259 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1790.] [Assemblée nationale.] ANNEXE N® 8. Délibération des citoyens catholiques de la ville d’Uzès (1). L’an 1790, et le dimanche deuxième jour du mois de mai, les citoyens catholiques de la ville d’Uzès, assemblés dans l’église des RR. PP. capucins de ladite ville, après en avoir donné avis à MM. les maire et officiers municipaux, selon la forme prescrite par les décrets de l’Assemblée nationale du 14 décembre 1789, présidée par messire de Rossel, chevalier, baron de Fonta-rèches, lieutenant des maréchaux de France, capitaine en premier de la compagnie n° 20 de la légion d’Uzès; Considérant que des Français et des catholiques ne peuvent rester étrangers à la discussion des grands intérêts que l’Assemblée nationale vient de soumettre à son examen ; que les lois ne devant être que l’expression de la volonté générale des peuples, il n’est aucun citoyen qui n’ait te droit de déclarer ses vœux sur leur objet; Considérant que la religion, offrant à la vertu un fondement inébranlable, au vice le frein le plus puissant, aux lois les moyens d’exécution les plus sûrs, elle est la base la plus solide des empires ; Qu’il importe essentiellement à tous les gouverneurs de maintenir la force de ce ressort, et gué rien ne saurait autant en affaiblir l’action sur ■l’esprit des peuples que des témoignages d’indifférence sur les principes et les formes du culte sans lequel il ne peut exister de religion; que, convaincus de cette vérité, les plus grands législateurs lièrent toujours à l’ordre public les cérémonies religieuses, et qu’elles ont fait dans les Empires les plus célèbres une partie nécessaire de la constitution de l’Etat; Que si les lois n’ont aucune autorité sur les consciences, elles exercent l’inspection la plus légitime sur les actes qui en manifestent les sentiments; qu’en n’imposant aucune contrainte sur les opinions, en n’exigeant aucun témoignage qui les contrarie; en appelant sans distinction de religion tous les membres quelconques de la société à la participation commune de ses avantages, elles satisfont pleinement à tous les droits de l’homme et du citoyen ; mais que ces droits ne sauraient mettre obstacle à l’établissement d’un ordre public uniforme, ni autoriser à le troubler quand il est établi ; Considérant que c’est sous les lois de la religion catholique, la seule véritable que l’Empire français a vu pendant quatorze siècles se former, s’accroître et s’affermir sa grandeur et sa puissance; qu’il n’est point de religion dont les principes posent avec plus de sagesse les bornes de la dépendance et de la liberté, et s’allient mieux avec la modération monarchique; que la suppression projetée dans le nombre de ses ministres les plus nécessaires menace, surtout dans ces contrées, la stabilité de cette religion sainte; et quand, dans un moment où tant d’intérêts divers se liguent pour attaquer ses prérogatives, il devient d’un devoir impérieux de les consacrer par une délibération solennelle; Considérant encore que les circonstances qui ont déterminé le séjour du roi à Paris, et les changements frappants qu’offrent les entours de ce prince, en son nouveau genre de vie, inspirent� une multitude de citoyens la crainte véritable ou simulée que la sanction qu’il donne aux décrets de l’Assemblée nationale ne soit pas l’expression d'une volonté parfaitement libre, et peuvent leur fournir des motifs ou des prétextes de ne pas reconnaître dans ces décrets les caractères sacrés de la loi ; Considérant enfin que l’Assemblée nationale elle-même a besoin de s’environner de tout l’appareil de la force militaire pour se mettre à couvert des orages que les passions excitent autour d’elle; que ces précautions annoncent ie danger; que leur insuffisance à l’égard de quelques-uns de ses membres le prouve avec certitude; et que l’apparence seule de la contrainte pour l’Assemblée législative est faite pour glacer d’effroi les peuples, qui ne doivent recevoir des lois que de la sagesse et de la liberté ; Adhérant aux pétitions déjà faites par les citoyens catholiques des villes de Nîmes et Alais, pour ne former sur ces objets importants qu’un même vœu avec eux, et lui donner plus d’efficacité, Ont unanimement délibéré : 1° De demander à l’Assemblée nationale et au roi, que la religion catholique, apostolique et romaine soit déclarée par un décret solennel être la religion de l’Etat, et jouisse seule des honneurs du culte public; 2° De persister plus fort dans la demande qu’ils ont déjà faite de la conservation du siège épiscopal et du chapitre cathédral de ia ville d’Uzès, ainsi que de tous les établissements religieux qui s’y trouvent formés; et de ne pas cesser de solliciter le succès de cette demande, dont les motifs particuliers et pressants ont été développés dans une première adresse faite à l’Assemblée nationale ; 3° De demander que nul changement ne soit fait dans l’organisation du clergé sans le concours de la puissance ecclésiastique, conformément aux lois du royaume ; 4° De réclamer pour le roi la plénitude et l’exercice du pouvoir exécutif suprême ; 5° De supplier le roi et l’Assemblée nationale, pour faire cesser les inquiétudes des bons citoyens et les prétextes des ennemins de la Constitution, de transporter leur séjour hors de Paris et dans telle autre ville du royaume qu’il leur plaira de choisir, et là, de reviser dans leur sagesse les décrets sanctionnés ou acceptés depuis le 5 octobre dernier; 6° Que M. le président et messire d’Entraigues, chevalier, seigneur de Cabanne, capitaine en second de la compagnie n° 20, MM. Laissac, avocat au parlement de Paris, juge-mage en la sénéchaussée d’Uzès ; Borie, notaire royal, lieutenant en premier de la compagnie n° 17, et Puget, marchand de bas, lieutenant de la compagnie n° 3, commissaires nommés, sont chargés d’adresser une copie de la présente délibération, signée d’eux, à M. le président de l’Assemblée nationale, pour en être donné connaissance à cette Assemblée ; d’en faire présenter une pareille copie au roi, d’en déposer l’original en forme dans les archives de la ville, et que des exemplaires imprimés de ladite délibération seront envoyés aux principales villes de la province et du royaume, dans la persuasion que, partageant les mêmes sentiments, elles adhéreront aux mêmes vœux; Et ont, les sachant écrire, signé. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.