peineau. de La Desneraye, de Perrault, La Garlière fils, chevalier Taffin, chevalier de Goyer fils. Dans l’intervalle de la nuit, le mauvais temps, et surtout l’éloignement de ceux contre lesquels on portait des plaintes, engagèrent le peuple à se retirer. On vint l’annoncer à l’hôtel de ville; 4 compagnies de la légion, commandées pour prêter main-forte furent chargées de faire des atrouil les fréquentes. Les compagnies 25, 26 et 7 ayant été employées le dimanche, le colonel de la légion, suivant l’usage, commanda les compagnies 28, 29, 30 et 31, et par conséquent la compagnie n° 31 ne fut pas choisie par le maire de préférence, comme on a osé l’avancer. Outre l’officier municipal, qui fut constamment de garde à l’hôtel de ville, le maire parcourut lui-même pendant la nuit, et à la tête des patrouilles, les différents quartiers. Cette nuit fut également calme et tranquille. Du mardi 4 mai. A six heures du matin, le maire traverse la ville ; il parcourt les marchés ; il inspecte tout par lui-même; il se rend à la maison commune et de là aux casernes. Tout était paisible. Il trouve MM. les officiers de Guyenne rassemblés, et les prie de vouloir bien faire venir deux sous-officiers de chaque compagnie. L’ordre donné fut promptement exécuté. Le maire après avoir rappelé la concorde, qui n’avait jamais cessé de régner, depuis plusieurs années, entre le brave régiment de Guyenne et les citoyens de Nîmes, témoigne ses justes regrets sur ce qui s’était passé les deux derniers jours, et notamment sur le coup de feu reçu la veille par un grenadier. Il se félicite « de ce qu’aucun autre membre du régiment de Guyenne n’était ble-sé dangereusement » et il ajoute : « qu’aucun « citoyen n’avait reçu de blessures mortelles ; a qu’il était vrai que quelques soldats avaient -( été égarés et trompés pour commencer la que-« relie ». Ici plusieurs voix s’élevèrent et dirent : « Monsieur le maire, nous voulons les connaître « pour en faire justice nous-mêmes, et nous vous « prions de nous communiquer cette partie de la « procédure quand elle sera en règle (1). » Le maire leur dit : « que dans ces circonstances « il fallait oublier réciproquement tout sujet de « plainte, vivre en frères comme de bons mili-« taires citoyens et de bons citoyens militaire-'. » « Enfin, ajouta-t-il, le raccommodement doit être l’ouvrage de MM. les sous-officiers du régi-« ment de Guyenne et de la légion , et leur « exemple, toujours si puissant sur leurs cama-« rades, sera le signal le plus certain de la con-« corde et de la poix. Je vous le demande, braves « militaires, en reconnaissance de toutes les « preuves d’estime, d’attachement, de prévenance « et de zèle que j’ai été assez heureux de donner « au régiment de Guyenne depuis plusieurs « années, et surtout dans cette dernière circons-« tance. » Le maire se sépara alors de ces braves militaires, qui lui donnèrent des marques de leur attachement et de leur reconnaissance, et dit à MM. les officiers présents : « IL n’y a plus ris-o que à proclamer la loi martiale; le régiment « me paraît parfaitement disposé : je vais à « l’hôtel de ville; au premier attroupement je « proclame la loi martiale; et si j’ai be-oin de « renfort pour la faire exécuter, je compte sur « vous et je réc lamerai votre secours. » Le maire aperçoit en revenant à l’hôtel de ville quelques groupes de citoyens sans armes; il les prie de se séparer; on obéit sur-le-champ. Bientôt il apprend que les inquiétudes recommencent, qu’il se forme quelques nouveaux attroupements dans les faubourgs. II convoque aussitôt le conseil général de la commune. Il lait avertir le colonel de Ja légion de lui envoyer la compagnie n° 25, dont le capitaine est logé près de l’hôtel de ville. Ce digne citoyen et tous les membres de sa compagnie, avaient bien secondé le dimanche par leur zèle, leur