SÉANCE DU 29 FRUCTIDOR AN II (LUNDI 15 SEPTEMBRE 1794) - N08 35-36 191 sécurité des personnes que l’on peut trouver la félicité et le contentement. «Le règne du crime, porte cette adresse, est passé; la vertu triomphe, et la République majestueuse et fière s’élève et foule au pied toutes les factions et toutes les aristocraties. La terreur y avait tout engourdi; les proscriptions, les emprisonnements, les calomnies et le brigandage y était à l’ordre du jour; mais le représentant du peuple Boisset, y a tout réparé et réchauffé par sa conduite ferme et bienfaisante. L’intrigue pâlit, les complots sont déjoués, les bourreaux fuient, l’innocence et la vertu sont arrachés des cachots, qui ne seront désormais que la peine du crime. L’enthousiasme à se porter à sa rencontre annonce le besoin que le peuple avait de sa présence. Continuez, législateurs, vos travaux; restez fermes à votre poste; comptez sur notre constance éprouvée par les malheurs; elle n’en sera que plus inébranlable à soutenir vos principes. » J’en demande la mention honorable et l’insertion au bulletin (Adopté) (58). 35 Bulletin de l’état de santé du représentant du peuple Tallien Le malade a été moins agité que le jour précédent : il éprouve toujours des douleurs lancinantes autour de la plaie et dans la partie supérieure de la poitrine, et les symptômes d’une suppuration prochaine deviennent de plus en plus évi-dens. Insertion au bulletin (59). 36 Le citoyen SAINT-MARTIN a présenté le rapport du décret relatif à l’exécution de l’article VI de la loi du premier brumaire dernier (60). A peine la loi du 20 février 1793 (vieux style), relative aux indemnités à accorder pour pertes occasionnées par l’intempérie des saisons et autres accidens imprévus, étoit-elle promulguée, que l’avidité du riche s’empara de quelques dispositions trop générales de cette loi pour tâcher d’accroître sa fortune au détriment du trésor public. (58) Moniteur, XXI, 769. (59) P.-V., XLV, 268. C. 318, pl. 1286, p. 25. Le bulletin est signé : Navier, Desault, Chabaneau, Souque. Reproduit dans Bull., 29 fruct.; Moniteur, XXI, 766; Débats, n° 725, 485; J. Mont., n° 139. M. U., XLIII, 475; J. Fr., n° 721; F. de la Républ., n° 436; Mess. Soir, n° 758; Rép., n° 270; J. Perlet, n° 723; Ann. Patr., n° 623; Ann. R. F., n° 288; C. Eg., n° 758; J. Paris, n° 624. (60) Bull., 29 fruct.; J. Mont., n° 139 et 140; M. U., XLIII, 475; J. Fr., n° 721; F. de la Républ., n° 436; Rép., n° 270; Ann. R. F., n° 287; J. Paris, n°624. La latitude qu’on vouloit donner aux indemnités étoit telle, que l’énormité des dépenses auroit rendu la loi inexécutable; et c’est sans doute ce que proposeroit l’aristocratie, afin que le pauvre, privé des secours que la patrie lui doit, en vînt au point de regretter l’ancien régime. Ce fut pour déjouer ces perfides combinaisons, qu’en adoptant les mesures qui vous furent présentées par votre comité des Secours publics, vous portâtes le décret additionnel du premier brumaire, qui détermine quels sont les accidents qui peuvent donner droit à des indemnités nationales, et pose des règles propres à prévenir les exagérations des réclamans dans l’évaluation de leurs pertes. Ces exagérations étoient sur-tout des plus choquantes dans l’évaluation des meubles et effets : des citoyens ne rougissoient pas de porter leur mobilier à une valeur qui n’avoit aucune proportion avec leur fortune. Le moyen de remédier à cet abus étoit de fixer à la valeur du mobilier un maximum qu’on ne pût outre-passer, et c’est ce que vous fîtes par l’article VI de cette loi; il est ainsi conçu : « Le maximum du mobilier dont on pourra être indemnisé, suivant les règles et proportions déterminées par la loi du 20 février, demeure fixé à cinq fois le revenu de celui qui a éprouvé la perte ». Cette disposition a produit le bien que vous en attendiez; mais quand il a fallu l’appliquer à des réclamans dont le revenu étoit si modique, qu’il ne s’élevoit pas à 100 L on s’est apperçu que sa rigueur dégénéroit en injustice; et d’ailleurs, il est sensible qu’elle est inapplicable à ceux qui ne jouissent d’aucun revenu. Cependant ces deux classes de citoyens, malheureusement trop nombreuses encore parmi nous, méritent d’autant plus d’être traitées favorablement dans la distribution des secours, qu’ils ont moins de moyens de réparer leurs pertes. Voilà pourquoi la loi du 20 février, en se conformant au vœu de la justice, a voulu qu’ils reçussent dans son entier l’évaluation de leurs pertes; et assurément la Convention, dont toutes les vues, tous les efforts tendent à l’amélioration du sort des in-digens, n’a pas entendu déroger à cette disposition bienfaisante, lorsque par une loi postérieure, elle a fixé le maximum du mobilier à cinq fois le revenu du réclamant. C’est pourtant ce qu’on pourrait inférer de l’article VI de la loi du premier brumaire, faute d’une disposition particulière pour ceux qui n’ont aucun revenu ou dont le revenu est au-dessous de 100 L. Ceci va s’éclaicir par un exemple. Deux artisans ont perdu tout leur mobilier, par l’incendie de la maison qu’ils habitoient. Ce mobilier étoit à-peu-près d’égale valeur, quoique le revenu de l’un s’élevât à 100, et que celui de l’autre ne fût que de dix livres. Eh bien ! en se fixant sur la disposition de l’article VI, le premier pourra obtenir 500 L d’indemnité, c’est-à-dire, cinq fois la valeur de son revenu, tandis qu’il ne sera accordé au deuxième que 50 livres, quoique sa perte soit égale à celle de son compagnon d’infortune. 