[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 février 1791 .J 5o sentants de la nation, que ce que toute ia nation a droit d'* faire; elle peut réprimer le scandale des prêres, comme elle détruit l’arbitrai rj du despotisme, l’aristocratie des distinctions héréditaires, et les abus d’une justice corrompue et meurtrière : c’est une partie de sa police. « Les prêtres ont sans doute une puissance divine ( Applaudissements .), comme l’auteur dont elle émane; mais leur tribunal est tout spirituel; leur pouvoir s’exerce uniquement sur les consciences ; nous devons nous y soumettre comme ch-éiiens et catholiques; et, de leur côœ, ils doivent se soumettre aux lois de l’E at, comme Français et citoyens. (Applaudissements.) « Vous avez, Messieurs, exactement et religieusement distingué ces dux oujets. Vous avez respecté le pouvoir spirituel que, comme prêtres, iis ne tiennent que de Dieu, pouvoir parfaitement indépendant de toute paissance politique, et qui n’est pas de ce monde ; et vous les avez ramenés à la soumission qu’ils doivent, comme citoyens, aux conditions du grand pacte social dont vous avez posé les bases sur les principes éternels et inaltérables de la nature. � « Ceux-!à seuls donc seraient impies et sacrilèges, qui, voulant abuser de la confiance qu’inspire un ministère saint et révéré, se masqueraient du faux prétexte de la religion pour envahir tous les pouvoirs, maintenir le scandale, et se soustrair à l’obéissance aux lois. Ce serait professer des maximes antiévangéliques, profaner la sainteté de nos dogmes, et tromper la foi des peuples. « Nous sommes, Messieurs, autant que personne, attachés à la religion de nos pères; nous sacrifierions tous nos biens et nous verserions tout notre sang pour lui rendre témoignage; et c’est cet attachement pur et sincère à son culte saint, à ses dogmes divins, à sa croyance religieuse, à sa morale sublime, à ses vérités éternelles, à ses espérances consolantes, qui nou* inspire les sentiments de la plus vive reconnaissance pour tout ce que vous avez fait pour elle. Des ministres la souillaient, et vous l’avez purifiée; ils la détruisaient par leur conduite, et vous l’avez relevée; le temps en avait altéré la discipline, et vous l’avez rétablie : la France vous doit sa régénération et sa liberté; la religion vous devra la restauration de sa pureté primitive, et la renaissance de ses vertus et de ses beaux jours. * Nous venons, Messieurs, d’exercer notre premier acte de nomination pour le siège épiscopal et métropolitain d< s côtes de la Manche. Les intrigues des malveillants ont en vain tâché, par des écrits incendiaires ou des circulaires insidieuses, de nous détourner de l’obéissance aux lois (Applaudissements .) : fidèles au serment que nous avons prêté, et que nous renouvelons encore, d’en maintenir l’exécution, nous avons procédé avec joie, avec zèle et d’un parfait accord; nous avons invoqué le Saint-Esprit, et nous avons cherche la vertu. (Vifs applaudissements.) « Poursuivez, Messieurs, vos heureux et glorieux travaux; ne bs quittez pas que vous n’ayez entièrement achevé notre Constitution; c’est notre vœu : comptez sur nos bras, nos fortunes et notre existence entière pour ia maintenir : nous sommes chrétiens, catholiques, Français, citoyens et libres; nous ne cesserons jamais de Fètre. (Vifs applaudissements.) « Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs, « Les électeurs du département de la Seine « Inférieure. « Signé : Massé, président de l’assemblée; Durand,curé de Vatteville, secrétaire; Lemoyne, second scrutateur; Bu d de l’Epine, troisième scrutateur; Cher. Poullet Fils, commissaire; F.-N. Auquetin, commissaire. » M. l’abbé Grégoire. Je demande que cette adresse soit imprimée, insérée dans le procès-verbal et envoyée aux départeme ds, où elle fera grand bien, par les principes de religion et de patriotisme qu’elle contient. M. de llontlosier. Je demande qu’on l’envoie à M. Marat pour remplir la feuille de l’Ami du peuple. (L’Assemblée ordonne l’impression, l’insertion au procès-verbal et l’envoi officiel de l’adresse aux 83 départements.) M. Lecouteulx de Canteleu. Je suis chargé de vous présenter une pétition à laquelle les députés extraordinaires du commerce de France ont donné leur adhésion; elle émane du commerce et des représentants du commerce de Paris et a trait à un article du droit d’enre-gi-freinent. Je vous prierai de vouloir bien la renvoyer au comité d’imposition. Celte adresse est ainsi conçue : « Messieurs, l’abus qu1 les percepteurs des droits d’enregistrement veulent faire de l’ar-ti ■ I b 2 du dé ret du 5 décembre dernier, concernant les billets à ordre, a répandu l’alarme dans tout le co mnerce, et excite ses