prudence et leur activité, les mesures circonspectes de MM. les officiers municipaux. Le corps municipal, d’après le réquisitoire du procureur de la commune, décide unanimement qu’il y a lieu de proclamer la loi martiale. En conséquence, le drapeau rouge est déployé sur le balcon de l’hôtel de ville, et l’on publie à haute voix, dans toutes les rues, carrefours et sur toutes les places de la ville et de ses faubourgs, la proclamation suivante : (1) Postérieurement, les grenadiers et les chasseurs ont dénoncé eux-mêmes à leurs supérieurs, trois sous-officiers et trois soldats, qu’ils avaient vus se porter à des excès répréhensibles contre dos citoyens et ont demandé qu’on s’assurât de leurs personnes. 330 [Assemblé* nationÀlé.} « Sur le réquisitoire de M. Vidal, procureur de « la commune, qui a exposé que la tranquillité « publique était en péril ; « Le corps municipal déclare que la loi martiale « est en vigueur; que la force militaire va être « déployée, qu’à l’instant le drapeau rouge sera i exposé à la principale fenêtre de l’hôtel de « ville; et porté dans toutes les rues et carrefours « de la ville, pour donner avis que la loi martiale « est proclamée, que tous attroupements sont « criminels, et que tous les bons citoyens aient « à se retirer tranquillement chez eux. « Délibéré à Nîmes le 4 mai 1790, à dix heures avant midi, « Ont signé : le baron de Marguerittes, maire ; Murgf.as, Gas, Fornier, Aigon, Carrières, Lieütier, Laporte, Razoux, Gaillard, officiers municipaux; Vidal, procureur de la communie; Boyer, substitut, Berdincq, secrétaire-greffier. « Collationné, Berdincq, secrétaire-greffier. » Le maire, avant chaque proclamation, adressait aux citoyens une exhortation touchante et paternelle; la voix de la raison et de l’humanité, toujours si puissantes, quand les premiers instants de l’effervescence générale sont nasses, l’affliciion peinte sur les visages des officiers municipaux, leur vive sensibilité, et surtout le souvenir de l'ancienne union, produisirent le plus grand elfet; les attroupements cessèrent; les citoyens rendus à eux-mêmes éprouvèrent les regrets les plus vifs, et chacun versa des larmes sur ce qui s'était passé. MM. les officiers municipaux n’avaient négligé aucun moyen pour réconcilier ensemble Tes citoyensetles soldats du régiment deGuyenne. Dès le matin ils avaient invité quelques capitaines et d’anciens militaires, retirés du service, et sous-officiers dans la légion, à porter des paroles de paix, et à concerter avec les sous-officiers du régiment de Guyenne les moyens de faire renaître l’union et la fraternité. Leurs soins ne furent pas infructueux ; après quelques démarches amicales de part et d’au!re les officiers et soldats de Guyenne, les officiers et volontaires de la légion, les citoyens de toutes les classes, mêlés les uns avec les autres devant' les casernes, s’embrassèrent fraternellement, et se tenant pur la main, au nombre de 4,000 au moins, et successivement au nombre de 10 à 12,000, ils dirigèrent, en dansant et au son des instruments, leur marche vers l’hôtel du maire, qu’ils allèrent tous remercier de ses soins infatigables pour ramener la paix et la concorde; celui-ci descendit en fai-ant la chaîne avec eux, Il embrassa M. le lieutenant-colonel, plusieurs soldats, sous-ofliciers et citoyens, au bruit des applaudissements o’une multitude immense, et des cris multipliés de Vive le roi! Vive la nation ! Vive la loi! Vive le maire! Vive le régiment de Guyenne ! Vive l'union ! Le maire, après avoir suivi en dansant cette troupe joyeuse, jusque sous la foniaine, reçut en s’en séparant des preuves non équivoques de l’amour et de la reconnaissance publique; il se rendit sur-le-champ à l’hôtel de ville, et trouva MM. les officiers municipaux à dresser le procès-verbal suivant : Du mardi 4 mai 1790. « Nous" officiers