664 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.J soldats dans nos bataillons, nous ne connaissons plus que l’obéissance. Loin de nous ces vaines appréhensions qui, présumant témérairement de notre zèle, l’ont cru susceptible de s’altérer ou de s’affaiblir au point de nous faire abandonner nos drapeaux, parce que les districts ne seraient plus permanents. « Nous respectons, peut-être même plusieurs d’entre nous partagent-ils le désir de nos concitoyens sur cette permanence ; mais, Messieurs, si vous jugez que l’activité des délibérations partielles ne eoit point un avantage pour l’Etat et pour la capitale, nous nous conformerons à un décret que vous aurez pesé dans votre sagesse, et que vous n’aurez rendu que parce que vous l’aurez regardé comme nécessaire à notre bonheur. Nous ne sommes point de ceux qui, donnant à la liberté une extension moins propre à la conserver qu’à la détruire, la placent dans l’hypothèse de son abus, et non dans celle de sa jouissance. Les vrais soldats citoyens, accoutumés à obéir et à commander à leurs égaux, se croient également libres, soit qu’ils obéissent, soit qu’ils commandent. Que la loi soit faite pour tout le monde ; que le puissant, comme le faible, ait les mêmes droits à sa sévérité et à sa protection; qu’aucun citoyen ne puisse abuser ni être victime de la situation dans laquelle l’aura placé la fortune : voilà la véritable liberté, voilà celle qui fait l’objet de tous nos vœux, voilà celle que nous défendrons jusqu’à notre dernier soupir. « Eh! Messieurs, comment penser que la garde nationale parisienne pût être dirigée dans sa conduite par des intentions autres que celles si bien exprimées, dans cette auguste Assemblée, par le bataillon de Sainl-Elienne-du-Mont? Non, sans doute. Pour acquérir toute confiance à cet égard, il suffit, comme l’a observé ce même bataillon, de se rappeler que nous sommes tous Français. Quelques-uns de ces individus qui ne tiennent par aucun lien à la société, trompés par leurs passions, ou entraînés par leur faiblesse, peuvent bien oublier un moment leurs devoirs, mais jamais trente mille Français n’out trahi à la fois la patrie et l’honneur. « Voi à, Messieurs, nos sentiments et ceux de nos camarades. Nous vous en offrons en ce jour, avec d’autant plus de plaisir l’hommage, que nous espérons qu’en y reconnaissant ce patriotisme et cette franchise qui caractérisent de vrais militaires, vous y apercevrez en même temps la fidélité et la soumission, sans lesquelles la plus éclatante bravoure ne pourrait jamais faire de bons soldats. » Extrait du registre des délibérations du neuvième bataillon de la cinquième division de la garde nationale parisienne , connu sous le nom DES CAPUCINS DU MARAIS. L’an mil sept cent quatre-vingt-dix, le samedi trois avril, le bataillon extraordinairement convoqué en la salle du Palais Cardinal, lieu ordinaire de ses assemblées ; lecture faite d’une adresse du septième bataillon de la première division, à l’Assemblée nationale, contenant invitation aux autres bataillons de manifester leurs vœux au sujet de ladite adresse : Le bataillon, considérant que cette adresse renferme l’expression de ses vrais sentiments, et sûrement de ceux de toute la garde nationale parisienne, a arrêté unanimement de lui donner son adhésion, et d’en faire part bataillon de Samt-Etienne-du-Mont. M. de Lagrange, commandant du bataillon, a observé alors à l’assemblée qu’il était chargé, avec deux citoyens volontaires, de porter à l’Assemblée nationale les boucles d’argent du district. Il a ajouté que présumant l’opinion du bataillon sur cet objet intéressant, et croyant que cette circonstance pouvait être une occasion de la faire connaître à l’Assemblée nationale, il avait fait un projet d’adresse qu’il allait soumettre à l’Assemblée. Lecture faite de cette adresse, le bataillon l’a applaudie à plusieurs reprises, et l’a adoptée unanimement, et a arrêté qu’elle serait présentée par les députés ci-après nommés, réunis à ceux du district, à l’Assemblée nationale et à son comité militaire, et qu'elle serait ensuite portée à l’assemblée des représentants de la commune, à M. le commandant général, au