réclamations. « lis prétendent que les porteurs des billets à ordre doivent s’assujettir à les faire enregistrer, qu’ils doivent payer le droit progressif iVnre-gisi rement, avant de pouvoir les faire protester en la forme ordinaire par le ministère des huissiers ou autres officiers public-. « Cetîe prétention ed opposée non seulement à la lettre et à l’esprit du décret, mais encore à la nature des protêts, à la marche des nég >cia-tions et aux ménagements dus à la portion la plus préc.euse des commerçants. « L’article 2 du décret dit bien ; « qu1 les actes sous signature privé-1, même les billets à ordre, en conséquence desquels il sera formé quelques demandes principales, inet lente a ou en conventio , seront enregistrés au bureau du domicile du demandeur, ou à celui établi près la juridiction où il formera sa demande, avant d’èt-e signifiés ou produits en ju-tice; toute poursuite et signification, faite ai préjudice de cette disposition, sera nulle ; les juges n’y auront aucun égard, et ne pourront re idre aucu i jugement avant que ces actes aient été enregistrés. « Mais il n’y a dans ces expressions de la loi, rien qui comprenne le cas de simple protêt des biiiets -i ord e. L’article n’assujettit littéralement au droit que 1 s billets, en conséquence desquels il sera formé des demandes; que les billets, qui seront signifiés en justice , ou qui y feront’’ produits. (1) Ce document n’est pas inséré au Moniteur. 56 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 février 1791.] < L’intention des législateurs n’a été ni pu être de déclarer la formalité de l’enregistrement des billets nécessaire, et le payement du droit progressif exigible, peur toute hypothèse autre que celle où ces billets seraient portés en justice. Il est de toute évidence que dans l’esprit comme dans les termes du décret, c’est l’événement d’une discussion judiciaire qui donne ouverture au droit. Il faut que cette discussion soit pour le moins entamée par une demande à fin de condamnation : il fout que le billet à ordre, par le refus que le débiteur a fait de le payer, devienne le litre ou la base d’une action légale, proprement dite : qu’en un mot il soit présenté à la justice comme l’instrument des obligations que le souscripteur y a contractées, et comme le principe de la contrainte qu’elle devra prononcer pour vaincre la résistance de ce dernier. Voilà visiblement dans quelles vues et pour quelle occurrence l’enregistrement des billets à ordre a été prescrit. « Gomment s’aveugler sur ce point, lorsque l’article 2 indique, pour cet enregistrement, le bureau établi près la juridiction où le demandeur formera sa demande ; lorsqu’il ordonne cet enregistrement comme un préalable à toute signification ou production des billets à ordre en justice; lorsqmenfin il prévoit l’émission d’un jugement, et interdit aux juges de le rendre sans que ces billets aient été enregistrés? 11 est bien clair que, jusqu’à ce que les billets à ordre soient portés en justice, le droit progressif sur les sommes qui en sont le montant ne peut être engendré. « Or, un protêt n’est point un acte qui engage la discussion judiciaire sur les billets à ordre : un protêt n’est point une demande ; c’est tout simplement un acte extrajudiciaire, un acte conservatoire, qui constitue le débiteur en demeure de payi ment, qui constate le refus qu’il en a fait. Le porteur de l’effet protesté retire seulement du protêt la faculté de pouvoir agir ultérieurement, soit contre le souscripteur à fin de condamnation, soit contre les endosseurs à fin de remboursement. « 11 y a entre les protêts et le3 demandes des différences bien marquées. « Le protêt n’est point un exploit; il n’est pas essentiellement du ministère d’un huissier. Dans plusieurs grandes villes, telles que Lyon, Bordeaux, Marseille et autres, les protêts se font par des notaires. « Les demandes, au contraire, ne sont jamais formée s et ne peuvent l'être que par des officiers ministériels. « Le protêt n’est point une demande, quoique l’officier qui en est chargé fasse au souscripteur la réquisition ou sommation de lui payer le montant du billet. « On entend, par demande, dans le langage des tribu -aux, l’acte qui cite le débiteur devant un juge, l’exploit d’assignation qui l’interpelle de se présenter au juge, et de répondre aux chefs de conclusions prises contre lui. « Le protêt n’est point une signification judiciaire ou faite en justice ; il n’est pas lié nécessairement à l’insiruction juridique ; il peut n’y jamais donner lieu ; ce n’est pas par lui que commence la contestation; il est en un mot extra-judiciaire. « Au lieu qu’une demande est la clef, l’introduction d’un débat juridique, elle annonce toujours une discussion