municipaux soussignés étant [19 février 1791. J « encore assemblés à 3 heures après-midi, dans « l’hôtel de ville, pour recevoir les plaintes des « différents citoyens, et écrire à M. le président « de l’Assemblée nationale ët aux ministres, sur « ce qui s’éiait passé la veille et dans le courant « de la journée, on est venu nous annoncer « qu’une foule immense de citoyens réunis sur * la place des casernes, venaient de se réconcilier « avec les soldats et sous-officiers du régiment « de Guyenne. Enchantés de la paix qu’ils ve-« naient de se jurer entre eux, ils s’embrassaient, « dansaient, et lescrisde : \ive le roi, vive la nation, « vive la loi, vive le maire, vive le régiment de « Guyenne, vive l’union, extrêmement multipliés, « s’élevaient dans les airs. Alors, nous, maire, « accompagné de MM. les officiers municipaux, « du substitut du procureur de la commune « de M. le lieutenant-colonel du régiment de « Guyenne et de plusieurs officiers de ce régi-« ment, avons fait enlever le drapeau rouge, « auquel nous avons fait substituer aussitôt le « drapeau blanc. Le peuple, en le voyant a poussé « des cris de joie, et a renouvelé les acclamations « de : Vive le roi , vive la nation , et il a demandé « une illumination générale, qui a été proclamée « sur-le-champ. « Ensuite nous avons clos les lettres ci-dessus « mentionnées, et avons du tout ci-dessus dressé « le présent procès-verbal, que nous avons signé : « Le baron bE Marguerittes, maire ; Murgeas, « Pontier, Bëlmont, grands officiers munici-« paux; Cabrières, officie r municipal; Fornier, « officier municipal; Gas, officier municipal; « Lieutin, oflici r municipal; Boyer, substitut; « Berdincq, secrétaire-greffier. Extrait des registres de l’hôtel commun de la ville de Nîmes et collationné sur l’original . Berdincq, secrétaire-greffier. Il résulte de ce procès-verbal que, le 4 mai, les officiers municipaux étaient occupés à rendre compte, à M. le préident de l’Assemblée et aux ministres (comme ils l’avaient fait la veille), des événements arrivés à Nime.s les 2, 3 et 4 mai. Il résulte des cotes mises dans les bureaux de l’Assemblée, que ces détails sont parvenus exactement à leur adresse le? 9 et 10 mai, puisqu’on voit en tête ; Reçu le 9, reçu le 10; à tiret Et cependant, par quelle fatalité c�s pièces intéressantes, ainsi cotées , adressées à M. le président de l'Assemblée, n’ont-elles pas été mises sous les yeux des représentants de la nation avant le décret du 11 au soir, qui mande le maire de Nîmes à la barre pour rendre compte de sa conduite et de celle de la municipalité ! Par quelle fatalité n’a-t-on lu, le 11, que l’adresse du club dénonciateur du 4 mai, qui ne parle pas de la réconciliation, et laisse-t-on de côté les détails envoyés le même jour, 4 mai, par les officiers municipaux qui annonçaient à l’Assemblée que le calme était rétabli par les soins infatigables du maire! Ce n’était pas, sans doute, pour donner occasion à un honorable membre de dire : «Comment « qualifier l’insouciance de la municipalité, au « moment où il se passe de pareils événements ? « Nous les apprenons, non par le maire, mais par « un club patriotique. Je demande si le courrier « de la municipalité n’aurait pas dû précéder « tous les autres? Je demande, dis-je, comment « les amis de la paix peuvent excuser une pa-« rei lie conduite? « Je conclus en disant que l’Assemblée a le archives parlementaires. [Assemblé nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 février 1791.) 