comité militaire de la ville, et envoyée, au nom du bataillon, par son secrétaire, à MM. de l’Etat-major général et à chacun des cinquante-neuf autres bataillons. Et pour députés, l’assemblée a nommé M. le commandant, M. l’aide-major du bataillon, des officiers, bas-officiers et fusiliers pris par ancienneté d’âge, un par chaque grade, et M. le secrétaire. L’Assemblée a en même temps arrêté que l’adhésion et l’adresse seraient portées par quatre autres députés aq bataillon de Saint-Etienne-du-Mont. Signé : de Lagrange, commandant ; Chauveau, secrétaire-adjoint. M. le Président répond aux députés du district des capucins du Marais : « Messieurs, l’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction le nouveau témoignage de votre pa-triolisme. C’est aux habitants d’une ville qui a si puissamment contribué à la Révolution, qu’il appartient sans doute de donner l’exemple du désintéressement si nécessaire, lorsqu’il s’agit de régénérer la finance, et de rétablir le crédit et la confiance. L’Assemblée nationale, qui a reçu tant de preuves de votre zèle pour la chose publique, comme citoyens, et qui connaît si bien votre courage et votre dévouement comme soldats, sentiments que vous venez d’exprimer avec l’énergie d’homme qui sentent le prix de la liberté, vous permet d’assister à sa séance. » Une députation du huitième bataillon de la première division de l’armée de la Révolution, est ensuite admise à la barre et présente une adresse dont l’Assemblée ordonne l’impression et l’insertion au procès-verbal. Elle est ainsi conçue : Adresse du huitième bataillon de la première division de l'armée de la Révolution , à l'Assemblée nationale, le 10 avril 1790. « Monsieur le Président et Messieurs. « Le huitième bataillon de la première division de la garde nationale parisienne se croirait coupable aux yeux des législateurs de la nation française, s’il gardait plus -longtemps le silence sur un objet qui intéresse d’autant plus l’armée de la Révolution, qu’on a cherché à vous faire concevoir des doutes sur la pureté de ses principes. « 11 vous a été présenté par les districts de la capitale une adresse tendante à vous faire décréter leur permanence active et perpétuelle. « On a osé dire, dans cette adresse, que si cett* permanence u’était pas décrétée, les bataillons [Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.] 665 de l’armée de la Révolution abandonneraient leurs drapeaux. « Non, Messieurs; non, la garde nationale parisienne n’abandonnera jamais ses signes de ralliement. Son honneur, son amour pour la liberté qu’elle vient de conquérir, son serment, enfin, lui en font la loi. « Le huitième bataillon de la première division restera attaché au sien, parce qu’il y lira à chaque instant la seule devise qui convienne à un peuple libre, et qu’il lui rappellera sans cesse, et son serment, et le héros à la générosité duquel il le doit, et auquel les deux mondes doivent des statues. « Les ennemis du bien public ont cru trouver une ressource dans la demande de la permanence; mais il est attaché à leur destinée d’être toujours trompés dans leurs espérances. Quels que soient vos décrets sur le sort des districts delà capitale, l’armée de la Révolution a juré de maintenir la Constitution, et elle la maintiendra jusqu’à son dernier moment. « La garde nationale attend avec impatience la nouvelle existence que vos décrets vont lui donner. Elle brûle d’être quelque chose dans la Constitution ; elle en attend le complément, parce que c’est à lui qu’est attaché le bonheur de la France entière, et qu'il doit vous mériter à jamais le titre excellent qui vous a été donné d’avance, par une société formée au milieu d’un peuple quelquefois libre, et dont les membres sont dignes de le partager avec vous. « Les districts ont semblé craindre que la garde nationale parisienne n’abusât de ses forces. Ils nous ont mal jugés. Ils sont et seront toujours nos frères. Si leur inactivité est décrétée, nous n’en serons pas moins attachés à notre serment, et nous doublerons de vigilance pour assurer aux citoyens qui les composent, leurs propriétés, leur vie et leur liberté, ou plutôt nous serons ce que