ultérieure entre le demandeur et le défendeur; elle est ordinairement suivie d’autres acles de procédure qui n’en sont que la conséquence. « Il ne faut pas isoler dans le décret ces mots : signifié ou signification, de ces autres: en justice, puisqu’ils sont corrélatifs et correspondant. « C’est donc une subtilité manifeste que de vouloir assimiler les protêts aux demandes dont parle l’article 2. Ils ne se ressemblent en rien; ils ne sont pas dans la même forme ni du même contexte ; ils n’ont pas le même but. « Le protêt précède quelquefois l’action ; la demande est toujours l'action elle-même. « On ne pourrait, d'ailleurs, sans injustice et sans beaucoup d’inconvénients, appliquer aux protêts ce qui n’est réglé que pour les demandes. « En astreignant le porteur d’un billet à ordre à le faire enregistrer avant le protêt, il arrivera de deux choses l’une : ou qu’il sera exposé à supporter le droit d’enregistrement personnellement et sans répétition, ou qu’il ne pourra user du seul moment utile pour faire protester son billet. « Car, d’un côté, si le porteur, le jour de l’échéance, commence par faire enregistrer, le débiteur, qui est libre de se présenter pour payer pendant tout ce jour, et tant que les caisses ne sont point fermées, prétendra n’être point tenu de lui rembourser le droit d’enregistrement, sous prétexte que le terme fatal de son obligation u’est pas expiré. « D’un autre côté, si le porteur, craignant cette difficulté, attend jusqu’à u dernier instant pour faire enregistrer, puis protester, alors, les bureaux de l’enregistrement étant f rmés et l’heure de la nuit avancée, il ne sera plus à temps pour remplir ui l’une ni l’autre formalité. « Dans les deux cas, le porteur serait donc victime de l’extension faussement donnée à la loi. Dans le premier cas, il supporterait, en cure perte et sans pouvoir le répéter, le droit d’enregistrement qu il aurait avancé. Dans le second cas, il lui serait impossible de se munir d’un acte rigoureusement prescrit par l’ordonnance, d’un acte qui lui est indispensable, pour conserver son recours contre les endosseurs. « Indépendamment de ces entraves, il résulterait du plan d’exécution combiné par les percepteurs, une surcharge funeste qui pèserait précisément sur la classe des commerçants qui mérite le plus d’être soulagée, même enco ragée. « Dans le commerce en grand, les négociants opèrent par lettres de change ; les billets à ordre ne se font guère que par les marchands détailleurs aux fabricants, cultivateurs et manufacturiers qui les reçoivent comme argent comptant et s’en aident dans leurs besoins. Ges billets à ordre sont communément à dix, douze, quinze mois d’échéance. Ge terme diminue le prix de la chose vendue de 6 à 7 0/0. Si le fabricant les escompte ou les donne en payement, il lui en coûte au moins pareils 6 à 7 0/0 : ajoutez à cela le droit d’enregistrement progressif, il se trouvera que le fabricant s» ra privé du très modique bénéfice qu’il faisait sur sa marchandise, et hors d’état de se soutenir. « Ce sont ces considérations qui, depuis la création du contrôle, avaient fait affranchir de cet impôt les billets à ordre, comme les lettres de change ; on avait même accordé plus de faveur aux billets à ordre qu’aux lettres de change, en exemptant ces billets des frais de change, rechange et retour qui ont lhu pour les traiter. « Il se fait pour des sommes immenses de billets à ordre, payables dans Paris, centre de (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 février 1791 ] 57 toutes les relations du royaume. Ceux de ces billets qui ne sont pas payés à leur échéance, sont renvoyés d’endosseur en endosseur , et retournent au propriétaire primitif. Celui-ci, qui a intérêt de ménager un débiteur avec lequel il fait depuis longtemps des affaires, se prête au renouvellement des billets. Le plus souvent il n’asstgne pas. Toutes les classes du commerce, s’entr’aidant ainsi, se soulagent et se prêtent des secours mutuels. La perception des droits d’enregistrement lors des protêts, diminuerait ces facilités en les rendant plus coûteuses. « Enfin, il y aurait double emploi dans la perception imaginée par les préposés. Le protêt, comme acte d’huissier, est tacitement compris par le décret au nombre des actes s jets à l’enregistrcm nt. Le vœu du commerce eû même que l’Assemblée nationale fasse une mention expresse des protêts par addition à la troisième section de la troisième classe du tarif. Le commerçant payera donc pour le protêt ; il payerait en ore, dans le système des percepteurs, à l’occasion du même acte, le droit progressif sur le montant du billet à ordre protesté. N’est-ce pas assez que ce droit progressif ne soit acquis que par l’assignation ? « Plus