8SI » droit fle mander à la barre le maire de Nîmes, « et qu’il y a preuve suffisante pour lui ordonner « de rendre compte de sa conduite. » L’avis fut adopté ..... Une dénonciation, sans pièces justificatives, sans légalisation, sans aucune marque d’authenticité, a donc paru une preuve suffisante pour mander à la barre un représentant de la nat on, le maire d’une cité importante, la huitième ville du royaume, sans ordonner préalablement la lecture des faits justificatifs adressés par ce mênit-maire, courrier par courrier, et narvenus, deux jours avant le décret, à M. le Président de l’Assemblée nationale. Il est essentiel d’observer que le club de Nîmes, qui dénonce à l’Assemblée des faits qui n’ont jamais existé, tels que la substitution de la cocarde blanche à la cocarde nationale (1), un déjeuner donné par le maire (2), les domestiques du maire poursuivant à coups de pierre les braves soldats du régiment de Guyenne (3), ne parle pas de la réconciliation faite à trois heures après midi, quoique le courrier ne parte qü’à six heures du soir. Le club s’est contenté d’envoyer le lendemain, 5 mai, deux pièces que l’on âvait, dit-il, oublié d’insérer la veille, et dont l’une est une lettre non datée, signée par le président et par les secrétaires, dans laquelle se trouvent ces aveux remarquables r « Que l’on avait vu âvec beaucoup de « surprise dns soldats de Guyenne, des légion-« naiies de plusieurs compagnies et un grand « nombre de citoyen s dansant ensemble. Nous « avons entendu les cris de : vive le roi et de vive « la nation! M. de Bonnes et M. le maire les pré-« cédaient. Nous ne pouvons vous donner aucune « notion sur les causes de cette réunion subite.» Ou croit sans peine que certaines personnes qui avaient provoqué et excité les soldats de Guyenne à maltraiter leurs concitoyens, ont vu avec beaucoup de surprise la réunion amicale des soldats de Guyenne, des légionnaires et des citoyens. Mais pourquoi ne pas convenir que la Visite faite le matin, par le maire, et son discours aux sous-officiers ont été la principale cause du raccommodement? Le fait était notoire et public. (1) La fausseté de cetta allégation est établie par le certificat de 60 officiers ou sous-officiers «le la légion, qui attestent: « que les légionnaires, jusqu’à l’époque du 2 et du 3 mai, ont porté indistinctement la cocarde blanche ou la cocarde aux trois couleurs » , Ce certificat est joint aux pièces. (2) 11 est notoire que le maire, au lieu du déjeuner inventé par la méchanceté et publié par la calomnie, a promis de doter deux pauvres filles d’agriculteurs. Les membres du club ont été sommés de prouver celte assertion calomnieuse, et leur impuissance à cet égard est manifeste. (3) Loin de poursuivre à coups de pierre les soldats du régiment de Guyenne, comme on l’annonce dans l’adresse du club, un domestique du maire a sauvé le nommo Dijon, soldat de la compagnie de Farincour. La déposition de plusieurs témoins, et la déclaration faite par Dijon, en présence de ses supérieurs, ne laisse aucun doute à cet égard. « Je soussigné, solcat du régiment de Guyenne, com-« pagaie de Farincour, certifie reconnaître pour mon « défenseur, et même celui qui m’a sauvé Ja vie, le « sieur Saint-Louis Beausse, cocher de M. le baron de * Marguerittes, maire de la ville de Nim<;s, lors de l’in-« suite qui m’a été faite le dimanche 2 mai dernier, « environ 6 à 7 heures du soir; ce que je certifie vé-« rilable en présence de M. le major du régiment a qui a signé, du nommé Antoine Farcy, et de Denis « Bezin, qui a servi de secrétaire. » « Fait à Mimes, le l*r juin 1T90, ont Signé". Dijon, Thierrat de Millerell'e, Bezin, secrétaire. La soirée fut employée tout entière à danser, à se réjouir : la ville fut illuminé1, l’en fit des feux de joie dans la plupart des rues, on chanta des couplets à la louange du maire, des officie1 s municipaux et du régiment de Guyenne. Ghacun se félicitait, on s’embrassait, et cette journée fut l’époque heureuse de la réconciliation. Cependant les patrouilles furent doublées pen-darit la nuit, et les officiers municipaux parcoururent à leur tête leS divers quartiers de la ville pour empêcher que les transports