nous avons été, et ils vivront paisibles. « Tels sont, Messieurs, nos sentiments, et tels doivent être ceux de tous les Français dignes d’êtres libres. Signé : Renàbd, commandant; Serson-üesmoitiers, capitaine, secrétaire ; Lemoine, Ponce, Leroi, capitaines; Ga-TINE , lieutenant; Besançon, sous-lieute-. nant , remplaçant M. delà Fayette le fils ; Caron, Briss*e, sergents ; Heimar, Chabot, caporaux ; Collette de Baüdicourt, Büllet, Dequevaü-Villiers, Gossaume, fusiliers. » « Nous, secrétaire du bataillon, certifions que les noms ci-dessus sont ceux de MM. les députés nommés pour porter la présente à l’Assemblée nationale. Signé : Serson-Desmoitiers, secrétaire. » M. le Président répond au discours de la députation du huitième bataillon de la première division de la garde nationale parisienne : « Messieurs, ce n’est qu’avec la plus vive sensibilité que l’Assemblée nationale est témoin de ce combat de patriotisme et de dévouement entre tous les citoyens de la ville de Paris. Les bruits injurieux qu’ont répandus les ennemis de la chose publique, ne l’ont jamais affectée; elle connaît trop bien votre courage et vos vertus. Citoyens et soldats, vous défendre* et maintiendrez la Constitution, dont le but est de vous rendre heureux. L’Assemblée vous permet d’assister à sa séance. » Les députés du district de Saint-Eustache, en présentant le don patriotique des habitants du district, offrent en leur nom leur vie et tout ce qui est en leur pouvoir, pour le maintien de la Constitution. M. le Président exprime les sentiments de l’Assemblée, en répondant : « Messieurs, les termes me manquent pour vous peindre les sentiments dont est affectée l’Assemblée nationale; combien elle doit s’applaudir des travaux que son zèle lui a fait entreprendre, et combien elle est dédommagée de ses pénibles occupations, par le zèle, le courage et le dévouement que développent toutes les classes de citoyens. Désormais elle n’a plus d’ennemis à craindre ; ils seront confondus, et la France sera libre et heureuse. L’Assemblée vous permet d'assister à sa séance. » Les députés des salles des malades des deux sexes de la maison des Incurables de Paris, présentent au nom de cet établissement, un don patriotique de 16 livres 16 sous d’argent monnayé et de quelques effets en or et en argent. M. le Président leur dit : « L’Assemblée nationale, qui veille également sur tous les citoyens, s’occupe encore avec plus de zèle de ceux qui sont privés des dons de la fortune. Si, dans la nouvelle Constitution qui vient de rétablir l’égalité civile entre tous les citoyens, elle n’a pu leur assurer la même aisance, du moins en encourageant et protégeant tous les établissements de bienfaisance, aura-t-elle rempli le devoir qu’elle s’est imposé, d’assurer à chacun le bonheur dont il est susceptible. L’Assemblée vous permet d’assister à sa séance. » L’archiconfrérie royale du Saint-Sépulcre de Jérusalem présente l’hommage qu’elle juge le plus digne des vengeurs de la liberté, cent vingt-quatre infortunés dont elle va essuyer les pleurs et briser les fers. Elle entre dans quelques détails sur l’objet et sur l’utilité de son institution, dans un discours déposé sur le bureau. M. le Président fait la réponse suivante : « Messieurs, délivrer les infortunés, les arracher à l’esclavage, est sans doute le plus grand acte d’humanité que puisse exercer la bienfaisance. Tel est le but particulier de votre établissement, tel est celui que s’est proposé l’Assemblée nationale, en fondant la liberté. Elle protégera, elle encouragera vos travaux, et recevra toujours avec la plus vive satisfaction, les témoignages de votre zèle et de votre dévouement au bien public. L’Assemblée nationale vous permet d’assister à sa séance. » Des députés du bataillon des vétérans de la garde nationale parisienne soumettent à l’Assemblée un acte qui constate le vœu des districts pour la formation de ce nouveau bataillon. Ces députés sollicitent les suffrages de l’Assemblée ; et l’auteur de ce projet, M. Carrière de l’Etang, déploie lui-même, dans un discours, son amour pour la patrie et son respect pour l’Assemblée nationale. M. le Président répond en ces termes :