gg8 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [26 juillet 4790.1 des sommes très considérables pour planter sur les chemins publics des arbres qui n’ont encore pris aucune croissance; leur ordonner d’abattre ou plutôt d’arracher ces arbres, ce serait les constituer dans des pertes immenses; et encore s’il en résultait quelque avantage pour les particuliers ou pour l’Etat ! Mais non ; loin de là même (et c’est ici que se présentent ks considérations d’économie politique dont je viens de parler), l’avantage de l’Etat et celui des particuliers exigent impérieusement que les arbres dont il s’agit, continuent de croître dans les chemins publics. Considérez, en effet, Messieurs, combien le bois est déjà rare dans la plus grande partie de la France; cette substance si précieuse, si nécessaire à l’homme, et sans laquelle il ne peutni résister au froid, ni faire cuire ses aliments, ni exercer les arts les plus essentiellement liés à ses premiers besoins, tous les jours nous la voyons dépérir, soit par l’incurie du propriétaire, soit par son avidité qui appelle d’autres genres de culture, soit enfin, puisqu’il faut le dire, par les dévastations auxquelles se livre un brigandage que l’insouciance des tribunaux semble encourager. Pourriez-vous donc, dans de telles circonstances, ordonner la destruction des arbres qui sont l’espérance et la ressource de l’avenir? Non, ce serait douter et de votre justice et de votre sagesse, que de craindre une pareille loi; ce serait vous offenser, que de vous la proposer. Aussi, Messieurs, n’y a-t-il aucun membre de vos trois comités qui vous la propose. Mais ils se réunissent tous pour vous soumettre un moyen qui, si vous l’adoptez, réunira à l’avantage de faire cesser, du moment qu’on l’exécutera, les effets utiles du droit de voirie seigneuriale, l’avantage non moins précieux et non moins digne de toute votre attention, de laisser parvenir à leur maturité les arbres qui ont été plantés en vertu de ce droit. Ce moyen est très simple; il consiste à donner aux propriétaires riverains la faculté de racheter des ci-devant seigneurs voyers, les arbres plantés vis-à-vis de leurs propriétés. Par-là, vous concilierez avec ce que vous devez aux principes, ceque lajustice exige de vous pour l’intérêt privé des ci-devant seigneurs, et cequ’at-tend de vous l’intérêt public. Les principes seront respectés, puisque les effets utiles de la voirie seigneuriale ne survivront à ce droit, qu’autant que le voudront bien les propriétaires les plus intéressés à ies faire cesser. L’intérêt privé des seigneurs sera conservé, puisque le rachat des arbres qu’ils ont plantés, leur procurera l’équivalent de ce que ces arbres mêmes auraient pu leur rapporter, s’ils les avaient vendus dans leur état actuel. Enfin, il sera pourvu à l’intérêt public, puisque les propriétaires riverains n’auront garde d’abattre, avant leur maturité, des arbres dont ils auront payé la valeur. Tel est, Messieurs, le fond du projet de décret que nous avons l’honneur de vous présenter. Les détails qu’il contient s’expliquent assez par eux-mêmes. Projet de décret L’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Le régime féodal et la justice seigneuriale étant abolis, nul ne pourra dorénavant, à l’uo ou l’autre de ces deux titres, prétendre aucun droit de propriété ni de voirie sur les chemins publics, rues et places de villages, bourgs ou villes. Art. 2. En conséquence, le droit de planter des arbres ou de s’approprier les arbres crus sur les chemins publics, rues et places de villages, bourgs ou villes, dans les lieux où il était attribué aux ci-devant seigneurs par les coutumes, statuts ou usages, est aboli. Art. 3. Dans les lieux énoncés dans l’article précédent, les arbres existant actuellement sur les chemins publics, rues ou places de villages, bourgs ou villes, continueront d’être à la disposition des ci-devant seigneurs qui en ont été jusqu’à présent réputés propriétaires, sans préjudice des droits des particuliers qui auraient fait des plantations vis-à-vis leurs propriétés et n’en auraient pas été légalement dépossédés par les ci-devant seigneurs. Art. 4. Pourront néanmoins les arbres existant actuellement sur les rues ou chemins publics, être rachetés par les propriétaires riverains, chacun vis-à-vis sa propriété, sür le pied de leur valeur actuelle, d’après l'estimation qui en sera faite par des experts nommés par les parties, sinon d’office par le juge, sans qu’en aucun cas cette estimation puisse être inférieure au coût de la plantation des arbres. Art. 5. Pourront pareillement être rachetés par les communautés d’habitants, et de la manière ci-dessus prescrite, les arbres existant sur les places publiques des villes, bourgs ou villages. Art. 6. Les ci-devant seigneurs pourront,” en tout temps, abattre et vendre les arbres dont le rachat ne leur aura pas été offert, après en avoir averti par affiches, deux mois à l’avance, les propriétaires riverains et les communautés d’habitants, qui pourront respectivement et chacun vis-à-vis sa propriété ou les places publiques, les racheter dans ledit délai. Art. 7. Ne sont compris dans l’article 3 ci-dessus, non plus que dans les subséquents, les arbres qui pourraient avoir été plantés par les ci-devant seigneurs sur les fonds mêmes des riverains, lesquels appartiendront� ces derniers, en remboursant par eux les frais de plantation seulement. Art. 8. Ne sont pareillement comprises dans les articles 4 et 6 ci-dessus les plantations faites, soit dans les avenues, chemins privés et autres terrains appartenant aux ci-devant seigneurs, soit dans les parties de chemins publics qu’ils pourraient avoir achetées des riverains, à l’effet d’agrandir lesdits chemins et d’y planter; lesquelles plantations pourront être conservées et renouvelées par les propriétaires desdites avenues, chemins privés, terrains ou parties de chemins publics, en se conformant aux règles établies sur les intervalles qui doivent séparer les arbres plantés d’avec les héritages voisins. Art. 9. Il sera statué, par une loi particulière, sur les arbres plantés le long des chemins dits royaux. Art. 10. Les administrations de département seront tenues de proposer au Corps législatif les mesures qu’elles jugeront les plus convenables, d’après les localités et sur l’avis des districts, pour empêcher, tant de la part des riverains et autres particuliers, que des communautés d’habitants, tonte dégradation des arbres dont la conservation intéresse le public. M. Se Président met successivement aux voix les divers articles du projet de décret.