même de la joie ne devinssent dangereux: tout së passadans l’ordre et l’allégresse. Du mercredi 5 mai. Le premier soin des officiers municipaux fut d’aller visiter et recommander à l’hôtel-Dieu le grenadier du régiment de Guyenne, blessé au bras d’un coup de feu. Le maire lui offrit de sa maison tout ce qui pourrait hâter sa convalescence, et l’assura que si, par malheur, il iui restait quelque difficulté à se servir de son bras, la commune se l’attacherait à perpétuité. Le grenadier et ses camarades présents furent Sensibles à cette démarche. Malheureusement la plaie prb ensuite une mauvaise tournure; une humeur âcre augmenta le danger, et l’infortuné périt le septième jour, malgré les soins les plus actifs et les plus éclairés. Il a été la seule victime que l’humanité ait eu à regretter à cette époque, et malgré l’ap «areil effrayant des plaies occasionnées par les coups de sabre ou par les coups de pierre, aucun autre individu n’a été blessé ni mortellement ni dangereusement. Le même jour, MM. les sous-officiers du régiment de Guyenne et de la légion, vinrent au son des instruments faire visite à MM. les officiers municipaux. Le cortège étant trop nombreux pour contenir dans les salles de l’hôtel de vi'le, le maire parut sur le, balcon, et le sieur Ramond, sergent-major du régiment de Guyenne, portant la parole au nom de tous, dans la place publique, remercia spécialement le maire de ses soins actifs et vigilants, pour le retour de la paix et de la concorde. Le même jour, le conseil général de la commune, pour cimenter de plus en plus l’union, décerna une médaille civique au nommé Gavanon, sol lat dû régiment de Guyenne, qui avait sauvé un enfant prêt à se noyer. Les ufliciers municipaux le menèrent dans leur loge à la comédie, avec le jeune citoyen dont il avait conservé les jours. On représentait une comédie nouvelle, en vaudeville, intitulée : les Fêtes nî-moises , ou l’Heureuse Récoucili ition, dans laquelle on ne cesse de faire l’éloge des magistrats, du régiment de Guyenne, de son respectable chef, et du maire. Le couplet qui termine la pièce fait allusion à l’action courageuse du sieur Gavanon, et l’actrice ayant présenté une couronne au maire, celui-ci la plaça sur la tête du sieur Gavanon. Cette pièce a été redemandée généralement, et représentée une seconde fois, à la même époque où le décret de l’Assemblée nationale mandait le maire de Nîmes à la barré. Du jeudi 6 mai. La tranquillité étant rétablie, et la paix consolidée, le maire annonce à ses collègues son 332 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. départ très prochain pour la capitale, où il va reprendre son poste dans l’Assemblée des représentants de la nation. Le conseil général de la commune prend la délibération suivante : « Du jeudi, sixième mai 1790, heure de trois « après midi, le conseil généra! de la commune, « assemblé dans la salle de l’hôte! de ville, et « présidé par M. Murgeas, premier officier mu-« nicipal, en l’absence de M. le maire. « M. Murgeas, président, a dit : « La situation « très fâcheuse où la ville s’est trouvée dimanche, « lundi et mardi dernier; le courage et la sa-« gesse avec lesquels, unissant la modération à « la fermeté, M. le baron de Marguerittes, maire, « est parvenu à ramener la tranquillité; les « craintes que plusieurs indices pourraient ins-« pirer sur sa durée, sont autant de motifs pres-« sants pour engager le conseil général de la « commune à faire différer le départ de M. le « maire, puisque le salut des citoyens peut en * dépendre, le peuple paraissant d’ailleurs dé-« terminé à s’y opposer; requérant qu’il en soit « délibéré. « M. le procureur de la commune entendu, le « conseil général considérant que ce n’est qu’à « la conduite sage et mesurée de M. le maire « que les citoyens de cette ville doivent le re-« tour de la