192 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Supposons à présent que l’un de ces artisans n’ait absolument aucun revenu, l’article sus-énoncé devient inapplicable à son égard : car on a beau multiplier zéro, son produit est toujours zéro. Il manque donc dans la loi, comme je l’ai déjà dit, un article qui s’applique spécialement aux citoyens qui n’ont aucun revenu, ou dont le revenu est au-dessous de 100 L. C’est pour corriger cette imperfection que je viens, au nom de votre comité des secours, vous proposer le décret suivant. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Saint-Martin au nom de son] comité des Secours publics, relatif à l’exécution de l’article VI de la loi du premier brumaire, additionnelle à celle des 20 février et 7 août 1793 (vieux style), concernant les indemnités ou secours dus pour des pertes occasionnées par des ac-cidens imprévus, décrète : Si celui qui a éprouvé des pertes par un incendie ou autre accident imprévu ne jouit d’aucun revenu, ou si son revenu annuel se trouve au dessous de cent livres, le maximum du mobilier dont il pourra être indemnisé, demeure fixé à la somme de 500 L (61). 37 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Louvet au nom de] son comité de Législation, décrète ce qui suit : Celui des membres de chaque comité civil des sections de Paris, qui, aux termes de l’article XVI de la loi du 14 de ce mois, doit être nommé pour exercer les fonctions d’agent national dans les actes relatifs aux mariages et divorces, est, et demeure chargé par la présente loi de remplir également les fonctions déléguées à l’agent national par l’article II de la loi du 11 ventôse, relativement aux successions échues aux défenseurs de la patrie et autres fonctions de l’agent national de Paris, sur lesquelles il n’au-roit pas été pourvu jusqu’ici (62). 38 Un membre [Roger Ducos], au nom du comité des Secours publics, obtient la parole et fait rendre les deux décrets sui-vans (63) : (61) P.-V., XLV, 269. C. 318, pl. 1286, p. 26. Décret n°10 893. Minute de la main de Saint-Martin, rapporteur anonyme selon C* II 20, p. 233. Bull., 29 fruct.; Moniteur, XXI, 765. (62) P.-V., XLV, 269. C 318, pl. 1286, p. 27. Décret n°10 887, minute de la main de Louvet, rapporteur. Bull., 29 fruct.; Moniteur, XXI, 761; F. de la Républ., n° 436; Mess. Soir, n° 758; Rép., n° 271; Gazette Fr., n° 989. (63) P.-V., XLV, 269-270. Débats, n° 725, 477. a La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de Roger Ducos, au nom] de son comité des Secours publics sur la pétition de la citoyenne Catherine Maury, femme Saumont, domiciliée à Bus-serolles, département de la Dordogne, laquelle, après sept mois de détention, a été acquittée et mise en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris, du premier fructidor décrète que, sur le vu du présent décret, la trésorerie nationale paiera à ladite Maury une somme de 700 L, à titre de secours et indemnité, et pour l'aider à retourner à son domicile. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (64). b La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de Roger Ducos, au nom] de son comité des Secours publics sur la pétition du citoyen François Maréchal, perruquier, domicilié à Paris, lequel, après deux mois de détention, a été acquitté et mis en liberté par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris, du 8 floréal, décrète que, sur le vu du présent décret, la trésorerie nationale paiera audit Maréchal une somme de 200 L, à titre de secours et d’indemnité. Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance (65). 39 BARAILON a ouvert la séance par une motion d’ordre, dont le but est d’inviter la Convention à s’occuper sérieusement de la propagation des découvertes faites par la nation française, depuis le commencement de la révolution. BARAILON après avoir rappelé que ce sont les Français qui ont fait revivre l’usage des signaux, connus de nos ancêtres les gaulois; que ce sont les Français qui ont rendu la fabrication de la poudre tellement familière, qu’on en fait plus dans un seul jour, qu’on en faisait autrefois en un an; que ce sont les Français qui ont forcé les cloches de concourir aux repos des humains, qu’elles avaient troublé pendant si longtemps; enfin ce sont les Français qui ont appris aux autres nations à tirer du savon des plantes marines et des marrons d’Inde. (64) P.-V., XLV, 269-270. C 318, pl. 1286, p. 28. Décret n° 10 890, minute de la main de Roger Ducos, rapporteur. Bull., 29 fruct. (65) P.-V., XLV, 269-270. C 318, pl. 1286, p. 29. Décret n° 10 889, minute de la main de Roger Ducos, rapporteur. Bull., 29 fruct.