on s’arrêle sur ces diverses considérations, plus on demeure convaincu que la prétention des préposés, à l’égard de l’enregistrement des billets à ordre avant le protêt, est contraire aux intentions et au décret de l’Assemblée nationale, et plus on se persuade qu’elle réprimera cette entreprise subite contre une loi si récente. « Signé : Les représentants du commerce de la ville de Paris; suivent leurs signatures. « Signé : Les négociants , banquiers et marchands de Paris; suivent leurs signatures. « Et à la suite de ces signatures est écrit : « Les juges et consuls de Paris, consomment occupés des intérêts du commerce et de tout ce qui peut tendre à le soulager, adhèrent à la présente pétition, et désirent qu’elle soit favorablement accueillie de l’Assemblée nationale. » Fait en la chambre du conseil, le 7 février 1791. Signé : P. Le Gomte, premier juge: Robert, Janin, L.-F. Le Clerc, Renouard l’aîné. « Suit la lettre des députés extraordinaires du commerce de France. « Paris, le 7 février 1791. Monsieur le Président, « Les députés extraordinaires du commerce de France ayant pris connaissance de la pétition du commerce de Paris, portant réclamation sur le droit d’enregistrement exigé sur les billets à ordre avant le protêt, et ayant examiné, avec la plus sérieuse attention, les motifs sur lesquels cette réclamation est appuyée, ils en ont reconnu la justice et le danger imminent qui résulterait pour le commerce en général , et pour la portion du commerce la plus utile, mais la moins fortunée, de l’interprétation donnée à la loi par les administrateurs; et en conséquence ils ont l’honneur de vous prier, M. le Président, de mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale , leur adhésion à cette réclamation, à laquelle ils se joigne t au nom de tout le commerce de France. « Nous sommes avec respect, etc. Signé : Les députés extraordinaires des manufactures et du commerce de France, Baux, président ; J. -F. Serane, secrétaire. (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette pétition au comité d’imposition.) M. le Président. J’avais placé, par votre ordre, à la discussion de cette séance, un rapport sur l’expédition des fri gates pour aller à la découverte de M. de La Pérouse. On m’observe que le comité militaire demande la parole pour un rapport extrêmement intéressant sur le recrutement, les engagements et les congés; voulez-vous l’entendre ? M. Lanjuinais. Ce rapport doit être examiné, car il respire bien peu Pair de la liberté. Je vous assure, Messieurs, qu’il est effrayant pour les patriotes. Ce rapport a donc besoin d’être examiné; mais il n’est pas à l’ordre du jour, et cependant on véut le passer ce soir; je demande l’ajournement. (Murmures.) M. Alexandre de LamcUi. Messieurs, je demande la priorité pour le rapport de votre comité militaire sur le recrutement, les engagements et les congés; ce rapport est distribué et imprimé depuis trois semaines ou un mois. L’objet auquel il s’applique est également in-tére-sant et pour la chose publique et pour les individus; pour la chose publique, par l’importance bien reconnue d’accélérer l’organisation de l’armée; et pour les individus, par la facilité qu’elle donnera, à ceux qui désirent servir, d'entrer dans l’armée, et à ceux qui souhaitent rentrer dans le sein de leur famille, de la quitter; car si les lois sur cet objet remplissent le but que nous avons eu, il ne doit plus exister désormais d’engagements faits par surprise ou par contrainte, et la désertion doit être également détruite par la facilité extrême que nous donnerons de quitter un métier qui, par les nouvelles dispositions militaires, mérite qu’on s’y attache. Puisque j’ai la parole, je profiterai, Messieurs, de cette occasion, pour vous annoncer que j’espère que le zèle soutenu des membres du comité militaire mettra les travaux qu’il lui reste à faire à même de vous être bientôt soumis; et que, dans 1 mois ou 6 semaines, il pourra vous demander lui-même sa destruction, et apprendre ainsi à la nation entière que le moment approche où l’Assemblée nationale verra se terminer ses immenses travaux. Je demande que le rapport du comité soit mis le premier à l’ordre du jour. ( Applaudissements .) (L’Assemblée décrète qu’elle entendra le rapport sur le recrutement , les efigagements et les congés.) M. de Boulhillier, rapporteur du comité militaire (1). Messieurs, vous avez décrété, le 16 décembre dernier, que l’armée serait recrutée par enrôlements volontaires. Ce décret, en laissant subsister le mode des remplacements usités jusqu’ici, impose à votre comité militaire la loi de vous présenter ses observations sur les formes en usage ajourd’hui, et (1) Ce document n’est pas inséré au Moniteur.