paix et la sécurité dont ils jouis-« sent; que rn n ne peut les affermir davantage « que la présence de ce digne chef, dont les « vertus les ont produites; persuadé que l’As-« semblée nationale verra avec ce vit intérêt « qu’elle prend à la conservation du peuple, un «< retard qui l’a uniquement pour motif, le vœu « de ce même peuple étant toujours à considérer; «il a de nouveau, et plus fort, unanimement « délibéré de supplier l’Assemblée nationale d’ac-« corder un second congé à M. le maire; et, « néanmoins, de l’engager par tous les motifs « de patrioiisme qu'il a manifestés avec tant «• d’éne gie et de succès , de vouloir bien se « rendre aux vœux du peuple et du conseil gé-« néral, en différant son dé art jusques à la ré-« ponse de l’Assemblée nationale. « Délibéré, de plus, qu’extrait de la présente « délibération sera adressé à M. le Président de « l’Assemblée nationale, et qu’un autre extrait « en sera présenté à M. le maire. » Extrait des registres de l'hôtel commun de la ville de Nîmes , et collationné sur l'original , par nous secrétaire-greffier de la municipalité, soussigné. Berdincq. Le lendemain, 7, était le jour indiqué pour les assemblées primaires des 13 sections de la ville et de sa banlieue. MM. les commissaires du roi au département du Gard engagèrent le maire à ne pas s’absenter de la ville pendant la nomination des électeurs, et lui écrivirent en lui faisant part de quelques difficultés survenues dans la section n° 2, pour le prier de rapporter sa vigilance auprès de celte assemblée. Enfin, la nomination des 43 élections fut achevée sans trouble le dimanche 9; 15 membres du conseil réunirent la très grande pluralité des voix; ce qui prouve invinciblement le vœu du plus grand nombre ries citoyens actifs de Nîmes, et qu’ils rendent aux officiers municipaux la justice qui leur est due. Ce qui prouve que les allégations hasardées par le membre du club à [19 février 1791.] l’époque des assemblées primaires, n’ont pas produit (du moins à Nîmes où les faits sont connus) l’effet qu’ils en attendaient ;ce qui prouve enfin, d’une manière irrésistible, que la cause véritable des divisions qui ont agité la ville de Nîmes, est la prétention du plus petit nombre de parvenir par toutes sortes de moyens, à faire la loi an plus grand; ce qui serait un peu contraire à la Constitution et aux décrets de l’Assemblée. Le maire instruit des vœux du peuple et du conseil général de la commune pour que son départ fût différé jusqu’à la réponse de l’Assemblée nationale, mais empressé de reprendre son poste dans la capitale, fit partir secrètement et dans la nuit du 10, une voiture qu’il avait louée pour mieux cacher son départ; elle fut arœtée par deux patrouilles qui la laissèrent passer, ne la reconnaissant pas pour appartenir au maire: d’un antre côté le peuple observait les pas de celui qu’il croyait utile à sa conservation (ce sont ses propres es pressions) (1). Pour se dérober à cet amour et à cet empressement, le maire sort de son hôtel de grand matin, le 11, jour de marché. Il visite successivement et suivant son usage, les étaux de boucherie, les poids des revendeurs, les différentes qualités de pain, plusieurs marchés. Il traverse, en remplissant les fonctions municipales, la ville et le faubourg de Richelieu, qui aboutit au chemin de Lyon. Il joint à pied une de ses voilures qui le conduit à 4 lieues. Il prend la poste et se rend en diligence dans la capitale. Le maire avait laissé en partant une lettre (2) pour le conseil général de la commune, dans laquelle il prévenait MM. ses collègues de son départ, et des motifs qui l’avaient contraiut d’en faire un mystère à tout le monde. La lecture de cette lettre donna lieu à une nouvelle délibération dans laquelle le conseil généra! de la commune réitéra ses regrets sur l’absence du maire, et la demande d’un nouveau congé pour lui. Enfin, le 14 mai, les citoyens actifs composant le club de Nîmes, ont dénoncé à la municipalité, par une pétition signée d’un grand nombre de membres, qu’il se fabriquait depuis plusieurs semaines, chez le sieur Goeffé, serrurier, et ailleurs, des fourches, armes perfides et prohibées, qui se transportent en plein jour par centaines. Iis ont dénoncé également que malgré l’ordonnance des officiers municipaux, qui interdit tout autre cocarde que la nationale, il s’en prépare un grand nombre de noires, surmontées de croix blanches. Ils ajoutent : « Nous vous dénonçons cet événement qui ne peut que faire présumer de coupables desseins, et qui est une infraction manifeste à la loi. » Lecture faite de cette pétition en présence de MM. d’Arlhac et Salles, députés du club et sur le réquisitoire du procureur de la commune, le corps municipal a interpellé MM. les députés de lui déclarer qui a fait les cocardes noires énoncées dans la pétition, ou qui les a portées, ou a qui on les a vues, ou de qui ils tiennent qu’il existe de pareilles cocardes. Ges messieurs déclarèrent qu’ayant rempli leur mission, ils demandaient une demi-heure pour s’informer des membres composant l’Assemblée, des renseignements sur des interpellations qui leur étaient faites.... (1) Voyez la délibération du 6 du conseil général de la commune. (2) La lettre originale est remise. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (19 février 1791.J 333 Ces messieurs, sortis et rentrés un quart d’heure après, ont déclaré que les citoyens qui avaient signé la pétition s’en référaient à son contenu, et qu’ils n’étaient pas chargés de dire autre chose. Ils ont signé, de ce requis, après avoir demandé un extrait. Il est essentiel défaire observer que M.Àubary, fabricant d’étoffes et membre du club, est un des signataires dans la pétition sur la cocarde noire. Le corps municipal a délibéré sur-le-champ que la pétition et Je prucès-verbal seraient imprimés; que messieurs les officiers municipaux se transporteraient de suite chez le sieur Goeflé pourcoostater les faits dénoncés dans la pétition. Il a sommé tous les citoyens qui avaient connaissance qu’il eût été fait des cocardes noires surmontées d’une croix blanche, de venir déclarer au corps municipal, qui les a faites, par qui elles ont été portées, et de qui ils tiennent qu’il en ait été lait ou porté. Eofin les défenses portées dans la proclamation du 27 avril, concernant les cocardes qui ne sont pas aux couleurs de la nation, sont renouvelées. 11 résulte de ce procès-verbal, fait le 15, qu’en exécution de la délibération de la veille, pour découvrir s’il existe des cocardes noires surmontées d’une croix blanche, qui les a faites, commandées ou portées. Un ofticier municipal et le procureur de la commune se transportèrent dans la boutique du sieur Vessière, fabricant de bas, qui in terpellé de déclarer s’il a connaissance des cocardes énoncées dans la p tition, déclare : « qu’hier 14 « (date de la pétition), à 9 heures du matin, le « commis du sieur Aubary, fabricant de bou-« rettes, vis-à-vis le grand couvent, membre du « club établi dans l’ancienne salle de spectacle « de Nîmes, lui commanda, de l’ordre de ce ner-« nier, de lui faire une cocarde noire surmontée » d’une croix de basin blanc ; que ledit commis « attendit que la cocarde fut faite, laquelle lui « fut remise moyennant 10 s. 6 d. » Le même jour, à 5 heures du soir, le sieur Avy, commis chez le sieur Aubary, mandé venir à la maiso.i commune, interpellé de déclarer si, hier matin, il ne commanda pas au sieur Vessière une cocarde surmontée d’une croix de basin blanc, a déclaré : « qu’hier, à environ 9 heure. « du matin, il fut dema der une cocatde audit « Vessière, qui lui en présenta de plusieurs cou-« leurs, en're autres une noire ; que ledit sieur « Avy lui dit qu’il ne voulait pas de celle-là, et « lui montrant par signe sur le plat de la main « une croix ; que ledit Vessière lui répondit qu’il « attacherait la croix blanche sur la cocarde « noire ; ce qu’il lit à l’instant et lui délivra « ladite cocarde pour laquelle Avy lui paya « 10 sols 1/2. » Le procès-verbal, la pétition et la délibération du corps municipal ont été adressés à M. le président de l’As emblée nationale, avec une délibération et une adresse du conseil gé léral de la commuue, du 17 mai dernier, et toutes ces pièces sont rem ses depuis longtemps au comité des recherches. Mais on n’a lu jusqu’à présent que les dénonciations du club, et non les délibérations et adresses du conseil général de la commune. 11 résulte des pièces susdites, qu’en même temps que les membres du club dénonçaient à la mu ni-cipalité l’existence des cocardes noires surmontées d’une croix blanche, un membre du club avait fait cornu. an ier, retirer et payer la seule de ces cocardes dont on ait pu avoir connaissance. L’existence avérée de ce fait, prouve quelle croyance on doit ajouter aux placards et autres plaintes et accusations qui ne sont appuyées d’aucune preuve légale. Tels sont les faits, tel a été l’ordre de choses sur ce qui touche personnellement le maire (1) et la municipalité de Nîmes jusqu’au 18 mai. Les pièces probant s sont déposées au comité des recherches, et ne pourront laisser aucun doute sur la justilication des officiers municipaux. DEUXIÈME ANNEXE. ADRESSE DU CLUB DES AMIS DE LA CONSTITUTION DE NÎMES A L’ASSEMBLÉE NATIONALE. Du 4 mai 1790. Messieurs, le club des amis de la Constitution, composé de 400 citoyens actifs, chez qui la diversité des opinions religieuses se confond dans le plus pur patriotisme, a eu l’bonn-ur de vous prés uter, le 27 avril dernier, une adresse sur le règlement du conseil générai de commune pour la légion nlmoise. Nous ea attendons l’effet avec une inquiète imi atience. Les événements n’ont que trop justifié nos craintes. Notre ville est depuis deux jours dans un soulèvement général. Déjà le sang coule et les bons cioyeus saut à la merci des complots des malveiilauts. Nous allous vous faire l’expose simple et vrai de tout ce qui s’est passé depuis le 17 avril jusqu’à ce jour. La majoiiié de MM. les officiers de la légion ne reconnaissant pas la légalité du règlement municipal, s’y soumit cependant provisoirement et sans protestation, ainsi que le porte le mémoire qu’elle vous a adressé. Cet acte ne prudence semblait devoir maintenir la paix dans la milice bourgeoise et parmi les ha-biiauts. Vaine espérance! Depuis la publication dece règlement, la division n’a cesse de s’accroître de légiuunaire à légionnaire et de citoyen à citoyen. Les cris indécents contre la nation, que nous vous avons dénoncés, lurent le signai d’une entreprise condamnable de la part de quelques légionnaires. Des le lendemain ils substituèrent à JL cocarde nationale la cocarde blauche, et interprétant criminellement, par leurs discours, ceue marqued’uu ralliement particulier, ilscher-chauiit à mettre en opposition, dans l’esprit du peuple, l’Assemblée uatiouaie elle roi. Notre municipalité, lémoni.eomme nousuecet acte sédiiieux, et ne pouvant eii ignorer tout le danger, au lieu d’arrêter ie mai uuus sa source, s est occupée d’une délibération qu’elle a portée, le 22 du mois (1) Persuade qu’un membre de l’Assemblée nationale devail donner l’exemple du patriotisme, il avait envoyé, dés le mois d’octobre, 114 marcs de vaisselle â la monnaie de Montpellier. 11 avait porté à 5,000 livres sa déclaration pour la contribution patriotique, et payé, le premier des liabitants de Nîmes, uon seulement le premier tiers échu eu l"?yO, mais une partie du second tiers, qui n «at payable qu'en 1791. La quittance du collecteur, en date du 28 avril dernier, en fait foi.